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Aux origines de la maladie osseuse de Paget. Un nouveau cas néolithique dans le sud de la France

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NOTE /NOTE

Aux origines de la maladie osseuse de Paget.

Un nouveau cas néolithique dans le sud de la France

Back to the origins of Paget’s disease of bone. A new neolithic case in southern France

J.-P. Arnautou · J. Blondiaux · J.-M. Coindre · H. Duday

Reçu le 8 mars 2010 ; accepté le 6 septembre 2010

© Société dAnthropologie de Paris et Springer-Verlag France 2011

Résumé Parmi les ossements recueillis dans une grotte sépulcrale du sud de la France, nous avons reconnu un cas de maladie de Paget polyostotique. La datation C14, après calibration, donne un âge d’environ 3350 ans avant J.-C.

Après la description macroscopique, radiologique et micro- scopique de ces pièces, nous rapportons les éléments de la révision des deux cas les plus anciens publiés auparavant.

Ces cas concernent des individus ayant vécu en Europe entre la fin du Néolithique et le Chalcolithique. Il est donc avéré que la maladie de Paget était déjà présente à cette époque, et au sud de l’Europe occidentale ; aucun cas plus ancien n’a été signalé à ce jour.Pour citer cette revue : Bull.

Mém. Soc. Anthropol. Paris 23 (2011).

Mots clésMaladie de Paget · Hypertrophie/déformation des os · Os nouveau coralliforme · Ostéocondensation radiologique · Trabéculation grossière · Os tissé

AbstractAmong the commingled bones collected in a sepul- chral cave in southern France, we recognized a case of polyostotic Paget’s disease of bone (PDB). The C14dating, after calibration, was 3350 BC. After the macroscopic description, the microscopic and radiological analyses of these samples, we discuss the criteria for a re-examination of the two oldest cases previously published. Both cases

concern individuals who lived in Europe between the end of the Neolithic period and the Chalcolithic period. Thus, it can be established that PDB was already present at that period and in south-western Europe; no older case has been reported to date. To cite this journal: Bull. Mém. Soc. Anthropol.

Paris 23 (2011).

Keywords Paget’s disease of bone (PDB) · Bony hypertrophy or deformation · Pumice bone · X-ray densification · Coarse trabeculation · Woven bone

Introduction

Décrite en 1876 par l’anglais Paget [1], la maladie qui porte son nom est actuellement pour Meunier [2], par sa préva- lence, la plus fréquente des maladies osseuses après l’ostéo- porose. Elle peut toucher tous les os du squelette. Localisée sur un seul os dans 10 à 20 % des cas, elle a pu en atteindre 45 % chez le même sujet.

Les pièces pagétiques présentent des modifications macro- scopiques, radiologiques et histologiques dont l’association permet de porter le diagnostic ; cependant, aucune de ces anomalies, prise isolément, ne peut être considérée comme pathognomonique.

Si l’étiologie de cette affection reste mal connue, les tra- vaux de Laurin et al. [3] ont mis en évidence des mutations géniques chez les malades pagétiques, dans des proportions variables suivant les populations ; d’autres études comme celle de Baslé [4], parfois controversées, ont incriminé plusieurs virus de la famille des paramyxovirus.

La maladie se rencontre aujourd’hui essentiellement en Europe occidentale et en Amérique du Nord ; les variations considérables de sa distribution géographique contempo- raine dans le monde restent inexpliquées.

Les cas anciens de maladie de Paget sont assez rares ; environ 150 ont été recensés par Arnautou [5], publiés exclu- sivement en Europe occidentale et dans les Amériques, mais

J.-P. Arnautou (*) · H. Duday

UMR 5199-PACEA, Laboratoire d’Anthropologie des

Populations du Passé, Université Bordeaux-I, avenue des facultés, F-33405 Talence cedex, France

e-mail : jeanpierre.arnautou@neuf.fr J. Blondiaux

Centre d’Études Paléopathologiques du Nord, 36, rue Jules-Ferry, F-59127 Walincourt Selvigny, France

J.-M. Coindre

Département de Pathologie, Institut Bergonié, 229, cours de l’Argonne, F33076 Bordeaux, France et Laboratoire de Pathologie, université Victor-Segalen, 146, rue Léo-Saignat, F-33076 Bordeaux cedex, France DOI 10.1007/s13219-010-0031-x

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leur diagnostic n’est pas toujours bien assuré et les datations sont souvent imprécises.

Nous avons pu reconnaître cette maladie sur des restes humains provenant d’une grotte sépulcrale néolithique du sud de la France, l’Aven de la Boucle à Corconne (Gard).

La littérature ne signale aucun cas plus ancien, mais deux autres cas presque contemporains avaient été découverts, l’un en Lozère, France, publié par Pales [6], et l’autre en Italie, dans le Latium, publié par Milanesi [7]. Leur révision a confirmé le diagnostic du premier et écarté l’autre.

Si la maladie de Paget conserve encore bien des incon- nues, en particulier au plan étiologique, les documents paléopathologiques étudiés semblent préciser une date et une aire d’apparition. La proximité relative de deux cas préhistoriques, dans le temps comme dans l’espace, permet peut-être d’approcher les origines de la maladie.

Matériel

Entre 1974 et 2002, Duday a fouillé l’Aven de la Boucle, une cavité naturelle aménagée en grotte sépulcrale et située en France, sur le territoire de la commune de Corconne (Gard).

C’est une salle souterraine d’environ 40 m2; Duday considère [8] qu’elle a été utilisée essentiellement à partir d’une phase de transition entre le Néolithique moyen et le Néolithique final (occupée ici par le « groupe de l’Avencas ») jusqu’à la fin de cette dernière période. La couche funéraire de base est datée par le carbone 14 sur charbons de bois, avec deux data- tions à 4 600 ± 100 ans BP (MC, 1499) et à 4 590 ± 90 ans BP (Gif, 6285), soit, après calibration (CAL/IB REV 5.0.2 de Stuiver et Reimer), à environ 3350 ans avant J.-C. Les restes humains des couches néolithiques (environ 10 000 pièces) correspondent à un effectif d’environ 70 individus, compre- nant au moins 54 adultes (NMI = 60 pour le calcanéus Dépôt Archéologique gauche) ; ils sont conservés au Dépôt Archéologique de Pessac, Gironde (France). Dans les cou- ches les plus anciennes du gisement, la fouille a mis au jour une trentaine de pièces osseuses (Fig. 1) appartenant à un même ensemble pathologique. Leur surface est plus ou moins largement modifiée par l’apposition d’un tissu osseux grossier et poreux. Plusieurs sont nettement augmentées de volume et parfois d’un poids assez élevé.

Le crâne est atteint, ainsi que ainsi que la colonne verté- brale, le bassin, le sternum et des fragments de nombreuses côtes ; les membres sont représentés par la scapula gauche et les deux fémurs. Aucune pièce ne figurant en plus d’un exemplaire, on présume qu’elles proviennent toutes d’un même sujet. Précisons que, dans cette grotte, il n’y a que très peu d’individus représentés par plusieurs os (un membre ou un segment de membre).

Pales a publié en 1929 [6] un fémur droit provenant de la grotte de l’Homme-Mort. Cette sépulture collective néoli-

thique, située en France près de Saint-Pierre-des-Tripiers (Lozère), avait été fouillée en 1870 et en 1872 par Prunières et Broca. Prunières a écrit [9] qu’elle abritait les restes d’une cinquantaine d’individus, adultes et immatures confondus. Des ossements recueillis subsistent 19 crânes décrits par Toureille [10] et quelques pièces disparates, en parfait état de conserva- tion, aujourd’hui en dépôt au musée de l’Homme à Paris. La population inhumée dans la grotte de l’Homme-Mort est ratta- chée par Costantini [11] à la phase terminale du « groupe des Treilles » ou Rodézien, daté entre 3300 et 2400 avant J.-C. Pales a reconnu la maladie de Paget sur un fémur droit isolé ; depuis 80 ans, ce cas princeps est cité sans réserves dans la plupart des publications traitant des cas anciens de Paget.

Milanesi a publié en 1963 [7] un humérus droit découvert en Italie dans une nécropole à Ponte San Pietro, Ischia di Castro, Viterbo (Latium). Fouillée entre 1940 et 1959 par Cardini et Rittatore Vonwiller [12], cette nécropole regroupe 25 « tombes à four », petites cavités abritant un nombre Fig. 1 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Localisation en grisé des pièces touchées par un même processus pathologique /Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Bones affected by a same patho- logical process are indicated in grey

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variable de sujets. Miari précise [13] que 17 de ces tombes ont livré les restes humains de 56 individus, qui ont été dépo- sés à l’Institut d’Anthropologie de Florence. Dans la période

« énéolithique », les tombes de Ponte San Pietro appartien- nent plus précisément à la culture de Rinaldone ; pour Guilaine et Zammit [14], elles peuvent être datées entre 3200 et 2500 avant J.-C., au début de l’Âge du cuivre italien.

L’humérus pathologique se trouvait dans la tombe no21, parmi les ossements d’un homme et d’une femme adultes.

Les éléments observés par Milanesi lui avaient paru compa- tibles avec le diagnostic de maladie de Paget.

Méthodes

Toutes les pièces pathologiques ont fait l’objet d’un examen anthropologique et de nombreuses photographies et radio- graphies. Une analyse histologique a été pratiquée sur une côte provenant de l’Aven de la Boucle; elle n’était pas envi- sageable sur les pièces (uniques) des deux autres sites. Cet examen n’est que rarement utilisé en paléopathologie en raison de la destruction partielle des pièces qu’il entraîne.

En outre, les critères essentiels au diagnostic histologique du Paget — travées osseuses épaisses où s’entremêlent os tissé et os lamellaire, avec éventuels signes d’hyperrésorp- tion—n’ont pas toujours été mis en évidence sur des pièces, pourtant pagétiques, très remaniées par la diagenèse, comme dans le cas de Wells et Woodhouse [15]. Les résultats histo- logiques publiés concernent soit quelques cas de maladie de Paget déjà fortement argumentés comme ceux de Stirland [16], Mays et Turner-Walker [17], Roches et al. [18], soit plus souvent des pièces présentées autrefois comme pagéti- ques ; l’histologie devient alors, comme par exemple pour Cook [19] l’élément essentiel d’une révision qui écarte ce diagnostic. Considéré depuis bientôt 30 ans par Ortner et Putschar [20], (p. 309–15) comme indispensable au diagnos- tic de Paget, le seul critère anatomopathologique ne permet- trait de retenir, dans la littérature mondiale, qu’une petite douzaine de cas anciens de la maladie1. L’un d’entre nous a proposé dans sa thèse [5] des critères pour reconnaître la maladie de Paget sur l’os ancien (Tableau 1) ; leur présence permet de comptabiliser un ou plusieurs points, suivant la sensibilité ou la spécificité de chaque critère.

La maladie de Paget pourrait être considérée comme possibleà partir de huit points (comprenant ceux du critère radiologique, à notre avis indispensable), probable entre neuf et 12 points (comportant ce même critère) et quasi

certaineà partir de 13 points (et donc pas obligatoirement avec une histologie positive). Ces critères ont été recherchés sur les pièces provenant des trois sites.

Résultats

Dans l’Aven de la Boucle, les pièces regroupées en raison de leur morphologie pathologique sont au nombre d’une tren- taine ; elles ont été trouvées pour la plupart dans une zone de 3 m2, le long de la paroi de la cavité. Deux vertèbres seulement étaient en connexion et aucune pièce ne figure en double exemplaire. La répartition des lésions oriente déjà vers la maladie de Paget (Fig. 1) :

lhypertrophie et la déformation de certaines pièces attirent l’attention (Figs. 2,3) ;

les altérations de la surface sont constantes, avec des plages à structure finement alvéolaire correspondant à l’apposition d’os nouveau ; cet aspect, poreux pour Pales [6], les a fait comparer à l’écume (foam-like) par Wells et Woodhouse [15], au corail (coral-like) par Stirland [16] ou à la meringue (biscuit-like) par Boylston et Ogden [21]. On rencontre, en outre, des saillies, for- mant parfois des crêtes (Fig. 4) qui donnent à cette surface un aspect irrégulier et rugueux ;

si lepoidsdes os pagétiques est variable, beaucoup sont nettement plus lourds que leurs homologues trouvés sur le site ;

laradiographiestandard (Figs. 3,7,8) montre une conden- sation plus ou moins marquée de la plupart des pièces osseuses.

Tableau 1 Critères de classification permettant de reconnaître la maladie de Paget sur los ancien [5] /Classification criteria allowing the diagnosis of PDB on ancient bone[5].

Critères macroscopiques

Surface rugueuse formant des crêtes, en dehors des sites dinsertion

1 point Plages dos nouveau à structure alvéolaire 2 points Augmentation de la taille, globale ou localisée

(+1 point si le poids est augmenté de > 25 %)

2 points (ou 3) Déformation (après exclusion des traumatismes et des autres causes évidentes)

3 points Critère radiologique

(apprécié par un praticien spécialisé)

5 points Critère histologique

(apprécié par un praticien spécialisé)

3 points

Total 16 à 17

points

1 Cependant, dans certains cas et en particulier dans des formes monostotiques débutantes, c’est bien l’histologie et elle seule qui peut permettre d’affirmer le diagnostic de Paget.

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Aspects particuliers suivant les pièces

Sur la face exocrânienne de l’os frontal, une lésion arrondie, légèrement en relief et colorée en gris-brun, occupe le milieu

de la moitié postérieure de l’écaille (Fig. 5-A). Sa surface présente de nombreuses logettes de petite taille. On retrouve quelques plages d’aspect analogue sur la face endocrânienne (Fig. 5-B).

Fig. 2 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Côte augmentée de volume, à la surface grossièrement irrégulière (A) ; les coupes trans- versales montrent un épaississement considérable de los et une dédifférenciation corticomédullaire (B) /Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Photograph of a hypertrophied rib; the surface is irregular (A) and the transverse cuts (B) show considerable thickening of the bone with cortico-medullary dedifferenciation

Fig. 3 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Radiographie dune côte hypertrophiée et globalement condensée /Aven de la Boucle à Corconne (Gard) X-ray of a hypertrophied rib with global densification

Fig. 4 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Face antérieure de la diaphyse fémorale gauche (détail), hérissée de crêtes dos nouveau / Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Photograph of the anterior surface of the left femoral diaphysis (detail), bristled with spikes of new bone

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La maladie a touché presque toutes les vertèbres (Figs. 6,7). Il existe un bloc vertébral acquis C3–C4 dont la surface grossière est caractéristique, surtout à la face posté- rieure des pédicules et des lames. La cinquième lombaire est très lourde, avec des anomalies de surface particulièrement marquées autour des pédicules et à la face postérieure du corps. Son plateau supérieur est prolongé d’une hyperostose

« en console ». La condensation radiologique est globale. Le

sacrum, très lourd, est hérissé de crêtes sur toute sa surface ; l’apposition osseuse, coralliforme à plusieurs endroits de la face pelvienne, réduit le calibre des foramens sacrés. La radiographie met en évidence une énorme condensation des deux premières pièces sacrées.

Les deux os coxaux sont fragmentés, incomplets et lourds ; ils présentent des altérations de surface, avec deux plages coralliformes sur la face pelvienne de l’aile iliaque droite et une apposition d’os nouveau très en relief sur la face externe de l’aile iliaque gauche. La radiographie montre la condensation majeure du sacrum, de l’os coxal droit, de la tubérosité ischiatique gauche et de l’extrémité proximale du fémur droit. À la face postérieure du col de la scapula gauche, au-dessus de l’échancrure spinoglénoï- dale, on remarque plusieurs petits amas en relief d’os nouveau coralliforme. Au niveau du thorax, le processus pagétique intéresse lemanubrium sternal, les deuxpremiè- res côteset des fragments de nombreusesautres côtesqui présentent des plages, en relief et d’étendue variable, d’un tissu osseux évoquant la pierre ponce. Les deux faces du manubrium et de la première côte gauche sont hérissées de crêtes, ainsi que la surface de plusieurs autres côtes.

Certains éléments sont augmentés de volume, parfois consi- dérablement. La condensation radiologique est inégalement répartie, parfois massive (Fig. 3), ailleurs seulement partielle, et même souvent absente (Fig. 8).

Aspects histologiques

L’examen anatomopathologique a été réalisé par l’un d’entre nous au microscope photonique sur une côte parti- culièrement anormale (Fig. 2), tant en raison des modifica- tions de surface que de l’augmentation majeure de volume Fig. 5 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Lésion pagétique sur la face exocrânienne de los frontal (A) ; sur la face endocrânienne de la même pièce (B), plages dos nouveau coralliforme et profondes empreintes vasculaires /Aven de la Boucle à Corconne (Gard).

Photographs in zenithal view of a pagetic lesion on the exocranial surface of the frontal bone (A); patches of coral-like new bone and deep vascular prints on the endocranial surface of the same sample (B)

Fig. 6 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Vue postérolatérale gauche dune vertèbre thoracique dont la surface est grossièrement irrégulière /Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Photograph in left postero-lateral view of a thoracic vertebra with rough irregular surface

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et de poids. Au faible grossissement (G × 25, Figs. 9-A), on note l’existence de travées osseuses épaisses, anastomosées entre elles et délimitant des espaces médullaires de petite taille. À un plus fort grossissement (G × 100, Figs. 9-B) et en lumière polarisée, ces travées osseuses comportent des zones de texture lamellaire intriquées à de nombreuses zones de texture tissée. Il semble que ces travées osseuses soient le siège de lacunes de résorption. L’aspect global de ces travées osseuses épaisses, où s’entremêlent os tissé et os lamellaire, est donc fortement évocateur d’une maladie de Paget.

Étude anthropologique du sujet pagétique de Corconne

La détermination dusexeest difficile en raison du mauvais état de conservation des os coxaux. Cependant, la grande inci- sure ischiatique droite, seule préservée et assez étroite, semble plutôt masculine ; en outre, la robustesse de nombreuses piè- ces est évidente. Le fémur droit, en deux morceaux, mesure 410 mm de longueur maximale. Les équations de Trotter et Glaser revues par Cleuvenot et Houet [22] proposent, à partir de ce chiffre, une taille de 156 ± 4,13 cm pour un sujet de sexe indéterminé, taille qui se situe entre 158 ± 4,14 cm pour un Fig. 7 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Radiographies du rachis thoracique inférieur (face - à gauche) et du rachis cervical (profil - à droite) montrant laplatissement des corps de C5 et de T11 ainsi que la condensation du bloc C3C4, du corps de C6 et des quatre pièces thoraciques /Aven de la Boucle à Corconne (Gard). X-rays of the lower thoracic spine (front - left) and the cervical spine (profile - right) showing the flattening of the bodies of C5 and T11 as well as the densification of the C3C4 block, of the body of C6 and of the four thoracic vertebrae

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homme et 155 ± 3,83 cm pour une femme. Il s’agit d’un adulte2 dont plusieurs vertèbres portent les signes d’une atteinte dégénérative. Ce sujet, de sexe indéterminé, pouvait avoir atteint un âge relativement avancé (au moins supérieur à 60 ans) et mesurer environ 1,60 m.

Diagnostic

La recherche, sur ces pièces pathologiques de l’Aven de la Boucle,des critères de reconnaissance du Paget proposés dans un travail précédent [5] apporte 16 à 17 points, avec les crêtes, les appositions d’os nouveau, les déformations et l’augmentation de volume ; le critère radiologique est présent ainsi que le critère histologique, si rare dans la

littérature. Le diagnostic de maladie de Paget paraît donc ici amplement justifié.

À ce jour, le sujet pagétique néolithique de l’Aven de la Boucle est à la fois le cas de Paget le plus ancien (datation précise et peu discutable) et, parmi les cas préhistoriques, un de ceux dont le diagnostic est le plus fermement établi.

Nous avons revu le fémur droit provenant de lagrotte de l’Homme-Mort. Sa diaphyse est augmentée de volume sur les deux tiers distaux. Il existe une couche de périostite engai- nante, surtout à la face postérieure de l’os et sur son quart distal, avec quelques plages gris-brun offrant l’aspect de la pierre ponce. La radiographie (Fig. 10) met en évidence une condensation majeure de la corticale contrastant avec la décalcification fibrillaire des extrémités, une dédifférencia- tion corticomédullaire sur la moitié proximale de la diaphyse et une périostite bien visible sur le bord médial de la diaphyse.

La recherche de nos critères sur le fémur de la grotte de l’Homme-Mort comptabilise 12 points (appositions d’os nou- veau, déformation en crosse et augmentation de volume loca- lisée) ; le critère radiologique est présent et particulièrement Fig. 8 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Radiographie en vue zénithale des os de la paroi thoracique ; condensation du manubrium sternal et de plusieurs côtes, parfois augmentées de volume /Aven de la Boucle à Corconne (Gard). X-ray in zenithal view of the bones of the thoracic cage with densification of the manubrium and of several ribs, sometimes hypertrophied

2Si l’évolution de la maladie était alors la même qu’aujourd’hui, ce sujet pouvait être assez âgé ; de nos jours en effet, le Paget débute surtout après la quarantaine, et Renier écrit [23] que la transformation pagétique d’un bassin, telle que celle constatée ici, a besoin d’environ 30 ans pour être complète.

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démonstratif. La révision de ce cas confirme donc pleinement le diagnostic autrefois proposé par Pales.

Nous avons également revu l’humérus pathologique de Ponte San Pietro, en collaboration avec l’équipe de l’Institut d’Anthropologie de Florence (Zavattaro et al. à paraître), qui a réalisé les photographies et les radiographies. L’os est court, très arqué, et augmenté de volume aux deux extrémités comme au milieu de la diaphyse. Particulièrement robuste, il appartenait à un sujet dont Milanesi [7] [11] évalue l’âge au décès, d’après l’aspect du crâne, à environ 35 ans.

La recherche de nos critères sur l’humérus de Ponte San Pietro n’apporte au mieux que sept points, avec la défor- mation en crosse, les appositions d’os nouveau (Fig. 11) et l’augmentation de volume localisée ; le critère radiologique

fait ici défaut (Fig. 12). La révision ne permet donc plus d’envisager pour ce cas le diagnostic de maladie de Paget.

Discussion

L’un d’entre nous a recensé dans sa thèse [5] tous les cas anciens de maladie de Paget découverts en Europe, et a ana- lysé leur évolution dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, deux cas peut-être antérieurs à ceux que nous venons de présenter avaient été succinctement décrits auXIXesiècle : l’un concernait un crâne découvert en Angleterre et considéré comme néandertalien par Butlin [24], et l’autre un fragment de pariétal « trouvé dans une tombe Fig. 10 Grotte de lHomme-Mort. Radiographie de profil (A) et de face (B) du fémur dont la diaphyse est déformée « en crosse » à concavité postérieure /Grotte de lHomme-Mort. X-rays in profile (A) and front (B) of a femur whose diaphysis is distorted with a poste- rior concavity

Fig. 9 Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Aspects histologiques dune côte sur os décalcifié ; 9-A (× 25) et 9-B (× 100) /Aven de la Boucle à Corconne (Gard). Photograph of the microscopy of a rib after decalcification; 9-A (× 25) and 9-B (× 100)

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égyptienne » écrit Hutchinson [25]. Ces pièces ont disparu, et aucune publication récente ne les mentionne. Un diagnos- tic purement macroscopique et une datation évoquée sans preuves à l’appui ne sont plus aujourd’hui scientifiquement pris en compte.

Le sujet pagétique de l’Aven de la Boucle, sans doute un peu antérieur à celui de la grotte de l’Homme-Mort, pourrait aussi bien en être contemporain. Précisément datés à la char- nière entre le Néolithique moyen et le Néolithique final, ces deux spécimens sont les cas les plus anciens de maladie de Paget identifiés à ce jour.

Seulement quatre autres cas pré- et protohistoriques ont été rapportés. Deux sont datés de l’âge du bronze, décrits sur les sites grecs de Pylos par Bartsocas [26] et d’Argos par Charlier [27], et deux autres de l’âge du fer, sur des os cré- més provenant des sites de Gourjade dans le Tarn, en France [5] et de Grote-Brogel, dans le Limbourg belge, publié par Janssens [28]. Si ces sites sont bien datés, les diagnostics restent modestement argumentés. C’est bien plus tard qu’ap- paraîtront, avec l’expansion romaine et surtout pendant la période médiévale, les preuves suffisamment convaincantes d’une diffusion beaucoup plus large de la maladie de Paget Fig. 12 Ponte San Pietro. Radiographie de lhumérus en vue antérieure (A) et latérale (B) /Ponte San Pietro. X-rays of the humerus in lateral (A) and anterior view (B)

Fig. 11 Ponte San Pietro. Extrémité proximale de lhumérus (détail) montrant les appositions dos nouveau sur le col chirurgical /Ponte San Pietro. Photograph of the proximal epiphysis of the humerus (detail) showing appositions of new bone on the surgical neck

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en Europe. Enfin, les trois quarts des cas décrits sur des sujets ayant vécu à l’époque historique ont été exhumés en Grande-Bretagne [5].

Dans l’espace, les sites néolithiques français de l’Aven de la Boucle et de la grotte de l’Homme-Mort ne sont distants l’un de l’autre que d’environ 65 km3. Les sites grecs de l’âge du bronze se trouvent à 1 650 km plus à l’est. À l’âge du fer, le sujet du site de Gourjade vivait encore dans le Languedoc, 145 km à l’ouest de l’Aven de la Boucle, tandis que celui de Grote-Brogel se situait 800 km au nord. Et nous avons déjà noté que le diagnostic de ces quatre cas n’était que faiblement argumenté. Les cas pré- et protohistoriques, plus ou moins bien prouvés, s’inscrivent donc presque tous (Fig. 13) sur les rivages nord de la Méditerranée. Ainsi, c’est en Europe, dans le Languedoc et au Néolithique final, que la présence de la maladie de Paget est attestée pour la première fois au monde et de façon incontestable par Pales [6] et Arnautou [5].

Remerciements Les services bordelais de radiologie de l’Institut Bergonié (Dr M. Kind) et du CHU Pellegrin (Dr M. Moinard), ainsi que le Dr G. Morvan (Paris) ont aimablement réalisé les clichés des pièces de l’Aven de la Boucle et du fémur de la grotte de l’Homme-Mort.

C’est grâce à l’obligeance de P. Mennecier et du Pr J.-L. Heim (musée de l’Homme, Paris) que nous avons pu examiner la collection Prunières et le fémur de la grotte de l’Homme- Mort. Également un grand merci au Dr M. Zavattaro (Museo di Storia Naturale, Università degli Studi di Firenze) et au Dr S. Boccone (Instituto d’Antropologia di Firenze) pour les photographies de l’humérus du Ponte San Pietro, ainsi qu’au Dr E. Pacciani (Soprintendenza Archeologica della Toscana) qui a permis de le radiographier. Merci enfin à Mmes Boylston, Cook, Gallien, Gardner et Henneberg, ainsi qu’à Mrs Connell, Guillon et Maat pour leur généreuse contribution à notre précédent travail [5].

Crédits des illustrations : J.-P. Arnautou (1, 13), J.-M.

Coindre (2, 9), H. Duday (4, 5, 6), M. Kind (3), M. Moinard (7, 8), G. Morvan (10), E. Pacciani (12), M. Zavattaro (11).

Références

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3. Laurin N, Brown JJP, Morissette J, et al (2002) Recurrent muta- tion of the gene encoding sequestosome 1 (SQSTM 1/p 62) in Paget’s disease of bone. Am J Hum Genet 70:1582–8

Fig. 13 Localisation des cas (avérés et possibles) pré- et protohistoriques de maladie de Paget en Europe /Map localization of the prehistoric and protohistoric cases (proven and possible) of PDB in Europe

3Les distances sont évaluées à vol d’oiseau.

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4. Baslé MF (1998) Histopathologie. In: Meunier PJ (ed) La maladie osseuse de Paget. John Libbey Eurotext, Montrouge, pp. 1729 5. Arnautou JP (2007) La maladie osseuse de Paget : étude paléopa-

thologique. Thèse université Bordeaux-I, Editions Universitaires Européennes, Sarrebruck, 152 p

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