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Communication présentée à l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse en sa séance du jeudi 9 juin 2011.

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Communication présentée à l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse en sa séance du jeudi 9 juin 2011.

Antoine d’Abbadie (1810-1897) : d’Irlande au Pays basque, en passant par Toulouse, l’Ethiopie et bien d’autres contrées

Jean-Baptiste Hiriart-Urruty

Résumé. Nous parcourons la vie et l’œuvre d’Antoine d’Abbadie (1810-1897), assurément le plus grand savant du Pays basque français. Philanthrope, linguiste, explorateur, anthropologue, scientifique,… ce « savanturier » aux multiples facettes est au Pays basque français ce que son mentor François Arago est à la Catalogne française.

Resumen. Haremos un recorrido por la vida y obra de Antoine d’Abbadie (1810- 1897), sin duda alguna el más grande de los eruditos del País Vasco francés.

Filántropo, lingüista, explorador, antropólogo, científico.... este « sabio-aventurero » de múltiples facetas es al País Vasco francés lo que su mentor François Arago es a la Cataluña francesa.

Abstract. We travel through the life and the work of d’Abbadie (1810-1897), undoubtedly the greatest scholar from the French Basque country. Philanthropist, linguist, explorer, anthropologist, scientist,… this multi-faceted “erudite-adventurer”

is to the French Basque country what his mentor François Arago is to the French Catalonia.

Introduction.

Quand vous arrivez à Hendaye par la route venant de St Jean-de-Luz, appelée « La corniche », vous découvrez, planté sur un domaine au bord de l’océan, un étrange château… étrange par son style, par son emplacement ; il est annoncé juste avant la descente vers Hendaye-Plage, le « château d’Abbadia ». Que vient faire cet austère manoir irlandais à cet endroit ? Qui est ce personnage d’Abbadie ? C’est à sa découverte que je vous convie dans cette causerie. Elle nous fera voyager, d’Irlande à Toulouse, à Paris puis en Ethiopie (et bien d’autres pays), enfin à Hendaye.

Il se trouve que l’année dernière (2010) fut celle du bicentenaire de la naissance de d’Abbadie, cela fut célébré au printemps à Hendaye ; c’est donc une bonne occasion d’évoquer ce personnage et son extraordinaire carrière ici à l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Toulouse.

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Je dois commencer par vous faire un aveu. Moi qui pourtant ai été formé en Pays basque (pour ce qui concerne l’enseignement secondaire, du moins), je n’avais jamais entendu parler de d’Abbadie jusqu’à il y a une trentaine d’années… Le château de Hendaye évoqué au début semblait endormi, et les digressions de nos professeurs dans l’histoire régionale quasi-nulles. Ce n’est plus tout à fait le cas actuellement, même si je pense que la diffusion de l’histoire de d’Abbadie et de ses travaux, vers les collégiens, lycéens, ou le grand public, peut être encore améliorée. Quant à ce qui concerne l’extérieur du Pays basque, ceci est une modeste contribution à l’échelle

« toulousaine ».

Antoine d’Abbadie est né à Dublin en 1810, son père est basque, sa mère est irlandaise. D’Abbadie vécut en Irlande jusqu’à l’âge de dix ans. La biographie que je vais vous présenter rapidement est divisée en quatre parties :

- A. d’Abbadie et l’Irlande : son enfance

- A. d’Abbadie à Toulouse et à Paris : sa jeunesse

- A. d’Abbadie et son grand voyage en Ethiopie avec son frère Arnauld - A. d’Abbadie en Côte basque (à Urrugne et Hendaye).

Mais commençons par le commencement, les racines familiales d’A. d’Abbadie.

1. L’origine du nom d’Abbadie. Le père d’A. d’Abbadie, du Pays basque vers l’Irlande

C’est à Arrast, petit village de Soule1, qu’est installée la famille d’Abbadia, depuis le XIVème siècle au moins. Une maison porte le nom d’Abbadia, face à l’église du village, d’où le nom fréquemment mentionné « d’Abbadia », à la place de d’Abbadie.

Avec d’autres jeunes du village, Michel d’Abbadie, le père d’Antoine, passe de Soule en Espagne en 1791, pour y chercher du travail. Plus tard, il s’installe en Irlande, à Dublin précisément. Il s’y enrichit dans le commerce, dans celui de l’armement des vaisseaux notamment.

Michel se marie en 1807 avec Elisabeth Thompson of Park (de Dublin). Le couple aura six enfants, Antoine est le second. Une des filles, Céline, sera religieuse au Sacré Cœur de Toulouse. Antoine est le fils aîné, cela aura son importance car c’est l’héritier universel, chargé de gérer la fortune léguée par son père et aussi de doter ses frères et sœurs. Les quatre premiers enfants d’Abbadie naîtront à Dublin, les deux derniers à Toulouse.

En 1820, les époux d’Abbadie quitteront l’Irlande pour le continent. Ils s’installent à Toulouse.

1 La Soule est la plus petite des trois provinces basques du Pays basque français ; situé le plus à l’Est, elle touche la province du Béarn avec qui elle partage quelque peu le style des maisons et quelques coutumes. Arrast (en Soule) est la traduction béarnaise du basque « hourristoia », qui signifie « lieu planté de coudriers ».

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2. La jeunesse d’Antoine d’Abbadie (entre les âges de 10 et 27 ans), à Toulouse puis à Paris

- A Toulouse (1820-1827)

La famille d’Abbadie s’installe « dans le vaste hôtel Saint-Jean situé au cœur de la ville ». L’activité du père consiste à gérer son immense fortune. Antoine fait de solides études secondaires dans un collège-lycée de Toulouse. Les d’Abbadie faisaient déjà le voyage vers la Côte basque, précurseurs qu’ils étaient de la thalassothérapie ; on lit au détour d’une lettre de Michel, le père, « L’automne dernier, me trouvant avec ma famille à Biarritz pour prendre des bains de mer… ». Antoine passe le baccalauréat en 1827 ; il y commence des études de Droit (il y fera une année), à la demande pressante de son père, car lui-même souhaitait se consacrer aux Sciences.

Ce tiraillement constant entre plusieurs disciplines apparaîtra durant toute la carrière d’Antoine. A Toulouse, il s’exerçait déjà à construire des cadrans solaires et autres instruments scientifiques.

- A Paris (1828-1837)

En 1828, la famille d’Abbadie s’installe à Paris, rue St Dominique. Antoine étudie le Droit jusqu’en 1831, mais aussi les Lettres et les Sciences. Il suit les cours des meilleurs professeurs de l’époque : Brongniart en minéralogie, Biot et Arago en physique ; Antoine est le disciple préféré du grand Arago (François Arago). Le père d’Antoine meurt à Paris en 1832, d’une épidémie de choléra. Depuis son jeune âge, Antoine s’intéresse aux langues, notamment à la langue basque. En 1835, il publie avec Augustin Chaho, un autre souletin2, un travail de grammaire intitulé Etudes grammaticales sur la langue euskarienne. La même année, à la demande d’Arago et au nom de l’Académie des Sciences, il fait au Brésil un voyage de recherches sur le magnétisme terrestre. Lors de la traversée, il fait la connaissance du futur Napoléon III, et ils deviennent, semble-t-il, durablement amis.

L’année 1837 sera une année-fracture, il entreprendra avec son frère Arnauld une longue expédition en Ethiopie3 (cf. paragraphe suivant) : là se termine la jeunesse d’Antoine. Retenons qu’il a étudié dans des domaines très divers et continuera ainsi toute sa vie. Mais il y a une discipline qu’il aime par-dessus toutes, c’est l’exploration de la voûte céleste, l’astronomie.

3. A. d’Abbadie en Ethiopie, avec son frère Arnauld (1837-1848) : le « savanturier »4 Antoine d’Abbadie explorera l’Ethiopie pendant près de douze ans, avec son jeune frère Arnauld. Leur but premier : découvrir les sources du Nil. Ils y arriveront, au moins pour le Nil bleu. Antoine, protégé par son frère guerrier, mène des recherches

2 Augustin Chaho (Agusti Xaho en basque) est né le 10 octobre 1811 à Tardets (Province de Soule).

Journaliste, écrivain, homme public, il vécut à Toulouse dès 1838. Il est mort à Bayonne en 1858, y est enterré ; une rue du « Petit Bayonne » porte son nom. Un hommage lui sera rendu au Pays basque (à Bayonne et à Tardets) en octobre 2011, à l’occasion du 200-ème anniversaire de sa naissance.

3 Appelée encore « l’Abyssinie » à l’époque.

4 Je dois ce néologisme, contraction des mots « savant » et « aventurier », à Madame Céline Davadan (administratrice déléguée au Château d’Abbadia à Hendaye).

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dans bien des domaines : géographie, géodésie, astronomie, physique, biologie, ethnographie, linguistique. Il apprend les langues locales, la langue des religieux d’Ethiopie par exemple, qu’il mit dix ans à acquérir ; il écrit un dictionnaire de 40000 mots en amharina, la principale langue d’Ethiopie.

Les deux frères d’Abbadie nourrissaient aussi le rêve d’ouvrir la voie aux missionnaires catholiques, comme c’était souvent le cas des explorateurs en Afrique à cette époque-là. Sur ce point, les deux frères n’eurent qu’un succès limité. Ils quittent l’Afrique orientale vers la fin de 1848, mais resteront en relation avec des seigneurs éthiopiens.

Ce long épisode éthiopien est un des piliers de la vie de d’Abbadie ; je ne m’étendrai pas davantage car cet aspect est très bien développé par ailleurs dans des copieux documents. Signalons aussi que de nombreux manuscrits de d’Abbadie ont été déposés à la Bibliothèque nationale. Le nom de d’Abbadie reste encore bien connu de nos jours en Ethiopie ; j’ai pu le vérifier auprès d’un collègue mathématicien originaire de ce pays5.

Après cette longue absence de France, le « savanturier » D’Abbadie va se « poser » un peu, sur la Côte basque précisément.

4. A. d’Abbadie en Côte basque, à Urrugne et à Hendaye.

- A Urrugne (1849-1869)

Après un premier séjour aux confins du Béarn qui ne dura pas très longtemps, A.

d’Abbadie s’installe à Urrugne en 1849. Il n’en continuera pas moins ses voyages de recherche à l’étranger, en Norvège, Espagne, Algérie, etc. En 1852, il est élu à l’Académie des Sciences de Paris comme membre correspondant (dans la section de Géographie et de Navigation). Auparavant, en 1849, il avait été élu membre correspondant de notre compagnie6.

A partir de 1851, A. d’Abbadie crée à Urrugne des fêtes basques et lance des concours (de poésie, d’émulation artistique, de pelote, d’irrintzinas,7 de bétail,…) ; tous les jeux basques de l’époque étaient représentés (physiques comme ceux de l’esprit)8, les concours duraient plusieurs jours. Il récompensait les vainqueurs de ses propres deniers. J’ai pu lire qu’il fut probablement inspiré par les Jeux floraux de

5 Voici une anecdote que m’a confiée C. Davadan (communication personnelle du 11 mars 2011).

Savez-vous comment les éthiopiens nommaient Antoine d’Abbadie ? Réponse : Le véritable cheval blanc. Traduit en Amharique : Abba Dya (Abba : le vénérable, et Dya : le cheval blanc figurant le voyageur infatigable et … blanc qu’était Antoine d’Abbadie aux yeux des éthiopiens !). Stupéfiante homophonie !

6Je remercie notre confrère S. Bories pour les informations à ce sujet trouvées dans les archives et qu’il m’a communiquées.

7 Cri typique chez les bergers basques. Il existe de nos jours un concours annuel d’irrintzinas, lequel se déroule à Hasparren au mois d’août.

8 Les Basques aiment bien les défis, physiques comme ceux de l’esprit. Cela est aussi source de plaisanteries entre eux, ou impliquant leurs voisins et amis Béarnais. En voici un exemple : « Pour inciter un basque à faire un travail qui ne l’attire pas, il faut lui dire que c’est une tâche impossible. Pour obtenir le même effet chez un Béarnais, il faut lui souffler négligemment qu’un Basque l’a fait… »

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Toulouse. Ces jeux et défis continueront d’être organisés après la mort d’A.

d’Abbadie, jusqu’aux heures sombres de la guerre civile en Espagne (1935).

Le train facilite les relations de la Côte basque avec Paris ; le train arrive en effet à Bayonne en 1855 et à Hendaye en 1864. En dépit de tous ses déplacements à l’Académie des Sciences, de ses expéditions ponctuelles à l’étranger, A. d’Abbadie poursuit son œuvre par des travaux longs et détaillés sur la langue basque.

En 1859, A. d’Abbadie épouse Virginie de Saint-Bonnet (1828-1901), originaire du Dauphiné. Ils n’eurent pas d’enfant, vous verrez par la suite que cela aura de l’importance.

De 1864 à 1870, A. d’Abbadie fait construire le château d’Abbadia que j’évoquais au début, sur la corniche basque, d’après les plans de Viollet-Le-Duc. Le travail est dirigé par un autre architecte, le bien nommé Duthoit. Le château, que je vous conseille de visiter si vous ne l’avez déjà fait, est surprenant et très particulier, à l’extérieur comme à l’intérieur. L’extérieur est bâti en style néogothique irlandais. A l’intérieur, vous trouverez des peintures murales évoquant la faune d’Ethiopie et d’Egypte (crocodiles, singes,…), des pierres ornées de proverbes écrits dans les quatorze langues que possédait A. d’Abbadie. Le travail s’achève en 1870. Napoléon III devait poser la dernière pierre. Mais, après sa défaite à Sedan, l’empereur doit partir en exil cette année-là… Il manque donc une pierre sur un balcon supérieur du château d’Abbadia.9

En 1867, A. d’Abbadie est élu membre titulaire de l’Académie des Sciences de Paris, son concurrent direct était Y. Villarceau. Il y eut d’ailleurs quelques problèmes ou frictions au moment de son élection, car la plupart des académiciens ne partageaient pas sa foi catholique militante. Le grand Arago est là pour calmer le jeu : « Nous n’avons pas à disséquer ce qu’il y a de plus intime dans l’homme ; nous n’avons à examiner que les travaux de Monsieur d’Abbadie. Ses opinions religieuses ne sont pas de notre domaine. Quant à moi, je porte envie à ceux qui croient.»

- A Hendaye (1870-1897)

De 1871 à 1875, A. d’Abbadie est maire de Hendaye.

Au Pays basque, comme ailleurs, c’est la guerre (politique) entre les « rouges » et les

« blancs ».

C’est en 1873 qu’il publie ses deux principaux ouvrages scientifiques : Géodésie d’Ethiopie et Observations relatives à la physique du globe faites au Brésil et en Ethiopie.

Même âgé, il voyage beaucoup (à propos d’études d’éclipses du soleil, de problèmes liés au magnétisme terrestre). Il entreprend également des observations astronomiques depuis son château.

En 1878, déjà âgé de soixante-huit ans, A. d’Abbadie entre au Bureau des Longitudes.

Il lui fut attribué le poste de géographe qu’avait obtenu Janssen, celui-ci étant passé astronome à la suite de la démission de V. Puiseux en 1875.

9 J’ai pu le vérifier grâce à l’amabilité de C. Davadan, car ceci se trouve sur une partie du château qui ne se visite pas.

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En 1892, il est élu Président de l’Académie des Sciences.

En 1895, il lègue son château avec toutes ses terres à l’Académie des Sciences (le domaine cédé avait près de 300 hectares) A-t-il pensé à d’autres légataires ? Probablement, peut-être à son jeune ami Pierre Loti (1850-1923).

Comme je vous le disais, il va régulièrement à Paris ; il y décède le 19 mars 1897 dans une chambre du 120, rue du Bac, en l’hôtel où était décédé Chateaubriand en 1848. Il est inhumé sous la chapelle du château d’Abbadia. Sa femme meurt quatre ans plus tard, en 1901.

L’Académie des Sciences prend dès lors la responsabilité du château, de l’observatoire, de la bibliothèque, des terres. Une partie des terres fut vendue pour permettre l’entretien du château et de l’observatoire.

5. Période récente. Historique et évolutions.

5.1 Evolution administrative et structurelle lors des 40 dernières années

Au moment de la cession à l’Académie, le domaine d’Abbadia s’étend sur 430 hectares et comprend une trentaine de fermes. Ce sont 280 hectares, autour du château et d’une ferme (« Arragorri ») que récupérera l’Académie10. Le château fut utilisé comme observatoire astronomique, de 1901 à 1975, époque où le matériel fut considéré comme obsolète11. L’Académie décide alors d’en faire un centre de culture scientifique, accessible au public (décision de janvier 1996). C’est le début de ce qu’on pourrait appeler l’époque moderne du domaine d’Abbadia. La restauration commence à partir de 1995 et durera plus de dix ans, celle des décors intérieurs se terminant en 2007.

En 1975, 75 hectares du domaine furent cédés au Conservatoire national du Littoral (le domaine est en effet situé au bord de l’océan, d’ailleurs le « mur de l’Atlantique » démarrait là lors de l’occupation pendant la deuxième guerre mondiale). Ainsi, aujourd’hui, l’Académie ne détient qu’un parc de 5 hectares autour du château.

De façon très récente, et après que l’essentiel de ce texte fut rédigé, j’ai appris que l’Académie déléguait le château et domaine d’Abbadia à la ville de Hendaye (ceci date de décembre 2010).

5.2 Résonances actuelles

La fréquentation du château et de son domaine environnant est passée en 2009 à 33000 visiteurs accueillis sur une période allant de février à mi-décembre. En raison de multiples partenariats que l’Académie des Sciences a noués avec le milieu universitaire et associatif, toute une animation s’est progressivement mise en place, afin de valoriser le patrimoine scientifique d’un château-observatoire exceptionnel ([5]).

10 Le secrétaire perpétuel et le président de l’Académie des sciences avaient l’habitude d’y venir séjourner l’été. Le mathématicien Gaston Darboux y séjourna par exemple. Un immense portrait d’un autre mathématicien, Emile Picard (1856-1941), figure dans la bibliothèque ; il est fort probable qu’il y séjourna également.

11 Tous les accessoires astronomiques mis en place par d’Abbadie étaient gradués en système décimal (les angles en grade, les heures en cent minutes).

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Parmi les prix thématiques en sciences de l’univers de l’Académie des Sciences figure le Prix Antoine d’Abbadie12 (transformé en 1976) : « Prix destiné à récompenser alternativement des travaux d’astronomie et des travaux en géophysique ». En 2010, le prix a été porté à 3000 euros ; sa prochaine attribution aura lieu en 2011.

6. En guise d’épilogue. « D’Abbadie = l’Arago du Pays basque ».

Lors d’une précédente communication à l’académie ici-même, j’avais évoqué les dénominations de collèges, lycées et universités ([6]). Force m’est de constater qu’aucun établissement d’enseignement secondaire ne porte le nom de d’Abbadie au Pays basque. Nous-même, avec mon collègue J.-L. Irigaray (Professeur de Physique nucléaire émérite des universités de Clermont-Ferrand), réfléchissant à un développement universitaire cohérent et original, c’est tout naturellement le nom de d’Abbadie que nous avions choisi pour dénommer l’université technologique projetée au Pays basque ([7]). Le projet n’ayant pas eu de suite, le nom d’Abbadie reste inutilisé pour un établissement de formation.

D’Abbadie est assurément le plus grand savant du Pays basque français : philanthrope, linguiste, explorateur, anthropologue, scientifique,… Il est à souhaiter que tout collégien ou lycéen du Pays basque ait l’occasion d’apprendre qui il était, ce qui n’était pas le cas pour les jeunes de ma génération. Son aura devrait être au Pays basque celui de François Arago (1786-1853) en Catalogne, ce qui me conduit à proposer cette définition raccourcie : « D’Abbadie = l’Arago du Pays basque ».

Quelques inscriptions ou dictons de d’Abbadie ou liés au château d’Abbadia.

« Cent mille bienvenues », inscription en gaëlique à l’entrée du château d’Abbadia de Hendaye.

« Plus être que paraître ». Devise que d’Abbadie fit sienne.

« Voyager seul et sans armes, vivre sobrement et à la manière du pays, en respectant ses coutumes ; s’armer de patience et ne pas perdre de vue le but à atteindre » (d’Abbadie dans son Guide du voyageur, 1881).

« Ez ikusi, ez ikasi » (= « Pas vu, pas appris »), devise en basque.

« L’aiguille habille tout le monde et reste nue », dicton arabe.

« L’éloquence des pauvres, ce sont les larmes », dicton éthiopien.

« Il suffit d’un homme pour jeter une grosse pierre dans un puits, il en faut six pour l’en tirer », dicton de la sagesse basque.

A sa mort, d’Abbadie fut qualifié d’ « Euskaldunen aita », c’est-à-dire « le père des basques ».

12 A côté du Prix et médaille Arago, prix d’astronomie créé en 1887.

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Références.

1. G. Darboux, Notice historique sur Antoine d’Abbadie. Séance publique annuelle de l’Académie des Sciences de Paris du 2 décembre 1907.

2. Discours de Jean Dercourt, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences de Paris le lundi 18 novembre 1996.

3. Actes du Congrès d’Antoine d’Abbadie à Hendaye (1997), à l’occasion du centième anniversaire de son décès. Publié par Euskaltzaindia (Académie de la langue basque) en 1998.

4. Antoine d’Abbadie, De l’Abyssinie au Pays basque, voyage d’une vie. Collectif sous la direction de Jean Dercourt, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. Editions Atlantica (2010).

5. Courrier de Jean Dercourt en date du 15 septembre 2010.

6. J.-B. Hiriart-Urruty, Bien choisir le nom. Communication à l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Toulouse, 24 mai 2005. Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Toulouse, Vol. 168, 2006, pages 161-169.

7. J.-B. Hiriart-Urruty et J.-L. Irigaray, Ecrits divers dans les journaux du Pays basque, de 1999 à 2008.

Annexe 1

A. d’Abbadie et l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Toulouse

J’ai eu l’occasion d’évoquer ici-même la relation historique qui existait entre le Pays basque et l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, à travers la filleule de celle-ci qui se trouve être la Real sociedad bascongada de los amigos del pais (Saint Sébastien) ([6, page 163]). En cette année internationale de la chimie, je ne puis passer sous silence le fait que la première relation de la découverte du tungstène (ou wolfram) par les deux frères basques d’Elhuyar fut faite auprès de l’Académie de Toulouse en 1784 ([8]).

La relation d’Antoine d’Abbadie fut différente puisqu’il fut nommé « membre associé correspondant » en 1849. La mention de cette nomination figure pour la première fois en 1850 ([9]). On trouve trace d’une de ses communications en 1849 ([10]). Il est intéressant de reprendre ici la fin de la communication d’A. d’Abbadie, suivie de la manière dont le rapporteur sur la candidature de d’Abbadie, un dénommé M. Petit, fit sa présentation.

(9)

A. d’Abbadie :

« En venant entretenir cette Académie d’un phénomène obscur, et dont nous ne pouvons étayer l’histoire par une théorie expérimentale, nous avons moins la prétention d’enfreindre ses savants loisirs, que de présenter un hommage reconnaissant à la seule municipalité de France qui ait consacré ses économies aux progrès de l’astronomie, la plus antique et la plus noble des sciences. Pressé de revoir nos Pyrénées après dix années d’absence, nous nous sommes arrêté quelques jours à Toulouse pour examiner son Observatoire, dont l’existence nous a été révélée par les éloges des savants Anglais. Il nous a été donné d’étudier en France, en Angleterre, en Irlande et en Italie, des établissements analogues, fondés aussi en ces derniers temps, d’après les perfectionnements et les conseils des Arago, des Herschel et des Bessel, et nous sommes fier de voir que la munificence du Conseil municipal n’a pas manqué aux désirs intelligents des compatriotes de Fermat. Nous avons la confiance que les zélés successeurs des Capitouls doteront de nouveaux astronomes cet établissement modèle, sur lequel plus d’une découverte nouvelle a déjà appelé l’attention de l’Europe savante, et où les observateurs ne suffisent déjà plus aux importants travaux qu’elle y a vu naître. »

M. Petit :

« Les quelques lignes qui précèdent (où M. Petit parle des aspects scientifiques contenus dans la communication de d’Abbadie) paraissent suffisantes pour faire apprécier à l’Académie le degré d’intérêt que ses Commissaires ont dû attacher à la communication de M.

d’Abbadie. Nous nous bornerons par conséquent à ajouter que ce savant voyageur, bien connu déjà, du reste, par d’importantes découvertes et par de nombreux travaux, est, pour ainsi dire, notre compatriote, puisqu’il est issu d’une famille originaire du Midi de la France, où il a conservé lui-même plusieurs propriétés considérables, et qu’en outre sa première éducation a été faite au lycée de Toulouse ; que, possesseur d’une fortune considérable, il sait en faire un noble usage, en la consacrant, à l’exemple de l’illustre Humboldt, à des voyages lointains et à des explorations scientifiques qui ont déjà donné de nombreux et remarquables résultats ; enfin, que l’hommage offert par lui à l’Académie de Toulouse dans la dernière séance, a été un hommage de reconnaissance pour l’instruction que les jeunes années de M.

d’Abbadie avaient trouvée dans notre ville, et que cet hommage nous paraît de nature à rencontrer d’autant plus de sympathie parmi nous, qu’il constitue les prémices des immenses matériaux scientifiques recueillis, à travers mille fatigues et mille dangers, par M. d’Abbadie, dans son dernier voyage, dont la durée n’a pas été de moins de dix années. Votre Commission vous propose donc, à l’unanimité, de renvoyer au Comité de librairie et d’impression le travail de M. d’Abbadie, qui lui a paru de nature à figurer avec honneur dans nos Mémoires ; et de consacrer à votre tour les liens que la communication de M. d’Abbadie a commencé d’établir antre vous et lui, en décernant à ce savant et déjà célèbre voyageur, le titre de Membre correspondant.

La mort de d’Abbadie est signalée dans la rubrique nécrologie de ([11]), sous le titre

« Correspondants nationaux ».

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Références de l’Annexe 1.

8. Les (deux) frères d’Elhuyar, Mémoire sur la nature du wolfram et celle d’un nouveau métal fin qui entre dans sa composition. Mémoire lu à la séance du 24 mars 1784.

Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 1784, Tome II, pages 141-168.

9. Liste des « Associés correspondants », rubrique « Physique et Astronomie » : A.

d’Abbadie, de Navarreins (Basses-Pyrénées). Mémoires, Tome VI, 1850, page IX.

10. A. d’Abbadie, Sur un météore peu observé jusqu’ici, Mémoires de l’Académie nationale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, Troisième série, Tome V, 1849, pages 296-303.

11. Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, Neuvième série, Tome IX, 1897, page XV.

Annexe 2

Dons, Legs, Fondations,… que faut-il en penser ?

On a vu brièvement l’importance du legs d’A. d’Abbadie à l’Académie des Sciences de Paris. Toutes les institutions organisées (universités, académies, etc.) reçoivent occasionnellement des legs ou des dons sous formes d’immobilier, de sommes d’argent,... Ceci est particulièrement prisé en Amérique du Nord, moins en France.

Le sujet est d’actualité avec la création de Fondations auprès des universités, et aussi avec l’initiative de Bill Gates et Warren Buffett en été 2010 consistant à demander à quarante des plus grandes fortunes des Etats-Unis de céder la moitié de leurs avoirs à des organismes à but caritatif, d’éducation, d’aide ou de recherche médicale.

Certains exemples sont remarquables et dignes d’admiration, tels ceux de Bill et Melinda Gates aux Etats-Unis et d’Odon Vallet en France.

- Bill & Melinda Gates Foundation, créé en 2000, a pour but d’apporter à la population mondiale des innovations en matière de santé et d’acquisition des connaissances.

Quant à Warren Buffett, il a décidé que ses enfants n’hériteraient pas de toute sa fortune et s’est associé à la Fondation Gates.

- Odon Vallet est un collègue parisien, spécialiste des religions. Ayant hérité de la fortune de son père, il a créé en 1999 une fondation dans le but d’attribuer des bourses à des jeunes (du Bénin, du Vietnam, etc.) désireux et aptes à poursuivre des études, mais dont l’environnement culturel et économique constitue un obstacle à ces projets. Des milliers de bourses ont été distribuées en une dizaine d’années. Son livre de 2009, intitulé « Les enfants du miracle » (aux Editions Albin Michel) relate les expériences réussies ces dernières années.

(11)

Plus près de nous, la Fondation La Dépêche du Midi, créée en 2008, est une fondation d’entreprise à vocation sociale et éducative. Elle distribue des bourses à des lycéens méritants de la région Midi-Pyrénées.

La Fondation de France abrite et gère beaucoup de ces legs en France, celle d’Odon Vallet par exemple Ce n’est pas chose facile que de créer une Fondation, même si l’intention est louable et quelques économies réservées à cet effet. Un dépôt initial important est nécessaire. Les choses se sont améliorées ces dix dernières années, en raison d’une fiscalité avantageuse.

Que faut-il penser de ces Fondations (leur multiplication, leur rôle, leur financement, etc.) ? Je pose la question et la livre à la discussion de l’Académie.

Références de l’Annexe 2.

12. Les milliardaires français se foutent de la charité, Dossier dans Libération du 27 décembre 2010, pages 2-3.

13. Site web The Giving Pledge (= Promesse de don), lancé en juillet 2010.

14. World Giving Index, Rapport sur la générosité dans le monde (septembre 2010).

Discussion

Michel Sicard : Y a-t-il une découverte associée au nom de d’Abbadie ?A-t-il découvert les origines du Nil bleu ?

Réponse : En fait, d’Abbadie était surtout connu pour ses travaux en linguistique (c’est l’un des fondateurs de la Société de Linguistique de Paris et son premier président (1864-1865)), ses actions de mécénat et son château-observatoire de Hendaye. On peut dire aussi qu’il a découvert les origines du Nil bleu.

Pierre Lile : Pourquoi était-il si intéressé par l’Abyssinie ?

Réponse : Je ne sais pas… L’Abyssinie, à l’époque, n’était pas un pays facile d’accès.

Germain Sicard : Je suppose que lorsqu’il a légué son domaine et château à l’Académie des Sciences de Paris, le Conseil d’État n’a trouvé aucun obstacle familial à ce legs ?

Réponse : C’est exact, d’ailleurs il n’avait aucun proche parent.

Jacques Arlet : On peut supposer qu’il avait des rentes considérables pour faire de tels voyages et de telles dépenses foncières ?

Réponse : En effet, il vivait essentiellement de la fortune héritée de son père !

Michel Sicard : Le principe des fondations, libres d’impôts, très prisé dans les pays anglo- saxons, ont permis de faire beaucoup de choses dans le domaine culturel, d’autant qu’elles ont l’obligation d’assurer le droit de visite.

Réponse : C’est certain, mais on peut difficilement imaginer une telle évolution en France et je vous rappelle que leur création, en tout cas sous l’égide de la Fondation de France, n’est possible qu’après un dépôt minimum important (de l’ordre d’un million d’euros).

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