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LA GOUVERNANCE BI-SCALAIRE DES PORTS EN INDE FACE AUX DEFIS DE LA MONDIALISATION

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2014

Acteurs du transport maritime et mondialisation

n° 4

 

La gouvernance bi-scalaire des ports en Inde

face aux défis de la mondialisation

The bi-scalar governance of ports in India

faced with challenges of globalization

Salima NEKROUF

Laboratoire ART-Dev UMR 5281 CNRS- Université Perpignan Via Domitia1

Résumé

Jusqu’à l’ouverture économique des années 1990, le gouvernement indien détenait le monopole de la gestion des ports du pays. Par la suite, les réformes qui ont été introduites dans le secteur portuaire, visant à apporter une réponse effective aux défis de la mondialisation, ont engendré un système portuaire double. Le caractère hétérogène du paysage portuaire en Inde, reflète la disparité des choix de gouvernance à l’origine d’une gouvernance portuaire bi-scalaire.

L’introduction de la privatisation dans le secteur portuaire a été réalisée de manière inégale. L’envergure des projets portuaires présentés dans l’Agenda Maritime 2010-2020 révèle la logique entrepreneuriale de l’État central. En effet, il programme de transformer en entreprise publique, l’ensemble des ports qui sont sous sa responsabilité, afin d’attirer les investissements pour répondre à la compétition mondiale.

Si les autorités indiennes témoignent d’efforts notables pour rattraper le retard sur la scène portuaire mondiale, beaucoup reste à réaliser en matière de conteneurisation.

Mots-clés : Inde, gouvernance portuaire, échelle, mondialisation Abstract

Until the economic opening of the 1990s, the Indian government held the monopoly over the port management of the country. As an answer to the new challenges of globalization, several reforms in the port sector were introduced in the following years and have led to a double port system. The heterogeneous landscape of Indian ports reflects the different government policies that have lead to a bi-scalar port governance.

The process of privatization of the port sector has been realized in different ways. The range of port projects presented in the Maritime Agenda 2010-2020 reveals the entrepreneurial logic of the central state: to transform into public enterprises all ports under government responsibility in order to attract investments and thus become internationally competitive.

Even if the Indian authorities have made notable efforts to catch up with the international port development, a lot still needs to be done, especially in terms of containerization.

Keywords : India, port governance, scale, globalization

                                                                                                                         

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NTRODUCTION

En Inde, la défaillance des infrastructures remonte à l’amorce des réformes des années 1980. Le pays pâtit d’une carence en routes, en chemins de fer, en aéroports, et en ports fondamentaux pour une économie moderne. L’Inde compte de nombreux ports classés, en fonction de critères purement administratifs, selon deux catégories : les Major Ports, sous la juridiction de l’État central et les Minor Ports2 qui relèvent de la compétence de l’État maritime dans lequel ils se trouvent. Hormis le trafic des conteneurs, qui relève surtout des

Major Ports, la nature des trafics est quasiment identique dans les deux familles de ports.

L’introduction de la privatisation dans le secteur portuaire indien s’est accompagnée du passage d’une gestion des ports par le gouvernement, à la gouvernance portuaire, et le double système portuaire rend compte de la gouvernance bi-scalaire. La diffusion de la privatisation est très inégale, elle est une réussite pour quelques ports, en particulier pour ceux de l’État du Gujarat et pour le port de Jawaharlal Nehru, le plus grand port indien moderne à conteneurs. En outre, le succès du port corporatisé d’Ennore Port Ldt. encourage le gouvernement indien vers l’orientation d’une généralisation de ce modèle de la

corporatisation à l’ensemble des Major Ports. Il s’agit d’une stratégie portuaire proposée par

les autorités indiennes, dans l’Agenda Maritime 2010-2020, pour répondre à la compétition mondiale en autorisant l’alignement de ses ports aux standards internationaux, par une modernisation de leurs infrastructures grâce aux investissements privés. Toutefois, la présence des opérateurs internationaux y est restreinte et la conteneurisation, activité capitale pour la vitalité des ports, est très faible et inégalement répartie.

L’objectif de cet article est de proposer une analyse de la gouvernance portuaire en Inde, pour rendre compte de sa complexité modelée par une structure bi-scalaire. Cette particularité tend à léser la majorité des ports en ce qui concerne l’accès rapide et égalitaire aux normes internationales, qui leur permettrait de former, à terme, un secteur portuaire indien compétitif.

I-

L

E PAYSAGE PORTUAIRE EN

I

NDE

Sur un littoral long d’environ 7 500 km, l’Inde compte 13 ports sous l’autorité du

gouvernement central (Major Ports), et environ 200 ports3 (Minor Ports) qui dépendent des

États. En Inde, le transport maritime supporte 95 % du volume et 70 % de la valeur des flux commerciaux. La distinction entre ces ports n’est nullement liée à l’importance de leur trafic, il s’agit d’une classification exclusivement administrative. L’Union indienne est composée d’une structure fédérale et, conformément à sa Constitution, le transport maritime est géré par le gouvernement central et les États maritimes (Nekrouf, 2013).

1- Les Major Ports

Le secteur portuaire indien s’est historiquement structuré autour de Major Ports (Fig.1), qui sont sous la juridiction du gouvernement central, à travers le ministère du Transport maritime. Á l’exception du port d’Ennore, ils sont administrés par le Major Port Trusts Act,

1963 et sont gérés par les Ports Trusts.

Les Major Ports les plus anciens, Kolkata (Calcutta), Chennai (Madras) et Mumbai (Bombay), sont opérationnels depuis plus d’un siècle. Cochin et Visakhaptnam ont en moyenne plus de 80 ans ; quant à Kandla, Mormugao, Paradip, Haldia, New Mangalore et Tuticorin, ils ont été mis en service après l’indépendance en 1947. Jawaharlal Nehru Port

Trust (JNPT) a été créé en 1989, Ennore Port Limited devient le premier port indien

corporatisé en 2001 et, en juin 2010, Port Blair accède au rang de 13è Major Port. On

                                                                                                                         

2 Les Minor Ports sont également appelés « Non-Major Ports » par les autorités indiennes. 3 Les chiffres varient suivant les sources.

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recense six Major Ports sur la côte ouest, six sur la côte est, et un Major Port dans les îles Andaman et Nicobar.

S.Nekrouf, 2013 Fig.1 – Les Major Ports

En 2011-2012, le trafic total qui s’élève à environ 560 Mt est divisé, à parts sensiblement égales, entre les ports de la côte ouest (Kandla, Mumbai, Jawaharlal Nehru, Mormugao, New Mangalore et Cochin) qui totalisent un trafic d’environ 296 Mt face à ceux de la côte est

(Tuticorin, Chennai, Ennore, Visakhapatnam, Paradip, et Kolkata-Haldia4) qui ont enregistré

un trafic approximatif de 264 Mt.

Tous les États maritimes possèdent un Major Port, à l’exception du Tamil Nadu qui en possède trois (Tuticorin, Chennai et Ennore). Ce particularisme pourrait s’expliquer, en premier lieu par la localisation de cet État à la pointe sud du pays, sur la route commerciale, aux échanges croissants entre l’Asie et l’occident. Depuis les réformes économiques des années 1990, les échanges commerciaux internationaux augmentent et profitent à de nombreuses grandes villes indiennes comme Chennai, grâce à une diminution des taxes à l’importation et aux politiques favorisant l’exportation. Ensuite, la proximité des services informatiques, particulièrement bien développés dans la ville de Bangalore, suscitent des infrastructures pour répondre à la demande internationale dans ce secteur, grâce à la

                                                                                                                         

4 Le port de Calcutta est composé de deux entités portuaires : Kolkata Dock System (KDS) et Haldia Dock Complex (HDC).

Golfe du Bengale Golfe d'Oman OCÉAN INDIEN PAKISTAN NEPAL CHINE BHOUTAN BANGLADESH BIRMANIE SRI LANKA Îles Andaman Îles Nicobar Îles Laquedives 300 km Kandla Mumbai Jawaharlal Nehru Mormugao New Mangalore Cochin Tuticorin Chennai Ennore Port Blair Vishakapatnam Paradip Kolkata

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présence d’agents commerciaux dans les ports qui facilitent ces échanges. Enfin, l’État du Tamil Nadu possède un important arrière-pays.

En 1990-91, au moment de l’ouverture économique et de l’avènement des grandes réformes, le trafic général des Major Ports va quasiment doubler par rapport à celui de la décennie précédente, pour atteindre 152 Mt. Le port de Jawaharlal Nehru est mis en place et celui de Mumbai conserve son rang à la première place avec un trafic qui est passé de 17 Mt en 1980-81 à 29 Mt en 1990-91. La seconde place est occupée par le port de Chennai dont le trafic a plus que doublé par rapport à 1980-81. C’est le port de Kandla qui s’empare de la troisième position, avec un trafic inférieur à 1 Mt au début des années 1980, mais qui a explosé en dix ans pour atteindre pratiquement 20 Mt. Cet essor trouve ses racines dans la politique de l’État du Gujarat, particulièrement favorable à la participation des capitaux privés dans son secteur portuaire, pour la modernisation des infrastructures et pour redynamiser son activité.

Au début des années 2000, le trafic total des Major Ports qui est de 281 Mt a, une nouvelle fois, quasiment doublé par rapport à la décennie précédente. Pour la première fois, le port de Mumbai perd sa place de chef de file au profit du port de Visakhapatnam dont le trafic s’élève à 45 Mt, et ce premier est rétrogradé au rang de quatrième Major Port avec un trafic total de 28 Mt, derrière Chennai et Kandla qui enregistrent, respectivement, 41 Mt et 37 Mt de trafic total.

Le doublement décennal du trafic des Major Ports se confirme à nouveau pour 2010-11, avec un trafic total de 570 Mt incluant le nouveau et unique port corporatisé, Ennore Port

Ltd., dont le trafic total est de 11 Mt. Le port de Kandla, désormais en tête des Major Ports, a

connu un essor fulgurant de son activité avec un trafic qui est passé de 37 Mt au début des années 2000 à 82 Mt une décennie plus tard. Son succès peut s’expliquer par la volonté politique de l’État du Gujarat de promouvoir les contrats de privatisation dans son secteur portuaire. La côte Est profite de l’augmentation générale du trafic dans les Major Ports grâce, notamment, à l’activité du port de Visakhapatnam, dont le trafic de 68 Mt, lui permet d’occuper le rang de second Major Port. Le port de Jawaharlal Nehru qui connait un succès notoire, le succède avec un trafic de 65 Mt, grâce au développement général de la conteneurisation.

2- Les Minor Ports

Les Minor Ports (Fig.2) figurent sur la liste actuelle (serial 31) de la Constitution indienne5

(Rodriguez, Sridhar, 2010:3). Ils relèvent des États maritimes dans lesquels ils se trouvent, pour certains par l’intermédiaire de Conseils d’État Maritime (State Maritime Boards). Ils sont administrés conformément à l’Indian Ports Act, 1908 qui définit la juridiction du gouvernement central et des gouvernements des États, sur ces ports, en précisant les règles de sécurité de navigation, les droits de ports, les honoraires de pilotage et autres charges. En 2012-13, les Minor Ports ont traité environ 42 % du trafic national total (933 Mt), c’est-à-dire 388 Mt contre 545 pour les Major Ports (58 %).

Les Minor Ports, pour leur part, sont de plus en plus nombreux (près de 200) sur les côtes indiennes avec la vocation de pallier les insuffisances des Major Ports, et dont l’extension s’opère sous la forme de partenariats public-privé. Ces ports «mineurs» se font une place de plus en plus significative dans le secteur portuaire indien en forte sollicitation de modernisation et d’augmentation de ses capacités, et dont la part dans le trafic total est

passée de 7 % en 1990 à 34 % en 20106. N’étant pas soumis à la même autorité régulatrice

des tarifs, la TAMP, qui encadre les Major Ports, les Minor Ports, le plus souvent sous gestion privée, jouissent d’investissements de grande ampleur, d’équipements modernes et d’une entière liberté tarifaire. Les investissements en provenance de l’étranger y sont                                                                                                                          

5 Liste - III de la Septième Liste de la Constitution indienne, que forme le domaine commun des Gouvernements d'État et des

Territoires de l’Union indienne aussi bien que du Gouvernement Central.

 

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autorisés à hauteur de 100 % pour la construction et la maintenance des ports. Néanmoins, parmi ces Minor Ports, rares sont ceux disposant d’équipements modernes et seuls 60 de ces ports sont reconnus comme étant des ports actifs et opérationnels7. L’État très

industrialisé du Gujarat, sur la côte ouest, concentre à lui seul près d’un quart, soit 42, des

Minor Ports du pays.

S.Nekrouf, 2013 Fig.2 – Les Minor Ports

Source : Ministère du Transport maritime

Au niveau de l’État, le département en charge des ports où le Conseil d’État Maritime, créé par une législation d’État, est responsable de la mise en œuvre de politiques concernant la valorisation des fronts d’eau, la réglementation et le contrôle de la gestion de ces ports. Il doit être en mesure de créer un cadre favorable à la captation des investissements privés dans le développement de ses ports par l’application d’un certain nombre de normes (environnementales, etc.) (Sundar, 1998:2). Toutefois, le gouvernement central conserve un certain pouvoir décisionnel par la centralisation de lois spécifiques concernant l’environnement. En effet, il est en mesure de sanctionner les États qui, dans le choix du développement de leur côte, ne se soumettent pas aux lois de protection de l’environnement qu’il aura édictées.

En 2012, ces Conseils sont constitués uniquement dans les États du Gujarat, du Maharashtra, du Tamil Nadu, de l’Orissa, du Karnataka, et du Kerala. En 1982, le gouvernement du Gujarat fit figure de pionnier en ordonnant une législation visant la création                                                                                                                          

7 Maritime Agenda 2010-2020, Ministry of Shipping, Government of India, January 2011, p. 29, 148 pages

Golfe du Bengale Golfe d'Oman OCÉAN INDIEN PAKISTAN NEPAL CHINE BHOUTAN BANGLADESH BIRMANIE SRI LANKA DELHI Îles Andaman Îles Nicobar Îles Laquedives e r i m e h c a C - t e - u m m a J Himachal Pradesh Punjab Uttaranchal Haryana

Rajasthan Uttar Pradesh

Madhya Pradesh Gujarat Maharashtra Karnataka Goa Andhra Pradesh Bihar Jharkhand Chattisgarh Bengale Occidental Orissa Sikkim Assam Arunachal Pradesh Meghalaya Nagaland Manipur Mizoram Tripura Tamil Nadu Kerala Diu et Daman Pondichéry 42 2 48 5 10 17 10 1 13 12 2 15 23 300 km

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du premier Conseil d’État Maritime : le Gujarat Maritime Board. Les États du Maharashtra et du Tamil Nadu ont ensuite formé leur propre Conseil maritime dans les années 1990. Les États du Karnataka, du Kerala, de l’Andhra Pradeh, et de l’Orissa ont œuvré pour leur Conseil d’État Maritime entre 2010 et 2011 ; quant au Bengale occidental et à Goa, ils pourraient être les prochains sur la liste avec ce projet en cours de préparation.

3- Retard des ports indiens et nature du trafic

Cette présentation du système portuaire indien souligne l’importante hétérogénéité du paysage portuaire dans le pays. En dépit de la remarquable croissance économique de cette puissance asiatique émergente (6,2 % en 2011-12 et 5 % en 2012-13), les ports indiens accusent un grave retard, notamment par rapport aux ports de leur voisin et rival chinois, auquel ils sont communément comparés.

Ce retard se traduit, entre autres, par des infrastructures portuaires inadaptées à la réception des grands porte-conteneurs et par une faible conteneurisation. Les ports indiens sont dépendants des feeder-ships qui les connectent aux grands hubs dans la région, tels que Singapour, Dubaï et Colombo.

Au cours de l’année fiscale 2012-138, les Major Ports enregistrent un trafic total de 545 Mt

qui se compose de produits carburants et des lubrifiants (34,1%), de conteneurs (20,9%), ainsi que de charbon (19%), de minerai de fer (4,3%), d’engrais (2,5%) et d’autres marchandises (19,2%) (Fig.3).

Si l’on note une diminution de leur trafic total entre 2011-12 (560 Mt) et 2012-13 (545 Mt), le trafic des conteneurs, quant à lui, a légèrement augmenté d’une année à l’autre dans les

Major Ports (Fig. 4), passant de 7,6 M EVP à 7,7 M EVP, avant une nette augmentation de

ce trafic pour les ports de Kolkata et de Paradip, situés sur la côte est.

Avec un trafic avoisinant 4,3 M EVP en 2012-13, le Major Port de Jawaharlal Nehru centralise plus de 55% du trafic total des conteneurs dans les Major Ports, et 44% du trafic total des conteneurs dans les ports indiens (9,8 M EVP), ce qui le place au rang mondial de 33è port à conteneurs9. En effet, le trafic dans les Minor Ports est composé à plus de 75% de

trafic de carburants et lubrifiants qui prévaut largement (+43%), suivi du trafic du charbon et du minerai de fer (Fig.3).

En 2012-13, si c’est dans les Major Ports que s’accumule la majorité du trafic total (58%), ces derniers sont progressivement rattrapés par les Minor Ports qui connaissent un développement important depuis 2009-10 (Fig.5), alors que le trafic dans les Major Ports fait l’objet d’un léger et progressif recul depuis 2010-11.

Comme nous l’avons vu précédemment, le Gujarat rassemble près d’un quart des Minor

Ports du pays. Au cours du premier semestre de l’année fiscale de 2012-13, 73 % du trafic

total des Minor Ports était concentré dans ce seul État, avec un trafic composé à 40 % de produits carburants et lubrifiants10.

 

                                                                                                                         

8 L’année fiscale en Inde s’étend du 1er avril au 31 mars de l’année suivante.

9 Source: World Shipping Council, http://www.worldshipping.org/about-the-industry/global-trade/top-50-world-container-ports 10 Government of India, Ministry of Road, Transport and Highways, Transport Research Wing, “Update on Indian Port Sector

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  Fig.3 – Composition du trafic des Major Ports et des Minor Ports en 2012-2013

Source: Planning Commission, Government of India

 

MAJOR  PORTS11   2011-­‐12   2012-­‐13    

Kolkata  Dock  System  

Kolkata  

Haldia  Dock  Complex  

  317     463   115     137   Paradip   8   13   Visakhapatnam   234   247   Chennai   1  555   1  539   Ennore   0   0   Tuticorin   477   476   Cochin   337   335   New  Mangalore   45   48   Mormugao   22   20   Jawaharlal  Nehru  (JNP)   4  317   4  259   Mumbai   56   58   Kandla   168   118   TOTAL   7  651   7  713   Fig.4 – Evolution du trafic des conteneurs dans les Major Ports

entre 2011-12 et 2012-13 (en milliers d’EVP)

Source: Government of India, Ministry of Road, Transport and Highways, Transport Research Wing, “Update on Indian Port Sector (30.09.2013)”, 73 pages.

                                                                                                                         

11 Récemment nommé Major Port, les chiffres concernant le trafic de Port Blair ne sont pas disponibles.

0%   10%   20%   30%   40%   50%   60%   70%   80%   90%   100%  

Major  Ports   Minor  Ports  

Autres  

Matériaux  de  construction   Engrais  

Minerai  de  fer   Charbon   Conteneurs  

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  Fig.5 - Évolution du trafic dans les Major et les Minor Ports entre 2001-02 et 2012-13 (en Mt)

Source : Indian Ports Association (New Delhi), 2013.

L’essor des Minor Ports rappelle que ces ports n’ont de « mineurs » que leur nom. Le retard des ports indiens, sur la scène mondiale et dans la région, est manifeste devant le déséquilibre des trafics, leur répartition ainsi que le faible niveau de conteneurisation de ces ports, dont le trafic est largement supplanté par ceux des produits carburants, des lubrifiants, et du charbon, qui traduisent une demande domestique croissante destinée à la production électrique et pour les industries. L’Inde est le sixième consommateur mondial en énergie et sa demande croît de manière fulgurante. En 2012, le pays se situait à la troisième place des pays importateurs de charbon, après la Chine et les États-Unis, et importe aujourd’hui 70% de son pétrole.

L’Inde est un pays fédéral, et avec un système portuaire double, les choix de gouvernance varient d’un État à l’autre en fonction, d’une part des décisions du gouvernement central, et d’autre part des initiatives politiques des États concernés dans la mise en valeur des Minor Ports.

II

U

NE GOUVERNANCE BI

-

SCALAIRE POUR LES PORTS EN

I

NDE

Jusqu’à l’ouverture économique des années 1990, les ports indiens demeuraient sous le contrôle exclusif du gouvernement central. Au cours des années qui ont suivi, des réformes économiques ont introduit la privatisation, avec pour conséquences l’arrivée de nouveaux acteurs et la naissance de la gouvernance portuaire.

1- Du gouvernement à la gouvernance portuaire

En 1947, au lendemain de l’indépendance, l’État indien se tourne, à des fins d’autonomie, vers une politique économique à laquelle participent les secteurs privé et public. S’il n’opte pas pour une exclusion radicale du secteur privé, l’État central, en revanche, garde minutieusement le monopole sur certains secteurs qu’il considère comme les plus stratégiques, tel que le secteur portuaire. En 1950 est fondée la Commission au Plan, présidée par Jawaharlal Nehru, et dotée d’une Division des transports chargée d’évaluer les rapports concernant les divers projets d’infrastructures. En outre, elle a la responsabilité d’estimer les capacités portuaires et les exigences des trafics des différents ports, la productivité du travail et de l’équipement pour assurer le respect des normes de productivité. Enfin, elle examine le fonctionnement des Major Ports en fonction des programmes de

0   100   200   300   400   500   600   Major  Ports  (Mt)   Minor  Ports  (Mt)  

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développement édictés, des ressources financières disponibles et des prévisions du trafic. C’est en 1950 qu’est adopté le 1er Plan quinquennal.

En 1991, lorsque le pays est au bord de la faillite, le gouvernement indien se lance dans une nouvelle stratégie économique qui consiste en l’adoption d’un programme de réformes structurelles, financé et élaboré par le FMI et la Banque mondiale (Etienne, 2006). Subséquemment, deux étapes majeures de l’histoire de l’économie indienne vont voir le jour, à savoir la dérégulation interne de l’économie et son ouverture progressive sur l’extérieur avec pour résultat la promotion des investissements dans les infrastructures portuaires (Boillot, 2006).

Le secteur public va perdre l’exclusivité du développement de ses ports avec l’adoption en 1996, de la Policy Guidelines, qui est présentée comme la structure légale des nouvelles orientations portuaires. Cette nouvelle législation marque l’avènement d’une profonde restructuration du tissu portuaire indien. Pour tenter de pallier le lourd retard de ses ports, le gouvernement indien fait appel aux capitaux privés, locaux et étrangers, avec l’objectif de moderniser son tissu portuaire fortement sollicité par la croissance économique. Cette initiative est traduite par l’octroi de prêts bancaires pour la modernisation et le développement des infrastructures, ainsi que par le financement et la gestion des équipements portuaires par des sociétés étrangères, dont les investissements sont autorisés à hauteur de 100 % pour la construction et la maintenance des ports. C’est ainsi que sont favorisés les partenariats public-privé, les contrats B.O.T. (Build-Operate-Transfer) et

B.O.O.T. (Build-Operate-Own-Transfer) avec l’arrivée de nouveaux acteurs dans les ports

indiens. Le modèle Landlord est alors mis en avant comme modèle de gestion portuaire à suivre.

Le pays ne possède pas le budget suffisant pour financer seul l’intégralité de l’expansion de son système portuaire. L’ouverture de ce secteur aux investissements privés va conduire à un bouleversement des structures de la gouvernance portuaire. De nouvelles trajectoires sont engagées dans le sens d’une mutation libérale de la gouvernance des ports indiens, où ces derniers passent d’une gestion publique à une gestion mixte, accompagnée de l’émergence de nouveaux acteurs.

La gestion des ports est passée d’une administration entièrement publique à une gouvernance bi-scalaire, où sont impliqués de multiples acteurs privés et publics. Les Major

Ports, historiquement sous le contrôle direct du gouvernement central, voient l’arrivée

croissante, néanmoins modérée, d’une participation des capitaux privés. Les Minor Ports, quant à eux, soumis à la législation des différents États maritimes auxquels ils appartiennent, assistent à ce même processus de privatisation qui s’opère avec plus d’intensité, notamment pour les ports de l’État du Gujarat.

2- La privatisation et la success story des ports du Gujarat

En Inde, les ports du Gujarat, en particulier les Minor Ports, font figure de modèle de réussite auprès de l’ensemble des ports du pays. L’histoire de ces ports est celle d’une

success story qui a débuté après la création du Conseil maritime du Gujarat. Il a été la

première autorité portuaire du pays à avoir initié la privatisation dans ses ports. Cette agence pionnière est responsable, pour les Minor Ports, de la mise en œuvre des politiques relatives à la valorisation des fronts d’eau, de la réglementation et de la gestion de ces ports.

Le Conseil maritime, en tant qu’autorité portuaire doit être en mesure de concevoir un cadre propice à la captation des investissements privés pour le développement de ses ports. L’État très industrialisé du Gujarat, renommé pour l’esprit entrepreneurial de sa population, est avec ses 1 600 km de côte, l’État indien le plus développé en termes d’infrastructures portuaires, routières et ferroviaires.

C’est dans cet État que sont localisés les deux premiers ports de secteur privé (Fig.6), développés dans le pays en 1998, sous la forme de contrats B.O.O.T. Il s’agit des deux

Minor Ports de Pipavav, rebaptisé Gujarat Pipavav Port Ltd., entré en bourse sous la forme

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Mundra (Mundra Port and Special Economic Zone Ltd.), concurrent de Pipavav, et devenu une zone économique spéciale multiproduits. Au début de l’année 2012, avec l’approbation du gouvernement de l’État du Gujarat, Mundra Port and Special Economic Zone Limited a changé le nom de la compagnie avec celui d’Adani Ports and Special Economic Zone Ltd., dans le but de souligner le changement de profil de la compagnie vers un profil d’affaire. En effet, le groupe local Adani est enregistré à la bourse de Mumbai (Bombay Stock Exchange) depuis 2007. Le trafic de ces Minor Ports est supérieur à celui de certains Major Ports. C’est également dans le Gujarat que se trouve le premier port indien, le Major Port de Kandla, dont le trafic essentiellement composé de charbon, est passé de 64 Mt en 2011-12 à 83 Mt en 2012-13.

Très tôt, les autorités du Gujarat ont pris conscience du fort potentiel de ses ports grâce à la position stratégique de l’État. Situé sur la mer d’Oman, historiquement il joue un rôle de carrefour pour le commerce et l’industrie. Le Gujarat a innové en introduisant diverses formes de privatisation allant de l’introduction d’investissements privés pour des services portuaires (pilotage, dragage, etc.), à l’offre de jetées et de terminaux privés et de la coentreprise, à la mise à disposition des ports sous la forme de contrats B.O.O.T.

(Build-Operate-Own-Transfer) qui est dans le secteur portuaire indien le plus haut degré de

privatisation.

Fig.6 - Les ports les plus importants du Gujarat

3- Les complexités de la gouvernance portuaire en Inde

Les initiatives de l’État central et celles des États maritimes sont souvent divergentes en matière de développement portuaire. Ces acteurs publics privilégient plutôt les ports dont ils ont la responsabilité, et certains gouvernements des États maritimes témoignent de plus d’enthousiasme que d’autres à promouvoir leurs Minor Ports, comme nous venons de le voir avec l’exemple du Gujarat. À l’inverse, il y a le cas du gouvernement du Bengale occidental, aux mains des communistes entre 1977 et 201112, et qui s’est longtemps montré prudent

                                                                                                                         

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devant l’ouverture économique. Le Bengale occidental est l’unique grand État maritime à ne posséder qu’un seul Minor Port, Kulpi, qui plus est inactif. En effet, depuis 2006, DP World est en négociation avec les autorités bengalies pour développer Kulpi, mais en l’absence d’un Conseil maritime, qui devrait être dans ce cas l’interlocuteur légitime, les accords peinent à voir le jour. De plus, l’État central envisage de mettre en service un nouveau Major

Port dans cet État, à Sagar Island doté d’un tirant d’eau de 10 à 12 mètres, à 150 km

environ, du port de Kolkata. Or, Kolkata Port Trust avait désigné ce même site pour édifier un nouveau port satellite destiné à redynamiser le port de Kolkata, et qui devait être sous son autorité. Pour Kolkata Port Trust, la création d’un nouveau Major Port près du port de Kolkata pourrait lui porter préjudice en le concurrençant.

À une gouvernance bi-scalaire complexe, où les initiatives de l’État central et celles des États maritimes ne convergent pas nécessairement, s’ajoutent au sein de la gouvernance des Major Ports, deux modèles de gouvernance. Nous allons illustrer ces disparités à travers deux exemples emblématiques parmi les Major Ports : Jawaharlal Nehru Port Trust et

Ennore Port Limited (Ltd.).

Le port indien de Jawaharlal Nehru a été mis en service en mai 1989, lors du Septième Plan quinquennal (1985-1990), en tant que « port satellite » dans le but de décongestionner le port de Mumbai. Aujourd’hui, il est en compétition avec ce dernier, en devenant le Major

port le plus moderne et le premier port indien pour le trafic des conteneurs, avec 4,3 M EVP

pour l’année fiscale 2012-13, c’est-à-dire près de la moitié du trafic conteneurisé national.

Jawaharlal Nehru Port Trust a été le premier Major Port à signer un contrat B.O.T., le 3

juillet 1997, pour la construction d’un terminal à conteneurs d’une longueur de 600 mètres, impliquant P&O Australia Ports, Konsortium Perkapaln Behrad et DBC Port Mangement. Ce premier terminal à conteneurs privé a été baptisé, en 1999, Nhava Sheva International

Container Terminal (NSICT). Ce fut le premier, en Inde, à être entièrement automatisé, avec

l’informatisation totale des opérations. Le succès de NSICT s’explique par l’utilisation de nouvelles technologies pour l’ensemble de ses équipements, afin d’assurer un traitement plus rapide et plus efficace de la manutention des marchandises.

La présence d’opérateurs privés dans les terminaux, par le biais de contrats B.O.T., améliore la performance de ces terminaux, ce qui stimule la compétitivité en termes de qualité et de service, de support technologique et de mesures environnementales. Toutefois, en tant que Major Port, le port de Jawaharlal Nehru est soumis à l’instance indépendante fixatrice et régulatrice des tarifs portuaires, la TAMP (Tariff Authority for the Major Ports), créée en 1997, avec l’objectif de contrecarrer toute tentative déloyale de concurrence avec les Port Trusts, et afin d’éviter une éventuelle émergence de monopoles privés. Cette autorité indépendante est exclusivement responsable de la fixation, de la révision et de la régulation des tarifs portuaires pour les Major Ports y compris pour les terminaux privés qui s’y trouvent. Á l’heure actuelle, la TAMP est de plus en plus contestée. Tout d’abord par les

Ports Trusts pour qui cette instance n’est guère indispensable et pour qui un tribunal chargé

de recueillir les plaintes concernant les tarifs serait suffisant13. Pour l’OCDE, une

reconsidération du rôle octroyé à cette autorité s’avère fondamentale. L’organisation «remet

en cause la nécessité d’une instance de réglementation indépendante. En effet, si les

plafonds sont fixés trop bas, l’investissement privé peut s’en ressentir14».

Aujourd’hui, le ministère du Transport maritime envisage le démantèlement de la TAMP15,

car, dès lors que les Major Ports jouiront d’une liberté tarifaire, leur compétitivité pourrait s’accroitre en proposant des avantages susceptibles d’intéresser les investisseurs privés. Aussi longtemps que les Major Ports seront soumis à la régulation et que les Minor Ports seront libres de déterminer leur tarif, une importante dichotomie subsistera dans le secteur portuaire indien.

                                                                                                                         

13 I- Maritime, 2003, India Port Report, Ten years of reforms and challenges ahead, Prepared by Research & Consulting

Division, p.88, Navi Mumbai, 241 pages.

14 OCDE, 2007, Études économiques de l’OCDE-INDE 2007, p.237, Vol.2007/14, Octobre 2007, Paris, éd. de l’OCDE, 273 p. 15 Ministry of Shipping, 2011, Report of working group for port sector for the twelfth five year plan (2012-2017), Government of

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Les Major Ports ont abordé la modernisation et le développement de leurs activités en impliquant le secteur privé le plus souvent dans la construction d’installations pour de nouveaux terminaux, ainsi que dans les opérations de ce secteur d’activité. Le processus de réforme portuaire dans le secteur public des Major Ports a également été témoin de l’émergence d’un port au modèle unique en Inde, le port d’Ennore, mis au banc d’essai en tant que modèle de port corporatisé.

Le port artificiel d’Ennore Port Ltd., localisé à environ 24 km au nord du port de Chennai, est le douzième Major Port indien mis en service en février 2001, indépendamment du Major

Port Truct Act, 1963, mais sous la juridiction de l’Indian Ports Act, 1908. Il a été initialement

conçu comme port satellite de Chennai, en vue de traiter le trafic du charbon et du minerai

de fer pour répondre aux besoins du Tamil Nadu Electricity Board16. Il a été créé suivant les

principes d’une entreprise, conformément à la loi de 1956 Companies Act, 1956, et contrairement aux autres Major Ports, en tant qu’entreprise entièrement publique. Enfin, il n’est pas assujetti à la TAMP qui, en tant qu’instance régulatrice des tarifs, ne peut exercer son droit ni sur les tarifications du port ni sur aucun de ses terminaux alloués à un investisseur privé. Les tarifs pour les services offerts par le port sont négociés entre Ennore

Port Ltd. et les fournisseurs de ses services.

III

L

ES PORTS INDIENS FACE AUX DEFIS DE LA MONDIALISATION

1- La corporatisation : le port appréhendé comme une entreprise publique

Ennore Port Ltd. est le premier Major Port, et l’unique à ce jour, à avoir été corporatisé.

Avec ce nouveau port, le gouvernement central a souhaité expérimenter une nouvelle forme de gouvernance. Ce dernier appréhende la corporatisation comme la solution au problème de restriction d’autonomie de l’administration portuaire dont pâtissent les Major Ports.

Ce port est doté des dispositifs modernes en infrastructures, indispensables pour susciter l’intérêt des investisseurs privés. En 2012-13, son trafic s’élevait à 18 Mt, composé à 83% du trafic du charbon17, et il est l’unique Major Port dépourvu du trafic conteneurs (Fig.4).

Ennore Port Ltd. est géré comme une PSU (Public Sector Undertaking), c’est-à-dire

comme une entreprise du secteur public. En 1997, le gouvernement indien a identifié un certain nombre d’entreprises publiques aux avantages comparatifs, et leur a octroyé une plus grande autonomie servant de tremplin pour répondre à la compétition et rejoindre les géants du marché global. Ces PSU sont divisées en trois catégories : les Maharatna, les

Navratna et les Miniratna, celles-ci formées de deux sous-catégories (Miniratna-I et Miniratna-II).

En 1997, le gouvernement indien a délivré le titre de Navratna aux neuf entreprises du secteur public les plus performantes. Au cours de l’année 2009, il a mis en place le statut de

Maharatna, qui sont au nombre de 7 et qui s’additionnent à 14 Navratna. Enfin, la troisième

catégorie, les Miniratna, se compose de 54 entreprises pour la catégorie I et de 18 pour la

catégorie II18. Les joint-ventures et les compagnies étrangères peuvent accéder à ce statut

selon un certain nombre de conditions (performance, bénéfices annuels, etc.). C’est ainsi qu’en 2002, Ennore Port Ltd., en tant qu’entreprise du secteur public du gouvernement indien sous le ministère du Transport maritime, s’est vu attribué le statut de Miniratna

Category-I.

L’obtention de ces divers statuts permet aux entreprises d’acquérir une relative liberté par rapport au joug bureaucratique (lenteur administrative, etc.) qui freine l’entrée des entreprises indiennes dans le jeu de la compétition globale. Le droit à une plus grande                                                                                                                          

16 Le Conseil de l’Électricité du Tamil Nadu est un organe statutaire formé en 1957, conformément à l’Electricity Supply Act,

1948 en tant que successeur de l'ancien Département de l'électricité du gouvernement de Madras.

17 Government of India, Ministry of Road, Transport and Highways, Transport Research Wing, “Update on Indian Port Sector

(30.09.2013)”, p.70, 73 p.

 

18 Department of Public Enterprises (Ministry of Heavy Industries & Public Enterprises)

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autonomie est reconnu comme un privilège accessible aux entreprises, dont les profits correspondent à certains barèmes établis par le gouvernement indien. La corporatisation correspond alors à l’étape qui précède la privatisation totale de l’entreprise.

Ennore Port Ltd. est considéré par le gouvernement central, comme un grand succès.

Pour cela, il projette de convertir au modèle de la corporatisation les Major Ports de Jawaharlal Nehru et de Kandla, situés sur la côte ouest, puis l’ensemble des Major Ports. Plusieurs entreprises du secteur privé, comme du secteur public, ont témoigné un vif intérêt à investir dans Ennore Port Ltd. En revanche, les acteurs internationaux peinent à se faire une place dans le secteur portuaire indien en général.

2- La timide présence des acteurs internationaux

L’arrivée d’acteurs internationaux tel que le groupe singapourien PSA International, présent dans les Major Ports de Chennai, Kandla, Kolkata et Tuticorin, et tel que le groupe danois AP Møller qui opère dans les ports de Mumbai et Pipavav, révèle l’inéluctabilité du processus de privatisation du secteur portuaire. En effet, ces acteurs ont le potentiel financier d’investir dans la construction de nouveaux terminaux, contrairement aux États seuls, ce qui les rend incontournables dans la stratégie du gouvernement indien qui cible l’ouverture et la modernisation de son secteur portuaire.

Á l’instar du phénomène que l’on observe à l’échelle globale, les opérateurs internationaux sont de moins en moins nombreux dans les ports indiens. Leur logique est calquée sur celle des entreprises, où l’acquisition d’un opérateur par un concurrent se normalise, comme en témoigne la performance de DP World avec P&O. La société britannique a été rachetée en mars 2006 par l’entreprise émiratie (filiale de Dubai World, fonds souverain de Dubaï) qui opère dans 60 terminaux (conteneurs et non-conteneurs) dans le monde, dont cinq en Inde (Chennai, Mundra, Visakhapatnam, Cochin et Jawaharlal Nehru).

Dans le port de Mundra, cet opérateur détient 100% des actions de Mundra International

Container Terminal Pvt. Ltd. (MICT). En novembre 2012, DP World a annoncé que Jawaharlal Nehru Port Trust venait de lui attribuer un contrat de concession B.O.T., d’une

durée de 17 ans, pour la construction et l’exploitation d’un nouveau terminal à conteneurs, à proximité de Nhava Sheva International Container Terminal (NSICT), qui devrait être opérationnel dès 2015 et doté d’une capacité annuelle de 800 000 EVP.

Les « trois types » d’opérateurs de terminaux à conteneurs (Rodrigue, 2011) sont présents dans les ports indiens. Tout d’abord, on compte le groupe des manutentionnaires classiques, tel que PSA, qui investit directement, selon une logique horizontale, dans les opérations des places portuaires où ils sont actifs. Par ailleurs, on dénombre les armements de lignes régulières, agissant selon une logique verticale, qui ont dédoublé leurs activités par le biais d’une filiale, en investissant dans les terminaux à conteneurs en tant qu’opérateur. La stratégie d’expansion de ces opérateurs, comme APM, est mise en place à travers des investissements directs et des sociétés mères. Enfin, une nouvelle classe vient compléter cette typologie. Il s’agit des holdings financiers, dont la gestion des actifs financiers dans le secteur portuaire est au cœur de leur activité. Ils investissent dans les terminaux à travers les acquisitions, les fusions et la réorganisation de leurs acquis.

Trois des plus importants opérateurs internationaux sont présents dans les places portuaires indiennes (Fig.7). Notons également que la participation de ces opérateurs internationaux concerne surtout les Major Ports. Seuls deux Minor Ports, Pipavav et Mundra, jouissent de la présence respective d’APM et DP World. Chacune des deux côtes possède des Major Ports investis par ces opérateurs de grande envergure : Kandla, Cochin et Jawaharlal Nehru à l’Ouest, et Tuticorin, Chennai, Kolkata et Visakhapatnam à l’Est. Les ports de Jawaharlal Nehru et Chennai rencontrent un vif succès et sont les seuls à compter deux de ces opérateurs (APM et DP World) dans leurs terminaux à conteneurs. Il en résulte une croissance de leur trafic en conteneurs, qui en font les premiers ports dans cette activité.

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Outre ces trois grands opérateurs internationaux de terminaux qui constituent des acteurs privés clés dans la stratégie du gouvernement indien de faire de ses ports des places portuaires internationales, il faut considérer les acteurs privés locaux (ex. Adani Entreprises

Ltd., Larsen & Toubro Ltd., Reliance Industries Ltd., etc.) présents dans la majorité des ports

indiens. Ils font partie des acteurs privés clés dans la gouvernance portuaire en Inde, au même titre que les grands opérateurs privés internationaux.

 

Opérateurs   Major  Ports   Minor  Ports  

APM

(filiale d’A.P.

Møller Maersk)

JNP (dans le terminal GTIPL19) (APM Terminals

Mumbai) Pipavav (APM Terminals Pipavav)

PSA

Tuticorin (Tuticorin Container Terminal) Chennai (Chennai International Terminals) Kolkata (PSA ABG Kolkata Container Terminal) Kandla (PSA ABG Kandla Container Terminal)

Aucun

DP World

Cochin (Vallarpadam Container Terminal) Chennai (DP World Chennai)

Visakhapatnam (Visakha Container Terminal) (VCTPL)

JNP (DP World Nhava Sheva)

+ un nouveau projet de terminal à conteneurs sous la forme d’un contrat B.O.T. attribué en octobre 2012

Mundra (Mundra International Container Terminal Pvt. Ltd.) Kulpi (en projet depuis

2006)

Fig.7 - Présence des opérateurs internationaux de terminaux à conteneurs dans les ports indiens 3- Soutenir la conteneurisation pour dynamiser le secteur portuaire

Afin de soutenir la croissance des échanges, le gouvernement central a concentré une large part des apports de capitaux privés dans le secteur portuaire. De plus, il s’efforce de mettre en place des réformes destinées à une rapide modernisation des équipements portuaires sur ses côtes, avec le dessein de répondre de manière effective aux défis de la mondialisation.

L’Agenda Maritime 2010-2020 (Maritime Agenda 2010-2020) définit les ambitions du gouvernement central pour le développement des Major Ports. Dans cet agenda, le ministère du Transport Maritime met l’accent sur le rôle avantageux de la participation du secteur privé dans le secteur portuaire indien, avec un investissement prévu de 100 milliard de dollars, et cela au cœur d’une économie planifiée.

Le 12è Plan quinquennal (2012-2017)20 vise à pallier les lacunes des plans précédents pour atteindre une croissance économique pérenne de 9% par an. En vue d’atteindre cet objectif, il s’appuie sur la stratégie d’une plus grande promotion du secteur privé, local et étranger, ainsi que sur la multiplication des partenariats public-privé, tout particulièrement dans le secteur des infrastructures, qui demeure le talon d’Achille de l’économie indienne, malgré tous les efforts du gouvernement indien de rattraper les retards, notamment dans le secteur portuaire. En effet, les ports indiens peinent à satisfaire aux besoins consécutifs à la hausse générale du trafic.

                                                                                                                         

19 GTIPL (Gateway Terminals India Private Limited) est un des trois terminaux à conteneurs de JNP. Il a été développé, en

juillet 2004 sur la base d’un contrat B.O.T. Maersk-CONCOR (Container Corporation of India). GTIPL est une joint-venture entre APM Terminals (76%) et CONCOR (24%). Le second est sous la gestion de DP World et le troisième sous celle de l’autorité portuaire Jawaharlal Nehru Port Trust.

20 Report of Working Group for Port Sector for the Twelfth Five Year Plan, Ministry of Shipping, Government of India, October

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La conteneurisation est un critère majeur dans la définition des pays maritimes émergents, tels que l’Inde, la Chine ou le Brésil. Elle est, en quelque sorte, la forme concrète de la globalisation dans les ports. La multiplication des accords commerciaux entre les pays admet une incidence directe sur l’expansion de la conteneurisation, « épine dorsale de la

mondialisation » (Frémont, Soppé, 2005:188), qui est devenue une activité cruciale pour la

vitalité des ports.

Le trafic général des conteneurs dans les ports indiens connait une croissance, inégale certes, avec un premier bilan encourageant dans l’Agenda Maritime 2010-2020, dont les projections pour les Major Ports sont de 19,58 M EVP pour 2016-2017, et de 22,39 M EVP

pour 2019-202021. Toutefois, la conduite du projet d’extension des infrastructures est freinée

par le retard de 318 projets d’une valeur de plusieurs milliards de dollars aggravé par le retrait d’investissements institutionnels qui ont conduit à un surcoût financiers.

En raison de problèmes de capacité, les ports indiens sont saturés. Dans le but de répondre à l’augmentation des échanges et pour la réception des porte-conteneurs les plus volumineux, le gouvernement indien envisage la création de Major Ports supplémentaires, dotés d’un tirant d’eau allant de 14 à 17 mètres, ainsi que le développement de deux hubs portuaires sur chaque côte.  

C

ONCLUSION

Grâce à ses ports, l’Inde est en contact avec les géants de la mondialisation que sont les grands opérateurs internationaux. De manière que les ports indiens rattrapent leur retard et soient intégrés aux principales routes maritimes mondiales, les acteurs présents dans ces ports s’efforcent de développer de nouvelles stratégies. En vue de promouvoir la privatisation dans son secteur portuaire, le gouvernement indien a multiplié les efforts, et a œuvré pour une large diffusion du modèle Landlord Port. Or, la complexité de gestion d’un système portuaire « bicéphale » a conduit à des résultats très inégaux.

L’analyse de la gouvernance bi-scalaire des ports en Inde met en exergue les difficultés et les contradictions des acteurs impliqués, devant les défis de la mondialisation. Le manque chronique d’investissements a poussé le gouvernement indien a proposé l’Agenda Maritime 2010-2020 qui préconise l’application des normes de l’entreprise privée à la gestion portuaire. En dépit des réformes en cours dans le secteur portuaire indien, de nombreux projets ont du retard et la participation des grands opérateurs internationaux est au ralenti.

Á l’échelle nationale, une forte pression est exercée sur les infrastructures en général, sur lesquelles le gouvernement central mise pour en faire les catalyseurs de la croissance économique et des échanges commerciaux. Toutefois, elles apparaissent davantage comme un « goulet d’étranglement » en raison de la vétusté et du sous-dimensionnement qu’elles affichent, et des surcoûts logistiques induits. De ce fait, il parait légitime de s’interroger sur les capacités des ports indiens. Ont-ils réellement les moyens de leurs ambitions ?  

Bibliographie

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Etienne G., 2006, L’heure des réformes économiques (1980-2005), L’Inde contemporaine, de 1950 à

nos jours, Jaffrelot C. (dir.), Paris, Fayard, 969 p. (pp. 132-170).

Frémont A. & Soppé M., 2005, La desserte de la Rangée nord-Europe par les armements de lignes régulières : concentration ou dispersion ? 1994-2002, Flux 1/ 2005 (n° 59), pp.22-32.

Jaffrelot C., 2008, L’Inde, puissance émergente jusqu’où ?, L’enjeu mondial-Les pays émergents, Paris, Sciences Po – Les Presses, 381 p.

                                                                                                                         

21 Maritime Agenda 2010-2020, Ministry of Shipping, Government of India, January 2011, p.78, 148 pages.

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Rodriguez S. & Sridhar A., 2010, Harbouring Trouble: The Social and Environmental Upshot of Port

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