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Sur la voie de l'inconnu-Tome 1 : Le Parcours initiatique et les peuples invisibles, Marc Amielli

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Academic year: 2021

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Sur la Voie de l’Inconnu Tome 1

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Un brin d’excitation

En cette heure tardive de début avril 2016, la pendule de la salle à manger affichait 20 heures 30, Adrien, 28 ans, célibataire, à la silhouette élancée, les yeux rivés sur la fenêtre sud de la pièce, qui permettait de voir facilement les éventuels visiteurs, regardait sa montre toutes les dix secondes. L’impatience et surtout l’inquiétude montaient en lui comme une bouffée d’adrénaline. Thomas, son frère de deux ans son aîné, tardait à venir le rejoindre pour préparer l’expédition qu’ils avaient prévue de faire en Islande. Ce dernier, plus athlétique encore, lui ressemblait quasiment trait pour trait, comme s’ils étaient jumeaux, sans pour autant, avoir la même couleur de cheveux. Il n’était pas dans son habitude de se faire attendre, il faut dire qu’il avait déjà plus d’une heure et demie de retard, aussi, Adrien, prit son téléphone portable et l’appela. Aucune réponse ! Tout en faisant des allées et venues de la fenêtre au canapé, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était anormal qu’il soit toujours sans nouvelle.

—Désolé ! entendit-il soudain, à travers la porte qui venait de s’entrebâiller, Thomas, d’une voix tout essoufflée venait d’apparaître ! Excuse-moi de ne pas t’avoir prévenu de mon retard mais mon portable ne passait pas. En fait, j’ai eu un petit problème avec la voiture.

—Tu m’en vois ravi d’apprendre que tout est ok, répondit Adrien. Je n’étais vraiment pas tranquille. Bon, maintenant que tu es là, on va pouvoir s’atteler à mettre quelques idées sur le papier pour notre voyage.

Ni l’un, ni l’autre ne pouvait se permettre de partir à l’aveuglette. Cette décision de se lancer dans l’aventure se révélait être un parcours initiatique qui allait les mettre à rude épreuve.

Adrien affichait une certaine nervosité, non seulement par le simple fait de la contrariété survenue à son frère mais surtout parce-que ce projet représentait énormément pour lui.

Au cours de leur enfance, puis de leur adolescence, les deux jeunes garçons faisaient les cent coups ensemble. Ils étaient inséparables. Bien-sûr qu’ils avaient des copains et même de très bons avec lesquels ils passaient beaucoup de temps mais, ils ne pouvaient pas rester une journée sans faire quelque chose uniquement entre eux. Ils avaient vraiment besoin l’un de l’autre comme s’ils étaient reliés par un cordon ombilical.

Thomas, bien qu’à peine plus âgé, s’était toujours posé en véritable protecteur d’Adrien et ne pouvait supporter que quelqu’un ne lui cherche des ennuis. Il avait toujours été de bon conseil. Il faisait d’ailleurs preuve d’une maturité exceptionnelle depuis son plus jeune âge. À 10 ans déjà, il était capable de prendre suffisamment de recul dans les situations délicates, voire ingrates, pour prendre les décisions les plus judicieuses comme ce jour de juillet 1996 où, en l’absence de leurs parents, Thomas avait dû, en attendant le médecin qu’il avait prévenu, préparer un bain à 37° pour son frère après que celui-ci s’est trouvé mal subitement et, a fait une forte poussée de fièvre.

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Plus grave encore, le 23 octobre 2004, alors que, sur leurs vélos de course, ils s’apprêtaient à faire une virée d’une quarantaine de kilomètres, Adrien, quelques minutes après leur départ, fit une chute malheureuse en passant sur un ralentisseur. Il avait eu la mauvaise idée de vouloir changer de vitesse juste à ce moment-là, ce qui le déséquilibra. En tombant, sa tête cogna violemment le macadam et passa à deux doigts d’un petit muret, qui clôturait une maison en bord de route. Thomas, stoppa net son engin et se précipita au chevet de son frère qui avait perdu connaissance. Du sang s’écoulait derrière la nuque et il comprit qu’il ne fallait pas perdre de temps. D’une enjambée, n’ayant pas son téléphone portable sur lui, il se retrouva à la porte de la maison pour demander d’appeler les secours qui arrivèrent un quart d’heure plus tard. Son frère, qui avait repris ses esprits, fut pris en charge par un médecin, qui mit tout en œuvre pour qu’il soit transporté à l’hôpital le plus proche.

Là, après toute une série d’examens, radiologiques et cliniques, le diagnostic tomba. Heureusement, il n’y avait rien de grave mais Adrien souffrait tout de même d’un traumatisme crânien, d’une clavicule et de trois côtes cassées. Il allait devoir rester hospitalisé plusieurs jours.

Raphaël et Julia, leurs parents, que l’aîné avait avertis, remercièrent le ciel que tout se termine sans dommages importants et prirent Thomas dans leurs bras pour le remercier.

Ce n’est ici qu’un des nombreux exemples des capacités de Thomas.

Adrien, quant à lui, est quelqu’un de plus fougueux, de moins réfléchi, du moins, du temps de sa jeunesse. Cependant, il a le cœur sur la main et se rend facilement disponible si l’on a besoin de lui.

Au-delà du lien fraternel qui les unit très fortement, ils ont tous les deux une passion commune pour les pays nordiques, en particulier pour l’Islande. Il faut dire que, adolescents, ils lisaient une saga dans la collection de la « Bibliothèque Jaune » dont l’une des histoires avait pour cadre les paysages absolument somptueux mais aussi angoissants de ce fabuleux pays. Les légendes qui traversent les siècles depuis, pourrait-on dire la nuit des temps, ne le rendent que plus intrigant. Le célèbre « Troll » qui hante la mythologie scandinave et plus particulièrement islandaise depuis le IX ème siècle participe de cette curiosité locale.

—Tu as apporté les cartes et les grimoires ? Demanda Adrien.

—Pas de souci, j’ai tout pris, on peut s’y mettre tout de suite si tu veux mais je boirais bien un café avant de commencer. Cependant, pour les grimoires, j’ai dû aller à la bibliothèque d’Angers et je ne les ai à disposition que pour une semaine maximum.

Adrien se dirigea de ce pas dans la cuisine pour préparer une cafetière pour leur permettre de tenir une bonne partie de la nuit car les recherches allaient être longues. Ils n’en verraient pas le bout à l’occasion de cette première réunion mais ils espéraient dégrossir leur affaire.

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En attendant que le breuvage soit prêt, il se mit à rêver de cette future aventure qui l’excitait énormément. Partir dans ces contrées sauvages et surtout mythiques avec Thomas conférait une dimension à la fois spirituelle, fantastique et familiale à ce voyage qui s’annonçait très prometteur. Depuis de nombreuses années, il s’était fixé pour objectif commun de tenter une aventure, digne de Robinson Crusoé, l’épreuve du naufrage en moins, avec Thomas qu’il vénérait. Il était bien conscient que le choix si particulier de ce petit état insulaire, à proximité du cercle polaire n’était pas sans poser de nombreux problèmes : la désertification humaine, les températures quasi polaires, trouver de la nourriture etc.

Un raclement de gorge dans la pièce voisine le ramena à la réalité du moment. Il regagna le séjour où Thomas commençait, à son tour, à trouver le temps long.

—Excuse-moi pour cet intermède quelque peu longuet pour le café mais, je m’étais déjà plongé virtuellement dans le voyage.

—Sers-nous vite une tasse et mettons-nous au travail !

La première chose à faire, dit Thomas, c’est de mettre par écrit ce qui nous attire dans ce pays, relever les points communs, concevoir la manière dont nous pouvons vivre tout ça pour terminer par une planification journalière du projet. Pour bien faire, il faut prévoir un bon mois d’été pour y aller. Quoique je me demande si c’est la meilleure saison pour s’y rendre, il faudra vérifier ça dans le « Routard ». T’es d’accord ?

—À cent pour cent !

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Tout un programme

La nuit venait de tomber sur le petit village de Savennières, à quelques encablures d’Angers dans le Maine et Loire où vivent les deux frères.

Charmante cité, paisible, en bord de Loire, elle offre à ses habitants, et au voyageur, un cadre exceptionnel et riche d’histoire. À cela, située en plein cœur du vignoble du Val de Loire, elle propose, en plus, de très nombreuses appellations d’origine contrôlée ou protégée.

Comme de véritables rats de bibliothèque, les deux hommes s’installèrent à la table du séjour et égrenèrent, chacun sur une feuille, les objectifs de leur projet.

La concentration était à son maximum. Une ambiance presque métaphysique régnait dans la pièce. Non pas que la réflexion était absconse mais, l’envie de vivre une expérience de cet acabit demandait du sérieux, de la logique et un certain nombre de capacités physiques, intellectuelles et émotionnelles qu’il allait falloir éprouver.

Découvrir des panoramas qui les avaient toujours fait fantasmer, s’imprégner d’une culture si particulière que celle de ces populations qui vivent dans des régions aussi inhospitalières, tester tout simplement leurs limites personnelles, voilà quelques points communs qu’ils mentionnèrent. Au fur et à mesure de leur réflexion, on sentait monter en eux, une vive émotion. Le regard fixé sur leur feuille de papier, un léger rictus à la commissure des lèvres laissait percevoir un sentiment de satisfaction.

Quelques minutes s’écoulèrent quand ils jugèrent avoir fait le tour de la question et pour mettre à plat, les résultats de leur concentration.

Ils décidèrent que le tracé de l’itinéraire se ferait en fonction de leurs attentes. Pour ce faire, ils prirent une des cartes que Thomas avait apportées, se connectèrent à internet pour chercher des informations sur les divers sites à visiter dans lesquels ils pourraient trouver tous les éléments nécessaires à la réalisation de leur voyage.

Les tasses de café fumant, taquinaient leurs narines mais ils restaient imperturbables jusqu’à boire leur boisson pratiquement froide.

Adrien montrait une effervescence particulière quant aux préparatifs. Depuis très longtemps, il était obsédé à l’idée de pouvoir mettre en œuvre une telle équipée avec son frère. Ils n’avaient jamais eu l’occasion jusqu’à présent d’organiser un périple ensemble, sans Louise, épouse de Thomas ou de leurs propres parents. Thomas, avait par ailleurs, vécu à des centaines de kilomètres du lieu pendant de nombreuses années pour raison professionnelle. Cela avait donc impacté la fréquence de leurs rencontres. Le temps passant, à chaque visite, il y avait toujours une petite appréhension. La vie les avait menés sur des chemins différents et les avait quelque peu séparés, physiquement. À chaque retrouvaille, la façon d’aborder son frère, perturbait beaucoup Adrien. Il

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était extrêmement attaché à Thomas qui était, tout compte fait, son meilleur ami. C’est lui, qui avait toujours pris sa défense dans des situations de conflits, d’ordre familial ou autre. Il lui avait indiqué comment se débrouiller lorsqu’il se retrouvait face à un obstacle et bien d’autres choses encore. Thomas lui avait manqué pendant toutes ces années où ils étaient restés éloignés l’un de l’autre.

Affairé à observer une carte et tenter d’y trouver des lieux intéressants, Thomas ne réalisait pas combien l’émotion de son frère était à son comble. Quelques instants plus tard, il daigna lever la tête et finit par la percevoir. Après avoir assuré son frère de la joie que cela représentait pour lui aussi, il reprit le cours de ses recherches.

Terre de frissons, à tous les sens du terme, l’Islande recélait de multiples trésors pour assouvir toute leur imagination. Les glaciers qui tapissaient le sol de l’île n’étaient pas des plus accueillants. À cela, il faut rajouter les différentes régions volcaniques aux tonalités sombres notamment, qui contrastaient bizarrement avec la blancheur des étendues glacées. Les geysers crevaient la surface du sol un peu partout dans le pays. Le relief, très découpé et relativement élevé, associé à un climat presque polaire, contribuerait à leur en donner pour leur argent !

L’atterrissage ne pouvant se faire qu’au sud-ouest de l’île et plus précisément à Keflavik, le seul aéroport, à échelle internationale, il leur fallait forcément débuter le parcours de là.

Leur idée, dans la mesure du possible, était d’alterner des déplacements en bus et en randonnée, pendant la durée du séjour. Il fallait donc prévoir l’équipement nécessaire : sacs à dos, toile de tente, sacs de couchage. Ils avaient prévu le mois de juillet complet pour parfaire les préparatifs. L’un des intérêts majeurs de cette période est que la nuit est pratiquement inexistante à cette période de l’année. Il ne faut pas oublier que nous sommes, à cette latitude, à l’orée du cercle polaire arctique. Le plus ennuyeux, c’est l’affluence touristique qui est à son maximum.

La « Route n°1 » qui fait le tour complet de l’île, leur servirait de fil conducteur pour calculer les itinéraires et repérer les lieux de campements. Dès lors, il suffisait de choisir s’ils allaient débuter leur aventure par l’ouest ou par l’est.

Avant toute chose, ils décidèrent de commencer par un premier arrêt au Blue Lagoon, à quelques kilomètres à peine de Keflavik où ils pourraient profiter des eaux chaudes du lac avec une température moyenne de l’eau à 39 degrés Celsius. Une bonne occasion de se donner du courage avant d’affronter la rudesse du climat et du relief. L’été, il y fait une moyenne de 10 degrés mais il est déjà arrivé que le thermomètre grimpe jusqu’à 20-25 et frôle même les 30 degrés, ce qui est vraiment exceptionnel.

—Je crois que c’est un excellent point de départ et je propose qu’on y revienne à notre retour pour savourer les derniers instants que nous passerons en Islande.

Thomas acquiesça, d’un hochement de tête, à la proposition de son frère. 9

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—De là, nous nous rendrons à Reykjavik pour visiter la capitale. Nous pourrions y rester deux ou trois jours, le temps de voir l’essentiel et ensuite, prendre le bus et partir sur les sources chaudes de Hveragerði dont on dit qu’elles ont permis à la ville éponyme, de réaliser la culture sous serre et même, d’y cultiver des produits tropicaux comme la banane par exemple.

—J’ai hâte de fouler la glace du Vatnajökull, plus grand glacier islandais, de me confronter au froid et d’imaginer des créatures se faufiler dans les moindres crevasses, en épiant tous nos mouvements.

—Arrête de fabuler, bien-sûr que cela fait partie des éléments stimulateurs de notre envie de découverte mais il faut aussi savoir rester les pieds sur terre car je pense que ça ne sera pas du superflu !

Au dehors, on entendait les hululements des oiseaux de nuit et en particulier celui d’une chouette qui devait se situer à quelques dizaines de mètres de la maison. Cela donnait un ton lugubre à leur discussion surtout, après avoir fait mention de créatures à vous glacer le sang.

—On devrait faire des recherches sur certaines des légendes de la mythologie islandaise pour nous en imprégner et qu’elles nous accompagnent dans notre démarche.

—Ce serait bien effectivement ! On pourrait également se renseigner sur les peuples vikings qui ont colonisé ces terres depuis le IX ème siècle. Ils ont certainement laissé la trace de quelques rituels qui pourraient nous aider à résoudre d’éventuels problèmes, notamment par rapport aux températures polaires et bien d’autres choses encore, rétorqua Thomas.

Au petit matin, ils étaient toujours penchés sur leurs documents papier et numériques mais décidèrent qu’il leur fallait prendre du repos car ils ne tiendraient pas longtemps à ce rythme.

Thomas rentra chez lui et Adrien monta se coucher. Chacun d’eux espérait être transporté dans ces contrées lointaines au plus profond de leur sommeil, à travers de magnifiques rêves. Avant de s’endormir, le plus jeune des frangins imaginait déjà, avec satisfaction, l’impact que leur entreprise pourrait avoir sur leurs relations futures.

« Ça sera comme une réactivation du lien qui nous unit » pensa-t-il.

Ses paupières commençaient à papilloter. Dans le silence de la chambre, il régnait une atmosphère de détente et de joie. Malgré le bruit de l’agitation du village en cette belle journée, plus rien ne venait trahir cette quiétude.

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Le pique-nique

Les heures s’écoulaient, le babillage d’un merle posté sur une branche du chêne, qui avait poussé en bordure du terrain de la maison de Thomas, le réveilla car la fenêtre de sa chambre était tout près de l’oiseau.

Dans un élan improbable après un sommeil aussi profond, il se leva d’un bond, frais comme un gardon.

La nature avait depuis quelques semaines, arboré ses apparats de printemps. Les arbres fruitiers étaient en fleurs. Les couleurs roses, blanches éclataient de mille feux. Une légère odeur miellée, lui arrivait des aubépiniers qui se trouvaient à quelques mètres de chez lui. Tout cela avait de quoi lui donner du baume au cœur pour cette nouvelle journée qui s’annonçait sous les meilleurs auspices.

Il descendit à la cuisine où Louise, son épouse se trouvait déjà. Le café fumait dans un bol, accompagné de deux tartines de pain beurré, agrémentées de miel.

—Merci Louise ! C’est sympa de ta part de m’avoir préparé le petit-déjeuner !

—Je me sens pleine d’ardeur aujourd’hui, aussi je me suis dit que j’allais te faire plaisir. —C’est parfaitement réussi ! Je vais me dépêcher d’avaler tout ça et ensuite, il faut que je reparte chez Adrien car nous n’avons pas terminé, il nous reste encore pas mal de choses à dégrossir. D’ailleurs, on avait pensé qu’on pourrait s’organiser un pique-nique tous les trois ensemble pour le déjeuner et ensuite, faire une petite balade sur les bords de Loire.

—Excellente idée, lui répondit Louise, ça nous permettra de profiter à fond de cette belle journée.

—N’oublie pas qu’on doit d’abord travailler à notre projet avec Thomas. —Non, non, je n’oublie pas !

L’heure tournait. Il était déjà 9h30.

—Je pars, je reviendrai te chercher vers midi, ça te va ? —D’accord, lui rétorqua sa femme.

Afin de pratiquer un peu d’activité physique, Thomas préféra partir à pieds plutôt que de prendre la voiture. En chemin, il rencontra Charles, un de ses amis d’enfance avec qui il échangea quelques paroles. Dans son esprit, il se rappelait les coups pendables qu’ils avaient commis lorsqu’ils étaient adolescents, en particulier lorsqu’ils avaient placé une grosse bouse de vache sur le perron de la porte d’entrée de la Mère Grignard, vieille femme acariâtre qui passait son temps à critiquer les gens. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle mit le pied dedans ! Il se mit à rire intérieurement rien qu’à l’évocation de ce souvenir.

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Adrien avait déjà tout préparé sur la table : cartes, grimoires, compte-rendu de ce qu’ils avaient déjà planifié la veille sans oublier le café en train de passer dans la cafetière, dans la cuisine voisine.

—Faisons d’abord le point sur ce que nous avons fait hier.

Adrien, pressé de s’y remettre, résuma en quelques mots leur travail de la veille.

—Il faut que nous avancions plus rapidement dans notre cheminement, dit Thomas. Je propose que tu fasses des recherches plus approfondies sur les légendes islandaises pendant que je vais essayer de tracer un itinéraire qui nous permettra de profiter de tous les atouts du pays. Bien-sûr, on vérifiera la correspondance entre ce que tu auras trouvé et le parcours que j’aurais dessiné. S’il n’y a pas de cohérence, on modifiera le trajet selon. Ça te va ? Demanda-t-il ?

—Je commencerai par l’histoire des trolls et je poursuivrai par les elfes, qui sont les créatures de légendes les plus présentes sur le territoire, répliqua Adrien.

Pendant qu’il disait cela, une étrange lueur apparut dans son dos mais, ni Thomas, ni lui, n’y prêtèrent attention. Pourtant une étrange sensation de flottement s’empara d’eux, comme si les objets de la pièce voletaient autour de la table. Cela généra même un sentiment nauséeux chez les deux garçons. La lueur variait de couleurs régulièrement et de façon ponctuée comme si elle décrivait un message en morse. Effectivement, la durée de chacune des couleurs était soit, brève, soit plus longue. Sans aucune conscience de ce qu’il se passait, les garçons sortirent de leur envoûtement et continuèrent leurs palabres, alors que la lueur leur disait tout simplement « Bonjour », en respectant les temps : −··· −−− −· ·−−− −−− ··− ·−·

—Parfait ! Avant de cogiter sur le parcours, est-ce que tu préfères que nous commencions par l’est ou par l’ouest ?

—Comme nous avons déjà prévu de nous arrêter en premier lieu, au Lagon Bleu, ensuite à Reykjavik et puis aux sources chaudes de Hveragerði, il me semble plus logique de continuer notre route par l’est.

—Ok !

Tous les documents utiles rassemblés ainsi qu’un ordinateur à portée de main, ils se lancèrent dans leurs recherches. En dehors des bruits de papier à chaque page tournée ou du clic-clic du clavier de l’ordinateur, plus rien d’autre ne venait perturber leur concentration.

Au fur et à mesure de leurs investigations, ils prenaient quelques notes, sur le résultat d’une prospection ou bien, ils posaient sur le papier une idée qui leur traversait spontanément l’esprit, de façon à ne pas l’oublier, un peu comme pour la tenue d’un journal de bord.

Deux bonnes heures s’écoulèrent quand ils commencèrent à lever le nez de leurs travaux. Dehors, on entendait le chant des mésanges charbonnières ainsi que celui d’un merle, qui, l’air fier,

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s’en donnait à cœur-joie pour exprimer son contentement ou pour attirer sa belle par ces temps si propices à l’accouplement des animaux et en particulier des oiseaux.

—Il faut que j’aille chercher Louise s’exclama tout à coup Thomas. Je lui ai promis que je passerai la prendre pour midi. Elle aura préparé de quoi manger pour nous trois, ne te préoccupe pas de prendre quoi ce soit à manger, lança-t-il à son frère.

—Je porterai une bonne bouteille de rouge, répondit Adrien.

Sur le chemin qui le ramenait chez lui, Thomas pensait au superbe moment qu’ils allaient passer tous les trois. Il était lui aussi, très heureux de se rapprocher de son frère.

Louise installa un large drap sur l’herbe qu’elle avait récupéré dans les vieilleries qu’elle avait gardées, mais dont elle devait se débarrasser. Il était parfait pour servir de nappe et pour s’asseoir. Adrien l’aida à mettre le couvert et quelques secondes plus tard, il croquait à pleine dent dans une excellente part de tarte aux poireaux que sa belle-sœur avait confectionnée. Pendant ce temps, Thomas servait du vin dans les verres à pied recyclables qu’ils avaient amenés. Boire un « Saumur » dans un vulgaire gobelet n’était pas concevable, cela méritait ce qu’il y avait de mieux sans risque de casse ou de pollution.

Une légère brise venait caresser leurs visages qui commençaient à pâtir quelque peu de la chaleur importante qui régnait ce jour-là en laissant çà et là, des marques rouges sur leur peau. Ils avaient choisi de se retrouver en bordure de la Loire, assez près du village. Un pêcheur taquinait le brochet mais sans grande fortune. Plus loin, de jeunes enfants s’amusaient à faire des châteaux de sable comme s’ils étaient sur une plage de l’océan ou de la Méditerranée.

—Comme c’est agréable, soupira Louise. On se croirait presque en vacances. On a bien fait de venir ici. Nous n’aurions pas pu trouver meilleur endroit pour profiter de ce que nous offre Dame Nature.

—Entièrement d’accord avec toi, lança Adrien. Il est certain que, voir toutes ces belles choses et les gens heureux autour de nous, ne peut que nous remplir de bonheur.

En fin d’après-midi, le soleil commençait à décliner derrière la ligne sombre formée par la cime des arbres qui se situaient en direction de l’ouest, vers l’Atlantique qui n’était qu’à un peu plus d’une heure de voiture, environ, d’ici.

—Il est temps de plier et de s’en retourner, s’exclama l’ainé des garçons. Nous ne sommes pas encore en été et la fraîcheur ne va pas tarder à tomber. De plus, je voudrais me coucher de bonne heure car, demain matin, j’ai rendez-vous à 8 heures, dans une agence de voyage à Angers pour glaner quelques renseignements sur le coût du billet d’avion et savoir d’où le prendre. Je pense que nous partirons certainement de Paris, mais peut-être existe-t-il des vols à partir de Nantes ce qui serait plus pratique pour nous. Il est en effet plus aisé d’accéder à l’aéroport de la métropole nantaise qu’à Paris. De plus, c’est un peu plus proche.

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Rentrés ensemble, chez Thomas et Louise, ils s’embrassèrent pour se dire au revoir tout en prenant soin de fixer une prochaine rencontre, toujours dans le cadre de la préparation du voyage, le week-end suivant.

—Je t’appellerai jeudi pour décider, d’un commun accord, si on se voit samedi ou dimanche, et à quelle heure dit Adrien en s’adressant à Thomas.

—Entendu ! lui répondit ce dernier. Je suis libre sur les deux jours. Louise part passer deux jours chez ses parents.

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Dans les moindres détails

La nuit était tombée sur le Val de Loire. La Lune, pleine et brillante à souhait, se reflétait sur les ondulations du fleuve. On aurait dit qu’une armée de lutins ou d’elfes, s’était donné rendez-vous à la surface de l’eau, pour y danser je ne sais quelle farandole païenne. Tout était calme et paisible aux alentours. En dehors du spectacle qu’offrait la Loire, la nature s’assoupissait tranquillement. Il n’y avait même pas une légère brise qui aurait donné du mouvement à une végétation en pleine croissance et renaissance. Thomas avait profité de cette plénitude pour se balader seul sur le chemin de halage qui bordait le fleuve. Il sentit tout à coup, une sorte de picotement sur le cuir-chevelu. Instinctivement, il se gratta puis n’y pensa plus. Plusieurs minutes après, le même picotement le reprit comme si quelqu’un lui avait effleuré la tête pour l’interpeler. Il se retourna mais ne remarqua rien de suspect. « J’ai le cerveau à l’envers » pensa-t-il, « pourtant j’ai la désagréable impression de la présence de quelqu’un ! » Il poursuivit son chemin en imaginant que c’était un être invisible qui tentait d’entrer en communication avec lui, comme dans un conte de fée.

Jeudi arriva rapidement. Adrien tenait le combiné de son téléphone en attendant fébrilement que Thomas décroche. À la cinquième sonnerie, il entendit :

—Allo !

—Thomas, c’est Adrien. Comme convenu, je t’appelle pour qu’on prévoie notre prochaine journée de travail sur l’Islande.

—Que dirais-tu de samedi ? Lui demanda Thomas ? —Ce sera parfait ! Chez toi ou chez moi ?

—Viens chez moi, comme ça, je garderai Tassy qui vient d’avoir trois magnifiques chiots. Louise pourra sortir et faire du shopping à Angers car ça fait un moment qu’elle en a envie.

Les deux jours suivants, Adrien ne tenait plus en place. À 10 heures, en ce samedi matin, il sonna à la porte de son frère qui vint lui ouvrir aussitôt.

-Rentre, on va s’installer dans mon bureau où l’on pourra profiter d’internet sur mon ordinateur.

—Merci.

—Je te fais un café ? Demanda Thomas. —Oui, merci !

Le temps que son frère s’activât dans la cuisine qui se trouvait à l’autre bout de la maison, Adrien en profita pour disposer les recherches qu’il avait effectuées chez lui, sur le grand plateau de bois posé sur deux tréteaux qui faisait office de bureau. Quelques instants plus tard, Thomas se présenta à la porte de la pièce avec deux tasses et quelques biscuits pour accompagner le café.

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Ils avalèrent rapidement leur expresso bien chaud, ce qui leur fit le plus grand bien, étant donné qu’à l’extérieur, la température avait chuté ces derniers jours.

Thomas avait eu le temps de réfléchir au parcours depuis leur dernière entrevue et il le proposa à Adrien. Mais avant toute chose, il lui raconta la sensation qu’il avait ressentie en se promenant l’autre jour.

—C’est en effet déconcertant ! Fit remarquer Adrien, d’autant que, tu te souviens de ce que nous avons éprouvé la semaine dernière ? Cette perception de flottement ?

—Maintenant que tu y fais référence, oui, grave ! Nous devrions peut-être essayer d’être plus attentifs à tous ces signes. Il doit y avoir certainement une explication.

Les deux frères restèrent quelques secondes, dubitatifs. Du travail les attendait et ils choisirent de reprendre le cours de leur conversation sur la préparation du voyage.

—J’ai pensé qu’après avoir passé deux bons jours à Hveragerði, nous pourrions redescendre vers le sud, du côté de Skógafoss et de Vik où se trouvent deux extraordinaires trolls, histoire de nous plonger dans l’ambiance locale. Il faut compter y rester trois jours pour tout voir. De là, nous repartirions vers l’est, vers le Parc de Skaftafell et le célèbre glacier du Vatnajökull. J’y prévois une randonnée qui nous permettrait de le traverser par son flanc est, jusqu’à la petite ville côtière de Höfn, connue pour son activité portuaire. Elle est aussi réputée pour avoir servi de cadre à quelques films célèbres dont un James Bond, un Tomb Raider et un Batman. Jusque-là, est-ce que ça te convient ?

Adrien hocha d’abord la tête en guise d’acquiescement à la question qui lui était posée. Puis, une interrogation lui vint à l’esprit.

—Tu ne penses pas que ça risque de faire un peu long de marcher depuis Skaftafell jusqu’à Höfn car, sur la carte, ça paraît assez distant !

—Il faudrait se connecter sur un site de recherche d’itinéraires qui propose également des trajets à pieds, en plus des moyens de locomotion classiques.

Adrien cliqua sur un des sites adéquats que son frère avait mis en marque-pages. Apparemment, rien qu’en voiture, il y a environ un peu plus de cent trente kilomètres en contournant le glacier par sa partie orientale. À pieds, ça me paraît difficilement réalisable surtout en raison de la difficulté de se déplacer sur la glace. Elle constitue un relief et donc un dénivelé important, avec un sol que nous n’avons pas l’habitude de fouler. Il vaudrait peut-être mieux imaginer une course d’un jour ou deux maximum, avec campement et, revenir à Skaftafell et de là, reprendre la route 1 vers Höfn.

—Tu as sans doute raison, j’avais un peu trop préjugé de nos capacités et de notre équipement. Ensuite, j’avais prévu de pousser jusqu’à Egilsstaðir, localité la plus importante de la partie orientale de l’île malgré ses 2257 habitants, à peine. Elle est tout de même équipée d’un

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hôpital, d’une école supérieure et l’activité économique est en plein essor, ainsi que la démographie. Elle est aussi dotée d’un petit aéroport, comme de nombreuses petites villes islandaises pour favoriser les vols intérieurs qui sont, à certaines périodes de l’année, le meilleur moyen de transport. Après la visite de la ville, on pourrait se rendre à Vopnafjörður, qui possède également un aéroport. On y prendrait l’avion jusqu’à Akureyri, au nord-ouest, deuxième ville d’Islande Dans ce coin, il serait intéressant de faire des randonnées le long du fjord qui dessert la ville, située à une cinquantaine de kilomètres du cercle polaire arctique. Une bonne semaine d’arrêt dans la cité et ses environs nous permettrait de découvrir de fantastiques paysages. Par ailleurs, j’ai lu sur internet, que la région, tout en étant si proche du cercle polaire, bénéficiait d’un climat adouci par la présence de montagnes relativement élevées tout autour. Cela favorise l’élévation des températures qui deviennent tout à fait supportables. La preuve, c’est que le jardin botanique de la ville n’a pas besoin de cultiver ses plantes, parfois tropicales, sous serre, tellement l’air y est doux. Avant-dernière étape de notre périple, les fjords du nord-ouest sont particulièrement intéressants. Là aussi, la marche est envisageable. Pour finir, nous retournerions à Reykjavik et enfin, retour à l’aéroport de Keflavik, sans oublier une dernière baignade au Blue Lagoon.

—Tout ça me semble un programme plutôt chargé mais tellement excitant qu’il n’y aucune raison que j’émette le moindre avis négatif sur le super travail que tu as fourni, s’exclama Adrien. Il ne nous reste plus qu’à nous pencher sur l’aspect purement économique de tout ça, billets d’avion compris. En ce qui concerne mes propres recherches qui sont sur la table, je crois que le plus sympa serait d’apporter des commentaires au fur et à mesure de notre excursion ? Qu’en penses-tu ?

—Excellente idée, répliqua Thomas. Ça nous donnera l’occasion d’alimenter nos discussions du soir, au moment du repos. Je crois que nous avons fait à peu près le tour de ce que nous devions dégrossir. Comme tu viens de le dire, il reste le côté financier en comptant tous les transports et hébergements payants. Il est de notoriété publique que la vie dans le pays n’est pas donnée. Nous aurons intérêt à bien calculer tous nos frais pour ne pas être pris de court.

Les deux frères se donnèrent rendez-vous le samedi suivant pour s’occuper des formalités pécuniaires. D’un point de vue administratif, il n’y a aucun problème puisque l’Islande est membre de l’Espace Schengen. Une carte nationale d’identité française en cours, est donc amplement suffisante. De plus, eu égard à cette particularité du pays qui n’est pourtant pas membre de l’Union Européenne, le permis de conduire français est valable sur son territoire.

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Ne rien laisser au hasard

La semaine suivante commença sur les chapeaux de roue pour Adrien. Il avait prévu de s’occuper de faire renouveler sa carte d’identité qui arrivait à péremption, pour avoir la nouvelle à temps. Il devait également téléphoner à son conseiller bancaire pour prendre rendez-vous, afin de demander la modification du seuil de son autorisation de découvert, pour pallier tout risque financier sur place. Il avait prévu aussi une entrevue avec l’un des employés de la Bibliothèque Municipale d’Angers, pour qu’il l’aide dans sa recherche de livres spécialisés sur les légendes islandaises. La rencontre était fixée à la Médiathèque centrale dite « Toussaint », du nom de la rue où elle était située. Enseignant en économie dans le secondaire, il devait aussi assurer ses cours dans un des lycées d’Angers. Il avait principalement des classes de second cycle, en préparation du baccalauréat Economique et Social. Il était donc concerné au premier chef quant à la préparation de ses élèves de terminale pour l’épreuve reine, comme on dit dans le milieu du cyclisme, de leur spécialité. Cependant, avec dix-huit heures de service par semaine, malgré les heures consacrées à ses préparations, de cours et corrections de copies, il lui restait suffisamment de temps pour ses activités non professionnelles.

Thomas, lui, se retrouvait aussi à devoir faire tout un tas de choses, à commencer par son job. Ingénieur agronome, il travaille dans un laboratoire de recherche « d’Agro campus Ouest », l’une des plus importantes écoles d’ingénieurs françaises, dépendant du Ministère de l’Agriculture. Il avait, par ailleurs, obligation d’assurer sa part des tâches ménagères à la maison car, Louise était Directrice des Ressources Humaines dans une grosse entreprise angevine et ne pouvait donc pas s’occuper de tout à la maison. Thomas ne pouvait pas invoquer les préparatifs du voyage pour s’y soustraire. C’était son projet, pas celui de Louise, même si elle trouvait l’idée géniale de pouvoir vivre une telle odyssée avec une personne aussi proche, cela ne devait pas interférer dans la vie quotidienne du couple.

La semaine passa à une telle allure que nous étions déjà samedi. Adrien n’allait pas tarder à arriver en cette heure matinale puisqu’ils avaient convenu de se retrouver à 10 heures, comme à chaque fois.

Ce devait être la dernière réunion préparatoire. Il ne restait plus qu’à caler les conditions d’hébergement et de transports. Il fallait faire des simulations pour le coût du billet d’avion sur internet, rechercher les hébergements les moins onéreux, étudier au plus près les modes de déplacements sur place.

Ils passèrent cette dernière journée à surfer sur le web, chacun, un ordinateur entre les mains. Ils s’étaient partagé le travail, comme à l’accoutumée. Thomas, en lien direct avec l’itinéraire qu’il a élaboré, se chargea de se renseigner sur les transports et leurs coûts. Adrien, qui connaissait

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maintenant, toutes les étapes prévues par son frère et qu’il avait validées la semaine précédente, s’occuperait, quant à lui, de l’intendance, à savoir l’hébergement et le budget alimentation. Ils avaient beau avoir chacun un métier qui leur apportait un salaire confortable, ils ne pouvaient pas, toutefois, se permettre de faire trop d’écarts. Revenus en France, ils auront à tenir, financièrement jusqu’au prochain versement de leur salaire.

Dans le cas de Thomas, il ne devra pas dilapider les ressources familiales d’autant que sa femme et lui, ont prévu l’achat d’une nouvelle voiture.

En fin de journée, tout était calé. Le vol, aller-retour, Paris-Keflavik leur coûterait aux alentours de 350 euros en compagnie low-cost. Pour se loger, le plus économique reste le camping avec une moyenne de 10 euros la nuit par personne. En auberge de jeunesse, il faut prévoir un budget d’une quarantaine d’euros par nuit et par personne, même prix, pour la chambre, dans le réseau « Edda », système de location de chambre des internats de certains lycées. Restait également la possibilité des gîtes avec des prix variables.

Pour ne pas consacrer trop de temps à la recherche de campings, bien que l’ile en soit correctement pourvue et pour des tarifs tout à fait raisonnables, il fallait aussi se préserver et s’assurer au moins deux bonnes nuits par semaine. Les visites et autres randonnées qu’ils allaient être amenés à réaliser, les fatigueraient à coup sûr.

Ils tablèrent sur une dépense d’environ six cents euros pour se loger, trois cent cinquante euros l’avion, et pratiquement autant de déplacements en bus et covoiturages pour faire au moins cher. Tout cela pour un total moyen de 1500 à 1800 euros par personne, alimentaire compris. Pour ne pas être pris de court en cas d’imprévu, ils décidèrent d’arrondir à 2000 euros la somme globale. Ponctionner une partie de leur épargne respective s’imposait à eux s’ils ne voulaient pas lapider leurs comptes courants car, la somme était malgré tout, relativement élevée. C’était le prix de cette aventure incontournable qu’ils ne rateraient ou reporteraient pour rien au monde. La nécessité de la vivre s’avérait indispensable. Aucun d’eux ne perdait de vue qu’au-delà du voyage à proprement parlé, il s’agissait de se retrouver entre frangins afin de vivre une expérience commune et surtout, hors du commun. Il s’agissait également, de pratiquer une sorte de rituel initiatique qui mettrait à rude épreuve, en fonction des circonstances, leur relation, pour mieux l’appréhender voire la faire évoluer.

Dès le lendemain, ils achetaient directement leurs billets d’avion sur internet pour un prix défiant toute concurrence, en effet, le billet le moins cher qu’ils trouvèrent était à 275 euros aller-retour Paris-Reykjavik entre le 8 août et le 10 septembre, c’était plutôt une bonne surprise.

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Des peuples invisibles au questionnement

Les semaines qui suivirent, Adrien en profita pour s’imprégner plus particulièrement, de la culture mythologique islandaise. Il voulait être fin prêt pour pouvoir, non seulement présenter et expliquer à Thomas, chaque fois que l’occasion se présenterait, les informations essentielles à chaque site visité mais aussi, lui faire part de l’origine culturelle voire cultuelle, des légendes qui ont construit un lien indéfectible entre les habitants et ce territoire.

Il découvrit par exemple que l’imaginaire collectif concernant ces peuples invisibles, que cela concerne des trolls ou autres elfes, était tenace puisque environ 62 % de la population croient qu’ils existent encore aujourd’hui, selon un article paru en 2014 dans le Figaro.

Il découvrit, à propos des trolls, qu’il était question en fait, d’êtres qui vivaient dans les cavernes et qui, en s’exposant à la lumière du soleil, se transformaient en pierre, d’où les célèbres rochers aux formes fantastiques qui jalonnent tout le pays. Tolkien, écrivain britannique, auteur de la saga du « Seigneur des Anneaux », s’en inspira et les introduisit dans sa littérature, notamment dans l’épopée du « Hobbit ». Qui n’a pas imaginé, à la lecture de cet écrivain, ces êtres étranges qui peuplaient la Scandinavie jusqu’à l’Islande. Il représente d’ailleurs un pan énorme de la culture scandinave, on ne saurait concevoir voyager dans ces régions sans être parcouru, dans tout le corps, d’un léger frisson à l’idée de rencontrer un géant poilu, description commune des trolls, et pourquoi pas, un elfe.

Adrien avait d’ailleurs pensé associer ces histoires hors du commun, à celles empruntées au peuplement viking du pays, pour imaginer le parcours initiatique qu’ils allaient vivre avec Thomas. D’après les lectures qu’il avait faites à la Bibliothèque d’Angers, et les recherches effectuées sur internet, il était suffisamment armé pour mieux comprendre certains phénomènes auxquels ils pourraient être confrontés au cours de leurs pérégrinations, lesquelles pourraient se révéler, dangereuses. C’est un paramètre qu’il ne fallait surtout pas négliger.

De son côté, Thomas s’interrogeait sur la solidité de leur fratrie face justement, à des risques éventuels auxquels, les jeunes hommes pourraient s’exposer. Est-ce qu’il serait toujours aussi protecteur qu’il ne l’était quand ils étaient gamins ? Passer un mois complet dans le confinement d’une relation limitée à une seule personne, en l’occurrence son frère, ne serait-il pas source de conflits ? À 30 ans, les réactions ne sont généralement plus les mêmes qu’à 20. La maturité passant par-là, le regard qu’on porte sur les évènements ou les situations particulières a évolué et pas forcément en confortant la position d’origine. L’aîné des deux frères restait toutefois très confiant car ils avaient toujours vécu une relation quasiment gémellaire ce qui constituait un lien solide entre eux. Ils sont tellement proches que, tout comme les jumeaux, ils arrivent à ressentir les mêmes émotions même à distance, l’un de l’autre.

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La semaine précédant le départ, ils firent un dernier point pour s’assurer que tout était prêt et qu’il n’y aurait pas de dératée une fois sur place. Ils pointèrent donc chaque équipement personnel ou collectif, les papiers administratifs, les cartes routières et du relief, qu’ils s’étaient procurés sur le web. Ils vérifièrent si le budget qu’ils avaient prévu était bien disponible en banque. Ils avaient anticipé depuis des semaines déjà, en demandant des couronnes, devise islandaise, comme dans la plupart des pays scandinaves.

Il leur restait quelques jours avant le départ qu’ils allaient occuper à mettre de l’ordre dans leurs affaires, acheter les ustensiles et autres vêtements utiles, pour que rien ne manque à la date prévue.

Le samedi 6 septembre, Adrien rejoint son frère chez lui afin de se rendre, par bus, jusqu’à la gare d’Angers-St Laud, prendre un train pour Paris où ils passeraient la nuit de samedi à dimanche ainsi qu’une partie de celle de dimanche à Lundi, leur vol était prévu à sept heures du matin ce jour-là.

Ils chargèrent leurs bagages dans le coffre de la voiture du couple et Louise les amena jusqu’à la gare.

Vingt minutes plus tard, ils embrassèrent Louise qui leur souhaita un excellent voyage mais qui n’oublia pas de leur faire les recommandations d’usage. Le TGV qui les amenait vers Paris-Montparnasse était sur le point d’entrer en gare lorsqu’ils se présentèrent sur le quai avec leur e-billet sur leur smartphone respectif. Une bonne heure et demie les séparait de la capitale pendant laquelle ils passèrent leur temps à blaguer, afin de décompresser un peu car les derniers jours s’étaient déroulés à une vitesse incroyable, tellement ils s’étaient employés à fignoler les derniers détails.

« Paris-Montparnasse ! Terminus du train ! Tous les voyageurs descendent de voiture. Assurez-vous que vous n’avez rien oublié dans le train ! », Annonça la cyber-voix féminine de la société ferroviaire.

—Il ne nous reste plus qu’à prendre le métro pour rejoindre notre hôtel Porte de Clignancourt. Lundi, nous devrons prendre la ligne 4 du métro et le RER B en direction de Roissy Charles de Gaulle, dit Thomas. Il faudra d’ailleurs se lever de bonne heure, qu’on ait le temps d’aller à l’aéroport, d’enregistrer les bagages et de passer le contrôle.

Adrien fit un signe de la tête qui signifiait Ok et ils profitèrent du dimanche pour flâner un peu dans les rues de Paris le matin et se reposer l’après-midi.

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Les premiers pas en Terre d’Islande

En ce lundi matin, ils furent réveillés, à 3 heures par l’alarme du téléphone de Thomas sur un air de « Carmen » de Bizet, histoire de ne pas être tentés de se rendormir en écoutant le célèbre couplet : « Toréador, prends g-a-a-a-a-r-de, Toréador, Toréador ! »

Ça y est, l’instant magique tant attendu a sonné. Concentrés jusqu’au bout, ils se levèrent, prirent chacun une douche, s’habillèrent et sortirent de la chambre, chargés comme des mules. Ils appelèrent l’ascenseur qui les déposa au rez-de-chaussée. Le bar était fermé pour prendre leur petit-déjeuner mais il y avait un distributeur automatique de café qui leur permettrait de tenir jusqu’à Roissy. Ils sortirent vite rejoindre le métro. Le parcours dura moins de trois minutes et se retrouvèrent sur le quai du RER. Arrivés dans le Terminal 2B de la plateforme aéroportuaire, ils consultèrent un écran qui affichait tous les vols en partance. Une fois les formalités effectuées, ils se retrouvèrent rapidement dans la zone Duty-Free et s’installèrent à la table d’un restaurant.

—Deux cafés longs, s’il vous plaît ! Demanda Adrien au serveur qui arrivait vers eux, avec deux croissants et deux pains au chocolat.

—Tu as l’intention de faire un véritable festin, s’exclama Thomas !

—On en aura besoin et puis c’est toujours agréable de commencer une aventure par quelques friandises qui tiennent bien l’estomac, répondit Adrien.

Ils embarquèrent à 6 heures 30. L’Airbus A 320 était plein à craquer. « À croire que tout le monde a décidé de passer ses vacances en Islande » se dit Thomas.

« Mesdames, Messieurs, bonjour ! C’est le commandant qui vous parle ! Bienvenue à bord du vol WZO 3802 à destination de Reykjavik que nous atteindrons dans un peu moins de quatre heures. La température au sol y est de 18 degrés. Nos hôtesses passeront dans quelques minutes pour distribuer des rafraichissements. L’équipage et moi-même vous souhaitons un agréable voyage ».

Il réitéra son annonce en anglais et bien évidemment en islandais. C’était la première fois que les deux frères entendaient parler la langue et esquissèrent un sourire de satisfaction. Ils se regardèrent les yeux dans les yeux. Une réelle joie émanait de leurs visages qui s’étaient complètement détendus lorsqu’ils se retrouvèrent assis dans leurs fauteuils, aux place 8 f et 8e, contre le hublot de sorte qu’ils puissent mieux apprécier le survol de Paris au décollage mais aussi les premiers panoramas dès leur arrivée en Islande.

C’est avec un léger retard de cinq minutes que l’avion sortit de son aire de stationnement et emprunta plusieurs taxiways jusqu’à la piste d’envol. La jonction entre l’aérogare et la piste dura cinq minutes supplémentaires. Un Boeing 747 et deux 737 attendaient que la Tour de Contrôle leur donne le feu vert puis vint le moment où l’Airbus A 320 fit vrombir ses moteurs et, c’est

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complètement enfoncés sur leurs sièges par la pression due à l’accélération subite et puissante, qu’ils commencèrent à survoler les paysages de l’Oise avec Paris en arrière-plan ?

La durée du vol était propice à la rêverie et à la réflexion et ils n’échappèrent pas à un assoupissement qui les transporta par-delà les nuages au-dessus desquels ils se trouvaient.

Pendant son sommeil, l’esprit d’Adrien fut visité par un être fantasque qui lui parlait. Le monde onirique est tellement farfelu que ça ne dérangea nullement le sommeil du jeune homme. « Adrien ! Adrien ! Tu vas vivre le plus extraordinaire des voyages que tu n’as jamais fait, lui murmurait la voix. Nous comptons sur ton frère et toi dans les prochains mois. »

Après une heure de vol, Adrien se réveilla et tout son être fut envahi d’une immense émotion. L’expérience qu’il avait tant attendue commençait. Il ne lui restait plus qu’à se laisser pénétrer par cette atmosphère métaphysique qu’il appréhendait avec une espèce de jubilation interne, mêlée à une certaine crainte que quelque chose ne vienne perturber ce cérémonial si fondamental pour son frère et lui.

Il se rappela le rêve qu’il venait de faire et en fit part à Thomas qui se moqua un peu de lui. —Tu commences déjà à te plonger dans l’univers mystérieux des légendes et mythes islandais, lui dit-il en retenant son envie de rire.

Aucun des deux ne prit en considération cette chimère, et pourtant !!! Adrien ne releva pas la remarque satirique de son frère. Dans sa tête, il refaisait l’itinéraire que Thomas avait conçu et les aspects mythologiques et rituélique sur lesquels il avait lui-même travaillé, ce qui peut expliquer, selon lui, le songe. Il avait hâte de partager tout cela mais, ce dont il avait le plus hâte, était de commencer à expérimenter certains rites personnels. Après s’être repris, Thomas était bien réveillé également et se sentait prêt à affronter le climat de l’Islande, puisque l’avion se présentait face à la piste d’atterrissage après ce moment hilarant, du moins pour lui.

—J’avais un réel besoin de sombrer dans les bras de Morphée car ces deux derniers jours étaient tellement intenses que j’en ai eu le sommeil perturbé, dit-il sur un ton totalement sérieux.

—Je comprends, lui répondit Adrien. C’est vrai que nous n’avons pas eu tellement le temps de souffler. D’un autre côté, nous n’allons pas vraiment connaître un séjour de tout repos.

—C’est sûr mais, il va quand même falloir se ménager un peu. Je ne voudrais pas rentrer complètement cassé en France. Tu sais Adrien, j’ai conscience à quel point cette aventure est importante pour toi. Je t’assure qu’il en est absolument de même pour moi. Il faut cependant tenir compte du fait que nous ne sommes plus, ni toi, ni moi, des ados et que toute action ou activité devra être mûrement réfléchie.

Le ton n’était plus à la rigolade.

—Qu’est-ce que tu veux dire ? S’étonna Adrien ! 25

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—Simplement que le côté initiatique du voyage ne doit pas nous faire oublier que nous avons déjà un lien très fort tous les deux et que nous avons aussi une vie en dehors de notre duo fraternel. Ce sont des paramètres qui sont tout aussi fondamentaux que ce pourquoi nous effectuons ce voyage.

—Pas de souci Thomas ! Je suis bien conscient de tout cela. J’espère seulement que, ce voyage nous fera vivre des moments fabuleux.

Trois heures quarante après le décollage, les roues de l’aéronef touchèrent le sol dans un crissement fort bruyant. Le nez de l’appareil finit par se poser complètement pour se retrouver parallèle à la piste.

—Veuillez attendre l’extinction totale des témoins lumineux au-dessus de vos têtes pour décrocher vos ceintures et pouvoir vous lever, venait d’informer l’hôtesse, chef de cabine, aux passagers.

Vingt minutes plus tard, ils se présentèrent au contrôle douanier et descendirent au sous-sol de l’aérogare, dans la salle d’enlèvement des bagages. Les leurs arriveraient sur la ligne 5 comme l’indiquait l’écran d’affichage annonçant l’arrivée de leur vol en provenance de Paris. Ils n’attendirent qu’une vingtaine de minutes pour pouvoir emporter leurs affaires qui tournaient sur le tapis de ligne affectée à leur vol.

Dehors, ils sentirent un changement de température radical avec celle de Paris. De fait, ils sortirent leur parka respective. Bien emmitouflés, ils se dirigèrent vers la zone d’attente des bus qui faisaient la navette vers Reykjavik, en prenant soin de descendre au Blue Lagoon, toute première de leurs étapes.

Sur internet, ils avaient repéré un Bed and Breakfast, pas trop cher, dans lequel ils passeraient leur première nuit sur le sol islandais.

Nous étions en été et il fallait s’acclimater au fait que le jour était quasiment permanent dans cette zone si proche du cercle polaire. Ils durent mettre des masques sur les yeux pour cacher le moindre rayon de lumière qui passait à travers les fenêtres de la chambre. La nuit leur permit de bien récupérer. À l’inverse du continent où la chaleur battait son plein et rendait les nuits étouffantes, ici, il fallait rajouter une couverture pour dormir comme un bébé, sans aucun d’état d’âme après s’être restaurés copieusement. Cette nuit-là, Thomas eut également une visite inattendue dans son sommeil.

« Thomas ! Thomas ! Bienvenue en Islande. Tu verras que l’odyssée qui vous attend, sera pleine de surprises. »

Au petit matin, l’aîné se rappela, à son tour, de l’incursion de l’étrange personnage. Cette fois, c’est son frère qui ne put s’empêcher de rire.

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—S’il n’y a pas de quoi se donner des frayeurs, il est évident qu’il se passe un phénomène que nous ne maîtrisons pas. Attendons de voir !

Ils profitèrent de cette première matinée pour rester au lit. Ils ne se levèrent pas avant 10 heures et commandèrent le petit-déjeuner. Ils ne purent échapper à l’incontournable poisson fumé, fromages, confitures. Ce n’était pas forcément évident de commencer la journée par du poisson séché mais le goût s’avéra particulièrement savoureux.

De leur fenêtre, ils avaient vue sur le Blue Lagoon, il ne restait plus qu’à se mettre un maillot de bain sous le pantalon, s’habiller tout de même par-dessus, au risque d’attraper une belle pneumonie et d’aller apprécier les charmes d’un bain chaud alors qu’ils se situaient dans l’une des régions les plus froides de la planète.

La douce chaleur de l’eau contrastait avec l’air frais extérieur et ça leur faisait un bien fou. Toutes les crispations accumulées pour les préparatifs ainsi que celles emmagasinées depuis presque trois jours qu’ils étaient partis, laissaient place à un bien-être réparateur. Ce temps de détente leur permettait, non seulement de profiter des bienfaits de l’eau mais aussi d’admirer, autant que possible, le paysage alentours à 360 degrés. Les vapeurs d’eau qui s’échappaient du lac, troublaient parfois la vue. Cela ressemblait à un paysage de steppes, beaucoup d’herbe et pas de forêt à l’horizon. Le relief environnant, sombre car, pour l’essentiel, d’origine volcanique, dégageait une impression lunaire. Apparemment, tous les ingrédients indispensables pour la réussite de leur séjour leur tendaient, pour ainsi dire, la main. Ils se délectèrent de ces instants. Les jours suivants allaient devenir plus ardus, excepté les deux jours qu’ils avaient prévu de passer à Reykjavik à visiter la ville. Malgré une population peu importante pour une capitale d’État, environ cent trente mille habitants, elle est richement dotée en musées puisqu’on en dénombre un peu plus d’une quarantaine.

Durant leur court séjour où ils iront se balader dans les rues de la ville, ils ont prévu de visiter le Musée National qui retrace l’histoire de la culture islandaise à travers l’exposition d’artisanat traditionnel organisée de façon chronologique. Autre musée de la ville dans lequel ils s’arrêteront, le Settlement Exhibition entièrement consacré à la période Viking et enfin, pour son originalité en termes d’objets d’exposition, ils feront une halte au Musée du Phallus. L’idée même qu’on puisse créer un lieu de conservation de documents et objets sur cet organe masculin, paraissait pour le moins surprenant et invitait à la curiosité.

Leurs ablutions terminées, ils sortirent du lac, sans trop s’attarder car il y avait un bel écart de température entre l’eau et l’extérieur. Il n’était que 18 heures et ils entamèrent une marche d’un peu plus d’une heure pour se mettre en jambe. Quelques minutes après le démarrage, Adrien proposa d’accélérer le rythme en tentant une petite foulée. Thomas suivit. Le sol accidenté ne facilitait pas la

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cadence. Il fallait avoir systématiquement un œil partout où ils passaient pour éviter les nids de poules et autres échancrures susceptibles de provoquer une chute.

—Tu te souviens de ce jour où, en vacances avec les parents en Auvergne, nous nous trouvions sur un sentier étroit et que ton pied gauche est parti dans le vide ? Demanda Thomas à Adrien.

—Oh oui ! Je peux te dire que j’ai eu une des plus belles peurs de ma vie. Heureusement que papa et toi étiez suffisamment réactifs car je ne sais pas où je serais aujourd’hui.

—C’est vrai que tu nous as provoqué une sacrée montée d’adrénaline. Je me rappelle cet instant où j’ai réussi à t’attraper la main gauche pour te récupérer, papa t’agrippant par le T-shirt. Une forte émotion m’a traversé, j’avais l’impression que j’allais perdre une partie de moi-même et je ne pouvais l’accepter.

—J’avais ressenti la même chose, lui répondit Adrien, et je ne pouvais me résoudre à finir ainsi. Je me souviens m’être transcendé pour parvenir à ne pas lâcher prise. J’avais aussi une très grande confiance en toi et je savais que tu ne lâcherais pas.

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Un temps d’adaptation

Reykjavik ne ressemblait pas vraiment à une capitale d’État mais plutôt à une ville moyenne de province. L’habitat y était plutôt dispersé. Il n’y avait pas de gratte-ciels. Les rues ne fourmillaient pas de gens qui se bousculaient en se croisant comme partout ailleurs. Chose étonnante pour les continentaux qu’étaient Adrien et Thomas, tout le monde était chaudement vêtu pour un mois de juillet où le contraste de température était saisissant avec la chaleur qui règne en France et sur le reste de l’Europe, à cette époque-là.

La première chose qui leur parut relever de l’inconnu, c’est avant tout la langue, si complexe, si tordue pourrait-on dire. Les consonances locales résonnaient durement à leurs oreilles. Il faut dire que c’est une langue qui a peu évolué depuis l’époque des vikings. L’islandais d’aujourd’hui est capable de comprendre des textes datant de plusieurs siècles. Il peut aussi comprendre les autres langues scandinaves alors que l’inverse n’existe pas. Heureusement pour nos deux frères, l’anglais, obligatoire à l’école, est couramment parlé par la population, ce qui facilite la communication avec les étrangers. On peut même dire que, au-delà de l’isolement de l’île, cela participe d’une ouverture sur le monde.

C’est dans un anglais suffisamment correct que Thomas demanda à un passant s’il y avait l’équivalent d’un office de tourisme où ils pourraient glaner toutes les informations utiles à la visite de la ville et aux musées qu’ils avaient choisis de découvrir.

En parcourant une partie de la ville en bus pour rejoindre le centre des informations touristiques, ils furent frappés par l’opposition nette entre une architecture ancienne et, les couleurs chatoyantes qu’ils pouvaient voir sur certaines façades d’immeubles. Cela allait du bleu ciel au rouge vermillon en passant par le jaune. C’est sans doute une façon de donner plus de lumière, voire de chaleur dans un pays plutôt froid.

Deux jours leur suffirent pour visiter trois des principaux musées de la cité. Ils n’avaient pas l’intention de s’attarder trop longtemps en ville. Ils étaient impatients de commencer réellement le tour du pays, à commencer par la première véritable étape, les sources chaudes de Hveragerði. Le lieu est idéal pour appréhender l’un des côtés les plus mystiques de l’île, des fumeroles qui sortent de nombreux laquets disséminés çà et là. Ce sont des baignoires naturelles emplies, pour l’occasion, d’une eau chaude naturelle qui, au contact de la fraîcheur de l’air environnant, génère de la vapeur.

Le premier jour, ils eurent la curiosité d’aller voir des serres chauffées à la géothermie où l’on cultivait des fruits et légumes qui permettaient d’approvisionner l’île. Ils étaient bluffés par la manière dont les islandais maîtrisaient cette technologie, non polluante et peu coûteuse, puisque élaborée sans artifices.

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—Ça paraît incroyable de voir pousser des tomates à cette latitude, dit Thomas dans le creux de l’oreille de son frère.

—Tu ne crois pas si bien dire ! On aurait plutôt imaginé, au mieux, des légumes d’hiver tels que les choux, rajouta Adrien.

Ils avaient programmé deux ou trois serres à faire dans la journée. Ils y apprirent les secrets de la géothermie et la manière dont elle était exploitée par les locaux. Il faut reconnaître que si, le fait de vivre sur une terre plus ou moins inhospitalière, avec la présence d’une activité volcanique permanente, n’est pas forcément rassurante, il n’en demeure pas moins que cela donne des compensations sur les plans du bien-être et de l’économie.

Il était facile de lire la joie qu’ils exprimaient par les rictus de leurs visages. Se retrouver au beau milieu de ces jardins, à l’ambiance tropicale, avait quelque chose de glaçant quand on pense à leur origine. Les réponses aux questions qu’ils posaient, à tour de rôle, aux cultivateurs, les fascinaient. L’ingéniosité dont avaient fait preuve les premiers ingénieurs pour dompter la puissance de la géothermie et surtout ses incidences sur la vie de tous les jours, révélait une formidable volonté d’adaptation au milieu.

Cette fois, c’était bien parti, ils foulaient bien le sol d’une voie inconnue. Tout était si différent. Ils étaient certains d’apprendre autant sur eux-mêmes que sur leurs découvertes à venir.

Ils n’auraient jamais pensé un seul instant qu’ils avaient cette même passion de la recherche d’adrénaline, mêlée à un soupçon d’étrangeté où l’on s’attend, à tout instant, à voir apparaître des personnages bizarres, sortis de nulle-part. Ils avaient véritablement l’impression de se retrouver dans un autre monde.

Au cours de leurs visites, ils restèrent un long moment dans une serre immense où étaient cultivés de splendides tomates. Des allées se croisaient presque à l’infini. Cela rappelait les rues en damier des grandes villes américaines. Soudain, au détour d’une des allées, caché derrière un pied de tomate qui devait allègrement dépasser le mètre cinquante de hauteur, ils virent un petit bonhomme, pas plus haut qu’un tabouret. Celui-ci semblait leur faire des signes comme pour les inviter à le rejoindre.

Tout d’abord, ils crurent à une hallucination collective. N’est-il pas vrai que ce phénomène se produit dans des circonstances incongrues ? Puis, en se rapprochant, ils purent effectivement voir quelqu’un s’agiter derrière le pied de tomate.

—Bonjour les garçons ! Leur lança-t-il. N’ayez pas peur, vous ne rêvez pas. Je suis bien réel. Tout abasourdis, Thomas et Adrien ouvraient des yeux grands comme des balles de ping-pong. Ils se demandèrent si ce n’était pas les recherches qu’ils avaient faites sur les mythes et légendes qui influençaient sensiblement leur mental. Il faut croire que non car ce petit bonhomme semblait bien en chair et en os.

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—Vous vous souvenez de moi ? Demanda l’individu. —Nooon ! Répondirent-ils en chœur, d’un ton hésitant.

—Mais si ! Rappelez-vous, je suis venu vous voir, chacun à tour de rôle, dans votre sommeil. —C’était donc ça ! S’exclama Adrien. Nous qui pensions que ce n’était qu’une pure invention de nos esprits fatigués.

—À présent, vous voilà rassurés sur vous-mêmes et sur moi. Il est d’ailleurs temps que je me présente enfin. Je m’appelle Elessan. J’appartiens à un peuple et, à un monde qui vous sont étrangers. Les habitants de ce pays nous appellent « le Peuple Invisible » ou encore « elfes ».

—Vous êtes un elfe ? S’écria Thomas. C’est impossible ! L’existence des elfes est une légende.

—Vous avez maintenant la preuve que nous sommes bien réels. —Nous, coupa Thomas. Ça veut dire que nous n’êtes pas seul ?

—Bien sûr que non et heureusement pour moi, sinon, je m’ennuierais sérieusement. Nous sommes plusieurs millions à travers le monde.

À ce moment-là, les deux frères, en bons gaulois, crurent que le ciel leur tombait sur la tête. —Mais comment se fait-il que jamais personne ne vous ait vus ? Demanda Adrien.

—Parce-que nous avons toujours fait en sorte de nous cacher des êtres humains ou des surfaciens comme nous avons l’habitude de vous nommer. Nous avons été témoins des pires carnages que votre espèce est capable de réaliser. Nous ne voulions prendre aucun risque.

—Alors pourquoi nous avoir choisis, nous, pour apparaître ? Nous sommes de la même espèce que ceux que vous venez de décrire, renchérit Thomas.

—En effet, mais, nous vous surveillons…

—Vous nous surveillez ! S’exclama soudain Adrien, furieux.

—Oui, nous vous surveillons depuis que vous avez pris la décision de vous lancer dans cette aventure. En vous observant à chacune de vos réunions préparatoires, nous en avons conclu que vous étiez des êtres bons et que nous n’aurions rien à craindre de vous.

—C’était donc vous, les lueurs que nous avons cru apercevoir…

—En effet, c’était bien moi. Je veux que vous sachiez, qu’à aucun moment, je n’ai voulu vous effrayer, que ce soit précédemment ou aujourd’hui. Si vous avez ressenti de la crainte, je m’en excuse bien volontiers et vous demande de pardonner mes maladresses.

Les garçons restèrent interloqués par tout ce qu’ils venaient d’entendre. Ils ne savaient pas s’il fallait crier et fuir, boire un alcool très fort, bien qu’ils n’en aient pas sur eux, ou encore, accepter ce qui paraît être la réalité de la situation et tenter d’en savoir davantage.

Elessan leur laissa reprendre leurs esprits avant de les informer de ne pas prendre peur chaque fois qu’ils auraient l’occasion de le rencontrer à nouveau.

(33)

—Vous allez encore nous interpeler ? Demanda Thomas.

—Oui. Acquiesça Elessan. Surtout, n’ayez pas peur de moi, ni de mes congénères, nous n’avons pas de mauvaises intentions à votre égard, ni d’ailleurs, envers la race humaine. Bien au contraire. Nous vous expliquerons, en temps voulu, les raisons de notre rencontre et de nos futures rencontres. Maintenant, je dois vous laisser. Au revoir les amis !

L’elfe disparut aussi promptement qu’il leur était apparu. Bien qu’ils ne comprennent rien à ce qu’il venaient de vivre, ils tentèrent de penser à autre chose.

—Ne faudrait-il pas songer à rentrer à notre gîte ? Demanda Adrien. Nous avons besoin de nous reposer un peu avant le repas pour nous remettre de nos émotions. De plus, si demain, nous partons faire une randonnée par-delà les vallées qui entourent le site, nous aurons besoin de toute notre énergie.

Thomas acquiesça d’un signe de tête en laissant entendre une sorte de râle qui émanait des profondeurs de son larynx.

—Tu as raison, finit-il par dire. Nous ne devons pas préjuger de nos forces. Nous devons prendre en compte que nos corps ne sont pas habitués à ce climat. Ne les fatiguons pas trop vite !

Le retour se fit sans encombre jusqu’au gîte. Ils montèrent à leur chambre et se jetèrent sur leurs lits de tout leur poids. Vingt minutes plus tard, Thomas se leva le premier. Il se dirigea vers la salle de bain pour y prendre une bonne douche revigorante, suivi, après qu’il s’est rhabillé, d’Adrien qu’on entendait chantonner.

Il était 19 heures 30 quand ils descendirent dans la salle à manger commune du bâtiment. La maîtresse de maison avait préparé une spécialité du pays. Il s’agissait de jambon de mouton cuit à la cendre noire. Le goût était particulier mais ils apprécièrent ce plat au bout de quelques secondes de mastication. Ils savaient qu’ils allaient devoir habituer leurs papilles à des saveurs mystérieuses tout au long de leur périple.

Une heure plus tard, ils étaient emmitouflés sous leurs couettes et dormaient comme des bienheureux.

Adrien, tout en s’endormant, repensa à ce jour où, en guise de recherche, il s’était rendu à la Bibliothèque d’Angers. Il y avait lu les extraits d’un grimoire qui parlait des runes, vieilles références à la magie et à un alphabet étrange, il y apprit qu’on n’en connaissait pas vraiment l’origine géographique, et son fondement était multiple. Vraisemblablement, sur le plan étymologique, ce terme renvoie aux secrets de la magie. Sans s’en apercevoir, il était passé de la pensée au rêve…

…Il se voyait autour d’un feu géant, au centre d’un village constitué de cabanes de bois, en bordure d’une étendue aquatique. Il ne sut pas dire, à son réveil, si c’était la mer ou un lac. Assis près du feu, il discutait avec une sorte de shaman, vieil homme recroquevillé sur ses genoux, qui

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