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Un nouveau crâne de lacustre néolithique
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Un nouveau crâne de lacustre néolithique. Archives suisses d'anthropologie générale , 1920, vol. 4, no. 1, p. 130-135
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106587
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Extrait des Arclzives suisses d'Antltropoloiie générale Tome IV. No
r,
rgzo.IIn nouveau crâne de Lacustre néolithique
par EucÈNr Prruno
Dep'is q,elques
annéesles
découvertesde
débris squelettiques lacusres se sorlt multipliées.A
I'inventaire publiéen
rg94 par studer et Bannwarthl et qui comprenait 35 pièces: crânes entiers, calottes cra- niennes, etc.,il faut
aujourd'liui ajouterun
nombre resp.ectable de.
débris nouveaux.Le
moment n'est pas encore venu, semble-t-il, de*'----idpièndrè
I'essai d'un exposé synthétique
-
tel que celui exprimé par studer, par Hervé2, erc.-
deI'histoire
du peuplement dela
suisse à la période néolithique et à i'âge du bronze.Mais ce qui *e
doit
êt'e négligéà
aucun moment c'est de faire con- naitre toutes les trouvailles, c'esr de publierla
description morpholo- gique de tous les restes squelettiques ramassés au cours de toutes lesr---!ti- r I
louiiies daris les stations lacustres.
Pour ce
qui
me concernej'ai
déjàfait
connaitre une assez grande quantité de pièces osseuses, principalement des crânes, provenant destations lacusttes de
la
Suisse occidentale, notamment des lacs juras- siens et du lac de Genève3.Voici un nouvel apport à cet inventaile.
Il
s'agit de Ia partie antérieure d'une tête osseuse; très bien conservée.Cette pièce provient de la station néolithique d'Auvernier (lac de Neu- châtei).
Elle
m'a été remise parM. le D'paul
vouga, professeur àNeuchâtel, qui dirige les fouilles dans cetre station.
La commissior-r neuchâteloise de recherches préhistoriques
-
donton
De soulignera jamais assezI'utile
initiative-
ayanr suspendu sesrecherches à la station de la Tène a dirigé ses efforts vers une connais- sance précise de
la
stratigraphie des dépôts palafittiques d'Auvernier.1 Sruorn et Bexxu'anru, Crania heluetica dntiqua, Leipzig, t}g4.
3 HanvÉ, Les poçsulations lacastres. Rev. mer,s. Ecole d Anthrop. paris, rg95.
J Eugène Prrr.nno, Sttr des restas huntains, etc. Arch. des sc, phys. et nat. Genève, ryo6; Èur de nonvedxtn crânes, etc. L'Anthropologie, palis, r8g9 ; Deux nouyeaix-crânes hutnains, étc] L'anthro- pologie, Paris. tgo6, et d'autres encore.
uN NouvEAU cRANE DE LÀcus'r-RE NÉoLITHIQUE r3r Tous ceux qui, de près
ou
deloin,
s'occupent d'anthropologie préhis- torique doivent être reconnaissantsà la
Commission ci-dessus de la tâche nouvelle qu'elle s'est imposée. Les fouilles qu'ellea
entrept'ises, et qui sont dirigées par M. Vouga, apporteront certainement des lumières sur un certain nombre de points encore peu précis relatifs à la succes- sion des faits de civilisation dans la période néolithique. Je ne veux pas déflorer la publication que fera, sans doute très prochainement? M. Vouga,mais j'indiquerai
simple- ment I'existence de qllatre couches archéologiques su- perposées dansla
stationd'Auvernier. Tous les objets rencontrés daus ces qllatre couches sont soi gneusement classés selon
I'horizon
deleuI
provenance.Bt
cetteminutie
cl"rus i'observation avait, jusqu'alors,il
faut leLeconnaltle, manqué
à
nosrecherches. Les membres de
la
section d'Anthropologie de la Société helvétique dessciences naturelles
ont
pLradmiler', lors cle
ia
sessiot'rde Neuchâtel, en septembre r9zo, I'importance des re- cherches entreprises par la Commission neuchâteloise
et M. Paul Vouga, et en ont tnesuré, par avancer tolls les r'ésultats qui en poLll'ront découler.
M. Vouga a numéroté les couches alchéologiques qu'il a retlcontt'ées
rrzr3,4,
enallant dela
surface versla
profondeur.La
couche4
estdonc chronologiquement la plus ancienne' C'est dans
la
cotlche z qu'a été rencontré la face humaine osseuse qui fait I'objet de cette note.Si
nos connaissances relatives àla
morphologie généraledn
crâne propremerlt dit des populations lacustres-
de l'âge de la pierre polie et de l'âge du bronze-
sont déjà assez abondantes,il
n'en est pas de même de nos connaissances relatives aux caraclères dela
face. Sur 35 pièces contplètes, ou fragments de têtes osseusesr décrits dans le Crania helve- tica antiqua, r6 pièces molltrent des faces entières ou en lambeaux. Les132 EUGÈNE PITTÀRD
faces entières sont particulièrement rares.
Et
c'est 'justementla
station d'Auvernier qui a fourni à cet égard les documents osseux les plus abon- dants.Il
est vrai cependant que, dans le nombre des têtes osseuses où la face est complète,il
n'y en a qu'unequi
appartienne à la période néoli- thique, les quelques autres sont de l'âge du bronze ou de Ia période inter- médiaire entre l'âge néolithique et I'arrivée du cuivre.Et
cette pénurie souligne immédiatement I'importance de I'objet que nous allonsdécrire.La
plupart de ces pièces ne possèdent dela
face-
celle-ci étantconsidér'ée cornrne physionomie, et
lton
comme pârtie anatomique que le front et la région supérieure des cavités orbitaires apparrenânt-
à I'os frontal. C'est ainsi que se prérent"ttt, du néolithique proprement dit, le crâne de jeune fille de Chavannes (Schâffis, lac de Bienne)I
un crânede femme de Stutz (lac de Bienne) de
la fin du
néolitl-riqueI
un crâned'enfant de Fénil (Vinelz, lac de Bienne). Un crâne de femme de Locras (Lûscherz, lac de Bienne), a, en plus, la région nasale. Les faces des
néolithiques,
à
peu prèsou
bien conservées, appartiennenr à des têtes osseuses trouvées dans les stations suivantes: de Fénil (un crâne fdmi- nin et un crâne masculin) ; de Oefeliplâtze près Gérofin (Gerolfingen, lac de Bienne)-
ces trois pièces datant de la fin de la période néolithique;-
d'Aùvernier (lac de Neuchâtel). Ce dernier crâne, est représenté par la plancheLXXIII
de I'atlas des Crania helvetica antiqua.Les têtes osseuses, assez biel: conservées dans
leur intdgriti
anato- mique, décrites dernièrernentpar
M. Schlaginhaufen 1 et provenant dela station d'Alpenquai à Zulich, datent de l'âge du bronze.
On voit, par ce rapide et incomplet exposé,la pénurie de nos documents relatifs à la physionomie des Lacusrres suisses de la période néolithique.
Le
crâne découvertà
Auvernier se compose: du frontal,
presque complet, du sphénoTde, d'un fragment du temporal gauche I de tous les principaux os de la face, moins le iugal gauche, complétement brisé. Ce crâne a la cor"rleur brun chocolat, .caractéristique des ossements ayant séjourné dans le <fumier lacusrre >.Il
a probablement appartenu à une femme, encore jeune. La soudure du sphénoTde à I'occipital est rompue à la hauteur de la suture sphéno-occipitale, non par cassure brusque, mais par dissociation, ce qui prouve que nous avons affaire à un jeune sujet.La machoire supérieule porte encore quatre dents: les deux molaires précédant la dent de sagesse,
à
gauche età
droite. Les dents ont subi1 ScsuctngrurnN, Ueber die ntenschlichen Skelettreste aus dent Pfahlbau ant Alpenquai in Ziirich, in Viertel'jahresschlift der Naturf. Gesells. in Znrich, tgt7,
UN NOUVEAU CRÀNE DE LACUSTRE NÉOLITHIQUE 133 très peu d'usure
I
la molairer
davantage que laz'
L'usure de cette pre- mière molaire vraie est antérieure et intérieure.Les mesures qui peuvent être prises suq ce crâne facial sont les suivantes :
Diamètrefrontalminimum ' . ' irifl )) ) maximum III.-
Hauteur de la cavité
orbitaire
28.5Largeur )) )) 36.-
Hauteur
naso-spinale 4t.-
Largeur de I'ouverture
nasale
zz.5Diamètre
bizygomatique
t t I. ?Longueur de la voûte
palatine 47.-
Largeur de la dite
vorite 36.-
Largeur
interorbitaire 22.-
Courbe sous
cérébrale Ig.-
Courbe frontale proprement
dite Io6'-
Lesquelques indices qui peuvent être obtenus à I'aide de ces chiffres :SOnt:
Indice frontal
r
orbitaire)
nasaln
de la voûte palatineLa suture frontale présente la disposition d'un bon engrenage avec les 'sutures voisines. L'aspect genéral est délicat
I
les bourrelets orbitaires ne sont pas développés; la face n'est Pas prognatheI
I'ouverture nasale est modérée I les alvéoles dentaires ne montrent aucun caractèfe de pro- gnathisme deutaire.L'indice
otbitaire
indique uneorbite
microsèmeet I'indice
nasal la platyrrhinie.La
tête osseuse complète (avecle
maxillaire inférieur) trouvée dansla
station néolithique d'Auvernier etqui
figure dans leCrania helvetica antiqua sous les no"
LXXI-LXXIII,
peut être utilisée pour quelques comparaisons. Ce ct'âne a été considéré par les auteurs comme étant celui d'une femme d'environ 3o ans'Cette tête osseuse a-t-elle véritablement appartenu à une femme ?
Je n'ai, pour discttter du sexe de cette pièce, que les photogravures et ctest tout à fait insuffisant. Cependant certains aspects du crâne et de la face pourraient faire croire qutil s'agit d'un crâne masculin, notamment les saillies, très apparentes, de la région susorbitaire, celle de la base de l'échancrure nasale
;
maisje
reconnaisque
ce sontlà
seulement des82.43 79.t6 54.88 76.6o
134 EUGÈNE PITTÂRD
apparences et que cet examen ne peut emporter
la
conviction. Les dia- mètres clui peuvent être mesurés sur ces figures, de grandeur naturelle, semblent, eux, faire penser qu'il s'agit réellement d'un sujet féminin.Il
eut été fort intéressanr de pouvoir faire des comparaisons précises entre ces deux pièces osseuses, puisque toutes les deux sont considérées comme féminines I qu'elles proviennent dela
même station et qu'elles sontdu
même horizon chronologique. A l'époque de la pierre polie"les types humaifls n'avaient pas encore subi, en Suisse, les mélanges et les triturations erhniques que nous constarons aujourd'hui, Mais la pho- togravure que nous avons sons les yeux ne nous permet guère que les comparaisons relatives à la face proprement dite. La gr.andeur absolue du frontal, dans le sens antéro-postérieur, n'est pas exactement mesurable à cause du raccourcissement dû à la photographie. Au surplus, même pour ce
qui
concerne les diverses parties composanrla
face, I'espoir d'obtenir des renseignements précis s'évanouit lorsqu'on reporte les mesures prises au compas d'épaisseur sur la photogravrlre à celles indi-quées, pour les mêmes régions faciales, par les aureurs dtt Crania hel- uetica antiqlta. Ces réserves étant formuiéer, nou. tentons tout de même quelques comparaisons, celles qui peuvent être faites avec quelque souci d'exactitude r.
La courbe frontale a été prise sur
la
photogt'avlrre à I'aide de la lame de plomb.Auvernier I en mm.
Auvetnier II en mm.
Hauteul totale en projection du brepçma au
point incisif
Du brégma à l'épine nasale
Du bregma arr bord antérieur de la cavité orbitaire.
Hauteur (projection) naso-spinale .
Courbe frontale totale
Largeur maxim. du maxill. sup.
Diamètre frontal minimum Largeur ouvertllre nasale
r56 t43
r55 r42 rz5
40.5 r24.5 ?
\n 93 25
tz5 4r r25
\o
gr.5 zz.5 On constatera, à I'aide de ces quelques comparaisons (que nous
limi-
tons obligatoirement à cause des difficultés des rnesures sur les photo- gravures) qu'il y a de singulières similitudes enrre
le
crâne trouvé jadis à Auvernier et celui qui vient d'être découvert. Ces deux crânes semblent1 Auvernier I veut dire le crâne féminin figuré dansle Crania helreticd .tntiqua; Auvernier II,
celui que nous décrivons ici.
uN NouvEAU cRANE DE LÂcusrRE
NÉor,rrurqur
t35avoir appartenu à des individus de même race. Espérons que de nouvelles trouvailles viendront nous permettre des comparâisoni plus certaines.
Cette face de Lacustre neolithique que nous décrivons dans cette note ,est d'une belle venue, harmonieuse.
Le front
bombé surmonte une région faciale qui, vue latéralement, ne présente aucun prognathisme.Beaucoup de crânes contemporains sont loin de nous faire constater des caractères d'évolution progressive aussi affirmés que celui-là.
Cette pièce osseuse ne montre aucune trace de traumatisme, ni sur le .crâne proprement dit, ni sur la face. Cependant la tête a été violemment brisée: le frontai est cassé vers sa partie inférieure à droitel cette cassure a arlaché une pordon de la table interne et
le
diploé est misà
nu sur une surface d'environ quatre centimètres carrés. Le temporal gauche et le jugal du même côté sont brisés. Commc ccttc tôtc osscusc n'aurait certainement pas été flactur'ée dans Ia boue du lac par des actions natu- relles, nous sommes forcés de croire qu'elle a reçu le choc qui I'a casséesur terre ferme ou snr les habitations palafittiques et que, ietée au lac, elle
a
été incorporéeaux
divers élémentsqui
composentle
u fumier lacuçtre,.
Les sutures mises à nu parla
fracture et les surfaces brisées possèder-rt la même patine que toutle
reste du ctâne.l,a
partie spon- gieuse du corps du sphénoide au uiveau de la suture sphéno-occipitalernontre également la même patine.
La
machoire supérieure neporte
plus que quatre dents. Ce sont avons-nous dit, de chaclue côté, les deux premières rnolaires vraies. La formule dqntaire était complète à zz dents. Les tubercules des quat.t'e molaires encore attensntes à la machoire portent des saillies très fralches, celles des deux dernières dents sont encore à peu près indemnes, tandis, que celles des deux premières sont déjà fortement usées. Cette usure dépasse celle qu'onpourrait
attendre chezun
individu ayant l'âge decelui que nous décrivonsl mais on sait que I'usure dentaire prématurée est un phénomène constant à la période néolithique. Et uous avons sous les yeux pour comparaison ttne mandibule de la même époque où I'usure dentaire est allssi très profonde.
L'anthropologie suisse peut se louer de découvertes semblables .à celle que nous signalons à cette place. Nous pouvons cspircr quc pctit à pctit, nous arriverons à reconstituer, avec exactitude, le type morphologique de nos ancêtres palafittiques.