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L'U.R.S.S., L'AFRIQUE ET LE PROCHE-ORIENT

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Academic year: 2022

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WF L'U.R.S.S., L'AFRIQUE

ET L E PROCHE-ORIENT I

L

e monde fini qu'évoquait Paul Valéry en est encore aux affres de ses commencements et il semble déjà se refermer sur nous, Français et Européens, depuis que le pétrole nous fut refusé sous un mauvais prétexte avant d'être vendu au plus injuste prix, celui de l'inflation et du chômage. L a tenaille géante qui saisit nos voisins d'outre-Méditerranée entre l'Angola, puis le Zaïre, et la Corne d'Afrique renforce cette impression. Elle durera peu, sans doute, car le moindre prétexte nous suffit pour détourner nos regards des périls que nous croyons écartés dans la mesure où nous parvenons à ne plus les voir. Avant qu'elle soit passée, il conviendrait d'y regarder de près, car l'affaire est sérieuse.

Depuis la fin du deuxième conflit mondial, l'action de l'U.R.S.S. sur le continent africain, augmenté du Proche-Orient, concerne une région du monde qui recèle ou provoque de l'exté- rieur un nombre déjà inquiétant de contradictions menaçantes, d'éléments de confusion, d'effervescence et de facteurs d'explo- sion. Ce trouble est né du reniement des principes qui devaient régler l'intégration des objets de l'expansion occidentale outre- mer dans la société des Etats de civilisation dominante. Sans doute, au départ, les pionniers ne savaient pas toujours ce qu'ils faisaient, non plus que les autochtones comprenaient la signifi- cation de l'accostage de navires inconnus. Surtout, dès l'amorce de l'organisation des territoires en cause, il fut admis que cette situation incohérente se régulariserait dans une équité progres- sivement complète, à mesure que le droit des gens serait admis

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par les colonisés qui l'avaient d'abord ignoré et reconnu des colonisateurs à leur égard. Par exemple, si le régime de l'Empire français d'avant 1940 reflétait encore la multiplicité des facteurs, les uns nobles, les autres moins, qui l'avaient suscité ensemble, il évoluait clairement vers une interdépendance multiforme et libre d'associations qui aurait combiné heureusement les intérêts des anciens colonisés et ceux de la métropole ainsi que ceux de la communauté occidentale où ils auraient été peu à peu insérés.

Un processus équivalent aurait été suivi dans la mouvance de Londres, de La Haye, de Bruxelles et ainsi de suite, l'exception flagrante de l'apartheid, parmi quelques autres, étant surtout due aux tensions issues de la guerre des Boers. Sans intervention irréfléchie, il serait déjà fort atténué d'ailleurs, puisque même le sort des Noirs s'est peu à peu amélioré aux Etats-Unis.

Sans doute, des difficultés et des obstacles n'auraient pu être évités, mais ils auraient tous été tournés et surmontés, comme il sied quand on suit la voie de la raison.

Hélas ! on sait de quelle façon elle fut abandonnée à la faveur de l'affaiblissement temporaire des nations maritimes en conséquence du deuxième conflit mondial, sous la pression conju- guée, contre nature, des Etats-Unis et de l'U.R.S.S. Les uns s'ins- pirèrent du Lénine de l'Impérialisme, stade suprême du capi- talisme pour situer la conjoncture africaine dans le contexte de la lutte des classes et multiplier par la haine sociale l'exalta- tion d'un nationalisme en germe dans les pays d'outre-mer quand il écrivit ce mince ouvrage, gros d'ouragans. Les autres parurent vouloir se rédimer d'anciens crimes d'esclavagistes en voyant des esclaves à libérer dans les sujets de métropoles européennes qui les avaient pourtant traités bien différemment.

Au contraire, ceux-ci furent passés par le joug des passions.

Leur continent se divisa en une cinquantaine d'Etats au rythme des oscillations qui parcoururent la planète, malgré ou sans résis- tance, avec ou sans des manières d'étapes, mais non sans déchi- rements internes dans une séparation des nations maritimes, plus ou moins nuancée suivant les circonstances, ardemment désirée ici, admise là comme une concession à quelque mode impéra- tive, par la majorité des intéressés ou par quelques-uns, plus influents ou plus ardents. La double impulsion américano-sovié- tique produisit parallèlement des effets complémentaires des deux

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côtés de la Méditerranée. En Afrique, ce fut aux points chauds une rancune furieuse contre l'Occident, accusé de tous les crimes politiques et sociaux, avec une apologie de toute forme de vio- lence menaçant des droits acquis, d'orientation terroriste parti- culièrement périlleuse pour ceux qu'elle était censée servir. En face, l'affaiblissement moral des nations libres, révélé en 1938 à Munich, poursuivait ses ravages à travers la Seconde Guerre mondiale et, d'un système à l'autre, les hommes de ce temps demeurant ce qu'ils étaient. Les ennemis mêmes du racisme s'employèrent à le répandre en le colorant, de la mer du Nord au cap des Tempêtes. Chez les nations occidentales on équilibra la violence déchaînée de l'autre côté par la constitution d'une apparence de monopole en sa faveur. Etait-ce pour se délivrer des traditions qui les avaient faites ce qu'elles étaient et qu'elles signifiaient à l'extérieur, pas seulement à leur avantage ? Sans que personne ou, du moins, aucun détenteur de pouvoir se ren- dît compte de ce qu'il faisait ou laissait faire, on glissa d'une interdépendance euro-africaine approximative à une furieuse et sanglante anarchie dont l'observateur est fondé à se demander quels en sont les bénéficiaires.

Pendant que des dirigeants du continent noir rompus aux affaires, tels que Houphouët-Boigny ou Léopold Senghor, s'in- quiètent de l'abîme ainsi ouvert au sein de l'Afrique par des erreurs aussi regrettables, l'ensemble de l'Europe est conduit à constater que cette péninsule respirait à travers ses nations mari- times. Dans la mesure où celles-ci sont isolées d'un tiers-monde et notamment d'une Afrique en effervescence claustrée ou mani- pulée par un maître en finlandisation, si l'on ose employer ce néologisme, l'indépendance européenne devient précaire.

Puisque les transitions opportunes n'ont pas été ménagées, elle demande qu'on recoure à la lucidité et à la ténacité qui firent défaut pour faciliter l'accès du continent noir à la vérita- ble liberté, celle qui, par respect des droits de l'homme à l'inté- rieur de ses nouveaux Etats, ferait bénéficier du droit des gens ceux qui commercent avec eux. La sécurité perdue des échanges serait retrouvée. En somme, la liberté de l'Afrique est devenue aussi nécessaire aux nations industrielles que le fut son contrôle par les puissances maritimes, avant le dernier conflit mondial, et elle ne peut se développer sans ordre, à l'intérieur et à l'exté- rieur.

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Seulement, après avoir contribué à jeter l'Afrique dans le chaos, Moscou éloigne son retour à une stabilité devenue dans l'intervalle démocratique et d'indépendance. Le paradoxe est fort, venant de la dernière puissance coloniale de la planète où les Grands-Russes, à peine majoritaires dans leur empire, leurs Répu- bliques satellites non comprises dans le calcul, seront minori- taires en 1980, à cause de la plus grande natalité de leurs sujets.

Mais qu'importent les contradictions de cet ordre à une com- munauté qui les pratique sans vergogne depuis Pierre le Grand et Catherine II, comme à un marxisme que Lénine et Staline ont accoutumé à de bien autres désinvoltures ? Celle-ci lui facilite d'être messianique différemment qu'à l'époque de la Sainte Russie, mais dans le même esprit.

Son messianisme est aussi complexe que sous les tsars qui brandissaient le double étendard de l'orthodoxie et du slavisme, inconciliables pourtant en Pologne quand l'ordre régnait à Var- sovie. Actuellement, il expose deux faces, celle-ci anti-impéria- liste, celle-là anticapitaliste, parfois difficiles à confondre. Telle est pourtant sa manière de pratiquer une politique de la gran- deur aussi nécessaire d'ailleurs à sa taille qu'inutilement péril- leuse chez des puissances moyennes ou petites. Elle fonctionne dans le cadre d'une double hégémonie, celle de l'étrange couple américano-russe, qui s'attire et se repousse, s'appuie et se com- bat dans la perspective d'une Chine inachevée.

C'est une première limite aux possibilités soviétiques. Ce n'est pas la plus sérieuse. Des règles non écrites restreignent son action en pays socialistes, dans la mesure où ils sont vrai- ment marxistes. Ce qu'elle put faire à Budapest, même à Prague, lui fut interdit à Tirana, voire dans une Yougoslavie encore conformiste, au début du conflit de Tito avec Staline. On sait comment le strict marxisme-léninisme de la Roumanie lui per- met les coudées franches de la diplomatie de Bucarest et par quelles voies le stalinisme de Pékin est devenu le pire antago- niste sino-soviétique sans parade franche moscovite.

D'autre part, de gigantesques moyens nucléaires étant de portée principalement dissuasive, pour le moment, l'immensité de l'empire diminue l'importance absolue de la force dite conven- tionnelle qui peut être normalement utilisée dans chacun des secteurs de son emploi. Sans doute, le service militaire obliga- toire russe est de deux ans, deux à trois ans dans la marine et

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les gardes-frontières, pour une population de deux cent cin- quante-cinq millions d'individus en 1971 ; l'Union soviétique consacre à ses forces armées onze pour cent de son produit natio- nal brut, contre six pour cent pour les Etats-Unis et un modeste trois pour cent pour la France. Sa marine, la deuxième du monde, surveille presque toutes les mers, car elle est répartie dans quatre flottes, celles de la Baltique, de la mer Noire, de l'Arctique et du Pacifique, qui seront peut-être cinq demain avec celle de l'océan Indien èn organisation, bases comprises. Elle a plus de quatre millions d'hommes sous les armes, accrus d'un million dans les Etats satellites, avec l'immense matériel adéquat. Seulement, les effectifs résultant de cet énorme effort militaire doivent être répartis de l'Amour à la Sprée, en longeant l'Himalaya, sans oublier le Grand Nord. Selon ce qu'on peut estimer des dispo- sitions présentes, si vingt-cinq pour cent du corps de bataille demeurent disponibles, cinquante pour cent vont aux troupes du Pacte de Varsovie et vingt-cinq pour cent se trouvent face à la Chine imperméable, récalcitrante, combative sur place et partout concurrente.

Cette dislocation et la variété des tâches imposées aux trou- pes dispersées dans des régions séparées par des milliers de kilo- mètres constituent un inconvénient aussi grave qu'inévitable. Il

est souligné par les carences de l'économie qui le supporte. Elle- même s'étiole depuis l'origine, comme on sait, tenue en lisière par le système marxiste, avec de graves conséquences d'ordre social.

Les critiques de ses piétinements susceptibilisent vainement la bureaucratie monolithique qui les aggrave encore. Il est conce- vable que la diplomatie russe soit généralement prudente, comme on admet qu'elle l'est. La taille de l'Etat le suppose. Son carac- tère hétérogène le conseille. Il arrive souvent que les circons- tances le commandent.

De telles entraves n'ont point empêché 1'U.R.S.S. d'ajouter aux obligations de son double messianisme la sourde impulsion, différemment définie d'un siècle à l'autre, qui la pousse, depuis le déclin de ses maîtres mongols de la Horde d'Or, à s'accroître dans la mesure où elle s'organise, attirée de loin par les mers libres. La décolonisation devait enrichir cette impulsion de ten- tations nouvelles dans le cadre d'une opposition russo-américaine qui l'aiguillonnait, au sujet de ce qui devenait le tiers-monde, notamment l'Afrique.

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Elle ne s'est pas moins engagée à pas comptés sur ce conti- nent où elle avait pris pied seulement, sous le tsarisme, par sa frontière turque, aux confins du Proche-Orient. Les bases de son avance ne paraissent pas avoir été déterminées avant le vingtième congrès du parti communiste, en 1956, à Moscou. Pendant que les relations américano-soviétiques passaient de l'alliance à l'endiguement, la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, avaient été absorbées, mais l'Occident devait tenir en Corée et à Berlin.

Le plan Marshall aidant, la partie de l'Europe non dominée échappait pour un temps à la finlandisation.

Alors, pourquoi ne point tâter de l'Afrique, en partant des principes du Pacte de San Francisco ? Lénine avait déjà dit, en 1905, qu'elle était la clé de l'Europe, et le repli amorcé des nations maritimes allait laisser un vide à combler. La progression fut effectuée sous les signes de l'anti-impérialisme, de l'antiracisme et de l'indépendance, en utilisant la proclamation d'intentions, l'accueil formateur de néophytes en U.R.S.S., l'encouragement local des contestataires, l'aide diversifiée des techniciens de tous ordres, mais déjà militaires, de souples secours aux mouvements socialisants, dans des conditions très différentes en Algérie, dans le Proche-Orient où l'on armait les Arabes contre Israël après avoir favorisé la création de cet Etat, dans l'Afrique centrale et australe contre ces juifs du racisme coloré, Bataves, Anglo-Saxons, jusqu'aux Lusitaniens malgré leur sang mêlé, à Madagascar enfin.

Cette époque fut marquée de grands succès, mais il y eut de sérieux déboires au Ghana, au Zaïre, au Mali, en Ouganda ; somme toute le Soudan n'a jamais été assuré, et combien l'U.R.S.S.

fut-elle payée des milliards de dollars investis en Egypte pour des guerres décevantes contre Israël, même avant la rupture entre Moscou et Le Caire de 1976 ?

B E R T R A N D D E L A SABLIERE

(A suivre)

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