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La maison ou l’identité galvaudée

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Géographie et cultures 

53 | 2005

Les cinémas multiplexes

La maison ou l’identité galvaudée

Jean‑René Trochet

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/11804 DOI : 10.4000/gc.11804

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 mars 2005 Pagination : 137-139

ISBN : 2-7475-8824-6 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Jean‑René Trochet, « La maison ou l’identité galvaudée », Géographie et cultures [En ligne], 53 | 2005, mis en ligne le 10 avril 2020, consulté le 04 février 2021. URL : http://journals.openedition.org/gc/

11804 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.11804

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La maison ou l’identité galvaudée

Jean‑René Trochet

RÉFÉRENCE

Danielle Couédic, 2003, La maison ou l’identité galvaudée, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 209 p.

1 À première vue, le titre de l’ouvrage semble ne pas rendre compte tout à fait de son contenu. Danielle Couédic part en effet de l’histoire de la revendication régionale en Bretagne, dont il cherche à montrer que la maison a été à la fois l’une des expressions les plus caractéristiques, et l’un des instruments privilégiés. L’ouvrage s’interroge d’abord sur les raisons qui ont poussé les architectes à bâtir des maisons qu’ils souhaitaient inscrire dans la continuité de la « tradition » bretonne.

2 La créativité incontestable de cet engouement au cours des quatre premières décennies du XXe siècle, s’explique en partie parce qu’elle s’inscrivait dans un mouvement aux facettes complexes. Le régionalisme breton s’incarnait à l’époque en deux tendances opposées. D’un côté les « Champions de la tradition, soucieux d’immobiliser le paysage dans l’espoir de figer la société », et de l’autre « ceux qui appelaient à une continuité audacieuse, capable d’assimiler les exigences d’un monde en réinvention » (p. 9). Le Couédic signale d’ailleurs au passage que certains animateurs du mouvement autonomiste comme Olivier Mordrelle (1901-1985) étaient eux-mêmes architectes. De cette période, l’auteur détache quelques créateurs comme Gaston Chabal (1882-1965) qu’il inscrit dans la ligne du « pittoresque breton ». Il montre aussi que la tentation réglementaire, qui aboutit en particulier à la procédure du « permis de construire », trouvait un terreau favorable en Bretagne avec l’éclosion des villas, mais tout en divisant les aspirations des régionalistes. D’un côté, elle satisfaisait les traditionalistes qui pensaient peu ou prou que la Bretagne devait se dispenser d’être et se contenter d’avoir été, de l’autre elle irritait les progressistes comme Mordrelle, qui affirmait que

« Nous interdire de créer serait reconnaitre au passé une valeur définitive qu’il ne peut avoir ».

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3 De la période de la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle diverses personnalités pensèrent que la Bretagne bénéficierait d’une large autonomie quelle que fût l’issue du conflit, il faut surtout retenir l’interrogation des experts sur la meilleure définition de l’architecture paysanne, en vue de donner des lignes directrices aux maîtres d’œuvre. Dans le cadre de la promotion d’une France nouvelle, la solution apparaissait « dans une synthèse qui respecte les traditions dignes de survivre, tout en donnant satisfaction aux besoins de la civilisation moderne » (p. 79).

4 La Révolution nationale avait sans doute assuré le triomphe du régionalisme, mais en n’ayant pas vraiment eu l’occasion de le mettre en pratique, et tout en s’éloignant finalement assez peu des idées des meilleurs architectes inspirés par lui dans les années d’Entre-deux-guerres. Le contexte de l’Après-guerre fut évidemment très différent, et Le Couédic montre le lien étroit qui exista alors entre le style du « néo-breton » architectural et la politique du logement en Bretagne, longtemps en retrait par rapport à celle de l’ensemble de la France. Il souligne en particulier combien la tension entre la politique de la maison individuelle, associée à l’idée de la promotion de la propriété privée, et celle de l’immeuble collectif, qui fut longtemps un nœud théorique de l’opposition droite-gauche en France en matière de logement, trouva justement un développement inédit en Bretagne avec ce style, fondé bien entendu sur la maison individuelle. Au-delà de cette opposition qui pouvait d’autant plus embarrasser les créateurs « progressistes » que l’apparition du phénomène des résidences secondaires vint encore la compliquer, Le Couédic expose les stratégies et les incertitudes des administrations d’État, des collectivités territoriales, et surtout des secteurs du bâtiment et de la promotion immobilière, en partie soumises aux aléas de la conjoncture économique. Au tournant des années 1960-1970, le « néo » ou le « néo- néo » bretons évoluèrent sur le fond assez contradictoire du renforcement de la

« psychagogie publicitaire » (p. 130), et de celui du dispositif législatif et administratif visant à réglementer la construction dans son rapport avec l’environnement. Mais si les marchands de maisons intégrèrent assez vite dans leur argumentaire l’esprit, sinon la lettre, de ce nouveau dispositif, cette période fut aussi celle où une « école bretonne » (p. 152) s’affirma dans la haute architecture : celle du naturalisme moderniste, fortement inspirée par Wright et par des architectes nordiques, parmi laquelle Le Couédic dégage les noms d’Yves Guillou, de Bernard Guillouët et d’Erwan Le Berre. Dans le dernier chapitre, l’auteur montre qu’après une période de stagnation de la construction individuelle, jusqu’au milieu des années 1990, la reprise s’effectua sur fond d’une mise en valeur publicitaire de l’identité bretonne, confortée encore par

« l’entrée dans la sphère commerciale de toute la matière culturelle bretonne » (p. 183). Assez paradoxalement, un néo-néo régionalisme aurait donc trouvé une partie de ses fondements dans le « syndrome du terrier ». Est-ce à dire que la véritable création architecturale régionaliste a définitivement quitté la scène bretonne ? Le Couédic ne le pense pas, et pour lui, J’émergence d’une école néo-moderniste née dans les années 1990 est la manifestation d’un régionalisme architectural véritable, qui

« permet de territorialiser une résistance à la mondialisation sans obligatoirement en référer à une tradition » (p. 191).

5 L’ouvrage est celui d’un chercheur et d’un praticien. Il ne prend d’ailleurs tout son sens que si l’on rappelle que Le Couédic a joué lui-même un rôle important dans le combat pour un régionalisme architectural à visage breton, tant par son enseignement que par ses nombreuses réalisations à l’Institut de géoarchitecture de l’université de Bretagne

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occidentale, qu’il dirige depuis plus d’une vingtaine d’années. L’auteur / acteur fait non seulement bénéficier le lecteur de sa parfaite connaissance des écoles et des créateurs en architecture au XXe siècle, mais il établit des relations peu connues entre ce domaine et les réalités bretonnes très diverses qu’il étudie, en montrant aussi le lien dynamique entre ces deux aspects et l’évolution de la construction en Bretagne, depuis le début du XXe siècle. Au-delà enfin, passant du régional à l’universel, Le Couédic révèle le risque qui guette la création architecturale dans son ensemble, menacée souvent « d’un glissement progressif vers des procès de normalisation sociale et de marchandisage » (p. 197).

6 Il s’agit donc d’un livre complexe, malgré sa petite taille, animé par un projet ambitieux, conduit par une pensée précise, que traduit une écriture soutenue. La démonstration est dans l’ensemble brillamment réussie, même si le lecteur achoppe un peu sur le problème de l’identité bretonne. La définition « traditionnaliste » de celle-ci est à peu près claire dans l’ouvrage, mais celui-ci ne définit pas vraiment celle dont se réclame l’auteur. En outre, le géographe regrettera l’absence d’une allusion à la répartition spatiale du « néo » ou du « néo-néo » en Bretagne : ces styles sont-ils plus fréquents sur la côte que dans l’intérieur, davantage bas-bretons que haut-bretons ?

AUTEUR

JEAN‑RENÉ TROCHET Université de Paris IV-Sorbonne

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