Influence d’une réhydratation préalable
sur
la germination in vitro du pollen de douglas (Pseudotsuga menziesii) après conservation
J.P. CHARPENTIER M. BONNET-MASIMBERT LN.R.A., Station cl’Amélioration des Arbres forestiers,
Centre de Recherrhc·s d’Orléal1s, Ardol1, F 45160 Olivet
Résumé
Après avoir
précisé
les conditions de germination in vitro du pollen de douglas (I!.1!PLI(IOtS’Lfgci I77PI71W’,S’(f), nous avons défini les modalités d’utilisation d’un pollendéshydraté
avant conservation. Pour la mise en route du processus de germination, une phase préalable d’hydratation ménagée s’est avérée indispensable. Cette
hydratation
s’effectuebien à 26 "C
pendant
16h.,
enatmosphère
saturée d’eau. Elle permet il certains lots de passer de 13 p. J00 à 65 p. 100 de germination. En parallèle, une étudecytologique
a révélé, au niveau ultrastructural, une évolution du
cytoplasme
au cours de l’hydratation.Celle-ci concerne notamment le chondriome et
l’appareil
vacuolaire.1. Introduction
Toutes les
techniques
de conservation dupollen,
revues notamment par SNYDER& C I .
AUSEN
(1974),
reposent sur l’utilisation detempératures
basses nécessitant unedéshydratation parfois
trèsimportante
dupollen.
Or, si de nombreuses études concernent lestechniques
de conservationclles-mêmes,
bien peu s’intéressent à la manière d’utiliser lepollen après
conservation.Cependant
certains auteurssignalent qu’une exposition
enatmosphère
humide, leplus
souvent réalisée en conditions noncontrôlées,
favorise lagermination.
C’est le cas de DUFFIELD & SNOw (1941) sur Pin ilS stt-obiis et P. resinosa,VISSER
(1955)
surpoirier
etpommier,
KING(1965)
surplusieurs angiospermes,
J[;NSEN( I 970)
surquelques
gymnospermes, M URI!N et al.( 1979)
surdouglas.
SIMONS ri al. ( 1972)sur LiliulI1
1 0 ngifolillll1,
Bna-SHnnoM & MnTTSSOrv (1976) sur diversangiospermes
etG II - IS SE
N
(1977)
sur Petnniohyhrida
considèrent cettephase
deréhydratation
commeessentielle pour l’ohtcntion d’unc bonne
gcrmination,
et notentl’importance
du moded’hydratation.
(1) Adresse présente : Laboratoire d-6lude des C’emposes Phénoliqtie,,. U.E.R. Sciences- Orléans, F 45046 Orléans Cedex.
Un travail effectué dans notre Station
depuis
1979 sur la conservation et lagermi-
nation du
pollen
dedouglas (Pseudotsuga
menziesii Mirb.Franco)
nous a conduits à supposer que de mauvais taux degertnination pouvaient parfois
n’être dusqu’à
desdifficultés
d’hydratation.
Cette étude visaitdonc, après
mise aupoint
d’une méthode degermination,
àpréciser,
ycompris
sousl’angle cytologique,
la nature etl’ampleur
duphénomène
et à définir les modalitéspermettant
de le maîtriser.2. Matériel et
techniques
2.1. Pollen
Les essais
préliminaires
et mises aupoint
detechniques
ont été effectués avecdu
pollen
récolté en 1979 et en 1980 et conservé à destempératures
variées allant de - 4 4 &dquo;C à - 17 °C. Les essaisprécis
concernant ladéshydratation
et laréhydratation portent
sur dupollen
frais récolté auprintemps
1981. Dans cesessais,
ladéshydratation,
en vue d’obtenir une gamme de teneurs en eau de
3,5
p. 100 à8,5
p. 100 est réaliséeen
plaçant
lepollen,
en finecouche,
surpapier
filtredéposé
à la surface d’un litd’actigel ’(sel déshydratant),
à l’intérieur d’une enceintehermétique.
Lepollen
est ensuiteplacé,
en flaconsétanches,
à - 1 °C.2.2. Test de
germination
Il convient tout d’abord de
rappeler
que chez ledouglas,
iln’y
a individualisation d’un tubepollinique,
d’ailleurs très court,qu’au
contact du nucelle(B AR NER
& CHRISTIAN-SEN
,
1962 ;
ALLErr &OwE N S, 1972, etc.).
Par contre, c’est l’ensemble dugrain qui s’allonge
pour former une structure tubulaire. Nous avons doncconsidéré,
parextension,
que ce processus
d’élongation
caractérisait unpollen
en cours degermination.
Les tests ont été réalisés en
germoirs,
à 25::!:: 1&dquo;C,
àl’obscurité,
en ambiancesaturée
d’humidité,
selon latechnique
dite en « gouttependante ».
Le milieu de base pour lagermination
est celui de BREwsnxER & KWACK(1963) (H!BO! (100 mg/1) ; Ca(NO
ah
,
4H 2 0 (300 mg/1) ; KNO, : (100 mg/1) ; Mg S0 4 ,
7H 2 0 (200 mg/1).
Il est stérilisé par
autoclavage
à 120 &dquo;Cpendant
20 minutes. L’étude de l’influence dupH
du milieu a révélé(tabl. 1)
que c’était entre4,3
et6,1 (pH
obtenu avec del’eau
distillée,
sansajustement)
que les taux degermination
étaient les meilleurs. Lacomparaison
de milieux avec ou sans saccharose(5
p.100)
s’est avérée défavorableau milieu
sucré, qui
stimule surtout ledéveloppement
des infections et provoque un éclatement desgrains
depollen,
sans stimulation notable de leur croissance. Les tests degermination
ont donc été réalisés en l’absence de sucre. Par contre, nous avonsajouté
dans le
milieu, après autoclavage,
155 jtg/ml
denystatine
et 155 pg/ml
dechloramphénicol (MuRSrt
etal., 1979), qui, après comparaison
avec d’autresproduits phytosanitaires
sesont avérés les
plus
efficaces pourempêcher
laprolifération
des bactéries etchampignons.
2.3.
Réhydratation
Les échantillons de
pollen, placés
en boîtes de Pétri ouvertes, sont mis dans un bocal étanche au-dessus d’une couche d’eau distillée(hygrométrie saturante)
ou de l’une desquatre
solutions saturéessuivantes, permettant
d’établir dans le bocal différentsdegrés
d’humidité relative(HR)
(valeurs données à 20&dquo;C) :
chlorure de calcium (HR = 35 p.100),
nitrate de calcium(HR =
55 p.100),
nitrate d’ammonium(HR
= 63 p.100),
sulfate d’ammonium (HR = 80 p.100).
Latempérature
avait été définie dans unessai
préliminaire, après
18 hd’hydratation
(enhygrométrie
saturante), à l’une des troistempératures
suivantes : + 4 &dquo;C, -! 20 &dquo;C et + 26 &dquo;C. Contrairement à MUREN et al.(1979) qui
utilisaient + 4 &dquo;C, nous avons obtenu les meilleurs résultats à 26 &dquo;C. C’est donc cettetempérature qui
a été retenue pour lesréhydratations. Après
cettephase,
unepartie
dupollen
est mise engermination,
le reste servant à la mesure de la teneuren eau. Celle-ci est calculée par rapport au
poids
frais, sur 100 à 200 mg depollen,
par mesure de la perte en eau
après
une heure deséchage
à 105 &dquo;C.2.4.
Microscopie l;lectronique
Le
pollen
est d’abord fixé par une solution deglutaraldéhyde
à 4 p. 100 dansun tampon
cacodylate
de sodium àpH
7. Il est ensuitepost-fixé
par une solution detétroxyde
d’osmium à1 p.
100 dans un tampon véronal àpH 7,4. Après chaque bain,
le
pollen
estrécupéré
par unelégère centrifugation
(10 mn à 1 000t/mn).
Le culotde
pollen
est ensuite inclus dans lagélose
à 10gli.
Puis des morceaux degélose
contenant une forte densité de
pollen
sontdécoupés
et inclus dans l’araldite selon latechnique
de GLAUERT & GLAUERT(1958).
Les coupes ultrafines débitées à l’ultra microtome peuvent être observées sanscoloration,
ou biencontrastées,
soit par le permanganate depotassium
à1 p.
100 dans l’eau, soit par l’acétated’uranyle
et lecitrate de
plomb.
Les observations ont été faites à l’aide d’unmicroscope électronique
Hitachi HU 1 E.
3. Résultats et commentaires
3.1.
Influence
de la1’l ; / ¡vd Yl ltation
sur le taux degcrmimtioo
Un
premier
essai aporté
sur deux lots depollen
conservéspendant
3 mois en réci-pients étanches,
à - 1 &dquo;C, avec des teneurs en eaurespectivement
de 5,2 et 7,9 p. 100.Nous avons étudié
l’influence,
sur la teneur en eau et lagermination,
de l’humiditérelative de
l’atmosphère
deréhydratation,
pour une même durée de 18 h. Les résultatsobtenus, après
48 h. degermination,
sont donnés dans le tableau 2. Les deux lots manifestent une même évolution :augmentation
du taux degermination
avecl’augmen-
tation de teneur en eau. Cette relation est
beaucoup plus prononcée
pour le lot 1qui
passe par
hydratation
à HR = 100 p. 100 d’un taux degermination
de 4,3 à54,5
p. 100.Le lot 2, moins
déshydraté
audépart,
gagne 20 p.!100
degermination (différence significative) grâce
à laphase d’hydratation. Enfin,
il est à noter que, à teneuréqui- valente,
les taux degermination
du lot 1 restenttoujours
nettement inférieurs à ceux du lot2, phénomène qui
ne s’atténuequ’à partir
de 22 p. 100 de teneur en eau. II estprobable
que ceci traduit des difficultés de mise en route des processusgerminatifs lorsque
ladéshydratation préalable
a été tropimportante. Enfin,
dans les deux cas,c’est à HR = 100 p. 100 que la meilleure
germination
est obtenue.Nous avons alors, dans un deuxième
essai,
étudié l’influence de la durée de laphase d’hydratation
sur la teneur en eau et lagermination (après
30 h.). L’essai a été conduit à HR = 100 p. 100. Les résultats sont donnés dans le tableau 3. Là aussi le taux degermination
s’élèverapidement
avec les teneurs en eau croissantes.Déjà, après
1
heure,
le taux estpassé
de13,2
à 41,9 p. 100. Il passera à65,8
p. 100après
16 h.Des durées
plus longues
n’ont pas étéexpérimentées,
mais ilapparaît déjà possible
destimuler considérablement la
germination
in vi!ro parsimple application
d’unephase
de
réhydratation préalable.
Ces résultats
rejoignent
ceux de Gt!!ssEN(1977)
surpollen
de Petuniahybrida, qui
a montré que, parprétraitement
enatmosphère
saturéed’eau,
onpouvait
restaurerune
germination
normale degrains inaptes
à germer immédiatementaprès stockage
enatmosphère
à HR = 0 p. 100. L’auteur relie cette différence degermination
à unedifférence
d’aptitude
augonflement
initial desgrains,
elle même associée à une différence deporosité
etd’épaisseur
desparois
dupollen
et des membranesplasmiques
selonl’atmosphère
destockage.
3.2. Etude
cytoloâi q ue
de laréhydratation
L’observation en
microscopie électronique
degrains
trèsdéshydratés
est renduepratiquement impossible
à cause des difficultés de fixation et d’inclusion. Nous n’avonscependant
pasessayé
latechnique
de OPIK(1980) qui,
parséjour prolongé
de l’échantillonen
présence
de vapeurs detétroxyde
d’osmiumpermet
une fixationanhydre. Donc,
sansaller
jusqu’aux
teneurs en eau trèsbasses,
nous avons pu noter une évolution de la structure de certainsorganites
ducytoplasme,
enparticulier
les mitochondries et lesvacuoles,
que l’onpeut
incontestablement attribuer aux effets de laréhydratation.
Dans les
grains
peuhydratés,
les mitochondriesapparaissent grandes, sphériques,
claires et
dépourvues
de crêtes(fig. 1 ),
aspect asseztypique
d’une mitochondrie nonfonctionnelle. Au cours de la
réhydratation,
les crêtes sedéveloppent progressivement
et les mitochondries
prennent
une formeplus allongée, caractéristique
de mitochondries fonctionnelles(fig. 2).
De
même,
à un staded’hydratation
peuavancé,
ondistingue
des structures iden- tifiables à desgrains
d’aleurone(fig. 3).
En cours deréhydratation,
on note ledévelop- pement progressif
des vacuoles àpartir
de cesgrains
d’aleurone en voie dedégradation (fig. 4). Enfin,
à cestade,
lesgrains
d’amidon sont bien visibles dans les très nombreuxplastes.
Cette évolution
cytologique,
enparticulier
au niveau des mitochondries et desvacuoles,
est tout à faitanalogue
à cellequi
est décrite par certains auteurs sur diversembryons
mis engermination (N OUGAREDE ,
1963 a - 1963b,
surTropaeolum majus ;
H
ALLAM et
al., 1972,
sur Secnlecereale ; Vozzo, 1973,
surQuercus nigra).
4. Conclusion
Ce travail montre bien
qu’un grain
depollen
n’est passystématiquement apte
àgermer
immédiatement,
au moins dans les conditions d’unegermination
in vitro. Lors de ladéshydratation
rendue nécessaire pour saconservation,
lepollen perdrait,
de manièreréversible, l’aptitude
à absorber trèsrapidement
unegrande quantité d’eau, phénomène qui
seproduit
normalement au début de sagermination.
Onpeut
par contre réaliser unprétraitement
dupollen
enatmosphère humide,
cequi
assure unepremière phase
deréhydratation
lente au cours delaquelle
le métabolisme se réactive. Durant cettephase,
la teneur en eau s’élève pour atteindre au bout de 16 h. une valeur voisine de celle d’un
pollen
considéré au moment de sa déhiscence en conditionsnaturelles,
et l’onconstate
parallèlement
une évolution des vacuoles et du chondriome. Mais il est clairqu’une
telle évolution nepourrait
être instantanée. Comme chezplusieurs
autresespèces,
(D
UFFfELD
&S NOW ,
1941 ;VISSER,
1955 ; KINC, t965 ;Jervsetv, 1970 ; GtLrssEH, 1977 ;
MUREN etal., 1979)
on voit donc que pour dupol!len
conservéaprès déshydra- tation,
la seule introduction de cettephase
deréhydratation ménagée
permet à certains lots de retrouver un taux élevé degermination.
Cette constatationpourrait
permettre d’améliorer lestechniques
de conservation en autorisant unedéshydratation plus poussée
que celle
qui
est actuellement conseillée. On peut notamment penser auxtechniques
delyophilisation
rarement utilisées pour lepollen
d’arbres forestiers. Il resterait enfin à déterminer si cephénomène qui
se manifeste in vitro, peut aussi seproduire
lors depollinisations
artificielles : une telleexpérimentation
est actuellement en cours.Quand
onsait
l’importance
quepourrait prendre
ce type depollinisation
dans les vergers àgraines,
on voit à
quel point
il y aurait lieud’approfondir
les études portant sur la conservation dupollen
d’arbres forestiers et sur son utilisation.Reçu
pOlirp ll hlicatio l l
le 26 octobre 1982.Remerciements
Nous tenons tout
spécialement
à remercier Mademoiselle L. CHESNOY, du Laboratoire deCytologie
etBiologie
de laReproduction,
Université Paris VII, pour l’aide bienveil- lantequ’elle
nous a apportée dans lapartie cytologique
de ce travail.Summary
The
influence of
arehydration phase before
the in vitrogermination of dou b lns-fir pollen (Pseudotsuga menziesii) after
storageThe conditions for in vitro
germination
ofdouglas-fir pollen
wereprecised.
Then,special
conditions for the use of dessicatedpollen,
after storage, were investigated. A slow hydration appeared to be a decisivephase
for the early processes ofpollen germination.
A pretreatment for 16 hours at 26 °C, under 100 p. 100 relativehumidity,
was enough to allowmore than 65 p. 100 pollen grains to
germinate
in apollen
lotgerminating
less than13 p. 100 without
prehydration.
Acytological study
revealed a strong evolution of the chondriom and vacuoles during thishydration phase.
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