ÉTUDE BIOMÉTRIQUE DES POPULATIONS D’ABEILLES
(APIS MELLIFERA) DU NORD-OUEST DE L’ESPAGNE
E. SANTIAGO J.
ALBORNOZ,
A. DOMÍNGUEZ J.I.IZQUIERDO Departamento Interfacultativo
de GenéticaFacultades de
Biologia
y Medicina. C/ Jiiliàn Claverfa sn. 33006 Oviedo. EspaïiaRÉSUMÉ
On a réalisé une analyse
canonique,
prenant comme base la mesure de l’aile desouvrières,
sur des
spécimens
recueillis dans le Nord-Ouest del’Espagne.
Cetterégion
est divisée par la CordillèreCantabrique
en deux zones différentes dupoint
de vue du climat et de la flore.La Cordillère semble être l’élément
principal qui
établit la différence entre les groupes, bien que l’absence de discontinuité entre ceux-cisuggère qu’elle
neproduit
pas d’isolementgéographique.
INTRODUCTION
La
raced’abeilles de la Péninsule Ibérique (Apis mellifera iberica) appar-
tenant augroupe des populations du Nord-Ouest de l’Europe (Du P RAW , 1965
a ;RoTaENBUHLER et al., 1968) représente
un troncd’évolution morphogénétiqve très
différent de celui des populations du Sud-Est de l’Europe (R UTTNER , 1973 ; RuT!rNER
etal., 1978).
Afin de connaître les écotypes éventuels des abeilles espagnoles,
nous avonsétudié des populations provenant de différentes régions géographiques situées des
deux côtés de la Cordillère Cantabrique ainsi que plusieurs
autressituées
surla
Cordillère elle-même. Ces
zones ontété choisies parce que
tout enétant limi-
trophes, elles offrent
uncontraste climatologique très net,
etla Cordillère elle-
même,
avec unealtitude de 1 500 mètres, pourrait agir
commebarrière géogra- phique empêchant la migration
entreles deux
zones.La région du Nord, limitrophe
avec
la
merCantabrique, possède
unclimat maritime
avec unindex de pluviasité
élevé. La région située
auSud de la Cordillère
est unplateau
avec unealtitude
moyenne de 700 mètres qui possède
unclimat caractéristique du genre continental
avec une
grande variation thermique
entrel’hiver
etl’été (FONT, 1983). En consé-
quence, la flore mellifère
est nettementdifférente.
Cette étude
aété réalisée à l’aide d’une analyse multivariate
surquelques
caractères morphologiques. Ce genre d’analyse
adéjà été utilisé par d’autres
auteurs avec
des bons résultats, permettant la séparation d’entités infraspécifiques
chez l’abeille (Du P RAW , 1964, 1965 a ; T OMASSONE
etF RESNAYE , 1971 ;
§CO
RN UE T
et aL, 1975).
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Les échantillons ont été recueillis au cours des mois de
juillet
et d’août 1984 dans les deuxrégions indiquées
et dans larégion
montagneuse intermédiaire définie par des altitudessupérieures
à 1 000 mètres. Sur lafigure
1 on peut voir la localisation des 53points d’échantillonnage,
choisisen essayant d’obtenir une distribution uniforme sur le territoire. Avec
ceci,
nous essayerons de constater s’il y a des groupements que l’onpourrait,
a posteriori, mettre en rapport avec la situationgéographique
des échantillons. Nous avons choisi des ruches autochtones ainsi que des échantillons de deux ruches provenant duplateau
et introduites dans le Norddepuis
4 et 6années, respectivement,
sans aucun contrôle desaccouplements. Chaque
échantillon est constitué de 20 ouvrières provenant de la même ruche. Pour réaliser cetteanalyse,
on a choisi les 13angles
et les deux mesures de
longueur
etlargeur
de l’aile(Fig.
2)proposés
par Du PRAW(1964)
pour la discrimination des racespuisqu’ils
sont facilement mesurables et ont peu de corrélation entre eux(Du P RAW , 1964).
On a aussi calculé l’index cubital car il ne demande pas trop de travailsupplé-
mentaire et il adéjà
étéemployé
par d’autres auteurs. Tous ces caractères se sont avérés très utiles dans la discrimination des groupes d’abeilles (DuP RAW , 1964,
1965 a et b ; RUTTNER,1973, 1976).
Les mesures ont été réalisées comme suit : ondécoupe
les ailes droites antérieures dechaque
abeilleouvrière,
on les met sur un verreporte-objets
par groupes decinq,
et onprojette chaque préparation
avec ungrossissement
de 18 x à l’aide d’unagrandisseur photographique
surune feuille de
papier
millimétré. On marque sur cepapier,
avec uneaiguille,
lespoints
d’intersection des veines de l’aile. Apartir
des coordonnées dechaque point
on a calculé etenregistré
les différentsparamètres
dans un ordinateur.Etant donné que nous ne
disposons
pas de critères solides pour former des groupes, lesrenseignements
obtenus ont été soumis àl’analyse canonique
sans réaliser aucun groupementa priori des échantillons. Cette
façon
de réaliserl’analyse
en prenant comme groupe chacun deséchantillons,
a étéproposée
par CORNU ET et al.(1975)
et a été utilisée par Louis & LEFEBVRE(1971)
et C0RIbUET et al.
(1978)
avec de bons résultats.L’analyse
donne comme résultat une séried’équations orthogonales
déterminées par les coefficientsqu’il
fautappliquer
aux 16 variables que l’on amesurées. Les variables
qui présentent
uneplus grande
variationparmi
les échantillons par rapport à la variation dansl’échantillon,
ontplus
depoids
dans leséquations.
D’autre part, on attribue aussi uneplus grande importance
aux variables moins corrélées avec le reste. Ces variables sont cellesqui
contribuent leplus
à la formation des axescanoniques, parmi lesquels
on enchoisira,
pour lareprésentation graphique
et la définition des groupes, deux ou troisqui puissent expliquer
le pourcentage leplus
élevé de la variation.En partant des résultats de
l’analyse canonique
on a réalisé undendrogramme
suivant la méthode UPGMA(S OKAL
&MteHetvax, 1958)
dans le but d’établir une classificationhiérarchique.
RÉSULTATS
Sur le tableau 1
onprésente les moyennes des 53 populations pour chacun
des caractères étudiés. L’écart-type des moyennes pour chaque caractère
aété
estimé
enpartant du carré moyen dans
unéchantillon obtenu de l’ensemble des
renseignements. En comparant les échantillons,
nous avonsobtenu
unerelation de W
ILKS égale à 0,0168 qui équivaut à
unevaleur F de 5,61
avec832
et15 256 de- grés de liberté
cequi indique que les différences
entreles échantillons
sontsignificatives à 1 pour 1 000.
Sur le tableau 2
ondonne la matrice de changement des coordonnées pour obtenir les variables canoniques
enfonction ,des variables observées. En remplaçant
les moyennes de chaque échantillon dans
cesformules,
onpeut obtenir les 16 coordonnées canoniques de chacune d’elles.
Le pourcentage de dispersion expliqué par le premier
axecanonique
estde 20,83 %. Si l’on y ajoute le second axe,
onpourra expliquer les 33,35 %
eten
ajoutant le troisième
onpeut atteindre 44,23 % de la dispersion entre les
échantillons (Tab. 3). Au moyen du
testde B ARTLETT (1947)
on constateque les 14 premiers
axes sontsignificatifs
etla dimension effective
estdonc 14.
Bien que la représentation canonique
avecla plus grande résolution ait 14 axes,
nous
n’avons employé que les trois premiers. Les coordonnées canoniques de chaque échantillon
surles
axes restantspeuvent être obtenues
enpartant des formules du changement des coordonnées (Tab. 2)
etdes moyennes de chaque
échantillon pour les variables initiales (Tab. 1).
La représentation canonique
enutilisant les
axes1
etII (Fig. 3)
montrela différence
entreles échantillons du Nord et
ceuxdu Sud de la Cordillère Canta-
brique. Quoique l’on
nepuisse pas établir des groupes bien définis,
onpeut
tracerune
ligne qui sépare d’un côté les échantillons provenant du Nord
etd’altitudes
supérieures à 1 000 mètres et de l’autre
ceuxdu Sud. Les deux échantillons
originaires du Plateau
etintroduits dans le Nord
sesituent dans le groupe des
abeilles du Nord.
La représentation
surle plan 1-111 (Fig. 4)
montre unécart
entreles échan- tillons d’origine différente du point de
vuegéographique quoiqu’ici la différence
soit moins
netteque dans la représentation antérieure. Le plan II-III (Fig. 5) sépare
assezbien les échantillons du Nord
etdu Sud de la Cordillère. Sur
ceplan les échantillons d’altitude supérieure à 1 000 mètres
sesituent de préférence
entre
celles du Sud.
Sur le dendrogramme, basé
surles distances euclidiennes entre les échan- tillons dans
unespace déterminé par les trois premiers
axes(Fig. 6),
onobserve deux groupes qui contiennent de préférence les échantillons provenant d’un côté
ou
de l’autre de la Cordillère, mais les groupes sont
assezhétérogènes
etde plus,
la distance
entre euxn’est pas importante par rapport à la distance que l’on peut
observer à l’intérieur des groupes. L’échantillon 2-12
se trouvehors des deux groupes principaux.
On peut déduire, des corrélations entre les variables canoniques et les
variables initiales (Tab. 4), celles qui contribuent le plus à la discrimination
entre
les échantillons étudiés. Dans
cecas-ci, les plus importantes seraient les
mesures de la longueur et de la largeur ainsi que les angles M-17, J-16 et Q-21 puisqu’elles présentent
unecorrélation plus élevée
avecles variables canoniques I,
II et III.
En dernier lieu,
nous avonscalculé les coordonnées correspondant
auxéchantillons étudiés dans
cetravail selon les fonctions discriminatoires de la classification 4 donnée par Du P RAW (1965 a). Cette classification
sertà diffé- rencier les populations d’Europe
etcelles d’Afrique. On
trouveque les 53 échan- tillons étudiés appartenaient
augroupe des populations du Nord et de l’Ouest de l’Europe
etdu Nord de ’ l’Afrique
etqu’ils
sontséparés des populations de l’Afrique Centrale
etdu Sud
etde celles du Sud-Est de l’Europe. Ceci corrobore l’utilité de
cescaractères pour la taxonomie des abeilles.
DISCUSSION
Les points qui correspondent
auxcolonies échantillonnées
sedistribuent dans les plans déterminés par les trois premiers
axescanoniques
enformant
unnuage de points
avec une nettepolarité, de telle façon que, même s’il n’y
a aucunesolution de continuité qui permette d’établir
unedifférence
entreles groupes de
colonies, il
esttoujours possible de
tracer uneligne qui sépare les colonies situées
auNord de celles qui
sontsituées
auSud de la Cordillère Cantabrique. Les
colonies auxquelles
nous avonsdonné le
nomd’
«intermédiaires
!, seconduisent de façon variable,
en sesituant plus près des colonies du Nord
oudu Sud selon le
plan que l’on considère.
Sur l’ensemble des trois
axes(Fig. 6),
onpeut établir deux groupes prin- cipaux :
ungroupe qui comprend la plupart des colonies du Nord,
et un autregroupe nettement divisé
endeux sous-groupes. Dans
unde
cessous-groupes
sontinclues la plupart des colonies du Sud
etdans l’autre, il y
a unmélange de
colonies du Nord
etde colonies « intermédiaires qui
negardent entre elles
aucune
relation apparente du point de
vuede la situation géographique.
La colonie 2-12 apparaît nettement différente de toutes les
autres.Il faut
souligner le fait que les distances à l’intérieur des groupes
sont assezgrandes par rapport
auxdistances
entreles groupes.
L’absence de discrimination nette (Fig. 3, 4, 5
et6) peut être due à la façon dont l’échantillonnage
aété réalisé, puisque
nous avonsessayé de couvrir, de la façon la plus uniforme possible, la
zoneétudiée dans le but de
constaters’il existait des groupes qui n’auraient pas été établis auparavant. On doit s’attendre à
ceque le
pouvoir de discrimination de
cetteanalyse soit sensiblement inférieur à celui d’autres pour lesquelles l’on utilise des méthodes d’échantillonnage différentes (LoUIs
etL EFEBVRE , 1971 ; C ORNUET et al., 1978 ; L EPORATI B t al., 1984)
parce qu’elles étaient destinées à établir les différences objectives
entreles
racesou
les écotypes déterminés
aupréalable par d’autres critères. Dans
cesens, il faut
souligner que
nous avonstrouvé
uneplus grande discrimination dans
untravail
préaiable (Iz Q uIE R no et al., 1985), dans lequel l’échantillonnage n’a pas été uniforme, puisque l’on
arecueilli trois groupes d’échantillons, deux situés
auNord et
un autre auSud de :la Cordillère.
D’autre part, il y
a unedonnée qui suggère que l’analyse
apris
enconsidé-
ration certaines composantes du milieu. Les
axes1
etII présentent
unecorrélation
importante
etpositive
avecla longueur
etla largeur de l’aile, c’est-à-dire qu’un
des caractères qui
acontribué à la différenciation des échantillons
estla dimension de l’aile (Tab. 4). Ce caractère, chez Drosophila
esttrès corrélé
avecles dimen- sions du corps (D AVID et al., 1980),
et cedernier
esttrès influencé par les condi-
tions alimentaires de la larve (B AKKER , 1961 ; T HOMAS -O URILLARD , 1972).
Nous n’avons pas de renseignements de
cegenre pour Apis mellifera, mais
nouspensons que chez
cetteespèce, la dimension de l’aile peut présenter aussi
unecomposante du milieu.
La conduite des colonies 7-2
et4-15 (Fig. 3, 4, 5
et6)
nepermet pas de tirer
uneconclusion
surl’importance de l’effet de l’environnement parce que l’on peut supposer qu’une partie importante de leurs gènes provient de la popu- lation des lieux où elles étaient installées. Cependant, l’influence du milieu peut être peu importante parce que les colonies 4-14
et4-15 proviennent du même
rucher
et sontbien différentes (Fig. 3, 4, 5
et6).
D’après les résultats obtenus, la Cordillère Cantabrique limiterait le flux de
gènes (migration dans le
sensgénétique)
entreles populations situées de chaque
côté. Elle apparaît
commele principal élément qui établit la différence
entreles
groupes (Fig. 3, 4, 5
et6), bien qu’elle
nesoit pas
unaccident géographique capable de produire
unisolement. Ceci
est enaccord
avecles résultats obtenus par B ADINO
etal. (1983) qui
montrentque les altitudes inférieures à 2 O00
m neconstituent pas
unebarrière pour les abeilles.
Reçu
pourpublication
en août 1985.Accepté
pourpublication
en décembre 1985.REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient l’Institut de Recherche et
Développement
del’Apiculture
de la FundaciénPrincipado
de Asturias pourproportionner
des échantillons.SUMMARY
BIOMETRIC ANALYSIS OF THE HONEY BEE POPULATIONS FROM THE NORTHWEST OF THE IBERIAN PENINSULA
A biometrical
analysis
of thehoney
bees from the northwest of the Iberian Peninsula wasperformed
in order to see whether or not it ispossible
to define different ecotypes. Theregion
studied includes twogeographic
areas which areseparated by
the Cantabrian chain of mountains and have very different climates.Fifty
threesamples,
eachconsisting
of 20 worker bees from the samehive,
were takenrandomly
over the
region (Fig. 1).
Themorphological
traits used toperform
the multivariateanalysis
were the 13angles
and 2 distances of theforewing proposed by
Du PRAW(1965 a)
as well as the cubital index(Fig. 2).
These 16 parameters were used in a canonicalanalysis
withoutgrouping
thesamples
a priori.
Canonical
representations using
axesI,
II and III(Fig. 3,
4 and5)
account for44,23 %
i!of the
variability,
and show twopoints corresponding
to the twogeographical
areas located to the North and the South of the Cantabrian mountains. Nevertheless theseparation
is nocompletely clear,
and from thedendrogram (Fig. 6)
it can be seen that thewithin-group
distances arefairly
greatcompared
to the distance between the two main groups.Therefore we must conclude that the Cantabrian mountains limit the
migration
between the twogeographical
areas but this limitation is not so strong as toproduce
acomplete
isolation.ZUSAMMENFASSUNG
BIOMETRISCHE UNTERSUCHUNG VON BIENENPOPULATIONEN
(APIS MELLIFERA)
AUS NORD’WEST-SPANIENEs wurde eine biometrische
Analyse
derHonigbienen
aus dem Nordwesten der iberischen Halbinseldurchgeführt,
umfestzustellen,
ob sich verschiedeneÖkotypen
finden lassen. Die untersuchteRegion
umfaßt zweigeographische Gebiete,
die durch die cantabrischen Cordilleren getrennt sind und die sehr unterschiedliches Klima haben.Dreiundfünfzig Proben, jede
aus 20 Arbeitsbienen aus demselben Volkbestehend,
wurdenentnommen,
zufällig
verteilt über dieRegion (Fig. 1).
Diemorphologischen Merkmale,
die zurMultivariat-Analyse
benutztwurden,
waren die 13 Winkel und 2 Distanzen desVorderflügels,
wie sie von DUPRAW(1965 a) angegeben wurden,
sowie der Cubitalindex(Fig. 2).
Diese 16 Parameter wurden zu einer canonischenAnalyse benutzt,
ohne die Proben a priori inGruppen
zu teilen.Die canonische
Darstellung
mitBenutzung
der Achsen I, II und III(Fig. 3,
4 und5),
die für44,23
% der Variabilität verantwortlichsind, zeigt
zweiGruppen,
die den zweigeographischen
Gebieten nördlich und südlich der cantabrischenBergkette entsprechen.
DieTrennung
istjedoch
nichtvollständig,
und es ist aus demDendrogramm (Fig. 6) ersichtlich,
daß die Distanzen innerhalb derGruppe
imVergleich
zu den Distanzen zwischen den beidenHauptgruppen
ziemlichgroß
sind.Daraus müssen wir den Schluß
ziehen,
daß die Cantabrischen Cordilleren den Austausch zwischen den beidengeographischen
Gebieteneinschränken,
aber daß dieseEinschränkung
nicht sostark
ist,
um einevollständige Isolierung
hervorzurufen.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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