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La demande d'assurance contre le risque incendie de forêt: une analyse empirique sur des propriétaires privés en France

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Submitted on 6 Jun 2020

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La demande d’assurance contre le risque incendie de

forêt: une analyse empirique sur des propriétaires privés

en France

Marielle Brunette, Stéphane Couture, Serge Garcia

To cite this version:

Marielle Brunette, Stéphane Couture, Serge Garcia. La demande d’assurance contre le risque incendie de forêt: une analyse empirique sur des propriétaires privés en France. 2011. �hal-01072278�

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Document de travail

n° 2011-01

LEF – AgroParisTech/INRA – 14, rue Girardet – CS 4216 – F-54042 Nancy cedex

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aboratoire d’

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orestière

La demande d’assurance contre le risque

incendie de forêt :

Une analyse empirique sur des propriétaires privés en France

Marielle BRUNETTE

Stéphane COUTURE

Serge GARCIA

(3)

La demande d’assurance contre le risque incendie de

forêt:

Une analyse empirique sur des propriétaires privés en France

Marielle BRUNETTE

1,2

Stéphane COUTURE

3

Serge GARCIA

1,2

Mars 2011

Document de travail du LEF n°2011-01

Résumé

Cet article a pour but d’estimer la demande d’assurance des propriétaires forestiers privés contre les incendies de forêt. L’analyse économétrique est réalisée sur un ensemble de propriétaires aquitains ayant participé à une étude expérimentale. Elle permet d’identifier séparément les déterminants de la participation à l’assurance et ceux expliquant les différences de consentements à payer (CAP). Cette étude s’intéresse plus particulièrement à l’impact de différentes formes de compensation publique : aide forfaitaire, aide forfaitaire contingente à l'assurance et subvention à l’assurance. Nous analysons aussi le rôle joué par l’espérance de perte, l’auto-assurance, l’incertitude caractérisant la probabilité d’occurrence de l’aléa (ambiguïté sur le risque) et les caractéristiques réelles du propriétaire forestier et de sa propriété. Les résultats d’estimation montrent que le système d’aide publique forfaitaire français a un impact négatif sur la décision d’assurance des propriétaires, tandis qu’une aide publique contingente à l’assurance est incitative. D’autres facteurs permettent d’expliquer la participation à l’assurance (ambiguïté, caractéristiques individuelles…), et la demande d’assurance (espérance de perte, perception d’une aide publique dans le passé).

Mots clés : assurance, forêt, risque incendie, ambiguïté, compensation publique.

Abstract

Insurance demand against forest fire risk: empirical analysis on French private forest owners This paper deals with private forest owners’ insurance demand against forest fire risk. Econometric analysis is realized on a sample of forest owners from Aquitaine. It allows identifying determinants of participation to insurance from determinants explaining the difference of willingness-to-pay (WTP). More precisely, this article studies the impact of different types of public compensation: fixed help, contingent fixed help and insurance subsidy. We also analyse the role played by the expected loss of forestry income, self-insurance, uncertainty characterizing the probability of occurrence of natural risks (ambiguity), and the characteristics of owners and forest property. The results show that the fixed help system implemented by France has a negative impact on owner’s insurance decision, while a contingent fixed help seems to encourage owners to adopt insurance. Other factors allow explaining the participation to insurance (ambiguity, owners’ characteristics…), and the insurance demand (expected loss, past perception of a public help).

Key words : insurance, forest, fire risk, ambiguity, public compensation. Classification JEL : C51, D81, Q23, Q28.

1 INRA, UMR 356 Economie Forestière, F-54000 Nancy, France

Email marielle.brunette@nancy-engref.inra.fr

2 AgroParisTech, Engref, Laboratoire d’Economie Forestière, F-54000 Nancy, France 3

(4)

Introduction

Les aléas naturels, tels que les incendies et les tempêtes, détruisent régulièrement les forêts. La tempête Kyrill de 2007 a ainsi généré plus de 54 millions de mètres cubes de dommages dans les forêts européennes. Plus récemment, la tempête Klaus de 2009 a endommagé 42 millions de mètres cubes dans le Sud-Ouest de la France. De la même façon, en Grèce, les incendies de l’été 2007 ont ravagé 250000 hectares de forêts. Dans les pays européens, les tempêtes et les incendies représentent 70% des dégâts occasionnés aux forêts par les aléas naturels, de sorte qu’ils constituent les deux risques les plus importants pour le secteur forestier (Schelhaas et al., 2003).

Récemment la fréquence et l’importance de tels événements catastrophiques semblent s'accentuer. Ces aléas génèrent des dommages écologiques et financiers croissants et consomment des fonds publics (1). De ce fait, de nombreuses agences forestières (Kaval et

al., 2007; Loomis et al., 2008) ont mis l’accent sur des programmes de prévention du risque

incendie et sur la surveillance des départs de feux. Plusieurs programmes publics incitent également les propriétaires forestiers à réduire les dommages dus au risque de tempête (Bianco, 1998; CEC, 2006; FAO, 2007). L’assurance contre les risques naturels est aussi encouragée par de nombreux gouvernements. Cependant, en Europe, l’assurance forestière varie fortement entre les pays. Dans certains pays européens comme la Grèce, où le risque incendie domine la période estivale, il n’existe pas de marché de l’assurance privée. De plus, lorsque de tels marchés existent, de grandes divergences apparaissent au niveau de la demande. Par exemple, au Danemark ou en Suède, plus de 60% des propriétaires forestiers sont assurés contre le risque de tempête alors que l’assurance n’est pas une pratique courante en France et en Allemagne. Des différences apparaissent également concernant l’offre. En Espagne, l’assurance forestière est liée à l’assurance agricole. Au Danemark, le contrat d’assurance détermine le niveau de compensation publique. En Allemagne, la prime d’assurance est subventionnée. En France, le principal assureur propose un contrat dont l’indemnité et la prime sont forfaitaires. Ces quelques éléments factuels montrent que le marché de l’assurance en forêt en Europe est hétérogène en termes d’offre et de demande. Cette hétérogénéité peut s’expliquer par les compensations publiques accordées en cas de sinistre exceptionnel dans différents pays qui sont généralement données en plus des indemnités d’assurance privée ou en lien avec celles-ci. Par exemple, après la tempête Erwin en 2005, la Suède a mis en place un programme de compensation publique de l’ordre de 110 millions d’euros. De la même façon, après Klaus en 2009, l’Etat français a débloqué des aides de l’ordre de 415 millions d’euros. L’objectif de ces compensations publiques est de couvrir, du moins partiellement, les dommages, et ce malgré l’existence d’un marché de l’assurance privée. Au Danemark, les propriétaires forestiers victimes de tempêtes exceptionnelles peuvent bénéficier d’une aide du gouvernement, mais celle-ci est accordée uniquement aux détenteurs d’un contrat d’assurance. En Allemagne, la prime d’assurance incendie est subventionnée à 50% par les autorités publiques. Il existe donc plusieurs formes d’intervention publique ex post et ex ante qui peuvent affecter la décision d’assurance des propriétaires forestiers privés. Bien que des informations soient disponibles sur ces différentes formes de compensation publique, il n’existe pas de données précises concernant la participation à l’assurance des propriétaires (décision de souscrire un contrat d’assurance), leur demande d’assurance ou encore les effets d’une aide publique sur leurs décisions. Avant de s’intéresser aux instruments économiques permettant d’inciter les propriétaires à souscrire un contrat d’assurance, il est important au préalable de connaître les facteurs qui expliquent

(1) En France, environ 130 millions d’euros sont consacrés chaque année à la prévention du risque incendie et à la lutte contre les feux de forêts (Cour des comptes, 2009).

(5)

leur participation à l’assurance et de comprendre comment la demande d’assurance est déterminée. A notre connaissance, une telle étude n’existe pas dans la littérature économique. C’est l’objectif principal de cette étude.

L’impact des compensations publiques sur les décisions individuelles de couverture a donné lieu à de nombreux travaux théoriques et empiriques. D’un point de vue théorique, des auteurs (Kaplow, 1991; Coate, 1995; Kelly et Kleffner, 2003; Kim et Schlesinger, 2005; Raschky et Weck-Hannemann, 2007; Brunette et Couture, 2008) ont montré que les aides financières ex

post réduisaient les incitations à s’assurer. En particulier, Brunette et Couture (2008) ont

montré théoriquement que i) une aide forfaitaire décourage le propriétaire forestier à s’assurer, ii) une aide forfaitaire contingente à la souscription d’un contrat d’assurance incite davantage à s’assurer qu’une aide forfaitaire non contingente, iii) l’impact d’une subvention de la prime sur les choix d’assurance est moins immédiat. En effet, les auteurs montrent que, sous certaines conditions, la subvention de la prime d’assurance peut avoir un effet pervers et conduire à un niveau d’assurance plus faible qu’en l’absence de subvention. D’un point de vue expérimental, seules deux études ont analysé l’impact d’une intervention publique sur la décision d’assurance. Kunreuther (1976) fut le premier à étudier l’impact d’une subvention de la prime d’assurance sur les comportements individuels d’assurance. L’auteur montre que seule la moitié des ménages californiens interrogés souscrit un contrat d’assurance contre le risque de séisme, malgré l’existence d’un risque important et une assurance subventionnée. Brunette et al. (2009a, 2009b) ont réalisé une expérience auprès de propriétaires forestiers privés sur leur consentement à payer (CAP) pour une assurance complète contre le risque incendie. L’objectif était de tester les prédictions théoriques de Brunette et Couture (2008) concernant l’effet d’une intervention publique sur la décision d’assurance. Ces deux travaux expérimentaux valident quasiment toutes les prédictions théoriques et confirment le caractère pervers que peut présenter une subvention à l'assurance : en effet leurs résultats montrent qu'en moyenne, une subvention de la prime d’assurance réduit sa demande. De plus, ces travaux apportent des résultats qualitatifs sur l’impact de différentes formes de compensation publique sur les décisions d’assurance. A notre connaissance, il n’existe pas d’étude qui analyse directement cet impact à partir de décisions réelles. De plus, les travaux précédents ont porté uniquement sur la demande d’assurance et aucun ne s’est intéressé à la participation à l’assurance (décision de souscrire un contrat d’assurance) afin de comprendre pourquoi certains individus sont assurés alors que d’autres ne le sont pas. Cette distinction semble pertinente dans la mesure où les décideurs publics ont besoin d’une telle information pour déterminer le niveau d’assurance souhaitable et pour fournir les mesures incitatives nécessaires à son obtention. Dans cet article, nous utilisons ces données expérimentales pour réaliser une analyse économétrique des préférences déclarées des propriétaires forestiers pour l’assurance contre le risque incendie.

Nous nous intéressons ainsi aux déterminants de la participation à l’assurance et de la demande d’assurance en prenant en compte l’existence de différentes formes de compensation publique. Pour cela, nous recourons à une méthode en pleine expansion en économie des ressources naturelles (Landry et Liu, 2009), qui consiste à combiner des données expérimentales et des données réelles sur les sujets de l’expérience. Nos résultats montrent que le type d’aide publique est un facteur important pour expliquer les comportements d’assurance. En effet, nous constatons que la subvention à l’assurance n’a pas d’effet sur les choix du propriétaire alors qu’une aide forfaitaire agit négativement sur sa participation à l’assurance. De plus, nous montrons qu’une aide forfaitaire contingente a un impact positif sur la participation à l’assurance et négatif sur la demande d’assurance. D’autres paramètres semblent jouer un rôle essentiel tels que la précision concernant la probabilité d’occurrence de

(6)

l’aléa ou encore certaines caractéristiques du propriétaire (activité professionnelle, décennie d’acquisition de la propriété) et de sa propriété (mise en œuvre d’activités de prévention).

Description de l’expérience et des données collectées

Les données utilisées pour cette étude proviennent d’une expérience réalisée auprès de 42 propriétaires forestiers privés aquitains (2). Les participants étaient placés dans un contexte hypothétique où ils possédaient douze hectares de pins maritimes localisés en Aquitaine et exposés au risque d’incendie. Chaque participant était confronté à quatre formes de compensation publique : aucune aide, une aide forfaitaire de 1500 euros, une aide forfaitaire contingente de 1500 euros accordée uniquement aux propriétaires détenteurs d’un contrat d’assurance et une subvention de 50% de la prime d’assurance. Ces différentes alternatives sont actuellement en vigueur en Europe : une aide forfaitaire est accordée par le gouvernement français après des aléas naturels extrêmes, une aide forfaitaire contingente est utilisée au Danemark pour le risque tempête alors que le gouvernement allemand recourt à la subvention de la prime d’assurance incendie. Deux niveaux de revenus forestiers étaient également considérés, de sorte que chaque propriétaire était confronté à huit scénarios : quatre avec un revenu faible de 250 euros par hectare et par an et quatre avec un revenu élevé de 500 euros par hectare et par an. L’expérience s’intéressait également à l’effet de l’ambiguïté caractérisant la probabilité d’occurrence du risque d’incendie sur les comportements d’assurance. Par conséquent, 24 sujets ont été placés dans un « contexte risqué » (probabilité d’occurrence précise de 0,2%) et 18 dans un « contexte ambigu ». Dans ce dernier cas, les sujets étaient informés que les experts n’étaient pas parvenus à s’accorder sur une probabilité unique (3) et qu’ils en avaient donc indiqué plusieurs (4): 0,05%, 0,15%, 0,25%, 0,35%. Pour chaque scénario, il était demandé au sujet d’indiquer son CAP (c’est-à-dire la somme d’argent maximale qu’il est prêt à donner) pour être intégralement couvert contre le risque d’incendie. A la fin de l’expérience, les propriétaires forestiers répondaient à un questionnaire concernant leurs caractéristiques personnelles et celles de leur propriété forestière.

Cette expérience fournit donc des données expérimentales concernant l’impact de différentes formes de compensation publique, du revenu forestier et de la précision concernant la probabilité d’occurrence de l’aléa sur les préférences individuelles (déclarées) d’assurance des propriétaires forestiers. De plus, elle apporte des données réelles sur les caractéristiques des propriétaires forestiers et de leurs propriétés. Nous possédons 320 observations correspondantes aux huit CAP indiqués par chacun des 40 participants (5). Les réponses des sujets sous forme de CAP nous permettent de différencier la participation à l’assurance de la demande d’assurance. La participation à l’assurance correspond au choix d’indiquer un CAP positif plutôt que nul alors que la demande d’assurance ne fait référence qu’aux CAP positifs et aux différences existantes dans les montants reportés.

(2) Pour une présentation détaillée de l’expérience, le lecteur intéressé pourra se référer à Brunette et al. (2009a, 2009b). (3) L’intuition derrière cette distinction entre risque et ambiguïté est qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir une information précise concernant la probabilité d’occurrence des risques naturels, notamment du fait de l’accroissement de la fréquence des aléas sous l’effet du changement climatique.

(4) Cette méthode a été proposée par Gardenförs et Sahlin (1982) et fut reprise couramment pour représenter l’ambiguïté lors d’expérience (Viscusi et Chesson, 1999; Cabantous, 2007).

(5) Deux propriétaires forestiers ont été retirés de l’échantillon car ils ont souhaité participer uniquement à la partie expérimentale de l’étude et n’ont donc pas renseigné la partie relative aux caractéristiques (personnelles et de la propriété).

(7)

Description des variables explicatives

Nous classons les différentes variables explicatives en quatre catégories : l’espérance de perte, le type d’aide publique, le contexte informationnel (« risqué » versus « ambigu ») et les caractéristiques des propriétaires et de leurs propriétés. Les trois premières catégories de variables proviennent des données expérimentales alors que la dernière relève des données réelles.

L’espérance de perte (EP) est représentée par une variable binaire prenant les valeurs 1 euro/hectare ou 0,5 euro/hectare. En effet, lorsque la perte potentielle totale est de 500 euros par hectare et la probabilité d’occurrence de l’aléa de 0,2% alors la perte espérée est de 500x0,2/100 = 1. De façon similaire, quand la perte potentielle totale est de 250 euros par hectare alors la perte espérée est de 250x0,2/100 = 0,5. Chaque propriétaire forestier fait face aux deux niveaux de revenus, ainsi EP est qualifiée de variable intra sujets.

Le type d’aide publique (AP) comprend quatre possibilités : absence d’aide (AA), aide forfaitaire (AF), aide forfaitaire contingente (AFC) et subvention à l’assurance (SA). Chaque participant est confronté deux fois à chacune des quatre formes de compensation publique selon que l’espérance de perte est faible ou élevée.

Le contexte informationnel (CI) est une variable binaire renseignant sur la précision avec laquelle la probabilité d’occurrence du risque incendie est connue. 40% des participants a été exposé au « contexte ambigu » (CI=1), i.e. la probabilité d’occurrence du sinistre est imprécise, alors que 60% ont fait face à un « contexte risqué » (CI=0) avec une probabilité d’incendie de 0,2%.

Les caractéristiques des propriétaires et de leurs propriétés (CA) apparaissent respectivement dans les Tableaux A et B en annexe. Le Tableau A permet de décrire le propriétaire forestier représentatif de notre échantillon : il est âgé (environ 60 ans), est retraité ou agriculteur (ces deux catégories représentent 67,5% des propriétaires), possède des revenus élevés (supérieurs à 2000 euros par mois pour 57,5% des propriétaires) et a fait des études secondaires (55% ont le baccalauréat ou plus). Le Tableau B permet de décrire une propriété forestière représentative : c’est une forêt de 241 hectares localisée en Aquitaine (95% des cas), acquis récemment (pour 45% des propriétaires il y a moins de 20 ans) par héritage ou par une combinaison « héritage – achat » (ces deux catégories représentent 70% des cas), ayant déjà subi un incendie (45% des cas), soumise à des activités d’auto-assurance (75% des propriétaires déclare effectuer des pratiques de prévention) et représentant moins de 10% du patrimoine de chaque propriétaire (pour 30% des propriétaires). Il est intéressant de rapprocher ces conclusions à celles d’une étude réalisée en France en 2002 par l’Agreste (Agreste, 2002). Certains résultats de notre étude, notamment ceux concernant l’activité professionnelle des propriétaires forestiers privés et le mode d’acquisition de leurs propriétés sont conformes à ceux de l'étude Agreste. En effet, l’activité principale des propriétaires forestiers pour ces deux études est retraitée et la seconde activité la plus représentée est agriculteur. De même, la majorité des propriétaires forestiers privés français a acquis sa propriété par héritage. Cependant, une différence importante entre les deux études apparaît au sujet de la surface forestière moyenne. Dans notre échantillon, nous obtenons une surface moyenne de 241 hectares alors que l’étude menée par l’Agreste atteste d’une surface forestière moyenne de 8,8 hectares sur le territoire français. Cela s’explique par la nature productive des forêts aquitaines destinées essentiellement au bois d’œuvre et au bois de trituration.

(8)

Description de la variable dépendante

La variable dépendante (à expliquer) est le CAP pour l’assurance contre le risque d’incendie de forêt. Le Tableau C présenté en annexe présente les moyennes de chacune des variables explicatives en fonction de la participation ou non à l’assurance. L’échantillon contient 320 observations. Les CAP sont nuls pour 41 observations (n1), les autres étant strictement positifs

(n2). Ce tableau permet d’identifier deux décisions représentatives. Premièrement, la décision

de rejet de l’assurance est prise par un propriétaire forestier retraité (39,02%), qui a acquis sa propriété par héritage (56,1%), possédant une forêt d’environ 77 hectares, mettant en œuvre des activités d’auto-assurance (75,61%), ayant déjà subi un incendie (39,05%) mais ne possédant pas de contrat d’assurance incendie (2,44%). De plus, cette décision de rejet est choisie lorsqu’une aide forfaitaire est testée (36,58%), dans un « contexte risqué » (68,29%) et avec un niveau de revenu faible (53,66%). Deuxièmement, la décision d’indiquer un CAP positif est prise par un propriétaire forestier qui est retraité (43,01%), possédant une propriété d’environ 265 hectares, percevant un revenu élevé (catégorie moyenne de 3,11), ayant déjà subi un incendie (45,88%) et étant assuré (25,45%). Cette décision est aussi adoptée quelle que soit la forme de la compensation publique : environ 25% des CAP positifs apparaît dans chacune des catégories d'aide, dans un « contexte risqué » (58,78%) et quel que soit le niveau de revenu (50% de CAP positifs dans le scénario avec faible revenu et l’autre moitié dans le scénario avec revenu élevé).

L’analyse des CAP positifs apporte des informations intéressantes. Le CAP moyen est d’environ 4 euros. Comme il est demandé aux sujets de l’expérience d’indiquer leur CAP pour être intégralement couvert contre le risque d’incendie, il est possible de déterminer le ratio prime/indemnité, la prime d’assurance correspondant au CAP et l’indemnité au niveau de revenu. Ce ratio est égal à 0,010 lorsqu’aucune aide publique n’est accordée, 0,009 avec une aide forfaitaire contingente ou non et 0,014 dans le cas d’une subvention de la prime d’assurance. La demande d’assurance apparaît donc la plus élevée lorsque la compensation publique prend la forme d’une subvention de la prime d’assurance.

Le modèle

Afin d’identifier les facteurs expliquant la décision de s’assurer contre le risque incendie et le montant que le propriétaire forestier est prêt à payer pour l’assurance, nous utilisons un modèle structurel simple de choix binaire. Le propriétaire forestier a le choix entre être totalement assuré contre le risque d’incendie ou ne pas être assuré contre ce risque (6). L’encadré 1 décrit cette modélisation.

( 6) Cette hypothèse d’indivisibilité du montant de l’assurance est acceptable dans le cas français où l’assurance

partielle est vraiment très peu répandue et où les contrats d’assurance partielle existants sont définis par les assureurs et ne correspondent pas à un arbitrage de l’assuré.

(9)

La présence d’un grand nombre de CAP égaux à « zéro » indiquant que les propriétaires forestiers refusent de s’assurer contre le risque incendie nous orienterait dans un premier temps vers une méthode d’estimation basée sur un modèle Tobit pour données censurées (voir par exemple Greene, 2005). Cependant, le mécanisme de censure et le niveau du CAP peuvent être générés par des processus différents. Pour cette raison, nous estimons un modèle de sélection bivarié (cf. encadré 2).

Encadré 1

LE MODÈLE D’UTILITÉ ALÉATOIRE ET LA DEMANDE D’ASSURANCE

Le modèle de décision d’assurance est basé sur le modèle d’utilité aléatoire (Random Utility Model) de McFadden (1974). L’utilité indirecte v du répondant i pour le niveau d’assurance qi peut s’écrire :

( , , , )

i i i i i

v =v q REV X e , (1)

avec REVi le revenu total du propriétaire forestier i, Xi = {APi, CIi, CAi} l’ensemble des variables explicatives définies plus haut et εi

le terme d’erreur associé aux aléas non observés des préférences. Par souci de simplification, nous supposons que l’assurance complète correspond à qi = 1 (alors que l’absence d’assurance est représentée pas qi = 0). Comme qi est identique pour chaque

propriétaire forestier, nous ne ferons plus apparaître cette variable dans la suite de l’article.

Considérons les indices « 0 » et « 1 » afin de représenter deux niveaux possibles d’utilité en fonction de la participation ou non à l’assurance (1 pour assurance). Le propriétaire forestier i est prêt à payer le montant ti ≥ 0 pour être assuré si son utilité dans l’état 1,

net du paiement, excède son utilité dans l’état 0 en prenant en compte l’espérance de perte (EP) en cas d’incendie :

1( i i, , )i 1i 0( i i, ,i 0i)

v REV-t X e ³v REV-EP X e . (2)

Nous utilisons la forme la plus simple de la fonction d’utilité indirecte faisant entrer les variables explicatives linéairement comme suit : 12 0 01 02 03 0 1 11 13 1 ( ) ( ) i i i i i i i i v REV EP X v REV t X a a a e a a a e = + - + + = + - + +

À partir de ces deux utilités indirectes, nous pouvons écrire :

1 0 1 2 i 12i 02 i 3 i 01i

v-v =a +a REV-a t+a EP+a X +e , (3)

avec a1 = a11-a01, a2 = a12-a02 et a3= a13-a03. Finalement, e01i = e1i-e0i est le nouveau terme d’erreur.

L’équation (3) nous indique que le CAP maximum du propriétaire forestier est donné par la valeur CAPi = ti qui résout v1–v0 = 0,

c’est-à-dire : 1 2 02 3 01 12 i i i i i REV EP X CAP a a a a e a + + + + = =b1+b2REVi+b3EPi+b4Xi+ui, (5)

avec b1 = a1/a12, b2= a2/a12, b3 = a02/a12, b4 = a3/a12 et ui = e01i/a12. Pour simplifier les notations, nous réécrivons l’équation (5)

comme suit :

i

i W i

CAP =X b+u,

(10)

Traitements économétriques et résultats d’estimation

Appartenance à un groupe et ajustement économétrique du modèle

Au cours de l’expérience, chaque propriétaire forestier a indiqué un CAP différent pour chacun des scénarios proposés (huit au total). Il est possible d’estimer le modèle sur l’ensemble des observations empilées à condition de tenir compte du fait qu’elles doivent être groupées par individu (échantillon en cluster, Wooldridge, 2003). En particulier, les écart-types sont biaisés lorsque l’on utilise les méthodes standards d’estimation telles que les moindres carrés ordinaires ou le maximum de vraisemblance, à cause de la présence d’un effet d’appartenance non observé dans le terme d’erreur. Lors de l’estimation, les écart-types sont corrigés pour permettre des corrélations intra-individuelles (i.e. entre les propriétaires forestiers).

Avant de commenter les résultats d’estimation, il est important de faire quelques remarques préliminaires sur l’ajustement du modèle. Premièrement, l’hypothèse nulle selon laquelle r=0

est largement rejetée au seuil de 1%. Ce résultat indique la validité de notre modélisation considérant un processus d’estimation jointe de la participation à l’assurance (équation de sélection) et de la demande d’assurance (équation des CAP). Deuxièmement, nous réalisons un test de Wald de l’hypothèse nulle selon laquelle les coefficients de l’équation de régression (excepté la constante) seraient égaux à zéro. Le résultat de ce test (avec une valeur de le statistique du c² égale à 18,44) montre que les régresseurs introduits dans le modèle expliquent globalement bien la décision d’assurance et les variations des valeurs des CAP. Les résultats d’estimation du modèle complet (équations de sélection et CAP) sont reportés dans le Tableau 1.

Encadré 2

LE MODÈLE DE SÉLECTION BIVARIÉ (MODÈLE TOBIT DE TYPE II)

Le modèle de demande d’assurance (complète) contre le risque incendie est estimé comme un modèle Tobit de type II (Amemiya, 1984). Dans notre étude consistant à expliquer le CAP individuel pour l’assurance, il est possible de modéliser d’abord le processus de participation à l’assurance par l’équation de sélection suivante :

*

i ZI i

Z =X g+v, (7)

où Zi* est une variable latente représentant la différence d’utilité v1–v0 (cf. encadré 1). XZI est un vecteur de variables exogènes (le

même que celui expliquant les variations de CAP, même s’il peut être différent) et g le vecteur de paramètres associés. La règle de décision est Zi=1 si Zi*>0, Zi=0 sinon, et peut être probabilisée par un modèle Probit : Pr(Zi=1)= Φ(XZI), où Φ(.) représente la

fonction de répartition de la loi normale standard.

Un second processus peut expliquer le CAP associé à la décision de s’assurer :

CAPi = XWIb + ui si Zi* > 0 (8)

= 0 sinon

Les paramètres b et g du modèle composé des équations (7) et (8) peuvent être estimés efficacement par la méthode du maximum de vraisemblance à information complète (Full Information Maximum Likelihood, voir par exemple Greene, 2005). Les termes ui et vi

sont les perturbations aléatoires du modèle suivant une distribution normale bivariée: (ui,vi) ~ BVN(0,0,σ,1,ρ) de moyenne zéro, avec

ρ le coefficient de corrélation entre ui et vi, et σ la variance de ui. Les deux paramètres ρ et σ sont à estimer.

L’ensemble des variables exogènes XZ peut en théorie être exactement la même que XW en raison des hypothèses paramétriques (non

linéaires) sur la distribution des erreurs. Dans certains cas, il est possible d’avoir des problèmes d’identification lorsqu’aucune restriction sur les variables explicatives n’est faite. Cependant, dans de nombreux cas, comme dans le nôtre, il peut être très difficile d’effectuer des restrictions justifiables.

(11)

Tableau 1

Résultats d’estimation du modèle de sélection

Variable Coefficient Ecart-type robuste

Equation des CAP (demande d’assurance)

Constante 31,799** 10,280 REV -2.026 1,702 EP 3,492** 1,475 AF 0,575 0,673 AFC -0,604* 0,331 SA 2,181 1,817 Pers -5,115 3,271 Enf 2,719 1,883 Retraité -3,567 3,736 Agriculteur -5,761** 2,688 AidePub -4,242** 2,092

Equation de sélection (participation à l’assurance)

Constante -3,386** 1,518 REV 0,674 0,696 EP 0,334* 0,198 CI 1,139** 0,543 AF -0,552*** 0,149 AFC 0,296** 0,145 SA -0,123 0,184 Pers 0,621 0,454 Enf -0,804* 0,472 Retraité 2,108** 0,894 Agriculteur 2,497*** 0,790 Contrat 3,372** 1,630 Décennie 0,417*** 0,162 Auto -0,787* 0,433 r -0,622*** 0,218 s 9,322*** 2,634

Test de Wald d’indépendance des équations (r=0) c²(1) = 4,21** (p-value=0,04)

Test de Wald d’ajustement global c²(10) = 21.14** (p-value=0,02)

Log-vraisemblance Ln L = -1084,59

Lecture : significativité à 1% (***), à 5% (**) et à 10% (*).

Champ : 320 observations (CAP fournis par les participants) avec 41 observations censurées (CAP=0). Source : expérimentation réalisée dans le cadre de la thèse de Brunette (2009), calculs des auteurs.

Espérance de perte (EP)

La variable EP a un effet significatif et positif à la fois sur la participation à l’assurance et sur la demande d’assurance. Cela signifie qu’une hausse de l’espérance de perte accroît les incitations des propriétaires forestiers à s’assurer ainsi que le montant qu’ils sont prêts à payer pour être couverts intégralement. En d’autres termes, comme EP est une variable binaire (0,5 euro/hectare ou 1 euro/hectare) construite à partir de la perte potentielle totale (250 euros par hectare et par an ou 500 euros), nous avons le résultat suivant : plus la valeur commerciale de la forêt est élevée (i.e. plus la perte potentielle est élevée), plus le propriétaire forestier a intérêt à s’assurer et plus la demande d’assurance est importante.

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Aide publique (AP)

Trois types d’aide publique sont analysés : AF, AFC et SA. Tout d’abord, il semblerait que la subvention à l’assurance (SA) n’ait d’effet significatif ni sur la participation à l’assurance ni sur la demande d’assurance. Il apparaît donc que le système adopté par l’Allemagne n’ait pas l’effet incitatif attendu. Ce résultat diffère de celui de Kunreuther (1976) qui montre qu’avec une prime d’assurance subventionnée, la moitié des ménages californiens interrogés souscrivait une assurance contre le risque de séisme. En revanche, la variable AF a un impact significatif et négatif sur la participation à l’assurance. Cela signifie qu’une aide forfaitaire décourage les propriétaires à souscrire un contrat d’assurance. Ainsi, le type d’aide publique privilégié par la France semble-t-il constituer un frein à l’assurance des propriétaires forestiers. Ce résultat reflète le « risque de charité » défini par Browne et Hoyt (2000) comme suit : « la tendance d’un individu exposé à un risque à ne pas se procurer d’assurance ou

d’autres moyens de protection car il a confiance en la charité des autres comme des amis, de la famille, de la communauté, d’organisations à but non lucratif ou des programmes d’aide du gouvernement ». Par conséquent, le fait que les propriétaires forestiers ne s’assurent pas

semble être la conséquence des compensations financières unilatérales accordées par le gouvernement en cas d’aléas naturels exceptionnels. Au contraire, une aide forfaitaire conditionnée par l’assurance (variable AFC) a un impact positif significatif sur la participation à l’assurance mais négatif sur la demande d’assurance. Premièrement, afin de percevoir l’aide publique, le propriétaire est contraint de souscrire un contrat d’assurance : ce type d’aide représente alors un moyen convaincant d’accroître la participation à l’assurance. Deuxièmement, lorsque le gouvernement accorde des aides forfaitaires contingentes, le CAP des propriétaires forestiers se réduit comparé à une situation sans aide publique. Ce comportement semble logique, car à perte constante, le propriétaire, recevant une aide, a besoin d’un niveau d’assurance moindre pour conserver un niveau constant de couverture. En cas de réalisation de l’aléa, une partie de la perte est en effet couverte par l’assurance et l’autre partie, par les compensations publiques. Il apparaît alors une forme de complémentarité entre la demande d’assurance et l’aide publique contingente. Parmi ces trois types d’aide publique, il semblerait donc que l’aide forfaitaire contingente soit la plus efficace pour encourager les propriétaires forestiers à s’assurer.

Contexte informationnel (CI)

La variable CI a un impact significatif et positif sur la participation à l’assurance. Cela implique qu’en présence d’ambiguïté sur la probabilité d’occurrence de l’incendie, le propriétaire forestier souhaite davantage transférer le risque vers une compagnie d’assurance que lorsque cette probabilité est précise. Ce résultat semble suggérer que, dans un contexte où les fréquences des sinistres naturels sont modifiées et peu connues conduisant à des estimations imprécises des risques, les individus devraient recourir davantage aux contrats d’assurance.

Caractéristiques personnelles des propriétaires forestiers et de sa propriété forestière Tout d’abord, il est à noter que le fait d’être agriculteur a un effet significatif et positif sur la participation à l’assurance mais un effet négatif sur le CAP. Les agriculteurs sont familiers des aléas naturels car la culture de la terre est une activité risquée associée à un mécanisme assurantiel. De ce fait, ils ont davantage conscience des risques et sont plus incités à protéger leurs actifs que les autres professions. Cependant, la gestion forestière n’est qu’une activité secondaire pour eux, ce qui expliquerait la faiblesse du CAP par rapport aux autres

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professions. L’agriculteur va privilégier l’assurance agricole et mais ne réserve qu’une part de son revenu plus faible à l’assurance forestière. Ce résultat est différent de celui de Lönnstedt et Svensson (2000) qui indique que « les propriétaires forestiers qui travaillent activement la

terre et la forêt sont prêts à prendre des risques dans le domaine qu’ils connaissent le mieux ». Il apparaît également que le fait d’appartenir à la catégorie des retraités accroît la

probabilité de s’assurer. Les retraités souhaitent transmettre leur patrimoine, de sorte qu’ils sont incités à protéger leur capital forestier en souscrivant une assurance.

Par ailleurs, si le propriétaire forestier est réellement assuré dans la vie (variable Contrat), alors il est encouragé à prendre une police d’assurance. Le propriétaire ayant déjà souscrit une assurance dans la vie, est alors prêt à payer une assurance dans un contexte hypothétique. La variable Auto, indiquant la mise en œuvre d’activités d’auto-assurance par le propriétaire forestier, a un impact négatif significatif sur la participation à l’assurance. Le fait d’entreprendre de telles activités réduit les incitations du propriétaire à souscrire une assurance. Ce résultat suggère une substituabilité entre assurance et auto-assurance, conformément au résultat de Ehrlich et Becker (1972).

Les résultats indiquent aussi que la décennie d’acquisition de la propriété a un effet positif sur la participation des propriétaires forestiers à l’assurance. Plus la forêt a été acquise récemment et plus le propriétaire est enclin à adopter une assurance incendie. De plus en plus d'informations sur les dégâts dus aux événements naturels extrêmes étant disponibles, les nouveaux propriétaires forestiers semblent être mieux informés et plus à même d’évaluer les risques. Par ailleurs, le fait d’avoir déjà perçu une aide publique à la suite d’un incendie (variable AidePub) a un impact négatif sur la demande d’assurance. Cette relation négative confirme les résultats théoriques obtenus par Kaplow (1991), Coate (1995), Kelly et Kleffner (2003), Kim et Schlesinger (2005), Raschky et Weck-Hannemann (2007) et Brunette et Couture (2008).

Notons enfin que certaines variables, pourtant susceptibles d’influencer la participation à l’assurance ou la demande d’assurance, ne jouent aucun rôle dans notre étude. Par exemple, la variable Inc, qui indique si le propriétaire forestier a déjà subi un incendie par le passé, n’a pas d’effet sur les choix d’assurance du propriétaire alors qu’on aurait pu s’attendre à un impact positif. L’erreur du joueur (« Gambler’s fallacy ») pourrait être une explication de ce résultat : les individus sous-estiment la probabilité d’occurrence d’un événement déjà observé, de sorte qu’ils décident de ne pas se protéger contre ses futures occurrences potentielles. De la même manière, on aurait pu s’attendre à ce que la variable REV, représentant le revenu total du propriétaire forestier, ait un impact positif sur la demande d’assurance. L’absence de relation entre l’assurance et le revenu pourrait s’expliquer par le fait que, dans notre cas, la variable pertinente serait plutôt le revenu forestier (représenté par la variable EP) plutôt que le revenu total. Ceci semble confirmé par l’effet positif de la variable EP à la fois sur la participation et sur la demande d’assurance.

Conclusion

L'analyse de nos résultats confirme le rôle déterminant des compensations publiques sur les décisions d'assurance (participation et demande) des propriétaires forestiers et permet de tester la robustesse de certains soutiens observés en Europe. Une subvention à l'assurance, pratique observée en Allemagne, semble ne pas avoir d’effet sur les comportements d’assurance des propriétaires. Inversement, un système d’aide forfaitaire, soutien utilisé en

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France, semble décourager les propriétaires à adopter des contrats d’assurance tandis qu'un système d'aide forfaitaire contingent à l'assurance, système de soutien pratiqué au Danemark, incite les propriétaires forestiers à souscrire une police d’assurance.

Ces résultats sont d’un intérêt particulier dans un contexte où les aléas naturels tendent à devenir de plus en plus fréquents et intenses, incitant les pays alors confrontés à de tels sinistres à réfléchir à de nouvelles mesures publiques de soutien à l'adoption de l'assurance. Nos résultats sont alors un appui pour ces choix. En effet, notre analyse montre que le type d’aide publique le plus efficace en terme d’incitation à la couverture est le système d’aide forfaitaire contingente. Ce système représente un moyen potentiel d’inciter les propriétaires à adopter des contrats d’assurance incendie. La mise en œuvre d’un tel type d’aide publique pourrait avoir plusieurs conséquences positives pour le décideur public. En premier lieu, comme une aide forfaitaire contingente encourage les propriétaires à adopter des contrats d’assurance alors ce système pourrait contribuer à la réduction des fonds publics engagés dans la compensation des victimes et, de ce fait, accroître les budgets dédiés à la lutte contre les incendies. Dans un deuxième lieu, ce type d’aide constitue un moyen pour le décideur public d’informer les propriétaires des risques et de les responsabiliser. Enfin, le coût de mise en œuvre d’un tel mécanisme de compensation pourrait être faible comparé à une réforme profonde du système d’assurance en forêt. En effet, le gouvernement pourrait confier aux compagnies d’assurance proposant des polices de distribuer l’aide publique, au même moment que les indemnités d’assurance. C'est une pratique adoptée au Danemark.

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXE Tableau A

Caractéristiques démographiques et sociales des propriétaires forestiers (N = 40)

Variable Définition Nb d'individus %

Sex Genre (homme) 35 87,5

Educ Education

Catégorie 1: Brevet des collèges 13 37,1

Catégorie 2: Baccalauréat 7 20

Catégorie 3: Bac +2, +3 et +4 7 20

Catégorie 4: Bac +5 et plus 8 22,9

Profession Retraité Retraités 17 42,5 Agriculteur Agriculteurs 10 25 PI Professions intermédiaires 1 2,5 Emp Employés 3 7,5 Cadre Cadres 8 20

Autres Autres professions 1 2,5

Pers Nb de personnes au foyer

1 3 7,5

2 22 55

3 5 12,5

4 et plus 10 25

REV Revenu total

Catégorie 1: <1000 6 15 Catégorie 2: 1000-2000 11 27,5 Catégorie 3: 2000-2500 9 22,5 Catégorie 4: 2500-3000 4 10 Catégorie 5: >3000 10 25 Moyenne Écart-type

Age Age (en années) 58 12,11

Enf Nb d'enfants 0,9 1,11

Lecture : 35 individus sur les 40 interrogés sont des hommes, ce qui représente 87,5% de notre échantillon.

Champ : 40 propriétaires forestiers excepté pour la variable Educ où 5 individus n’ont pas souhaité répondre, leur niveau d’éduction a donc été remplacé par la valeur moyenne de l’échantillon.

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Tableau B

Caractéristiques de la propriété forestière (N = 40)

Variable Définition Nb d'individus %

Décennie Décennie d'acquisition de la propriété

Catégorie 1: 1940 4 10 Catégorie 2: 1950 3 7,5 Catégorie 3: 1960 4 10 Catégorie 4: 1970 3 7,5 Catégorie 5: 1980 8 20 Catégorie 6: 1990 13 32,5 Catégorie 7: < 10 ans 5 12,5

Mode Mode d'acquisition de la propriété

Héritage 15 37,5

Achat 7 17,5

Union 2 5

Héritage et achat 13 32,5

Héritage et union 2 5

Héritage, achat et union 1 2,5

%Aquit % de la forêt localisée en Aquitaine 38 95

AidePub Perception passée d'une aide publique 4 10

Inc Occurrence passée d'un incendie 18 45

Auto Mise en œuvre d’activités d'auto-assurance 30 75 Contrat Possession d’un contrat d'assurance incendie 9 22,5 %Forêt % représentée par la forêt dans le patrimoine total

Catégorie 1: <5% 11 27,5 Catégorie 2: 5-10% 1 2,5 Catégorie 3: 10-15% 4 10 Catégorie 4: 15-20% 3 7,5 Catégorie 5: 25-30% 6 15 Catégorie 6: 35-40% 4 10 Catégorie 7: 45-50% 1 2,5 Catégorie 8: >50% 10 25 Moyenne Écart-type

Surf Surface de la propriété (en hectares) 241 357,88

Lecture : 4 propriétaires sur les 40 interrogés ont acquis leur propriété au cours de la décennie 1940, ce qui représente 10% de notre échantillon.

Champ : 40 propriétaires forestiers.

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Tableau C

Participation à l’assurance et décision d’assurance (N = 320)

Variable CAP nul (n1 = 41) CAP positif (n2 = 279)

CARACTÉRISTIQUES

Age (en années) 58,27 58,16

Niveau d'éducation (catégorie moyenne) 1,66 2,38

Nb de personnes dans le foyer 2,32 2,58

Nb d'enfants 0,88 0,9

Surface de la propriété (en hectare) 76,97 265,16

Occurrence passée d'un incendie 39,02% 45,88%

Perception passée d'une aide publique 4,88% 10,75%

Revenu (catégorie moyenne) 2,41 3,11

Possession d'un contrat d'assurance incendie 2,44% 25,45% % représentée par la forêt dans le patrimoine total 3,83 4,54 Mise en œuvre d'activités d'auto-assurance 75,61% 74,91%

Décennie d'acquisition de la propriété 3,32 4,87

% de la forêt localisée en Aquitaine 92,68% 95,34%

Profession Retraités 39,02% 43,01% Agriculteurs 24,39% 25,09% Professions intermédiaires 0% 2,87% Employés 19,51% 5,73% Cadres 9,76% 21,50% Autres professions 7,32% 1,79%

Mode d'acquisition de la propriété

Héritage 56,10% 34,77%

Achat 29,27% 15,77%

Union 2,44% 5,38%

Héritage et achat 12,19% 35,48%

Héritage et union 0% 5,73%

Héritage, achat et union 0% 2,87%

TYPE D'AIDE PUBLIQUE

Absence d'aide (AA) 21,95% 25,45%

Aide forfaitaire (AF) 36,58% 23,30%

Aide forfaitaire contingente (AFC) 14,63% 26,52%

Subvention à l'assurance (SA) 26,83% 24,73%

CONTEXTE INFORMATIONNEL Ambiguïté 31,71% 41,22% Risque 68,29% 58,78% PERTE ESPÉRÉE Elevée 53,66% 49,46% Faible 46,34% 50,54%

Lecture : l’âge moyen des propriétaires ayant indiqué un CAP nul est de 58,27 ans. Champ : 320 CAP (fournis par les 40 participants) dont 41 sont nuls et 279 sont positifs.

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