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Le rôle de l’énoncé exclamatif en gbaya, une langue oubanguienne de R.C.A

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Texte intégral

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40 | 2016

Exclamation et intersubjectivité

Le rôle de l’énoncé exclamatif en gbaya, une langue oubanguienne de R.C.A

Paulette Roulon-Doko

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/rsp/336 DOI : 10.4000/rsp.336

ISSN : 2610-4377 Éditeur

Presses universitaires d'Orléans Édition imprimée

Date de publication : 1 mars 2017 Pagination : 145-154

ISSN : 1285-4093

Référence électronique

Paulette Roulon-Doko, « Le rôle de l’énoncé exclamatif en gbaya, une langue oubanguienne de R.C.A », Revue de Sémantique et Pragmatique [En ligne], 40 | 2016, mis en ligne le 01 mars 2018, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/rsp/336 ; DOI : 10.4000/rsp.336

Revue de Sémantique et Pragmatique

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Le rôle de l’énoncé exclamatif en gbaya, une langue oubanguienne de R.C.A

Paulette Roulon-Doko LLACAN (UMR 8135 du CNRS) - INALCO

En gbaya l’énoncé exclamatif est assez peu fréquent dans le discours, contrairement à l’emploi d’interjections utilisées dans l’interaction verbale et aussi de façon courante dans les récits au sein du discours rapporté. Celles- ci bien qu’elles manifestent au sein d’un énoncé diverses attitudes – surprise, co‘ère, contestation, dou‘eur, etc. – n en ’odiient pas ‘a structure et ne pro- duisent pas à proprement parler d’énoncés exclamatifs. Elles ne seront pas traitées ici. L exc‘a’ation expri’ée par une construction verba‘e spéciique se décline en deux types dont je détaillerai les cadres d’emploi. Le premier tou- jours associé à une interrogation marque la contestation et ne peut être employé que dans une interaction. Le second qui exprime l’évaluation positive du locu- teur ou de l’acteur sur la situation mentionnée n’est pas lié à une interaction. Il convient de présenter briève’ent ‘es spéciicités du gbaya.

Le gbaya est une langue oubanguienne (Niger-Congo, Adamawa oriental).

C’est une langue isolante, avec une très faible morphologie et aucun accord (pas de genre, et pas de nombre à l’exception des pronoms personnels). L’ordre des mots est très strict (SVO). Il comprend des verbes, des prédicats non verbaux, des noms et plusieurs catégories d’adjectifs. Le système verbal est distribué sur trois modes (Réel, Virtuel et Impératif) et deux aspects (Inaccompli et Accom- pli). C’est une langue tonale à deux niveaux, soit quatre tons : deux tons simples (b, h) et deux tons modulés (bh, hb). Il comporte trois consonnes glottalisées, trois labio-vélaires et une série complète de nasales et de semi-nasales. Il com- porte également des voyelles nasales.

Revue de Sémantique et Pragmatique. 2016. Numéro 40. pp. 145-154.

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Le corpus analysé pour cet article est un corpus spontané recueilli sur le terrain. Il comprend 31 contes, 1 heure de jugement et un récit (enregistrés entre 1969 et 1995) et 1 conte et 6 récits (enregistrés en 2011) transcrits, analysés et traduits.

1. UNE FORME VERBALE SPÉCIFIQUE POUR L’EXCLAMATION

En gbaya, au sein d’une proposition contenant un verbe, celui-ci occupe toujours la fonction prédicative et prend en charge l’expression d’un procès.

De fait, il n’y a pas en gbaya d’opposition entre verbe d’action et verbe d’état, tout verbe exprime par le recours à des aspects différents, tant le déroulement d’un procès que l’état qui peut en résulter. J’appelle cette prédication dont le verbe est le noyau la ‘prédication processive’ qui se distingue des prédications dont ‘e prédicat est un é‘é’ent non verba‘ co’’e ‘ identiicateur ou ‘e ‘ocatif.

Le verbe gbaya porte des marques obligatoires de conjugaison (TAM) qui se placent toutes avant la forme verbale. Il peut également porter des marques fa- cultatives ou expansives qui se placent, elles, après la forme verbale conjuguée.

Je ne présenterai ici que les formes expansives qui font, comme l’exclamatif, usage d’une reprise ou réduplication de la base verbale (BV), à savoir :

SyntagmeVerbal (SV) expansif forme structurelle Valeur sémantique

Factuel t m.BV hi.BV Marque de vérité ou générique

Miratif t m.BV ha.BV-a.h Marque un procès inattendu Exclamatif t m.BV nɛ- .BV dv/ gè Marque d’exclamation sp.

Tab.1 Les formes rédupliquées du syntagme verbal gbaya (b = ton bas, h = ton bas) Il s’agit de trois formes qui visent à manifester le point de vue du locuteur sur le contenu de son énoncé. Elles sont compatibles avec diverses formes de conjugaison. Sans m’y attarder, je mentionnerai le factuel (ex.1) qui valide le procès en lui assignant une valeur de vérité ou une valeur générique selon les contextes et le miratif (ex.2) qui indique que le procès est inattendu pour celui qui parle ou pour ceux qui l’écoutent, exprimant la surprise ou l’étonnement.

1. dɔ̂n hɛ̰ ɲɔká ɲɔ̀kí

landolphia DEM.PROX1 ACC.être sucré.D FACTUEL.être_sucré Cette landolphɓa et vraɓment sucrée2.

Les deux personnages s’affrontent en jouant de la sanza, celui qui a proposé cette épreuve croyant gagner aisément, découvre que la tortue joue très bien et que sa victoire n’est pas aussi assurée qu’il le croyait.

1 Les abréviations utilisées dans les gloses sont : ACC = accompli, D = déterminatif tonal, DEM = démonstratif, EXCL = exclamatif, H = ton haut, INAC = inaccompli, INS = insistance, NOMIN = nominalisateur, PROX = proximal, REL = relatif.

2 Il s’agit d’un fruit.

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2. tánáà bá báá sàŋzì

tortue.INS INAC.prendre MIRATIF.prendre sanza La tortue ɔoue vraɓment bɓen de la sanza / saɓt ɔouer de la sanza.

La présence du miratif insiste sur l’effet de surprise qu’apporte cette informa- tion qui ’odiie ‘a donne et ne constitue pas un juge’ent appréciatif positif comme le ferai l’exclamatif.

Enin i‘ existe une for’e dédiée à ‘ expression de ‘ exc‘a’ation. For’e‘- lement, cette forme consiste à postposer directement au verbe conjugué une reprise de la base verbale affectée d’un ton bas [b-BV] introduite par le relateur nɛ : [nɛ-b.BV] glosé excl. Ce relateur nɛ qui introduit la répétition de la base verbale est un terme polyfonctionnel et polysémique (cf. Roulon-Doko, 2003) dont je présente les principaux emplois dans l’annexe. La valeur résultante de tous ces emplois est une valeur circonstancielle qui se module en fonction du co-texte et du contexte. Cette construction est nécessairement suivie d’un élé- ment qui va déterminer la valeur de l’exclamation. Deux cas sont attestés, selon que l’élément qui suit est l'interrogatif gè « quoi », ou un adverbe de manière (adv) qui apporte un élément d’évaluation permettant un jugement appréciatif.

SV exclamatif forme Valeur sémantique

Forme 1 tam.BV nɛ-b.BV gè Exprime une contestation, un doute

Forme 2 tam.BV nɛ-b.BV adv Exprime un degré apprécié de réalisation du procès Tab.2. Les formes de l’exclamatif

Je distinguerai de ce fait deux sous-types d’exclamatif que je vais présenter maintenant.

1.1 L’EXCLAMATIF DE CONTESTATION

Lorsque l’expansion [nɛ-b-BV] du verbe est suivi par l’interrogatif gè

« quoi » l'exclamatif exprime une contestation qui manifeste l'incrédulité du locuteur. Dans tous les cas il s'agit d'une interaction entre deux protagonistes qui portent un jugement différent sur une situation précise. Je distinguerai trois cas.

1.1.1. L’expression d’une impossibilité

Il s’agit d’une situation inconcevable, impensable, inimaginable qui n’a jamais été attestée. C’est une situation indiscutablement impossible comme dans le cas du conte où la panthère vient réclamer les enfants que son bouc aurait mis au monde en moins de vingt-quatre heures. L’exclamation marque l’impossibilité de cette situation contre nature.

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3. vàlá d̀à ḱ nɛ̀-k̀ gè hégè ndé mâle.D cabri INAC.accoucher EXCL.accoucher quoi comment et-ce-que Quel bouc peut mettre bas, comment ! / Comment un bouc peut-il mettre bas !

1.1.2. L’expression d’une incompréhension

Il s’agit d’une situation dont la réalité n’est pas contestée, mais qui est jugée comme incompréhensible ou inexplicable, en référence à l’univers cogni- tif partagé. L’exclamation marque ici une situation jugée hors norme.

4. ʔa̰ ɲɔŋ nɛ̀-ɲɔ̀ŋ gè ndé

3S INAC.manger EXCL.manger quoi et-ce-que Comment peut-il manger ça ! / Il mange ça !

5. mɔi mbɔrá nɛ̀-mbɔ̀r gè ndé

chose.ANAPH ACC.pourrir.D EXCL.pourrir quoi et-ce-que Comment cela a-t-il pu pourrir !

1.1.3. L’expression d’un doute

Le procès intervient dans un contexte qui est perçu culturellement comme non compatible avec une réalisation correcte de celui-ci. Peut-on être capable de voir précisément quelque chose alors qu’on a peur (ex. 6), ou peut-on dormir correctement alors qu’il y a un fort orage (ex. 7), par exemple. L’aptitude expri- mée par le locuteur est ainsi mise en cause voire contestée. L’exclamation mani- feste l’existence d’un doute raisonnable sur lequel il peut cependant y avoir discussion.

6. kii nɛ dɛáà ʔa̰ zɔk nɛ̀-zɔ̀k gè ndé peur REL ACC.faire.D. 3S 3S INAC.voir EXCL.voir quoi et-ce-que Avec la peur qu’il a eue, qu’a-t-il pu voir !

Avec toute cette pluie d’orage qui est tombée cette nuit,

7. mɛ ʔɔɔ ǹ nɛ̀-ʔɔ̀ gè ndé

2S ACC.s'étendre.D sol EXCL.s'étendre quoi et-ce-que Comment as-tu fait pour dormir ! / Tu as pu dormir !

1.1.4. L’association entre exclamation et interrogation

Dans cette construction exclamative de contestation, l’interrogatif gè

« quoi » se place immédiatement après l'expansion exclamative du verbe, que le verbe soit construit intransitivement (ex. 5 et 7) ou transitivement (ex. 3, 4 et 6). Dans ce dernier cas gè se trouve occuper la place de l’objet. Cependant la place occupée par l’interrogatif gè dans cette construction exclamative est différente de celle qu’il a au sein d’une simple interrogative. Cette construction exclamative ne peut donc en aucun cas être confondue avec une construction interrogative.

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RSP • 2016 • n° 40 Dans une interrogation, gè est le plus souvent répété3. Il doit ainsi encadrer le terme sur lequel porte l’interrogation (ex. 8) et, lorsqu’il est le SUJET (ex.

9) ou le COD du verbe (ex. 8), doit être également systématiquement répété en in de proposition.

8. w̌n nàm tɔ̰

quoi parole.D quoi RELATIF.1S INAC.dire quoi Quelle parole ai-je dite ? / Qu’est ce que j’ai dit ?

9. geé dɛɛ wànta ndé

quoi.TOP ACC.faire.D Wanto quoi est-ce-que Qu’est-il arrivé à Wanto ?

Dans tous ces cas d’énoncé interrogatif comportant gè, l’ajout possible comme dans l’ex. 9 de l’interrogation totale ndé « est-ce-que » n’est pas nécessaire, cf. ex. 8. Par contre, dans les phrases exclamatives, la présence de l’interrogatif total ndé « est-ce-que » en in de phrase est systé’atique dans

’on corpus. Sa présence sufit à e‘‘e seu‘e pour donner à ‘ énoncé une va‘eur interrogative. En conséquence, le terme gè doit dans ce contexte être considéré comme un élément complémentaire de la forme exclamative du verbe auquel s’ajoute l’interrogatif total ndé qui prend en charge l’interrogation. L’élément gè a donc selon son cadre d’emploi deux valeurs : (i) une valeur interrogative en tant que pronom interrogatif, (ii) une valeur exclamative en tant qu’élément de la forme verbale exclamative.

1.1.5. Valeur sémantique

Cet exclamatif qui exprime dans tous les cas une contestation est toujours associé à une interrogation prise en charge par l’interrogatif ndé p‘acée en in d’énoncé. Il se rencontre « dans un contexte polémique, avec grande différenciation entre les positionnements respectifs des co-énonciateurs » comme dans le cas des QTag étudiés par Guillaume et Baumer (2014 : 11). Il ne peut donc apparaître que dans l’interaction.

1.2 L’EXCLAMATIF D’ADMIRATION

Lorsque l’expansion [nɛ-b-BV] du verbe est suivie par un adverbe de ma- nière (adv) celui-ci apporte un élément d’évaluation permettant un jugement appréciatif. Cette valeur circonstancielle dite de manière est très largement prise en charge en gbaya par l’emploi adverbial des adjectifs auxquels il faut ajouter 17 adverbes de ’anière spéciiques. I‘ convient de ’entionner que ‘e gbaya comporte trois catégories d’adjectifs, à savoir l’adjectif (A), l’adjectif-verbal (AV) et l’adjectif-adverbe (AA) qui ne permettent jamais d’exprimer une gra-

3I‘ est e’p‘oyé seu‘ unique’ent ‘orsqu i‘ est introduit par ‘ identiicateur nɛ comme dans l’énoncé « C’est quoi ? » nɛ gè (etre-essentiel/quoi).

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dation. Le degré est de fait intégré lexicalement dans des adjectifs qui n’ont aucun lien entre eux. Ainsi à côté de l’adjectif-verbal pésa « large » il y a deux adjectifs-adverbes fɛ ɛlɛ « très large » et dɛsɛk-dɛsɛk « peu large », comme en français si on rapprochait par exemple 'énorme' et 'gros'. Tous ces adjectifs peuvent être employés comme des adverbes qui n’ont, pas plus que les adjectifs, de propriétés de degré. Il n’y a pas en gbaya de construction évaluative au sens donné par Jessica Rett et le terme ‘évaluation’ est ici employé « to describe instances in which the speaker evaluates a situation with respect to his expec- tations », ce qu’elle désigne comme « expectation adverbs » (Rett, 2008 : 76).

L’exclamation d’admiration qui porte sur le procès est plutôt rare dans le discours. Il existe aussi une autre construction plus commune centrée sur un adjectif que je présenterai ensuite.

1.2.1. La construction par réduplication verbale

L’exemple 10 utilise l’adverbe de manière « comme ça »hɔ̰gɔ̰ et l’exemple 11 l’adverbe « bien »nɛ d́a (en_tant_que/bon.nominalisateur) construit à partir de l’adjectif-verbal4 d́ « bon ». Dans cette construction c’est l’adverbe qui spé- ciie ‘a nature de ‘ appréciation expri’ée par ‘e ‘ocuteur.

10. ʔ́ béi yɔ kàá nɛ̀-yɔ̀ hɔ̰gɔ̰

PL personne INAC.danser REPETITIF-ADDITIF EXCL.danser comme_ça Comme d’habitude qu’est ce que les gens dansent ici !

11. ʔɛtiɛn mbɛrá nɛ̀-mbɛ̀r sàŋzi nɛ dià

Etienne ACC.jouer.D EXCL.jour sanza en_tant_que bon.NOMIN Comme il joue bien de la sanza Etienne! / Qu’est-ce qu’il joue bien de la sanza Etienne !

Le COD du verbe transitif de l’ex. 11, s̀ŋzɓ « sanza », est reporté après l’expansion exclamative, comme cela se produit également dans le cas du mira- tif (ex. 2). Tandis que, dans le cas du factuel par contre, le COD est toujours introduit entre les deux éléments de la construction verbale.

1.2.2. Valeur sémantique

Cette expression exclamative n’entre pas dans une interaction. Elle ex- prime le ressenti du locuteur et a, dans tous les exemples recueillis, toujours une valeur méliorative, contrairement à l’expression du haut degré5 qui en gbaya est, elle, minorative, car elle souligne toujours un excès qui dans cette culture

4 C’est la construction courante pour employer un adjectif ou un adjectif-verbal comme adverbe. L adjectif-adverbe est, ‘ui, uti‘isé co’’e adverbe, sans ’odiication.

5 I‘ s agit d une construction spéciique des adjectifs verbaux qui se p‘acent directe’ent après le verbe d’état ʔɔ « être » : zɛ ʔɔ d ka (durée/inac.être/beaucoup) « Ça fait trop long- temps » ou « Tellement de temps a passé ». Cet expression du haut degré porte une valeur d’exclamation dépréciative, marquant toujours un excès.

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RSP • 2016 • n° 40 est le plus souvent perçu négativement (rendu par ‘trop’ plutôt que par ‘très’).

Par contre ici l’appréciation exprimée par cette construction est toujours admi- rative et donc perçue positivement.

2. UNE AUTRE FORME POUR L’EXCLAMATION D’ADMIRATION

Pour exprimer une exclamation d’admiration, il existe une autre construc- tion que la réduplication verbale présentée ci-dessus. Il s’agit d’un énoncé verbal dont l’élément d’évaluation permettant un jugement appréciatif est ici un adjec- tif. Ce peut être un adjectif ou un adjectif verbal mais pas un adjectif-adverbe.

Cet adjectif (A ou AV) détermine un nom, formant un syntagme nominal qui est placé après le verbe ɲɛm « sufire, convenir à » spécia‘isé pour expri’er une aptitude. Ce verbe conjugué de façon impersonnelle6 à l’inaccompli supporte la négationna signiiant ‘ittéra‘e’ent « ne convient pas » pour indiquer une valeur supérieure à ce qui est exprimé par le syntagme nominal. L’association de ce verbe et de la négation forme par ailleurs un adverbe qui exprime une très grande quantité,ɲɛm-ń « énormément ». La construction attestée est donc :

tam.ɲɛm [A~AV] N négation qu’illustre l’exemple suivant.

12. ɲɛm d́ ḱa ná

INAC.convenir beau femme NEGATION Quelle belle femme !

Cette construction, comme la précédente, est toujours méliorative. Sa va‘eur ‘ittéra‘e « ne sufit pas » pourrait être rendue par « p‘us que... » ’arquant une valeur importante voire très importante mais qui reste toujours perçue posi- tivement et exprime une exclamation d’admiration. Comme la précédente cette exclamation n’entre pas dans une interaction mais procède d’une appréciation exprimant le ressenti du locuteur.

3. EXCLAMATION ET INTONATION

Enin, en gbaya, i‘ n y a aucune ’anifestation intonative particu‘ière pour les constructions exclamatives qui ont été présentées. L’énoncé exclamatif de l’ex. 3 analysé dans Praat suit strictement la courbe intonative tonale, sans autre manifestation particulière, comme on le voit dans le tableau ci-après. [cf. Praat 2011-II-4 062].

6 Il s’agit d’une construction sans pronom personnel sujet.

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Tab.3. Courbe intonative de l’exclamation de contestation

Le phéno’ène de descente ina‘e qui est systé’atique en gbaya, est bien net à ‘a in de cet énoncé où ‘e dernier ton haut est dans ‘ abso‘u p‘us bas que ‘es tons bas précédents. Par contre aucune intonation particulière ne se superpose à la courbe attendue reproduisant la suite des tons.

4. CONCLUSION

Le gbaya est une langue qui prend en charge par des constructions spé- ciiques ‘ expression de ‘ exc‘a’ation. Pour ce qui est de ‘ exc‘a’ation sup- portée par un verbe, deux formes sont produites sur une même base expansive de la forme conjuguée [nɛ- -BV] qui se distinguent en fonction du terme qui suit nécessairement la forme redoublée. La première qui associe exclamation et interrogation exprime une exclamation de contestation. Elle ne peut apparaître que dans une interaction et un cadre polémique. La seconde qui est complétée par la présence d’un adverbe de manière n’est pas liée à une interaction. Elle manifeste le point de vue du locuteur qui profère une appréciation positive, vali- dant une qualité comme fortement marquée sans pour autant atteindre l’excès, et exprime une exclamation d’admiration, comme le fait également la construc- tion avec le verbe ɲɛm centrée sur un adjectif. Enin, dans cette ‘angue tona‘e, aucune ’anifestation intonative spéciique n est associée aux constructions grammaticales qui prennent en charge l’exclamation.

C’est donc au niveau prédicatif, que le locuteur peut choisir d’exprimer une exclamation, non pas comme une information qui s’ajoute à prédication qu’elle ne ’odiie pas, co’’e ‘e font certaines interjections, ’ais co’’e une expan-

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RSP • 2016 • n° 40 sion du verbe spéciiant ‘adite prédication co’’e exc‘a’ative. Ces expressions de l’exclamation manifestent soit une contestation, soit une admiration, deux attitudes qui sont ici bien distinguées de l’étonnement qui est cependant lui aussi pris en charge par une expansion verbale, le miratif. L’exclamation en gbaya est donc une expression verba‘e spéciique dédiée à ‘a contestation ou à l’admiration.

ANNEXE

La polyfonctionnalité et la polysémie du relateur sont schématiquement présentées dans le tableau suivant :

Niveau syntagmatique : Préposition à valeur Instrumentale « avec, au moyen de » [moyen, outil]

Cumulative « et », lorsque N1 et N2 désignent deux unités référentielles distinctes Fonctive « en tant que, comme », lorsque N1 et N2 représentent chacun une face

d’une même unité référentielle

Qua‘iicative « en tant que », lorsque N2 est un qualiicatif pronominalisé Simultanéité nɛ + NV « en + gérondif »

Localisation spatiale

« par, de, en » localisateur [espace], il indique soit un lieu ò l’on passe, soit un lieu d’ou l’on vient, soit encore un lieu ò l’on se déplace Localisation

temporelle « en, pendant », localisateur [temps]

Niveau des propositions

Coordination Sans hɓérarchɓe, valeur séquentɓelle Coordinatif « dans ces conditions » en tête de P Conjonction Hɓérarchɓe entre P1 et P2

Causale « puisque » en P2, motivation de P1

Temporelle « depuis que » en P2, origine temporelle de P1

Conséquence « de telle sorte que » en P2, explicite le procès non spéciié en P1 Relatif « que » introduit une proposition en la reliant à l'élément nominal la

précédant directement

Tableau 4. Emplois du relateur nɛ

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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