KB12
EVALUATION DE LA FORCE DE L’ASSOCIATION ENTRE HYPERVITAMINEMIE B12 ET CANCERS SOLIDES
Prouveur Benoit
Né le 20/01/1986 à SAINT-QUENTIN (02)
2018-2019
THÈSE
pour le
DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE DES de Médecine Générale
Sous la direction de M. Urbanski Geoffrey
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Soutenu publiquement le :
23 janvier 2020
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signé par l'étudiant(e) le 03 / 10 / 2019
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REME RC IEM ENTS
Tout d’abord, j’adresse mes sincères remerciements au Professeur ANNWEILER d’avoir accepté de présider ce jury. Au Professeur CONNAN, au Docteur CAPITAIN et au Docteur LAVIGNE pour avoir consenti à participer en tant que jury de cette thèse d’exercice, et pour le temps consacré à l’évaluation de cette étude.
Au Docteur URBANSKI qui a accepté que je travaille sur ce sujet sous sa direction, pour sa présence et sa disponibilité et qui m’a poussé et accompagné jusqu’au bout dans cette étude.
De manière moins formelle mais tout aussi sincère,
A ma maman et mon papa qui m’ont vu hésiter, réussir, échouer, surmonter les échecs, sillonner un parcours que je pensais parfois insurmontable, pendant tout mon cursus. Et qui m’ont supporté tout ce temps. Je vous aime !
A Nanou, Roro et Titi, à Antoine, Soso et Krapouille, et à toute la tribu, pour leur conseil, et pour parfois m’extirper du monde médical et se retrouver un peu.
A Baba, qui a su me rassurer, me relancer, me motiver et me surpasser quand il le fallait, j’espère qu’on pourra renouveler encore notre contrat.
A la team gyneco générale et annexe, pour le soutien, les rires, les soirées et les conseils vestimentaires… Laval est loin derrière, mais les murs chuchotent encore nos noms.
A Benjamin, je ne perds pas l’espoir d’ouvrir un jour notre cabinet, en attendant, on pourra toujours essayer les violettes !
A Youyou pour m’avoir accompagné et encouragé pendant ce cursus
A Antoine, Sanglier, PY, Parpaillot, Tetelle, JD, Matthieu qui savent ce qu’être ômiennois implique. Le travail, les révisions et le reste… on se retrouvera au cba, avec le bon Benoit et Bambi pour lui faire sa fête !
A Joachim DU BELLAY (1522-1560), dont les angevins écorche le nom, sans qui je ne serais pas en cette ville, et tout ce qui en découle.
A Rudyard KIPLING (pour qui je n’ai jamais cherché les dates de naissance et de mort) dont les mots m’ont parfois permis de reprendre pieds
Liste des abréviations
5’dAdo 5’deoxyadenosyl CN Ligand cyanique OH Ligand hydroxyde HCl Acide chlorhydrique TCB I Transcobalamine de type I TCB II Transcobalamine de type II TCB III Transcobalamine de type III FI Facteur intrinsèque
CUBAM Cubuline amnionless Cbl Cobalamine
HC Haptocorrine
m-THF Méthylène-tétrahydrofolate
CoA Coenzyme A
ATP Adenosine triphosphate SIR Standardized incidence ratio
OR Odd ratio
CNIL Commission nationale de l’informatique et des libertés CHU Centre hospitalier universitaire
aOR Adjusted Odd ratio
IRC Insuffisance rénale chronique
Sommaire
ETUDE KB12 : EVALUATION DE LA FORCE DE L’ASSOCIATION ENTRE HYPERVITAMINEMIE B12 ET CANCERS SOLIDES
1. AVANT-PROPOS : BASES BIOCHIMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES DE LA VITAMINE B12 1.1. Généralités
1.2. Structure chimique
1.3. Métabolisme de la vitamine B12 dans l’organisme 1.3.1. Apports et réserves
1.3.2. Cycle et métabolisme
1.4. Rôle
1.5. Physiopathologie de l’hypervitaminémie B12
2. INTRODUCTION
3. PATIENTS ET METHODES
3.1. Aspects éthiques 3.2. Population de l’étude 3.3. Dosage de la vitamine B12 3.4. Données collectées 3.5. Méthodes statistiques
3.5.1. Association entre cancers solides et groupe High B12
3.5.2. Détermination de la valeur seuil de B12 maximisant l’association entre élévation de B12 et risque de cancers solides selon la présence de métastases
3.5.3. Association entre B12 élevée et cancers solides par intervalle de B12 selon le caractère métastatique ou non du cancer
3.5.4. Association entre groupe hyperB12 et cancers solides selon le type de cancers, sa localisation et la localisation des métastases.
4. Résultats
4.1. Description de la population (tableau 1) 4.2. Causes de B12 élevée en analyse multivariée
4.3. Détermination des meilleurs seuils de B12 pour évaluer l’association à un cancer solide selon la présence ou non de métastases
4.4. Force de l’association entre cancers solides et B12 élevée
4.4.1. Selon le caractère métastatique du cancer par intervalles de B12 plasmatique (tableau 3) a) Selon le type de cancer (tableau 4)
b) Selon la localisation initiale du cancer et des métastases (tableau 4)
5. Discussion
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ILLUSTRATIONS TABLE DES TABLEAUX
ETUDE KB12 : EVALUATION DE LA FORCE DE L’ASSOCIATION ENTRE HYPERVITAMINEMIE B12 ET CANCERS SOLIDES
1. AVANT-PROPOS : BASES BIOCHIMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES DE LA VITAMINE B12
1.1. Généralités
La vitamine B12 ou cobalamine est une vitamine, c’est-à-dire une substance organique active et indispensable à la croissance et au fonctionnement de l’organisme, qui ne peut en effectuer lui-même la synthèse(1).
1.2. Structure chimique
Elle appartient à la famille des corrinoïdes. Elle est constituée d’un noyau corrine (un tétrapyrolle avec un atome de cobalt central) relié à 4 atomes d’azotes pyrroliques, à un ribonucléotide (ribose phosphate + diméthylbenzimidazole) et à un ligand anionique (figure 1).
Il existe quatre formes principales de cobalamine utile chez l’Homme en fonction du ligand anionique. Les deux formes de cobalamine biologiquement actives chez l’Homme sont :
- La méthylcobalamine, avec un ligand méthyle, présent dans le plasma et le cytosol.
- L’adénosylcobalamine avec un ligand 5’deoxyadenosyl(5’dAdo), au sein des mitochondries.
Deux formes pharmacologiques sont disponibles :
- La cyanocobalamine avec un ligand cyanique(CN).
- L’hydroxycobalamine avec un ligand hydroxyde (OH)(2).
Figure 1 : Structure biochimique de la vitamine B12, adapté de Watine et al (2)
Note : le X représente le ligand anionique
1.3. Métabolisme de la vitamine B12 dans l’organisme
1.3.1. Apports et réserves
La vitamine B12 est apportée par l’alimentation. Son apport de formes métabolisables par l’Homme provient quasi-exclusivement des produits d’origine animale. Les personnes suivant un régime végétalien strict doivent donc supplémenter leur alimentation(3).
L’apport journalier recommandé par l’Union européenne pour l’adulte est de 2.5 µg(4). Le régime alimentaire européen apporte en moyenne 3 à 30 µg, soit un apport nettement supérieur aux apports journaliers recommandés. Une partie de la vitamine ingérée est absorbée (de l’ordre de 1 à 5 µg) selon de complexes mécanismes de régulation dépendant des réserves et de la dose ingérée.
Les réserves dans l’organisme sont essentiellement hépatiques (1.5 à 3 mg), équivalent de 3 à 6 ans de réserves en situation physiologique(5).
Tableau I : Teneur en vitamine B12 par aliments, adapté de Stabler et al.(6)
Aliments Unité B12 (ug) Réferencea Aliments Unité B12 (ug)
Foie de boeuf 100 ga 83.10 (168) Coquillages 100 g 96.60
Boeuf 100 g 2.56 (168) Huîtres 100 g 18.70
Agneau 100 g 3.03 (168) Poisson chat 100 g 2.80
Chèvre 100 g 1.19 (168) Hareng 100 g 9.62
Porc 100 g 0.75 (168) Thon (conserve) 100 g 2.99
Lapin 100 g 8.30 (168) Oeufs de poisson 100 g 10.00
Opossum 100 g 8.30 (168) Pieuvre 100 g 36.00
Ecureuil 100 g 6.50 (168) Escargot 100 g 0.50
Dinde 100 g 0.37 (168) Tortue 100 g 1.00
Poulet 100 g 0.22 (168) Cuisses de grenouille 100 g 0.40
Canard 100 g 0.30 (168) Crevettes 100 g 1.49
Pigeon 100 g 0.47 (168) Ecrevisses 100 g 2.15
Emeu 100 g 2.20 (168)
Lait de vache (1%) 1 cup (244 g) 1.074 (168) Tempehb 100 g 0.18–6.30 Lait de vache
(entier)
1 cup (244 g) 0.488–1.92 (84) Nuoc mamb 15 g 0.285 Lait de chèvre 1 cup (244 g) 0.195 (84) Norib 3 g (1 sheet) 2.00 Lait de vache
concentré
1 cup (244 g) 0.614 (84) Chlorella comprimésb
1 g 2.00
Yaourt 8 oz. container 1.385 (168) Fromage (cheddar) 28.35 g 0.830 (168)
Oeuf 1 large (50 g) 0.645 (168)
a 100 gm = portion de 3 oz..
bLe contenu de B12 rapporté inclut probablement des analogues
1.3.2. Cycle et métabolisme
Lors de son ingestion, la vitamine B12 est liée aux protéines alimentaires. La première étape a lieu dans l’estomac, avec une hydrolyse réalisée par l’acide chlorhydrique (HCl) et la pepsine. La présence d’un milieu acide gastrique est donc primordiale pour l’absorption de la vitamine B12.
Ensuite, la vitamine B12 se lie à une protéine sécrétée par les glandes salivaires : la transcobalamine de type 1 (TCB I), anciennement appelée protéine R. Pour rappel, la TCB I appartient à la famille des haptocorrines. L’ensemble sera hydrolysé par les sucs pancréatiques.
Dans le jéjunum, la vitamine B12, libérée des protéines alimentaires et de la TCB I, se lie au facteur intrinsèque (FI) secrété par les cellules pariétales gastriques. Cette liaison se réalise en milieu alcalin, via les secrétions biliaires. Cette association est indispensable à l’absorption active de la vitamine B12.
Ce complexe est transporté jusqu’à l’iléon terminal où la vitamine B12 est absorbée par un mécanisme actif et saturable, faisant intervenir un récepteur spécifique au facteur intrinsèque, le récepteur CUBAM constitué de deux protéines : amnionless et la cubuline. Néanmoins, il existe également un mécanisme de diffusion passive de la cobalamine au travers des entérocytes pour environ 1% des formes libres(7).
Le transport de la vitamine B12 dans le sang, son internalisation et son trafficking cellulaire nécessitent la présence des transcobalamines. Les transcobalamines sont des protéines sécrétées par les cellules de la lignée granuleuse. Les transcobalamines de type I et III assurent la liaison d’environ 80% de la vitamine B12 circulante, inactive. La transcobalamine de type II (TCB II) représente la forme active et permet la distribution cellulaire.
L’élimination des cobalamines est hépatique et rénale. Le cycle entéro-hépatique (5-7µg/jour) et la réabsorption tubulaire proximale maintiennent les réserves physiologiques de la vitamines B12 à des niveaux importants de l’ordre de 3 à 6 ans de stock, expliquant le délai entre le déficit d’apport en vitamine B12 et l’apparition des manifestations cliniques(7–9).
Figure 2 : Absorption de la vitamine B12, issue de Stabler et al.(10)
1.4. Rôle
La vitamine B12 joue un rôle majeur dans la division cellulaire en particulier sur les tissus à renouvellement rapide : lignées hématopoïétiques, système nerveux, peau, muqueuses digestives et gamètes. En effet, elle intervient comme cofacteur et coenzyme de nombreuses réactions biochimiques en étroite liaison avec la vitamine B9 (acide folique). Elle participe à la synthèse de méthionine au sein du cycle de méthylation en interrelation avec le méthylène-tétrahydrofolate (mTHF) qui est la forme active de la vitamine B9. La méthionine est un acide aminé essentiel pour l’Homme jouant un rôle dans la biosynthèse des protéines, puisque toutes les chaînes protéiques démarrent par l’incorporation d’une méthionine en position N-terminale.
Elle est donc fortement impliquée dans la reproduction, le développement cellulaire, et la méthylation de l’ADN et des protéines. Ce processus est également mis en jeu dans la synthèse de la myéline. En cas de carence en vitamine B12, l’homocystéine, substrat de la réaction, s’accumule donc. L’hyperhomocysteinémie est impliqué dans la formation d’athérome et de thrombose, dans la prolifération cellulaire et dans la perturbation de la matrice extracellulaire (anomalie du tissu conjonctif)(8).
Figure 3 : Rôle de la cobalamine dans la synthèse de la méthionine adapté de Watine et al.(2)
La vitamine B12 joue également un rôle de cofacteur dans la synthèse de succinyl-coenzyme A au sein de la mitochondrie. Le succinyl-CoA est un maillon du cycle de Krebs, permettant donc la synthèse d’ATP (adenosine triphosphate).
En cas de carence en vitamine B12, il existe une accumulation de méthylmalonyl-CoA et une augmentation sérique et urinaire de l’acide méthylmalonique, qui serait impliquée dans les complications neurologiques des carences en B12(2,8,11).
Figure 4 : Rôle de la cobalamine dans la synthèse du succinylCoA adapté de Watine et al.(2)
1.5. Physiopathologie de l’hypervitaminémie B12
Il existe trois mécanismes physiopathologiques intervenant dans l’apparition d’une hypervitaminémie B12 : - Une augmentation directe exogène ou endogène de la vitamine B12 plasmatique
- Une augmentation des transcobalamines par excès de production ou défaut de clairance - Un déficit quantitatif ou un défaut d’affinité des transcobalamines pour la vitamine B12
Dans le cadre de pathologies prolifératives, l’excès de production de transcobalamines semble le mécanisme impliqué.
Figure 5 : Métabolisme de la vitamine B12 et corrélations physiopathologiques avec l'hypervitaminémie B12 adapté de Serraj et al.(8)
Ingestion
Dissociation de la vitamine B12 de ses protéines porteuses
Liaison au facteur intrinsèque
Absorption iléale et passage sanguin
Liaison aux transcobalamines
Excès d’apport en B12 (souvent parentéral)
TCBI et III (80%) (lignée granuleuse)
TCBII (20%) (hépatocytes, monocytes endothélium)
Excès de production des TCB (SMP, Néoplasie, Hépatopathies, Inflammation, surcharge)
Défaut de clairance des TCB (Insuffisance rénale, Anticorps anti-TCB)
Déficit congénital en TCB
Défaut d’affinité TCB-B12 Fixation tissulaire
Stockage hépatique Relargage hépatique de B12 et TCB (hépatopathies) Métabolisme de la vitamine B12 Implications physiopathologiques et étiologiques
des vitaminémies B12
2. INTRODUCTION
La vitamine B12 (B12) ou cobalamine est essentielle pour la division cellulaire, particulièrement pour les cellules à prolifération rapide telles les cellules hématopoïétiques et les cellules épithéliales(2,8,10,12,13). Son dosage sanguin est principalement utile pour la recherche d’une carence dans diverses situations : troubles hématologiques (anémie mégaloblastique, macrocytose, pancytopénie, hémolyse intramédullaire), manifestations neuropsychiatriques (sclérose combinée de la moelle, polyneuropathie à prédominance sensitive, ataxie, syndrome pyramidal, syndrome cérébelleux, atteinte des nerfs crâniens et troubles sphinctériens) ou lors de manifestations muqueuses (glossite de Hunter)(14). A l’inverse, la découverte d’une hypervitaminémie B12 est le plus souvent fortuite. Elle est généralement définie par un taux dépassant la norme supérieure du test, autour de 1000 +/-100 ng/L (738 +/-73.8 pmol/L) selon les tests(12,15,16). Pourtant l’hypervitaminémie B12 n’est pas rare(15) et peut être associée à divers contextes (8,17) :hépatopathies aiguës ou chroniques(18–
20), insuffisance rénale chronique(21–23), maladies auto-immunes et inflammatoires(12), maladie de Gaucher(24,25), supplémentation médicamenteuse excessive en vitamine B12 et hémopathies myéloïdes(26– 29).
L’association entre hypervitaminémie B12 et cancers solides fait l’objet d’interrogations anciennes(30,31). Carmel et al. rapportaient en 1975 deux cas associant hypervitaminémie B12 et métastases hépatiques(32). En 1977, les mêmes auteurs évoquaient un mauvais pronostic (présence de métastases et mortalité plus élevée dans le mois suivant) chez les patients présentant une hypervitaminémie B12 (supérieure à 900 ng/l) au sein d’une cohorte de 139 patients présentant un cancer solide. Ces études soulevaient la possibilité de son utilisation comme biomarqueur de cancers solides(33).
La plupart des études relatives au sujet datent des 10 dernières années mais la majorité portent sur de faibles effectifs. Chiche et al .ont démontré en 2009 dans une étude prospective multicentrique de 380 patients hospitalisés sur 6 semaines (étude BDOSE) que les étiologies des hypervitaminémie B12 étaient rarement identifiées. Parmi ces 380 patients, 69 (18.2%) présentaient une hypervitaminémie B12 (c’est-à-dire supérieure à la norme du laboratoire de prélèvement). Les patients avec et sans hypervitaminémie B12 ne différaient pas en termes d’âge, de sexe, d’antécédents néoplasiques, d’insuffisance rénale, d’hyperleucocytose ou d’hospitalisation pour infection. En revanche, les patients avec une hypervitaminémie B12 présentaient plus d’hémopathies malignes (p=0.013) et de perturbations hépatiques (p=0.001). La cause de l’hypervitaminémie B12 n’était mise en évidence que chez 33/69 patients (47.8%). Aucun cancer solide n’était identifié comme cause de l’hypervitaminémie B12. Cependant, cette étude comportait des limites, notamment une durée de suivi courte ne permettant pas d’apprécier l’apparition d’une pathologie à distance du dosage(34).
Récemment, deux cohortes rétrospectives basées sur des registres de santé ont objectivé une association entre une B12 élevée et un nouveau diagnostic de cancer solide dans l’année suivant le dosage (35,36). Dans le registre danois de 2013, une B12 >800 pmol/L (1084 ng/L) était associée à la survenue d’un cancer l’année suivante avec un Standardized Incidence Ratio (SIR) de 6.3 [95%CI: 5.7-6.9] (35). Dans le registre britannique de 2019, une B12 entre 800 et 1000 pmol/L (1084-1355 ng/L) était associée à la survenue
causes d’élévation anormale de B12, en dehors de la supplémentation excessive en vitamine B12 dans le registre danois et de l’alcoolisme chronique dans le registre britannique.
Dans le registre danois, une B12 >800 pmol/L (1084 ng/L) était associée aux localisations suivantes : foie (SIR 40.7 [95%CI: 25.5-61.6]), pancréas (SIR 15.6 [95%CI: 10.3-22.5]), œsophage et estomac (SIR 13.2 [95%CI: 7.2-22.2]), colon et rectum (SIR = 5.5 [95%CI: 4.0-7.3]), poumon (SIR 9.3 [95%CI: 7.2-11.7]), rein (SIR 9.6 [95%CI: 4.6-17.6]) et vessie (SIR 5.3 [95%CI: 3.1-8.6]) (35). D’autres études focalisées sur certains cancers montraient également une association forte entre B12 élevée et cancers hépatiques (OR 3.3 [95%CI:
1.1-10.4] pour les carcinomes hépatocellulaires et OR 4.7 [95%CI: 1.2-17.9] pour les autres cancers hépatiques) (37) et modérée avec le cancer prostatique (OR = 1.1 [95%CI: 1.0-1.2]) (38). Il n’y avait pas d’association dans le cancer du sein (OR 1.1 [95%CI: 0.9-1.4]) (39) et les données sont contradictoires pour le cancer pulmonaire (40,41). Dans les études sur registres, l’absence d’ajustement sur les causes connues d’élévation de B12 pose question notamment pour les cancers hépatiques, ignorant le rôle des hépatopathies chroniques dans l’élévation de la B12.
Peu d’études ont évalué la force de l’association entre cancers solides et B12 élevée selon le taux de B12. A notre connaissance, le seuil le plus élevé évalué dans une étude de large ampleur est 1000 pmol/L (1355 ng/L) dans le registre britannique. Dans cette étude, l’association entre cancer solide et B12 élevée semblait plus forte chez les personnes avec une B12 >1000 pmol/L que les personnes avec une B12 entre 800 et 999 pmol/L (36). Des valeurs de B12 plus élevées peuvent être observées et interrogent sur une force d’association croissante avec le cancer solide.
La présence d’une B12 élevée semble associée à une surmortalité au cours des cancers solides (42).
Ces résultats interrogent sur un lien entre l’élévation de la B12 et la masse tumorale ou le caractère métastatique du cancer, or le statut métastatique n’avait pu être évalué dans les deux études sur registres, faute de données.
L’association entre B12 élevée et cancers solides est une donnée importante car cette anomalie biologique pourrait être utilisée comme un marqueur biologique de cancers solides. Affirmer une telle association nécessite de s’assurer qu’elle est bien indépendante des autres causes de B12 élevée. L’objectif principal de notre étude était de confirmer l’association entre B12 élevée et cancers solides après ajustement sur les causes connues d’élévation de B12. Les objectifs secondaires étaient d’évaluer cette association selon la localisation du cancer et des métastases, selon l’importance de l’élévation de la B12, et de déterminer la valeur seuil de B12 maximisant l’association entre B12 élevée et cancers solides selon la présence ou non de métastases.
3. PATIENTS ET METHODES 3.1. Aspects éthiques
L’étude a été approuvée par le comité de bioéthique du centre hospitalier universitaire d’Angers (n°
2018-12) et a été conduite selon la convention d’Helsinki. L’étude a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL (n°
2017-035).
3.2. Population de l’étude
Nous avons conduit cette étude cas-témoins sur les données de patients âgés de 18 ans et plus, hospitalisés entre janvier 2007 et décembre 2016 au CHU d’Angers dans les services de Médecine interne, de Gériatrie ou de Neurologie, et ayant eu au moins un dosage de B12. Les patients ayant séjourné en Unité de Soins Intensifs sur une partie du séjour étaient exclus pour s’affranchir d’élévations transitoires de la vitaminémie B12 induites par les modifications hémodynamiques, infectieuses et métaboliques.
Le groupe ‘High B12’ comportait les patients avec une B12 plasmatique ≥1000 ng/L, seuil correspondant à la limite supérieure de la normale sur notre test biologique et déjà utilisé lors d’études précédentes (16,43–45). Le groupe ‘Normal B12’ comportait les patients avec une B12 <1000 ng/L et étaient appariés aux patients du premier groupe sur le sexe, l’âge et le service, selon un ratio 1:1, sélectionnés aléatoirement parmi les sujets rassemblant ces critères d’appariement.
3.3. Dosage de la vitamine B12
Tous les dosages sériques de la vitamine B12 étaient réalisés par le laboratoire de biochimie du Centre Hospitalier Universitaire d’Angers par immunodosage par compétition, quantitatif, en utilisant une technique de chimiluminescence directe. Les tests étaient réalisés sur un système d’immunoanalyse ADVIA Centaur®
(Siemens Healthcare Diagnostics Inc. Tarrytown, NY 10591-5097 USA) avec les réactifs ADVIA Centaur VB12®
utilisés conformément à la notice d’utilisation du fournisseur. En cas de dosages multiples pour un même patient, le dosage le plus élevé était conservé.
3.4. Données collectées
Les données générales suivantes étaient recueillies : sexe, âge, vitamine B12 sérique, date du dosage de vitamine B12 sérique.
Les causes connues de B12 élevée suivantes étaient recueillies : hépatopathies aigues (définies par une élévation aiguë des transaminases à plus de 2 fois la normale) ou chroniques (définie par un aspect radiologique dysmorphique, des signes biologiques persistants d’insuffisance hépatique, et/ou une histologie évocatrice de cirrhose)(17–20), insuffisance rénale chronique (définies par une clairance MDRD ≤30 ml/min/1.72m²)(23), maladies auto-immunes ou inflammatoires (12), hémopathies myéloïdes (26–28), maladie de Gaucher (25) et supplémentation en vitamine B12 en l’absence de maladie de Biermer (supplémentation orale >1000 µg/semaine depuis plus de 3 mois ou injectable >1000 µg/mois depuis plus de 3 mois). Les hémopathies lymphoïdes étaient également recueillies comme contrôle négatif. La maladie de Gaucher était retirée des analyses faute d’effectif. Les covariables hépatopathies aiguës et chroniques, insuffisance rénale chronique, hémopathies myéloïdes et lymphoïdes, maladies auto-immunes ou inflammatoires, et supplémentation excessive en B12 étaient définies sous l’appellation ‘comorbidités’.
Concernant les cancers solides, étaient retenus les cancers diagnostiqués dans les 24 mois qui suivaient
de métastases, l’intervalle entre la localisation primitive et les métastases étaient recueillies. Les cancers étaient également classés comme proposé par Arendt et al.(35):
- Lié au Tabac et/ou à l’alcool - Origine immuno-médiés - Origine hormonale - Hématologique - Autres
Tableau II : groupes de cancers, adapté de Arendt et al. (35) Cancers alcoolique et
tabagique dépendant
Cancers hématologiques Cancers immuno-médiés Cancers hormono- dépendant (sexe)
Lèvre Lymphome non hodgkinien Col utérin Sein
Bouche Lymphome hodgkinien Mélanome malin Corps utérin
Oro et Nasopharynx Myélome multiple Cancer de la peau (non mélanome), incluant le basocellulaire et le carcinome épidermoïde
Ovaire
Larynx Leucémie Anus Prostate
Poumon Cancer de la lymphe non spécifié
Pénis Testicule
Œsophage Cancer du sang non spécifié Pancréas
Foie
Colon et rectum Rein
Vessie
3.5. Méthodes statistiques
Les données qualitatives sont présentées en valeurs absolues et pourcentages. Les données quantitatives sont présentées en médianes et interquartiles. Le risque alpha était fixé à 5% et les odds-ratio (OR) étaient présentés avec un intervalle de confiance de 95% (95%CI). L’ensemble des analyses multivariées étaient ajustées sur les comorbidités (hépatopathies aiguës et chroniques, insuffisance rénale chronique, maladies auto-immunes ou inflammatoires, supplémentation excessive en B12, hémopathies myéloïdes et lymphoïdes) et les OR ajustés sur ces comorbidités étaient notés aOR. Les analyses ont été réalisées grâce aux logiciels STATA 13.1 (StataCorp) et SPSS 20.0 (IBM Corp).
3.5.1. Association entre cancers solides et groupe High B12
Les comparaisons en univarié étaient réalisées par les tests de Mac Nemar et t test de Student pour données appariées.Les analyses multivariées étaient réalisées par régression logistique conditionnelle. La variable à expliquer était le groupe High B12 ou Normal B12. La variable explicative était la présence d’un cancer sans ou avec métastase.
3.5.2. Détermination de la valeur seuil de B12 maximisant l’association entre élévation de B12 et risque de cancers solides selon la présence de métastases
La détermination de la valeur seuil de B12 maximisant l’association entre élévation de B12 et cancers solides selon l’absence ou la présence de métastases était réalisée de façon exploratoire en étudiant les variations d’association entre cancer et B12 élevée en faisant varier la définition retenue de B12 élevée entre 300 et 2000 ng/L. Une première analyse étudiant l’association entre B12 élevée et cancer était réalisée en considérant une B12 élevée comme une valeur de B12 supérieure à 300 ng/L. Une seconde était réalisée en considérant une B12 élevée comme une valeur de B12 supérieure à 301 ng/L, et ainsi de suite jusqu’à une définition de B12 élevée correspondant à une B12 >2000 ng/L. Ces analyses étaient ajustées sur l’âge, le sexe et les comorbidités. Elles étaient menées distinctement selon la présence ou l’absence de métastases, pour déterminer la valeur seuil de B12 maximisant l’association entre B12 élevée et cancers solides dans chacune de ces situations, et permettre d’évaluer la robustesse de l’association dans ces deux situations. La représentation graphique de la force de l’association entre cancer et B12 élevée présente l’évolution de l’aOR selon tous les seuils testés.
3.5.3. Association entre B12 élevée et cancers solides par intervalle de B12 selon le caractère métastatique ou non du cancer
La force de l’association entre cancer solide et B12 élevée était étudiée selon le caractère métastatique du cancer et selon le degré d’élévation de la B12 avec les intervalles suivants : <750, 750-999, 1000-1249, 1250-1749 et ≥1750 ng/L. Les distributions étaient comparées à l’aide du test de Khi².
3.5.4. Association entre groupe hyperB12 et cancers solides selon le type de cancers, sa localisation et la localisation des métastases.
L’association entre le groupe hyperB12 et la présence d’un cancer solide était étudiée selon le type de cancer selon la classification proposée par Arendt et al.(35) (liés au tabac et/ou à l’alcool, origine hormonale, immuno-médiés, hématologiques et les autres), la localisation du cancer et celle des métastases par régression logistique conditionnelle. Nous avons défini 3 modèles statistiques indépendants ajustés sur les comorbidités : un pour l’ensemble de types de cancer, un pour l’ensemble des localisations de cancer et un pour l’ensemble des localisations des métastases. Les variables pour lesquelles les groupes High B12 ou Normal B12 comprenaient moins de 5 sujets étaient groupées sous l’appellation « autres ».
4. Résultats
4.1. Description de la population ( tableau III )
Entre janvier 2007 et décembre 2016, 10573 patients ont bénéficié d’un dosage de vitamine B12
d’Angers. Notre étude a comparé les 785 patients avecune B12 ≥1000 ng/L (7.4%) (groupe High B12) à 785 patients avec une B12<1000 ng/L (groupe Normal B12 )appariés sur l’âge, le sexe et le service.
En analyse univariée, les cancers solides avec (p<0.001) ou sans métastase (p<0.001) étaient plus fréquents dans le groupe High B12.
Tableau III : Comparaison des groupes Normal B12 et High B12 Normal B12a (n=785)
High B12b (n=785)
p-value
Caractéristiques générales
Âge (ans) 82.0 [73.0-89.0] 82.0 [73.0-89.0] -
Sexe (femmes) 472 (60.1%) 472 (60.1%) -
Vitaminémie B12 (ng/l) 388 [277-534] 1408 [1147-1868] <0.001
Causes connues d'élévation de B12
Hépatopathie chronique 25 (3.2%) 54 (6.9%) 0.001
Hépatopathie aiguë 20 (2.5%) 64 (8.2%) <0.001
Insuffisance rénale chronique 74 (9.4%) 128 (16.3%) <0.001
Maladies auto-immunes/auto-inflammatoires 68 (8.7%) 49 (6.2%) 0.09
Supplémentation excessive en B12 3 (0.4%) 16 (2.0%) 0.004
Hémopathies myéloïdes 8 (1.0%) 34 (4.3%) <0.001
Hémopathies lymphoïdes 25 (3.2%) 24 (3.1%) >0.99
Cancers solides
Cancers solides sans métastase 64 (8.2%) 152 (19.4%) <0.001
Cancers solides avec métastase 33 (4.2%) 100 (12.7%) <0.001
Types de cancer solidec
Liés au tabac et à l'alcool 29 (3.7%) 83 (10.6%) <0.001
Origine immune 2 (0.3%) 7 (0.9%) 0.18
Origine hormonal 28 (3.6%) 56 (7.1%) 0.002
Autres 10 (1.3%) 19 (2.4%) 0.14
Localisation du cancer primitif
Colon/rectum 10 (1.3%) 25 (3.2%) 0.02
Foie 3 (0.4%) 7 (0.9%) 0.34
Pancréas 3 (0.4%) 11 (1.4%) 0.06
Peau 2 (0.3%) 6 (0.8%) 0.29
Poumon 9 (1.1%) 16 (2.0%) 0.23
Prostate 13 (1.7%) 28 (3.6%) 0.03
Rein 5 (0.6%) 3 (0.4%) 0.73
Sein 11 (1.4%) 22 (2.8%) 0.06
Vessie 4 (0.5%) 15 (1.9%) 0.01
Utérus (corps/col) et ovaires 4 (0.5%) 8 (1.0%) 0.38
Œsophage et estomac 2 (0.3%) 8 (1.0%) 0.11
Autres 3 (0.4%) 22 (2.8%) <0.001
Localisation des métastases
Cerveau 7 (0.9%) 9 (1.1%) 0.79
Foie 10 (1.3%) 56 (7.1%) <0.001
Os 9 (1.1%) 44 (5.6%) <0.001
Poumon 9 (1.1%) 28 (3.6%) 0.002
Ganglions 7 (0.9%) 30 (3.8%) <0.001
Autres 12 (1.5%) 25 (3.2%) 0.03
Notes:
a B12 < 1000 ng/L b B12 ≥ 1000 ng/L
c Cancers solides selon la classification proposée par Arendt et al.
4.2. Causes de B12 élevée en analyse multivariée
Après ajustement, toutes les comorbidités connues pour élever la B12 étaient plus fréquentes dans le groupe High B12, sauf les maladies auto-immunes ou inflammatoires (tableau IV).
Les cancers solides sans et avec métastases étaient associés au groupe High B12, respectivement avec un aOR de 1.96 [95%CI: 1.18-3.25] et 4.21 [95%CI: 2.67-6.64].
Tableau IV : Association entre une vitamine B12 plasmatique ≥1000 ng/L, les comorbidités et les cancers, en analyse multivariée
AdjustedORa [IC95%] p-value
Sexe (hommes) 0.87 [0.70-1.08] 0.21
Âgeb 0.93 [0.75-1.17] 0.55
Hépatopathie chronique 2.80 [1.65-4.76] <10-4
Hépatopathie aiguë 2.43 [1.40-4.21] 0.002
Insuffisance rénale chronique 2.03 [1.43-2.88] <10-4 Maladies auto-immunes ou inflammatoires 0.83 [0.56-1.23] 0.35 Supplémentation excessive B12 6.87 [1.98-23.86] 0.002
Hémopathies myéloïdes 5.46 [2.44-12.25] <10-4
Hémopathies lymphoïdes 1.22[0.65-2.30] 0.53
Cancer
Pas cancer 1.0 (référence)c -
Cancer sans métastase 1.96 [1.18-3.25] 0.003
Cancer avec métastase 4.21 [2.67-6.64] <10-4
Notes:
aAjustement sur le sexe, l’âge, les hépatopathies chroniques et aiguës, l’insuffisance rénale chronique, les maladies auto- immunes ou inflammatoires, la supplémentation excessive en B12, les hémopathies myéloïdes et lymphoïdes et les cancers
bAge comme variable fixe (< ou ≥ 80 ans)
cCancer est défini selon 3 modalités et pas cancer est la catégorie de référence
4.3. Détermination des meilleurs seuils de B12 pour évaluer l’association à un cancer so lide selon la présence ou non de métastases
Après ajustement sur l’âge, le sexe et les comorbidités, les seuils les plus discriminant étaient 750ng/L en cas de cancer sans métastase et 1000ng/L en cas métastase (figure 6, smoothed estimates). Avec le seuil de 750 ng/l, l’aOR d’association entre B12 élevée et cancer était de2.64 [95%CI: 1.59-4.37] sans métastase et de aOR 3.48 [95%CI: 2.28-5.32]) avec métastase. Avec le seuil de 1000 ng/L, l’aOR pour l’association entre B12 élevée et cancer était de 2.03 [95%CI: 1.26-3.25] sans métastase et de 3.79 [95%CI: 2.50-5.74]) avec métastase.
Figure 6 : Représentation graphique de la force de l’association entre cancer solide sans et avec métastase et B12 élevée en présentant l’OR ajusté illustrant cette association en fonction de toutes les valeurs unitaires de B12 entre 300 et 2000 ng/L.
Notes: Les odds ratio sont ajustés sur le sexe, l’âge, les hépatopathies chroniques et aiguës, l’insuffisance rénale chronique, les maladies auto-immunes ou inflammatoires, la supplémentation excessive en B12, les hémopathies myéloïdes et les hémopathies lymphoïdes.
4.4. Force de l’association entre cancers solides et B12 élevée
4.4.1. Selon le caractère métastatique du cancer par intervalles de B12 plasmatique (tableau V) Il existait une surreprésentation des cancers solides dès le sous-groupe 750-999 ng/L en l’absence de métastase et dès le sous-groupe 1000-1249 ng/L en cas de métastase. La proportion de cancers solides (sans et avec métastase) croissait selon l’élévation de la B12 (p<0.0001) notamment au-delà de 1250 ng/L : 7.5%
pour le sous-groupe <750 ng/L, 15.2% pour le sous-groupe 750-999 ng/L,13.7% pour le sous-groupe 1000- 1249 ng/L, 21.3%pour le sous-groupe 1250-1749 ng/L et 24.1% pour le sous-groupe ≥1750ng/L.
Tableau V : Présence d’un cancer solide selon son caractère métastatique par intervalle de vitamine B12
Vitamine B12 (ng/L) 0 -749 750 - 999 1000 - 1249 1250 - 1749 ≥1750 Pas de cancer (n, %)
665/719 (92.5%)
56/66 (84.8%)
246/285 (86.3%)
211/268 (78.7%)
176/232 (75.9%) Cancer sans métastase (n, %)
23/719 (3.2%)
8/66 (12.1%)
14/285 (4.9%)
23/268 (8.6%)
15/232 (6.5%) Cancer avec métastase (n, %)
31/719 (4.3%)
2/66 (3.0%)
25/285 (8.8%)
34/268 (12.7%)
41/232 (17.7%)
Notes: Les distributions diffèrent entre les sous-groupes avec l’élévation de la B12 (p<0.0001), notamment en cas de cancer avec métastase.
a) Selon le type de cancer (tableau VI)
En groupant les cancers selon la classification d’Arendt et al. détaillée plus haut, seuls les cancers immuno-médiés n’étaient pas associés au groupe High B12 (p=0.23).
b) Selon la localisation initiale du cancer et des métastases (tableau VI)
Les localisations de cancers solides significativement associés au groupe High B12 étaient : pancréas (aOR 4.0 [95%CI: 1.1-15.4]), urothélium (aOR 4.2 [95%CI: 1.0-15.7]), colon et rectum (aOR 3.0 [95%CI:
1.4-6.8]), poumon (aOR 2.9 [95%CI: 1.1-7.4]) et prostate (aOR 2.2 [95%CI: 1.0-4.6]). Les cancers du foie n’apparaissaient pas significativement associés au groupe High B12 après ajustement sur les autres causes d’élévation de la B12 (aOR 1.5 [95%CI: 0.3-7.1], p=0.86), notamment les hépatopathies aiguës et chroniques.
Les métastases hépatiques et osseuses étaient plus fréquentes dans le groupe High B12 avec des aOR de 4.9 [95%CI: 2.2-11.0] et 3.1 [95%CI: 1.3-7.3] respectivement. Les métastases pulmonaires, cérébrales et ganglionnaires n’étaient pas significativement associées au groupe High B12 en analyse multivariée.
Tableau VI : Association entre vitamine B12 plasmatique ≥1000 ng/L et cancers solides selon le type de cancer, la localisation du cancer et des métastases, en analyse multivariée.
AdjustedORa [IC95%] p-value A - Type de cancer solideb,c
Cancers induits par le tabac et l’alcool 3.78 [2.31-6.18] <10-4
Cancers immuno-médiés 2.68 [0.53-13.50] 0.23
Cancers hormono-dépendant 1.77 [1.06-2.98] 0.03
Autres 3.03 [1.32-6.99] 0.009
B - Localisation des cancers solidesb
Cancers colorectaux 3.02 [1.35-6.75] 0.007
Cancers hépatiques 1.46 [0.30-7.15] 0.64
Cancers pancréatiques 4.00 [1.02-15.65] 0.04
Cancers cutanés 2.62 [0.49-13.92] 0.26
Cancers pulmonaires 2.89 [1.14-7.35] 0.03
Cancers prostatiques 2.17 [1.02-4.63] 0.04
Cancers rénaux 0.31 [0.06-1.66] 0.17
Cancers mammaires 1.86 [0.77-4.47] 0.17
Cancers vésicaux 7.40 [1.77-30.87] 0.006
Cancers utérins et ovariens 1.07 [0.30-3.82] 0.91
Cancers œsogastriques 3.47 [0.69-17.49] 0.13
Cancers autres 14.94 [3.89-57.3] <10-4
C - Localisation des métastasesb
Cérébrales 0.57 [0.14-2.30] 0.43
Hépatiques 4.88 [2.16-11.00] <10-4
Osseuses 3.11 [1.33-7.27] 0.009
Pulmonaires 2.10 [0.76-5.82] 0.15
Ganglionnaires 2.58 [0.94-7.07] 0.07
Autres 0.59 [0.22-1.58] 0.29
Notes :
aAjustement sur le sexe, l’âge, les hépatopathies chroniques et aiguës, l’insuffisance rénale chronique, les maladies auto- immunes ou inflammatoires, la supplémentation excessive en B12, les hémopathies myéloïdes et les hémopathies lymphoïdes.
bLes modèles de régression logistique conditionnelle des 3 itemsA, B et C sont indépendants. Par contre, toutes les variables listées sous chaque item sont incluses dans les modèles en plus de l’âge, du sexe et des comorbidités
c Cancers solides selon la classification proposée par Arendt et al.
5. Discussion
Les principales études attestant de l’association entre B12 élevée et cancers solides sont basées soit sur des registres de grande ampleur mais dont l’analyse des facteurs confondants est limitée, soit sur des cohortes rétrospectives de faible ampleur et s’intéressant le plus souvent à un seul type de cancer. L’objectif de notre étude basée sur l’analyse intégrale de 1570 dossiers médicaux était d’étayer l’association entre B12 élevée et cancers solides en ajustant sur l’ensemble des autres causes connues d’élévation de B12 mais également d’apprécier la force de l’association selon le taux de B12, la localisation du cancer et la présence de métastases.
Nous confirmons dans notre étude l’association entre une B12 élevée et les différentes causes déjà rapportées dans la littérature, à l’exception des maladies auto-immunes et inflammatoires dont l’association à une B12 élevée est d’ailleurs la moins étayée dans la littérature. Concernant les hémopathies, nous retrouvions une association avec une B12 élevée dans le cas des hémopathies myéloïdes, mais pas des hémopathies lymphoïdes, comme déjà décrit(13,26).
Notre étude confirme les résultats des études précédentes en démontrant une association entre cancers solides et B12 élevée, mais démontre surtout que cette association persiste après ajustement sur les autres causes d’élévation de la B12. Dans notre étude, l’aOR était de 2.0 [95%CI: 1.2-3.2] pour les cancers sans métastase et de 4.2 [95%CI: 2.7-6.6] pour les cancers avec métastase avec un seuil de B12 anormale à 1000 ng/L. Les registres danois et britannique concluaient à des SIR plus importants, respectivement de 6.3 [95%CI:
5.7-6.9] et 4.7 [95%CI: 4.0-5.6](35,36). Cette différence peut avoir deux explications. D’abord, les seuils de B12 élevée différaient dans ces études, respectivement de 1084 et 1355 ng/L, or nous montrons que le risque de cancer augmente avec le taux de vitamine B12 plasmatique. Ainsi, avec un seuil plus élevé, les registres danois et britannique pouvaient renforcer l’association entre cancer solide et B12 élevée. Toutefois, même avec un seuil à 1250 ng/L dans notre étude, les forces d’association comparables aux 2 registres ne sont retrouvées que dans le cas de cancers avec métastase. Ainsi, la seconde explication pourrait être le défaut d’ajustement sur les autres causes d’élévation de la B12, qui pourrait artificiellement majorer la force de l’association dans les registres danois et britannique.
Les localisations des cancers et métastases associées à une B12 élevée dans notre étude sont proches de celles retrouvées dans les études sur registres : pancréas, œsophage et estomac, colon et rectum, poumon, rein et vessie. Le cancer hépatique était également associé à une B12 élevée dans ces études, avec un SIR à 11.4 [95%CI: 6.6-19.5] pour une B12 entre 800 et 1000 pmol/L dans le registre britannique(36) et un SIR à 40.7 [95%CI: 25.5-61.6] pour une B12 >800 pmol/L dans le registre danois(35), alors que cette association n’est pas significative dans notre étude. Cette différence s’explique probablement par l’absence d’ajustement sur les hépatopathies dans les études sur registre, faute de données. En considérant la présence des hépatopathies aiguës et chroniques comme covariables, notre étude s’intéresse à l’association directe entre le
estimant que l’élévation de B12 observée dans les cancers hépatiques était liée à l’hépatopathie chronique sous-jacente(18).
Parmi les cancers solides observés dans le groupe Normal B12,nous notions une répartition des localisations des cancers semblable à celle observée dans la population générale française(46). Ceci était permis par l’absence d’orientation oncologique des services concernés. La proportion de patients avec des métastases cérébrales ne semblait pas avoir été majorée par l’inclusion de patients du service de Neurologie.
L’étude de patients hospitalisés a possiblement majoré le risque de cancer solide par rapport à la population générale, étudiée dans les études sur registres danois et britannique, d’autant que notre population était plus âgée que celle décrite dans ces études, mais l’appariement des deux populations a permis de s’affranchir d’un éventuel biais dans la comparaison des 2 groupes.
Nous avions recueilli les notions de tabagisme actif et d’alcoolisme chronique mais avons fait le choix de ne pas ajuster les analyses sur l’association avec la B12 élevée pour plusieurs raisons. Ces données sont des facteurs de risque et ne sont pas comparables aux autres causes d’élévation de la B12, qui sont des pathologies organiques. L’alcoolisme chronique et le tabagisme sont des variables liées aux hépatopathies chroniques et à certains cancers solides, avec un risque de colinéarité. Surtout, ces données dans un cadre rétrospectif présentaient un risque de biais de fiabilité entre les patients avec et sans cancer. Pour pallier à cela, nous avons repris la classification utilisée par Arendt et al., intégrant la notion de cancer induits par le tabac et l’alcool.
A notre connaissance, la recherche d’une variation de la force d’association entre le taux de B12 et un cancer solide n’avait été évaluée que jusqu’au seuil de 1355 ng/L dans la cohorte britannique(36). Dans notre étude nous avons pu évaluer l’association pour des valeurs plus élevées. Ces analyses montrent que l’association avec un cancer notamment avec métastases tend à croître avec le degré d’élévation de la B12.
Cette association plus forte avec les cancers métastatiques interroge sur un lien entre l’importance du taux de B12 et la masse tumorale ou sa dissémination. Le caractère pronostique d’une B12 élevée au cours des cancers solides avait déjà été souligné avec une survie à 1 an parmi des patients avec un cancer solide de 62.3% en cas de B12 entre 200 et 600 pmol/L, 49.6% entre 600 et 800 pmol/L et 35.8% au-delà de 800 pmol/L (p<0.0001)(42). Si l’explication physiopathologique d’une B12 élevée au cours de certains cancers solides n’est pas élucidée, certains auteurs supposent que l’élévation de la B12 serait secondaire à l’inflammation dans le cadre de la réponse immunitaire anti-tumorale, avec relargage d’haptocorrines plasmatiques (transcobalamines I et III) par les cellules inflammatoires(8,17,42). Il n’est cependant pas exclu qu’il existe un lien plus direct avec la masse tumorale.
En l’absence de seuil universel pour définir une B12 anormalement élevée, nous avions choisi d’apparier nos populations autour de la valeur symbolique et définie comme seuil supérieur sur notre test, de 1000 ng/L. La recherche du seuil maximisant la force d’association entre cancer solide et B12 élevée a montré qu’il était proche de 1000 ng/L en cas de cancer métastatique (943 ng/L). En revanche, il semblait exister dans notre population une élévation du risque de cancer solide sans métastase dès le sous-groupe 750-1000 ng/L.
Cette donnée interroge sur le seuil normal de B12 car cela pourrait signifier que le sur-risque de cancer existe
déjà pour des valeurs normales hautes de B12. Ce résultat conforte les données du registre britannique dans lequel le sur-risque de cancer solide existait dès l’intervalle 600-800 pmol/L (813-1084 ng/L).
Dans notre étude, une B12 élevée sur un dosage unique suffisait à classer le patient dans le groupe High B12. Nous ne pouvons exclure que certaines situations aiguës puissent élever transitoirement la B12. En ce sens, nous avions exclus les patients pris en charge en unités de soins intensifs et ajusté les analyses sur les hépatopathies aiguës. Dans la mesure où l’association entre cancers solides et B12 est plus forte en cas de B12 entre 1250 et 1749 ng/L ou ≥1750 ng/L qu’en cas de valeur <1250 ng/L, nous ne pouvons exclure que des situations aiguës puissent entrainer une élévation transitoire et modérée de la B12, parasitant l’association avec les cancers solides. Ainsi, il serait intéressant d’évaluer l’association entre cancers solides et B12 en fonction de la persistance de l’élévation de la B12 dans le temps. En effet, en l’absence de prise en charge thérapeutique du cancer, l’élévation de la B12 devrait persister, voire s’accroitre, en cas de cancer sous-jacent. Le caractère rétrospectif de notre étude limitait l’interprétation de la séquence temporelle des événements et notamment le lien de causalité entre cancers solides et élévation de la B12. Pour pallier à cela, nous avions restreint l’étude les cancers diagnostiqués dans les 24 mois qui suivaient le dosage ou qui le précédaient avec un cancer évolutif au moment du dosage le dosage de B12, afin de n’étudier que les cancers dont le lien temporel laissait plausible une causalité avec la présence d’une B12 élevée.
Si certains auteurs ont proposé une conduite à tenir devant la découverte fortuite d’une B12 élevée, il n’existe pas à notre connaissance de prise en charge codifiée(8,47,48). Même si nos résultats demandent à être confirmés, nous pensons qu’en présence d’une B12 anormalement élevée, notamment si elle est supérieure à 1250 ng/L, la possibilité d’un cancer solide doit être évoquée en l’absence d’autre explication.
Conclusion
Une élévation anormale de B12 était significativement associée à la présence d’un cancer solide, y compris après un ajustement exhaustif sur l’ensemble des comorbidités connues pour élever la B12. Cette association était significative pour les cancers sans métastase mais plus forte en cas de métastases.
Contrairement aux données issues d’études sur registres, nous ne confirmons pas l’association aux cancers hépatiques après ajustement sur les hépatopathies. Les localisations de cancers solides et métastases les plus associées à une élévation de B12 étaient les cancers pancréatiques, colo-rectaux, pulmonaires, prostatiques, urothéliaux et les métastases hépatiques et osseuses.
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