UNIVERSITE DE PARIS-DAUPHINE
ECOLE DOCTORALE DE DAUPHINE
Dauphine Recherche en Management (DRM)
N° attribué par la bibliothèque
De l’évaluation des stock options en « juste valeur » :
apport de l’approche comportementale
Thèse pour l’obtention du titre de
DOCTEUR EN SCIENCES DE GESTION
(Arrêté du 7août 2006)
Spécialité : Finance
Soutenu publiquement le 10 octobre 2012 par
Hamza BAHAJI
JURY
Directeur de recherche : Professeur Jean-François CASTA
Université Paris-Dauphine
Rapporteurs :
Professeur Michel MAGNAN
John Molson School of Business – Concordia University
Professeur Patrick ROGER
Université de Strasbourg
Suffragant :
Professeur Hubert DE LA BRUSLERIE
Université Paris-Dauphine
L’Université n’entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions
émises dans les thèses : ces opinions
doivent être considérées comme propres à
leurs auteurs.
Remerciements
La thèse est le fruit d’un long cheminement personnel qui doit son aboutissement aux contributions multiples d’un grand nombre de personnes. Aussi remercie-je toutes les personnes qui, de près ou de loin, m’ont aidé, orienté ou soutenu.
Je souhaite remercier tout d’abord mon directeur de recherche, le Professeur Jean-François CASTA, pour la confiance infaillible qu’il m’a témoignée pendant ce long parcours. Sa disponibilité, ses conseils, ses encouragements permanents et surtout son soutien indéfectible m’ont été des plus précieux pour la conduite de cette thèse et je lui en suis très reconnaissant.
Je tiens à remercier également le Professeur Patrick ROGER et le Professeur Michel MAGNAN pour avoir accepté d’êtres mes rapporteurs et le professeur Hubert de La BRUSLERIE de m’avoir fait l’honneur de participer au jury.
Mes sincères remerciements vont également aux membres de DRM Finance qui ont contribué à faire avancer mes réflexions à l’occasion de séminaires ou de présentations doctorales. Je souhaite ainsi vivement remercier le Professeur Jacques HAMON, le Professeur Edith GINGLINGER et Madame Clotilde NAPP pour leurs conseils.
J’exprime également toute ma gratitude aux collègues et aux responsables qui m’ont accompagné pendant mon parcours pour faire aboutir mon projet de thèse académique dans un environnement professionnel. Mes remerciements s’adressent plus particulièrement à Jean LAMBRECHTS, Khalid ARDEM, Farhat SELMI, Laurent EISENZIMMER, Abdel BENCHEIKH, Samir NAIT BACHIR et Emmanuel BOURDEIX.
Enfin, je réserve mes remerciements les plus chaleureux à ma famille. Toutes mes pensées vont à Tulipe pour son soutien sans failles et ses encouragements quand la motivation me trahissait. Je ne saurais remercier suffisamment mes parents chez qui j’ai puisé l’inspiration nécessaire pour me lancer dans cette voie et à qui je dédie ce travail.
« L’aléa n’est que le fruit du consentement de
l’homme à ses limites »
HB
A mes parents…
Liste des acronymes et des sigles
ACAM : Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles
ACP : Autorité de Contrôle Prudentiel
AMF : Autorité des Marchés Financiers
BS : Black & Scholes
BSM : Black & Scholes Merton
CNC : Conseil National de la Comptabilité
CNCC : Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes
CPT : Cumulative Prospect Theory
EUT : Expected Utility Theory
IFRS : International Financial Reporting Standards
IASB : International Accounting Standard Board
IASC : International Accounting Standard Committee
MAPE : Mean Absolute Percentage Errors
MCG : Moindres Carrés Généralisés
MCO : Moindres Carrés Ordinaires
MSPE : Mean Squared Percentage Errors
OLS : Ordinary Least Square
OTC : Over The Counter
vNM : von Neumann et Morgenstern
Sommaire
Remerciements ... 1
Sommaire ... 2
Introduction générale... 3
Partie I - Comportement décisionnel et juste valeur des instruments financiers... 15
Introduction de la première partie ... 16
Chapitre I - Le contexte de recherche : réflexion sur le principe de la juste valeur par le
modèle ... 19
Chapitre II - La littérature comportementale : le cadre normatif en question et le cadre
descriptif comme alternative ... 38
Chapitre III - Le cas des stock options : cadre théorique et questions de recherche... 75
Chapitre IV – Posture épistémologique et démarche méthodologique ... 91
Conclusion de la première partie... 96
Partie II –L’exercice et l’évaluation des stock options sous l'éclairage de l'approche
comportementale ... 98
Chapitre V - Contribution à l'analyse empirique des déterminants du comportement
d'exercice des stock options ... 100
Chapitre VI- “Incentives from stock option grants: a behavioural approach” ... 145
Chapitre VII- “Employee stock option fair value: a CPT-based approach” ... 170
Conclusions générales ... 209
Références bibliographiques ... 213
Annexes... 226
Introduction générale
’émergence de la notion de la « juste valeur » a engendré une véritable mutation
conceptuelle, favorisée par le manque de pertinence, puis par le déclin, du modèle
comptable standard fondé sur le principe du coût historique. Cette convention d’évaluation
comptable permettrait alors de répondre au besoin de production d’informations financières
pertinentes, afin de rendre compte notamment de la création de valeur pour les actionnaires.
Elle a été préconisée d'abord par le référentiel comptable du FASB, puis par celui de l’IASC,
notamment dans le cas des instruments financiers. La posture adoptée par ces référentiels
comptables, consistant à considérer que la juste valeur d’un actif correspond à la valeur
actuelle de ses flux futurs anticipés, prône une conception empruntée à la théorie de la valeur.
Cette notion a été définie comme "le prix qui peut être reçu pour acquérir un actif ou
payé pour transférer un passif dans le cadre d’une transaction ordinaire entre des
participants d’un marché à la date d’évaluation". Dans le cas d’instruments financiers côtés
sur les marchés, la juste valeur revêt la notion de valeur de marché
1- autrement dit prix
d’échange
2ou même prix de sortie
3- qui s’établit sur les marchés financiers et qui résulterait
des anticipations des investisseurs (i.e. leur espérance des cash-flows futurs générés par
l’instrument) et de leurs préférences de risque (i.e. leur taux d’actualisation de cette
espérance). Ainsi, le point de départ de l’étude des processus de formation des prix (autrement
dit de l’établissement de la juste valeur) sur les marchés est le cadre théorique portant sur le
comportement décisionnel des agents : la manière dont ils formulent leurs préférences et
actualisent leurs croyances. Le cadre normatif de la théorie de l’utilité espérée due à von
Neumann et Morgenstern est incontestablement le cadre dominant en économie financière.
Néanmoins, ce cadre a montré plusieurs limites dues notamment à son incapacité de rendre
compte de certains comportements avérés des individus. Ces comportements déviant du cadre
normatif ont alors été qualifiés de paradoxes (Allais, 1953; Ellsberg, 1961). Sur les marchés
financiers plus particulièrement, l’observation de certaines anomalies, ayant pour
1 La valeur de marché d’un actif financier, lorsqu’elle est observable, correspond au niveau-1 dans la hiérarchie de la détermination de la juste valeur établie par les normes IFRS 13 et SFAS 157.
2 Cette notion correspond à la définition données par les normes IAS 39 et SFAS 157.
3 Cette notion correspond à la définition donnée par la norme IFRS 13 sur la mesure de la juste valeur.
L
conséquence la persistance de niveaux de prix erronés, est en contradiction avec le postulat de
rationalité parfaite des investisseurs associé à la théorie de l’utilité espérée. Ces anomalies,
qui témoignent de la divergence des prédictions du modèle normatif par rapport au
comportement avéré des investisseurs, ont été étudiées dans le cadre d’une vaste littérature
connue sous le nom de la Finance Comportementale. En s’appuyant sur des approches issues
de l’économie expérimentale et sur un corps de connaissances développées en psychologie de
la décision, ce courant de recherche explique ces déviations par les limites des ressources
cognitives des individus (i.e. biais cognitifs) plutôt que d’évoquer leur irrationalité. Certains
travaux ont réussi à donner une explication valable à certains phénomènes paradoxaux
observés sur les marchés financiers, en s’appuyant sur la théorie des perspectives (Prospect
Theory), une théorie descriptive reconnue désormais comme une sérieuse alternative à la
théorie de l’utilité espérée.
En revanche, lorsqu’il s’agit d’instruments non côtés sur les marchés ou illiquides, tels
que les instruments dérivés complexes négociés de gré-à-gré, le recours à des modèles
d’évaluation théoriques pour la détermination de la juste valeur devient indispensable. Le
principe de la juste valeur par le modèle, dit également « Mark-to-Model », est par ailleurs
préconisé par les normes US GAAP et IFRS dans le cas de cette catégorie d’instruments. Pour
ce qui est de la mise en œuvre de ce principe, ces normes laissent aux entreprises une grande
latitude pour le choix du modèle qui leur semble le plus adapté. Toutefois, dans le cas
particulier des instruments dérivés complexes, les normes recommandent l’application des
modèles financiers « largement admis » : à titre d’exemples, le modèle de Black &
Scholes-Merton (BSM) ou les modèles classiques d’arbres pour l’évaluation des instruments
optionnels
4…des modèles simples enracinés dans la doctrine financière. Or, la majorité des
modèles d’évaluation qui constituent des standards de pratiques financières, et que nous
pouvons qualifier ainsi de «
largement admis
», sont fondés sur des formalismes
mathématiques qui reposent, de manière directe ou indirecte, sur un postulat de rationalité
normative des agents économiques. Ce postulat est alors explicité dans le modèle lorsque le
comportement de l’investisseur affecte directement les cash flows futurs de l’instrument, tel le
cas de l’exercice des options américaines et bermudiennes. Il peut être également intégré
d’une manière implicite dans le sens où il sous-tendrait une théorie sous-jacente à une brique
du modèle. Ceci est le cas par exemple des processus log-normales, utilisés dans certains
4 Voir par exemple le paragraphe A13 de la norme SFAS 123R ; les paragraphes 18b, B15 et C63 de la norme SFAS 157 ; et le paragraphe 61 de la note d’analyse de l’IASB sur la mesure de la juste valeur (Discussion
modèles d’évaluation d'options (ex : le modèle de BSM) afin de représenter la dynamique du
cours des actions. Cette spécification log-normale trouve sa justification théorique dans
l’hypothèse de l’efficience des marchés. Or, comme nous l’avons souligné dans le paragraphe
précédent, cette forme de rationalité normative prêtée aux investisseurs financiers est de plus
en plus remise en cause, notamment par des travaux en Finance Comportementale qui
postulent une forme de rationalité alternative dite contingente ou limitée. Certains de ces
travaux, s’appuyant sur la théorie des perspectives, semblent avoir brillamment réussi à
expliquer des paradoxes et des anomalies observées sur les marchés financiers et qui sont aux
antipodes de l’hypothèse de l’efficience.
C’est ici que se pose donc dans un premier temps, et avec acuité d’ailleurs, la question de
la pertinence des approches d'évaluation ancrées dans les pratiques financières pour
l'estimation de la juste valeur, plus particulièrement dans les cas faisant appel à une
représentation explicite du comportement décisionnel de l'agent économique (ex : stock
options, produits optionnels d'épargne...). Dans ces cas, la représentation de la composante
comportementale par des hypothèses normatives, ne dessert-elle pas l'objectif fondamental de
pertinence de la juste valeur ? En d’autres termes, la valeur déterminée par ces modèles
constitue-t-elle une estimation fiable de la juste valeur, compte tenu de la réalité du
comportement des agents économiques ? Ou, au contraire, comporterait-elle un biais de
cohérence interne qui remettrait en question ce critère de pertinence ? La quête de la juste
valeur est rendue à présent critique, suite notamment à l’introduction des normes comptables
internationales. Celles-ci préconisent l’application du principe de l’évaluation basée sur le
modèle aux instruments financiers non côtés sur les marchés et recommandent pour ce faire
l’adoption des modèles financiers « largement admis ». Les problématiques liées aux modèles
sont devenues ainsi une préoccupation des comptables également. Force est d’admettre par
ailleurs que ce principe d’évaluation est devenu de plus en plus indispensable,
particulièrement depuis la crise financière de 2007-2008 qui a été caractérisée par un
assèchement de la liquidité de certaines classes d’actifs. Il était devenu alors impossible de
déterminer la juste valeur de ces instruments sur la base de leurs prix sur les marchés.
En effet, la problématique posée par la représentation de la composante comportementale
dans les modèles d’estimation de la juste valeur des instruments financiers est sans nul doute
bien illustrée au travers du cas des stock options, cas sur lequel nous avons concentré nos
travaux de recherche dans le cadre de cette thèse. De fait, le payoff de ce type d’options, et par
conséquent leur valeur économique, dépend du comportement d’exercice des salariés
bénéficiaires ou, en d’autres termes, de la façon dont ces derniers en disposent. Par ailleurs,
étant données les restrictions portant sur la couverture et la cession de ces instruments risqués,
les employés les valoriseraient d’une manière « subjective ». La valeur qu’ils attribueraient
subjectivement à leurs options découle directement de leurs préférences de risque et de la
manière dont ils formulent leurs croyances. Or, la manière dont ils en disposeraient, autrement
dit leur comportement d’exercice de ces options, est subordonnée à cette évaluation
subjective. Ainsi, l’hypothèse fondamentale dans la construction d’un modèle d’évaluation de
stock options porte sur la façon dont les salariés formulent leurs préférences de risque et leurs
anticipations. Si cette hypothèse s'écarte largement du comportement décisionnel avéré des
salariés bénéficiaires, tel qu'observé empiriquement par exemple, il en résultera alors un
manque de fiabilité de l'estimation de la juste valeur de ces instruments. Cela impliquera au
final un manque de pertinence de la valeur déterminée comme mesure du coût de l'avantage
attribué aux salariés.
La littérature académique a porté beaucoup d’intérêt à la problématique d’évaluation des
stock options compte tenu du comportement d’exercice des porteurs. Certains papiers se sont
appliqués à développer des modèles d’évaluation théoriques fondés sur des hypothèses
relatives à la politique d’exercice des salariés. La majorité des modèles proposés dans cette
littérature supposent que le salarié est un agent économique parfaitement rationnel, dans le
sens où il mettrait en place une stratégie d’exercice optimale qui maximiserait son espérance
d’utilité, conformément au cadre normatif de l’utilité espérée (Huddart, 1994; Markus and
Kulatilaka, 1994; Carpenter, 1998…). D’autres approches, très usitées en pratique pour
l’estimation de la juste valeur des stock options sous les normes IFRS 2 et SFAS 123R,
consistent à modéliser la stratégie d’exercice d’une façon exogène sous forme de barrières de
cours d’exercice optimales (Hull and White, 2004; Cvitanic et al., 2004). Tous ces modèles
conduisent à occulter la réalité du comportement du salarié quant à l’exercice de ses options,
telle que révélée par plusieurs études empiriques (Huddart and Lang, 1996; Heath et al.,
1999…). Ces études montrent que le comportement d’exercice des salariés est dicté par un
mix complexe de facteurs économiques et de facteurs psychologiques. Les résultats que
renvoient lesdits modèles d’évaluations, censés représenter la juste valeur des stock options,
demeurent ainsi très discutables.
Par ailleurs, la rémunération incitative à base d’actions – les stock options en font partie –
constitue un domaine d’application théorique qui dévoile certaines limites du cadre normatif
de l’utilité espérée. Tout d’abord, comme le soulignent Dittmann et Maug (2007) dans le
cadre d’une approche principal - agent, la théorie de l’utilité espérée éprouve des difficultés à
prédire l’existence d’instruments convexes, tels que les stock options, dans le contrat de
rémunération optimal d’un dirigeant. De plus, les recherches portant sur l’effet incitatif des
stock options, telles que celles de Hall and Merphy (2000, 2002) ou encore celle de
Henderson (2005), s’accordent toutes à conclure que les stock options sont des instruments
inefficients d’incitation à la performance dès lors que leur attribution s’effectue dans le cadre
de l’enveloppe globale de rémunération du dirigeant. Autrement dit, toute attribution
supplémentaire de stock options lui sera accordée en contrepartie d’une diminution des autres
composantes de sa rémunération. Plus encore, un résultat commun de tous les modèles
d’évaluation subjective des stock options fondés sur la théorie de l’utilité espérée est que, du
point de vue d’un employé averse au risque, la valeur de ses stock options est inférieure à leur
valeur économique (i.e. leur valeur risque neutre). Or, ce résultat contraste avec plusieurs
études expérimentales révélant que les salariés tendent parfois à surestimer la valeur de leurs
stock options (Lambert et Larcker, 2001; Hodge et al., 2006; Sawers et al., 2006; Hallock et
Olson, 2006; Devers et al., 2007). Aussi, au vu de ces limites avérées du cadre normatif quant
à l’explication de certaines caractéristiques de la rémunération fondée sur les stock options, se
pose-t-il la question de l’intérêt de recourir à un cadre théorique alternatif plus pertinent pour
la description des préférences de risque des porteurs de stock options.
Une alternative sérieuse au cadre normatif serait le cadre comportemental et plus
particulièrement la théorie des perspectives ou "Prospect Theory" due à Kahneman et Tversky
(1979, 1992). Ce cadre descriptif s’est avéré très fécond
5notamment dans l’élucidation de
certains paradoxes financiers tels que le paradoxe de la prime de risque des actions (Benartzi
et Thaler, 1995) et celui de l’écart de volatilité des actions par rapport à celle de leurs
dividendes (Campbell, 1999). Il a également produit des résultats intéressants dans l’analyse
du comportement des investisseurs individuels et des épargnants (Pfiffelmann et Roger,
2005 ; Broihanne, Merli et Roger, 2012). Plus récemment, la théorie des perspectives a servi
de socle théorique à des travaux très concluant portant sur l’optimalité du contrat de
rémunération des dirigeants (Dittmann et al., 2010) et sur l’effet incitatif des stock options
(Bahaji, 2011). Elle se présente ainsi comme un "bon candidat" pour analyser et modéliser le
comportement décisionnel des porteurs de stock options.
L’objectif de cette thèse est de mettre en perspective la dimension comportementale dans
la problématique de la pertinence des modèles d'estimation de la juste valeur des instruments
financiers. Cette mise en perspective est établie au travers du cas de l’exercice et de
l’évaluation des stock options. Nous nous démarquons par rapport aux travaux existants dans
la littérature - fondés majoritairement sur le cadre normatif de l’utilité espérée - en abordant
cette problématique sous l’angle de l’économie comportementale. Nous nous sommes
focalisés plus spécifiquement sur l’éclairage de la théorie des perspectives. L'axe central
d'analyse porte ainsi sur la pertinence de la représentation du comportement des optionnaires
dans ce cadre théorique. L'intérêt de cette analyse réside dans les propositions normatives sur
l'évaluation en juste valeur des stock options auxquelles elle mène. Ces propositions servent
alors l'objectif de la pertinence de l'information véhiculée par la juste valeur sur le coût
d'attribution des stock options. Cet axe revêt également des intérêts d'ordre pratique, tels que
l'estimation de l'impact des levées des stocks options sur la dilution du capital (dans le cas des
options dénouées en actions) ou sur la trésorerie de l'entreprise (dans le cas de stock options
dénouées en cash). Il débouche par ailleurs sur un axe d'analyse auxiliaire. Ce dernier porte
sur la capacité du cadre descriptif que représente la théorie des perspectives à démystifier
certaines questions relevant des pratiques de rémunération à base de stock options. L'intérêt
serait alors de proposer un nouveau cadre d'analyse des effets incitatifs de ces instruments de
rémunération. Ceci permettrait de formuler des propositions sur le design optimal des plans de
stock options.
Nous avons décliné la problématique générale en trois axes de recherche, que nous avons
traités dans le cadre de trois articles (chapitres) :
-
Le premier axe porte sur les facteurs déterminant le comportement d’exercice des
porteurs de stock options, plus particulièrement les facteurs psychologiques ;
-
Le deuxième s’intéresse à l’évaluation subjective des stock options (i.e. la valeur du
point de vue de l’employé) et aux effets incitatifs qui en découlent ;
-
Dans le dernier axe nous nous sommes recentrés sur la pertinence de la théorie des
perspectives pour l’estimation de la juste valeur des stock options, cette pertinence
étant perceptible au travers de la performance du modèle dans la prédiction du
comportement d’exercice des employés.
Ces trois axes d’analyse peuvent déboucher à la fois sur des développements d’ordre
positif, en décrivant le monde tel qu’il est (ex. Le comportement d'exercice des salariés est-il
empreint de biais psychologiques ?), et d’ordre normatif, en formulant des propositions pour
décrire le monde tel qu’il devrait être (ex. Quelle modélisation serait la plus pertinente pour
l'estimation de la juste valeur des stock options compte tenu du comportement d'exercice
avéré des employés ?).
Nos travaux adoptent une posture positiviste (Comte, 1853). La posture épistémologique
que nous avons choisie est confortée par la posture dominante dans la littérature. En effet, la
grande majorité des travaux dans la littérature portant sur les trois axes de recherche que nous
avons identifiés prônent un paradigme positiviste. Les connaissances produites par nos
recherches seront ainsi plus facilement opposables à une littérature élaborée dans un cadre
épistémologique similaire au notre. Nous sommes néanmoins conscients du fait que d’autres
paradigmes épistémologiques peuvent également être mobilisés afin d'analyser notre
problématique de recherche tels que les approches constructivistes, critiques et relativistes.
Les axes de recherche sur le comportement d’exercice des salariés et sur l'estimation de la
juste valeur des stock options dans le cadre de la théorie des perspectives ont été abordés dans
un cadre empirique selon une démarche hypothético-déductive
6. L’éclairage
hypothético-déductif facilite ainsi la formulation de propositions normatives sur l'approche d'estimation de
la juste valeur des stock options. En revanche, la démarche poursuivie pour répondre à la
question de recherche relative à l’évaluation subjective des stock options et à leurs effets
incitatifs peut être assimilée à une démarche inductive.
Il est à noter enfin que la démarche poursuivie dans cette recherche est objective dans le
sens où elle est « totalement indépendante de l’affirmation de quiconque prétendant connaître
[...et] indépendante de la croyance d’une quelconque personne, ou de sa disposition à
admettre, ou à affirmer, ou à agir » (Popper, 1978). Elle est sujette de ce fait à des biais
méthodologiques.
Cette thèse est structurée en deux parties dont l’articulation est synthétisée dans le
schéma-1. La première partie introduit la problématique de recherche. Elle a pour objectif de
mettre en lumière l’articulation des aspects comportementaux des agents économiques et de la
problématique d’estimation de la juste valeur des instruments financiers par le modèle en se
focalisant sur le cas des stock options. Nous avons tenté dans cette partie de mettre en exergue
l’intérêt de repenser les modèles d’estimation de la juste valeur dans un cadre théorique
alternatif à celui de l’utilité espérée. Le premier chapitre de cette partie introduit le contexte
de recherche en proposant une réflexion sur le principe de la juste valeur par le modèle. Le
deuxième chapitre passe en revue les cadres théoriques relatifs au comportement décisionnel
des agents économiques. Nous exposerons dans ce chapitre les limites du cadre normatif et
nous avancerons le cadre descriptif comme alternative. Dans le troisième chapitre nous nous
focaliserons sur la question de la pertinence des hypothèses comportementales dans les
modèles de détermination de la juste valeur des stock options. Nous présenterons également
dans ce chapitre le cadre conceptuel d’analyse, puis nous introduirons les questions de
recherche traitées dans la deuxième partie de cette thèse. Ce chapitre comporte par ailleurs un
exemple simplifié d’évaluation subjective des stock options qui illustre le lien entre la valeur
des actifs risqués établie par les agents économiques et la manière dont ces derniers formulent
leurs préférences de risque. Cet exemple met par ailleurs en relief l’intérêt du recours à la
théorie des perspectives comme potentielle alternative à la théorie de l’utilité espérée. Le
dernier chapitre expose le cadre épistémologique de nos recherches ainsi que le schéma
méthodologique retenu.
La deuxième partie est constituée de trois chapitres. Le premier chapitre traite, au travers
d’une étude empirique, de la problématique des déterminants du comportement d’exercice des
porteurs de stock options. Cette étude tente plus particulièrement de compléter les travaux
antérieurs sur les déterminants psychologiques du comportement d’exercice en apportant un
éclairage supplémentaire sur certains de ces facteurs. Nous avons testé empiriquement trois
familles de facteurs, à savoir des facteurs économiques, des facteurs psychologiques et des
facteurs caractéristiques de l’environnement de la prise de décision. Pour ce faire, nous avons
utilisé un échantillon de 52 534 transactions d’exercice de stock options dans 12
multinationales cotées aux Etats-Unis. Nous avons alors testé deux modèles de régressions
différents :
- Un modèle individuel explicatif de l’horizon de détention des stock options : ce
modèle a pour objectif d’étudier le comportement individuel des optionnaires en
tenant compte de certains facteurs caractéristiques de leurs situations individuelles,
tels que le rang hiérarchique et le niveau de diversification des risques ;
- Un modèle agrégé expliquant l’intensité des exercices : dans ce modèle, il s’agit
d’analyser les déterminants du comportement d’exercice des salariés, en tenant compte
de l'hétérogénéité de ce comportement à la fois dans ses dimensions temporelle et
individuelle au niveau des entreprises.
Les résultats obtenus sont cohérents avec les conclusions de la littérature empirique et
viennent confirmer que le comportement d’exercice dépend aussi bien de facteurs rationnels
que de facteurs psychologiques. Ils montrent en plus que l’horizon de détention des stock
options est négativement corrélé au risque spécifique de l’entreprise et que le comportement
d’exercice des salariés dénote d’une myopie résultant du biais de comptabilité mentale. Ces
résultats confirment par ailleurs l’existence d’un lien entre le comportement d’exercice et
l’enracinement des stock options dans la culture sectorielle de l’entreprise. Enfin, notre étude
révèle une hétérogénéité de ce comportement dans ses dimensions temporelle et individuelle.
En conclusion, les résultats de cette étude mettent l’emphase, bien qu’indirectement, sur
l’importance de la prise en compte des facteurs comportementaux dans la modélisation de la
politique d’exercice des stock options, spécifiquement dans le cadre de la construction des
modèle d’estimation de la juste valeur.
Dans le deuxième chapitre, nous analysons conceptuellement, dans le cadre de la théorie
des perspectives, l’évaluation des stock options du point de vue de l’employé (i.e. la valeur
subjective) ainsi que leur effet incitatif impliqué par cette évaluation subjective. Le postulat
de base sous-jacent à ce travail consiste à admettre que l’employé formule ses préférences de
risque tel que le décrive la théorie des perspectives cumulative. En partant de ce cadre et en se
basant sur le principe de l’équivalence certaine, nous avons dérivé une formule analytique qui
exprime la valeur subjective de l’option en fonction des paramètres des préférences de risque
et des paramètres de marché. Nous avons démontré alors que cette valeur subjective est
décroissante en fonction du niveau d’aversion aux pertes de l’employé et qu’elle est croissante
en fonction de son degré de pondération de probabilités. De plus, nous avons montré, au
travers de simulations numériques, que la composante relative à la surpondération des faibles
probabilités de larges gains peut conduire l’employé à surestimer la valeur de ses options par
rapport à leur valeur risque-neutre. Ce résultat contredit alors les prédictions des modèles
fondés sur la théorie de l’utilité espérée. Par ailleurs, nous avons analysé l’effet incitatif à la
performance en s’alignant sur sa définition dans la littérature comme étant la dérivée première
de la valeur subjective par rapport au cours de l’action sous-jacente. Pour ce faire, nous avons
repris la méthodologie introduite par Hall et Murphy (2002). Nos résultats contrastent encore
une fois avec ceux des modèles de l’utilité espérée dans la littérature. Ils montrent en effet
que, sous l'hypothèse que l’employé et l’entreprise négocient d’une manière efficiente les
termes du contrat de rémunération, les stock options optimales (i.e. qui maximisent
l’incitation à la performance) sont celles qui ont des prix d’exercice au voisinage du cours de
l’action au moment de l’attribution (i.e. attribuées autour de la monnaie). Ces résultats
contribuent alors à confirmer la validité du cadre de la théorie des perspectives dans la
prédiction de certaines pratiques de rémunération à base de stock options. Le dernier point
exploré dans ce chapitre est l’effet incitatif des stock options à la prise de risque. Nous avons
défini cet effet comme la dérivée première de la valeur subjective par rapport à la volatilité de
l'action sous-jacente. En s’appuyant sur des simulations numériques, nous avons montré
qu’un dirigeant averse aux pertes, bénéficiant de stock options et ayant un degré de
pondération de probabilité assez élevé, peut être incité à prendre plus de risques qu’un
dirigeant neutre au risque qui détient des stock options similaires. En résumé, les conclusions
de ce chapitre mettent en avant la théorie des perspectives comme un prometteur candidat
pour l’analyse du comportement d’exercice des optionnaires et, par conséquent, pour la
modélisation de la juste valeur des stock options.
Le dernier chapitre de cette thèse aborde, dans le cadre de la théorie des perspectives, la
problématique de la modélisation de la stratégie d’exercice optimale des stock options, et ce
dans l’objectif de l’estimation de leur juste valeur. Ce travail propose un modèle binomial
d’évaluation de stock options où la décision d’exercice consiste à maximiser l’utilité procurée
par les gains de l’exercice pour le porteur de l’option. Ce modèle postule une forme de
préférences pour l’employé telle que celle décrite par la théorie des perspectives cumulative.
Il intègre par ailleurs des paramètres représentatifs de facteurs exogènes pouvant précipiter la
décision d’exercice ou d’abandon des options. Nous avons testé les performances du modèle
en terme de prédiction du comportement d’exercice de 7 125 employés appartenant à 12
firmes américaines cotées sur le NYSE et sur le NASDAQ. Cet échantillon comporte 35 086
transactions d’exercice individuelles pendant la période de 1985 à 2006. De plus, nous avons
comparé la performance de notre modèle à celles de deux benchmarks. Le premier est le
modèle introduit par Carpenter (1998) fondé sur le cadre de l’utilité espérée. Le deuxième
modèle est une variante du modèle binomial standard d’évaluation des options américaines
qui comporte un état d’arrêt poissonnien survenant avec une probabilité fixe. Nos résultats
empiriques montrent que le modèle proposé surperforme nettement les deux autres modèles
concurrents. Ceci confirme donc la supériorité du cadre de la théorie des perspectives pour
rendre compte du comportement d’exercice des porteurs de stock options. Enfin nous avons
calculé la juste valeur du contrat de stock options moyen dans l’échantillon à partir de chaque
modèle. Puis nous avons comparé les valeurs obtenues à celles déterminées à partir de deux
approches très usitées en pratique (dans le cadre des normes comptables IFRS 2 et SFAS
123R) pour la détermination de la juste valeur des stock options : le modèle BSM ajusté à la
durée de vie espérée de l’option et le modèle à barrière optimale d’exercice introduit par Hull
et While (2004). Les résultats obtenus permettent de conclure que ces deux approches
conduisent à surestimer la juste valeur des options. Enfin, nous avons constaté que les
modèles comparés ont des sensibilités différentes aux paramètres de marchés, en particulier la
volatilité du cours de l’action sous-jacente. Par conséquent, dans le cas des stock options
dénouées en cash, l’ajustement annuel de la juste valeur, et donc du coût d’attribution, sera
très sensible à la nature du modèle utilisé toute chose étant égale par ailleurs.
Partie-1
Comportement décisionnel et juste valeur des instruments financiers : cadre conceptuel et problématisation.
Schéma-1 : Articulation de la thèse
Chapitre IV Posture épistémologique et démarche méthodologique. Chapitre II La littérature comportementale : le cadre normatif en question et le cadre descriptif comme
alternative.
Partie-2
L’exercice et l’évaluation des stock options sous l'éclairage de l'approche comportementale.
Chapitre I Le contexte de
recherche : réflexion sur le principe de la
juste valeur par le modèle.
Introduction générale
Conclusion générale
Chapitre III
L'analyse du cas des stock options : cadre théorique et questions
de recherche.
Chapitre V
Contribution à l'analyse empirique des déterminants du
comportement d’exercice des stock options.
Chapitre VI
“Incentives from stock option grants: a behavioural approach”.
Chapitre VII “Employee stock option fair
value: a CPT-based approach”.
Partie I - Comportement décisionnel et juste
valeur des instruments financiers
Introduction de la première partie
Afin de répondre au besoin de pertinence de l’information comptable, permettant de
rendre compte de la création de valeur actionnariale, les normes US GAAP et IFRS
préconisent une convention d’évaluation comptable à la juste valeur. Elles prônent à cet égard
une conception empruntée à la théorie de la valeur en considérant que la juste valeur d’un
actif correspond à la valeur actuelle de ses flux futurs anticipés.
De fait, la détermination de la juste valeur des actifs financiers non côtés sur les marchés
ou illiquides, tels que les instruments dérivés complexes négociés de gré à gré, nécessite le
recours à des modèles théoriques d’évaluation permettant de d’estimer l’espérance des cash
flow futurs actualisés. Le principe de la juste valeur par le modèle (dit également «
Mark-to-Model ») est préconisé ainsi par lesdites normes dans le cas spécifique de cette catégorie
d’instruments. Pour ce qui est de la mise en œuvre de ce principe, ces normes laissent aux
entreprises une grande latitude pour le choix du modèle qui leur semble approprié. Toutefois,
dans le cas particulier des instruments dérivés complexes elles recommandent l’application
des modèles financiers « largement admis » tels que le modèle de Black-Scholes-Merton
(BSM) ou les modèles binomiaux pour l’évaluation des options. Autrement dit, les modèles
qui sont ancrés dans la doctrine des pratiques financières des entreprises, grâce notamment à
leur simplicité et à la facilité de leur implémentation.
Or, la majorité des modèles d’évaluation qui constituent des standards des pratiques
financières (que nous pouvons qualifier ainsi de « largement admis ») sont fondés sur des
formalismes mathématiques qui reposent sur un postulat de rationalité normative des agents
économiques. Ce postulat peut être alors explicité dans le modèle lorsque le comportement de
l’investisseur affecte directement le payoff de l’instrument, tel le cas de l’exercice des options
américaines et bermudiennes. Certes, le cadre dominant en économie financière est
incontestablement celui de la théorie de l’utilité espérée. Cependant, ce cadre normatif a été
pris en défaut à cause notamment de son incompatibilité avec certains comportements
observés chez les individus et qualifiés de paradoxes (Allais, 1953; Ellsberg, 1961). Sur les
marchés financiers plus particulièrement, l’observation de certaines anomalies ayant pour
conséquence la persistance de prix erronés réfute le postulat de rationalité parfaite des
investisseurs. Ces anomalies, qui témoignent de la divergence des prédictions du modèle
normatif par rapport au comportement avéré des investisseurs, ont été étudiées dans le cadre
d’une vaste littérature connue sous le nom de la Finance Comportementale. Ce courant de
recherche explique alors ces déviations par les limites des ressources cognitives des individus
(i.e. biais cognitifs) plutôt que d’évoquer leur irrationalité. Certains travaux ont réussi à
donner une explication valable à certains phénomènes paradoxaux observés sur les marchés
financiers en s’appuyant sur la théorie des perspectives. Cette théorie descriptive est reconnue
désormais comme une sérieuse alternative à la théorie de l’utilité espérée.
Occulter la réalité des aspects comportementaux des investisseurs dans la construction des
modèles d’évaluation des actifs qui leur sont destinés reviendrait alors à promouvoir des
modèles d’évaluation normatifs et conventionnels, plutôt que des modèles de la
«juste valeur». L’objectif du principe du « Mark-to-Model » serait-il donc d’aboutir à une
valeur « rationnelle » qui découle des préférences et des anticipations d’un investisseur
représentatif rationnel, ou au contraire de parvenir à une valeur pertinente compte tenu du
comportement décisionnel avéré des agents. Autrement dit, un prix qui s’établirait sur les
marchés si l’instrument en question était côté. Cette problématique de validité des postulats
comportementaux sous-tendant les modèles d’évaluation pourrait conduire ainsi à une
incompatibilité avec l’objectif affiché du principe du «
Mark-to-Model », à savoir
l’aboutissement à une valeur comptable pertinente.
Le cas des stock options constitue un exemple typique qui illustre bien cette
problématique. Rappelons de prime abord que les stock options sont des instruments de
rémunération incitative attribués par l’entreprise à certains salariés. Mais il s’agit avant tout
d’options incessibles (le plus souvent de type bermudien) dont le sous-jacent est le titre de
l’entreprise et dont la couverture est difficilement réalisable, voire inaccessible au
bénéficiaire. Par ailleurs, les stock options constituent des instruments de fonds propres qui en
vertu de la norme IFRS 2 doivent être évalués, puis comptabilisés, à leur juste valeur. Or,
cette juste valeur, qui n’est autre qu’une espérance du payoff de l’option, est fonction du
comportement d’exercice de l’optionnaire. Ce comportement est à l’évidence dicté par les
préférences de risque de ce dernier ainsi que par la manière dont il formule ses croyances. La
dimension comportementale ne peut ainsi être occultée dans l’estimation de la juste valeur des
stock options. Au-delà des enjeux d’évaluation comptable, cette dimension comportementale
pourrait revêtir une importance capitale pour l’entreprise dès lors qu’il s’agisse de cerner des
problématiques de pilotage de la dilution du capital, ou encore des aspects de gestion de
trésorerie liées aux stock options dénouées en cash (cash settled).
Théorie de la valeur
Valeur par le modèle Valeur de marché
Espérance des cash flows actualisés
Anticipations
Préférences des risques
C
Coonncceepptt ddee llaa JJuussttee VVaalleeuurr Normes comptables
anglo-saxonnes (IASB et FASB)
Modèles standards « largement admis » et endoctrinés Modèles comportementaux Prix rationnel ou conventionnel Juste prix
Prix efficients Prix erronés
(« misspricings ») Théorie de l’efficience Finance comportementale C Caaddrreennoorrmmaattiiff C Caaddrre eddeessccrriippttiif f
Schéma-2 : Rationalité contingente et juste valeur des actifs financiers
Instruments côtés (ex : actions) Instruments de gré à gré
(ex : stock options)
Focalisée sur le cas des stock options (voir schéma-2), cette partie a pour objectif de
porter la lumière sur l’articulation des aspects comportementaux des agents économiques et
de la problématique d’estimation de la juste valeur des actifs financiers par le modèle. Le
premier chapitre introduit le contexte de recherche en proposant une réflexion sur le principe
de la juste valeur par le modèle. Le deuxième chapitre sera consacré à une revue des cadres
théoriques relatifs au comportement décisionnel des agents. Dans le troisième chapitre nous
nous focaliserons sur la question de la validité des hypothèses comportementales dans les
modèles de détermination de la juste valeur des stock options. Nous présenterons également
dans ce chapitre le cadre conceptuel d’analyse puis nous introduirons les questions de
recherche traitées dans la deuxième partie de cette thèse. Le dernier chapitre expose le cadre
épistémologique de nos recherches ainsi que le schéma méthodologique retenu.
Chapitre I - Le contexte de recherche : réflexion sur
le principe de la juste valeur par le modèle
« Les dysfonctionnements qu’ont connus […] les marchés financiers […] ont réactivé au sein de la
communauté des économistes toute une série de débats, parfois fort anciens, sur l’efficacité des marchés. Au centre de
ces débats est la question de la pertinence des prix qui s’y forment : expriment-ils de manière satisfaisante les
contraintes propres aux activités de production et d’échange, ou sont-ils les produits d’une psychologie de masse
partiellement, voire totalement, déconnectée de ces réalités ? »
André Orléan, 1989
ierre angulaire des normes comptables internationales, le principe d’évaluation et de
comptabilisation à la juste valeur a ressuscité pendant la récente crise financière de
2007-2008 de vieux débats portant sur la pertinence de son application aux comptes des
établissements financiers. De toute évidence, l’obligation d’appliquer la norme IAS 39 aux
instruments financiers portés dans les bilans des banques a contribué à précipiter la déferlante
de la crise sur le secteur financier qui a été fatale pour certains établissements comme Lehman
Brothers. En effet, la brutale chute des marchés a été retranscrite mécaniquement dans les
bilans des banques sous forme d’une dévaluation des instruments financiers détenus, ce qui
s’est traduit par un effondrement de leurs capitalisations boursières. Face à cette situation
critique, où il était devenu très difficile d’évaluer la solvabilité des banques à la seule lecture
de leurs ratios prudentiels devenus très volatiles au gré des marchés
7, les investisseurs ont été
pris de panique et ont perdu toute confiance dans le système financier. L’aversion aux risques
des opérateurs de marchés a atteint ainsi son paroxysme. Ceci s’est traduit par un fort
ralentissement de l’activité de certains marchés, particulièrement celui du Crédit, voire même
leur inactivité, ce qui a eu pour conséquence l’illiquidité de certains instruments financiers.
Même les marchés interbancaires ont connu une forte baisse de régime, témoignant ainsi d’un
7 Ces constats corroborent les conclusions de notre étude prospective relative à l’impact sur les ratios prudentiels
bancaires de l’application des principes de comptabilité de couverture en juste valeur sous la norme IAS 39. Cette étude est résumée dans l’annexe 1.