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L'applicabilité "ratione temporis" du droit de l'occupation de guerre : le début et la fin de l'occupation

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L'applicabilité "ratione temporis" du droit de l'occupation de guerre : le début et la fin de l'occupation

KOLB, Robert, VITE, Sylvain

KOLB, Robert, VITE, Sylvain. L'applicabilité "ratione temporis" du droit de l'occupation de guerre : le début et la fin de l'occupation. In: Chetail, Vincent. Permanence et mutation du droit des conflits armés. Bruxelles : Bruylant, 2013. p. 97-148

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45024

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CHAPITRE 3

L'APPLICABILITÉ RATIONE TEMPORIS DU DROIT DE L'OCCUPATION DE GUERRE

LE DÉBUT ET LA FIN DE L'OCCUPATION

RoBERT KoLB* ET SYLVAIN VrTÉ**

La définition juridique de l'occupation repose essentiellement sur des critères de fait, à savoir le principe d'effectivité (1). Il y a occupation au sens du droit international lorsque, d'une part, une armée contrôle de manière effective un territoire étranger dans le cadre d'un conflit armé international et que, d'autre part, ce contrôle n'a pas été accepté par le souverain du territoire concerné.

La notion d'occupation dépend ainsi de l'interprétation que l'on donne à ces deux critères. Selon que l'on retienne une conception large ou étroite de la notion de contrôle effectif, ou encore selon le degré d'indépendance que l'on exige pour considérer qu'une partie a donné « librement » son consentement à la présence de troupes étrangères sur son territoire, l'application du régime de l'occupation à une situation donnée se fera plus ou mois tôt dans le déroulement de l'opération et durera plus ou moins longtemps.

Comment cerner plus précisément la portée de ces critères ? Quels événements précis marquent le début et la fin de l'occupation ? Telles sont les questions vers lesquelles il convient de se tourner dans cette contribution. Il s'agit de la question majeure qui à la fois conditionne l'application du droit de l'occupation et la rend conSidérablement complexe.

* Professeur de droit international public à la Faculté de droit de l'Université de Genève.

** Docteur en droit international de l'Université de Genève. TI est actuellement Conseiller juridique au C.I.C.R.. Les opinions exprimées dans cette contribution ne représentent cepen- dant pas forcément les positions de cette organisation.

(1) Voir déjà O. M. UHLER, Der va/Jwrrechtliche Schutz der Beui5lkerung eines besetzten Gebietes gegen Massna.hmen der Okkupationsm.a.cht, unter besonderer Berücksichtigung der Genfer Zivilkonvention uom. 12. August 1949, Zürich, Neue Zürcher Zeitung, 1951, pp. 74 et s.

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SECTION I. - LE DÉBUT DE L'OCCUPATION

En réponse à la question du début de l'occupation, deux concep- tions ont été proposées par la doctrine et certaines instances judi- ciaires.

§ 1. - Distinction entre invasion et établissement de l'autorité occupante

La conception la plus généralement partagée (2) implique que la seule présence des forces ennemies en territoire étranger n'est pas suffisante pour permettre de considérer qu'il y a « autorité » au sens où l'entend le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de 1907 (Règlement de La Haye). Il faut encore que ces forces aient le pouvoir de se conformer aux obliga- tions incombant à un occupant. Le Règlement stipule en effet que

« [!']occupation ne s'étend qu'aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s'exercer» (3). Selon cette conception, la phase au cours de laquelle une armée pénètre dans le territoire d'un autre État, c'est-à-dire la phase de l'invasion, ne relève pas du champ d'application du droit de l'occupation (4). L'occupation ne commence véritablement que lorsque l'intervention aboutit à un certain niveau d'organisation et de stabilité du pouvoir nouvel- lement établi. Dans l'affaire von List (1948), le tribunal militaire

(2) Not. A McNAIR et A WATTS, The LegalEffect ofWar, Cambridge, CUP, 1966, p. 367;

J. STONE, Legal Controls of International Conflicts. 2' éd., New York, Rinehart·, 1959, p. 694;

G. VoN GLAHN, The Occupation of Enemy Territory: A Commentary on the Law and Pra.ctice of Belligerent Occupa.tion, Minneapolis, University of :Minnesota Press, 1957, pp. 27 et s. ; G. SCHWARZENBERGER, « The Law of Belligerant Occupation: Basic Issues "• NJIL, vol. 30, 1960, pp. 18 et s. ; C. RoussEAU, Le droit des conflits armés, Paris, Pedone, 1983, p. 134 ; A RoBERTS, « Vilhat is a Military Occupation "• BYIL, vol. 55, 1984, p. 256 ; M.S. McDoUGAL et F.P. FELICIA-.'10, The International Law of War, Transnational Coercion and World Public Order, Dordrecht, Martin us Nijhoff, 1994, pp. 732 et s. ; F.-P. GASSER, « Belligerent Occupa- tion "• in The Handbook of Humanitarian Law in Armed Conflicts, D. FLECK (dir.), Oxford, OUP, 1995, p. 244 ; J. KUNZ, Kriegsrecht und Neutra.litéitsrecht, Vienne, J. Springer, 1935, p. 89. Voir déjà P. FlORE, fl diritto internazionale codificato, 2' éd., Turin, Unione Tipografico Ed., 1898, p. 4 76, qui, cependant, pense surtout à la phase où il y aurait encore des combats.

Voir aussi O.M. UHLER, Der uolkerrechtliche Schutz der Beui5lkerung eines besetzten Gebietes gegen Ma.ssnahmen der Okkupationsmacht, unter besonderer Berücksichtigung der Genfer Ziuilkonuention uom 12. August 1949, op. cit., p. 64, pour qui une application par analogie des dispositions de l'occupation est possible et peut se recommander.

(3) Art. 42.

(4) Voir not. G. VoN GLAHN, The Occupation of Enemy Territory: A Commentary on the Law and Practice of Belligerent Occupation, op. cit., p. 28; C. RoussEAU, Le droit des conflits armés, op. cit., p. 134; A. GERSON,« War, Conquered Territory, and Military Occupation in the Contemporary International Legal System"· Haru. Int'l L.J., vol. 18, n° 3, 1977, p. 528.

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ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 99 américain de Nuremberg a ainsi précisé ce qui suit : « The term invasion implies a military operation while an occupation indicates the exercise of governmental authority to the exclusion of the esta- blished government. This presupposes the destruction of organised resistance and the establishment of an administration to preserve law and order. To the extent tha.t the occupant's control is maintai- ned and that of the civil government eliminated, the area will be said to be occupied » (5).

Von Glahn considère lui aussi que : « while invasion represents mere penetration of hostile territory, occupation implies the exis- tence of a definite control over the area involved. In the former case, the invading forces have not yet solidified their control to the point that a. thoroughly ordered administration can be said to have been established » (6).

L'occupation est considérée ici comme« la période de transition entre l'invasion et la conclusion d'un accord sur la cessation des hostilités» (7).

Exprimée différemment, cette doctrine de l'occupation suppose que la substitution des pouvoirs dans un territoire donné soit ache- vée. Il y a « contrôle effectif » du nouvel arrivant lorsque, d'une part, le gouvernement déchu est incapable d'exercer publiquement son autorité et, d'autre part, la Puissance occupante .est à même de compenser cette absence en imposant sa propre domination (8).

Cela suppose une certaine stabilisation de ses pouvoirs, exigeant pour certains même l'établissement d'un gouvernement provisoire en territoire occupé (9). Cette approche est généralement celle que semble retenir la C.I.J. dans l'affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (2005). La Cour devait décider à titre préli-

(5) Tribunal militaire américain de Nuremberg, List and others (the Hostages case), in Law Reports of Trials of War Criminals, vol. VIII, 1949, pp. 55-56.

(6) G. VON GLAHN, The Occupation of Enemy Territory: A Com.m.entary on the Law and Practice of Belligerent Occupation, op. cit., p. 28.

(7) TPIY, Le Procureur c. Mladen Naletilié & Vinko Martinovié, jugement, Ch. l" inst ..

31 mars 2003, aff. IT-98-34-T, § 214 (ci-après: jugement Naletilic).

(8) Voir ministère de la Défense du Royaume-Uni, The Ma.nual of the Law of Armed Conflict, 2004, § 11.3 : « First, that the former govemm.ent has been rendered incapable of publicly exercising its authority in that a.rea; and, secondly, that the occupying power is in a.

position to substitute its own authority for that of the former government "· Pour une inter- prétation similaire, voir US Ma.nual, § 352lit. a. Voir aussi O. DEBBASCH, L'occupation mili- taire : Pouvoirs reconnus aux forces a.rm.ées hors de leur territoire national, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1962, pp. 322 et s. ; A. ROBERTS, « What is a Military Occupation>>, op. cit., pp. 249 et 300.

(9) Voir A. CoRS!, L'occupazione militaire in tempo di guerra e le relazioni di diritto pubblico e privato che ne deriva.no, 2' éd., Florence, G. Pellas, 1886, p. 26.

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minaire s'il y avait eu en l'espèce occupation militaire des forces ougandaises ayant pénétré profondément en territoire congolais.

Dans ce but, elle précisa que cela revenait à « s'assurer que les forces armées ougandaises présentes en République démocratique du Congo n'étaient pas seulement stationnées en tel ou tel endroit, mais qu'elles avaient également substitué leur propre autorité à celle du Gouvernement congolais » (10). Dans son appréciation, la Cour releva que le commandant des forces ougandaises en Répu- blique démocratique du Congo avait créé à l'époque une nouvelle province de « Kibali-Ituri » sur le territoire congolais et avait lui- même nommé le gouverneur de cette région. De plus, la Cour sou- ligna que le pouvoir de l'Ouganda avait été constaté par divers observateurs internationaux, notamment le Secrétaire général des Nations Unies. Dans son sixième rapport sur la Mission de l'Organisation Nations Unies en République démocratique du Congo (11), ce dernier indiqua que les Forces de défense populaire de l'Ouganda exerçaient un contrôle effectif sur Bunia, la capitale de la région (12). En se basant sur ces éléments, la Cour conclut que « l'Ouganda était une puissance occupante dans le district de l'Ituri à l'époque pertinente » (13).

Dans l'affaire Naletilié, sans suivre cette approche restrictive, la Chambre de première instance du TPIY propose une récapitu- lation de critères permettant d'évaluer le degré de pouvoir requis pour qu'il y ait occupation. Comme point de départ, la Chambre considère que le critère du « contrôle global » utilisé dans le do- maine de l'attribution des actes à un État n'est pas suffisant. Il faut un degré supplémentaire dans la maîtrise du territoire (14).

Selon cette jurisprudence, les critères suivants peuvent être rete- nus dans cette évaluation :

- « la puissance occupante doit être en mesure de substituer sa propre autorité à celle de la puissance occupée, désormais inca- pable de fonctionner publiquement ;

(10) C.I.J., Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt du 19 décembre 2005, Rec. C.I.J., 2005, § 173, (ci·après: Activités armées sur le territoire du Congo). Voir aussi la critique deR. KoLB, «Chronique de la juris- prudence de la Cour, 2005 », RSDIE, vol. 16, 2006, p. 190.

(11) Secrétaire général des Nations Unies, Sixième rapport sur la Mission de l'Orga- nisation des Nations Unies en République démocratique du Congo, ONU, Doc. S/2001/128, 12 février 2001.

(12) C.I.J., Activités armées sur le territoire du. Congo, op. cit., § 175.

(13) Ibid., § 178.

(14) TPIY, jugement Naletilié, op. cit., § 214.

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ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 101 - les forces ennemies se sont rendues, ont été vaincues ou se sont

retirées [ ... ] ;

- la puissance occupante dispose sur place de suffisamment de forces pour imposer son autorité, ou elle peut en envoyer dans un délai raisonnable ;

- une administration provisoire a été établie sur le territoire ; -la puissance occupante a donné des ordres à la population civile

et a p~ les faire exécuter» (15).

Cette liste ne doit cependant pas être comprise comme un énoncé de conditions cumulatives qu'il faudrait suivre à la lettre avant d'admettre qu'il y a occupation. La Chambre précise qu'il s'agit de critères auxquels on « peut » recourir en vue de clarifier la situa- tion de fait. Ils n'en constituent pas moins de repères utiles.

Cette position doctrinale se caractérise donc par une catégori- sation relativement étanche des régimes juridiques : ici la phase de l'invasion, là la phase de l'occupation (16). On passe sans tran- sition du droit des hostilités à celui de l'occupation, puisque les situations envisageables relèvent soit de l'un, soit de l'autre.

Diverses· critiques ont été mues contre cette conception. Cer- taines d'entre elles sont d'ordre pragmatique ; d'autres sont plus fondamentales.

Du point de vue pratique, cette approche risque de ne pas tenir compte des zones grises existant entre invasion et occupation.

La transition d'une étape à l'autre n'est pas nette en pratique.

La transformation d'une invasion en occupation est un processus progressif et la distinction entre les deux situations est souvent affaire de nuance. Cette conception de l'occupation ne saurait donc être retenue sans fair.e preuve d'une certaine souplesse. La sta- bilité caractéristique de l'occupation ne doit pas exclure que des opérations militaires puissent encore avoir lieu (17). Comme l'a rappelé le TPIY, «le statut du territoire occupé n'est pas remis en

(15) Ibid.,§ 217.

(16) Dans les mots de L. ÜPPENHEIM et H. LAUTERPACHT, « International Law >>, in Dis·

putes, War and Neutrality, L. ÜPPENHEIM (dir.), 7' éd., vol. 2, Londres, New York, Longmans Green, 1952, p. 434 : << [l]t is certain that mere invasion is not occupation. Invasion is the marching or riding of troops - or the flyîng of military aircraft - înto enemy territory. Occu- pation is invasion plus taking possession of enemy territory for the purpose of holding it, at a.ny rate temporarily ».

(17) M. GREENSPAN, The Modern Law of Land Warfare, Berkeley, University of Califor- nia Press, 1959, p. 219.

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cause par une résistance locale sporadique, même couronnée de succès» (18).

Le problème cardinal, toujours du point de vue pratique, est qu'une trop grande rigidité risque d'affaiblir la protection des populations civiles. Si la puissance intervenante n'est pas en me- sure, ou n'a pas la volonté, d'affirmer sa maîtrise sur le territoire concerné, ces populations pourraient se voir privées des garanties prévues par le droit de l'occupation, puisque le critère matériel d'application de ce régime juridique ne sera pas considéré comme réalisé. Que doit-il se passer, par exemple, si des civils sont arrêtés pour des raisons de sécurité, alors que des combats sont encore en cours? L'article 78 de la IV• Convention de Genève, interdisant le recours abusif à ce type de privation de liberté, ne sera pas utile en l'espèce, puisqu'il ne s'applique qu'en période d'occupation. Il fau- drait alors se référer aux règles d'application générale (19). Or, ces règles, contrairement à l'article 78, ne prévoient pas le droit des personnes concernées de contester la légalité de leur détention ni d'obtenir une révision de leur situation à intervalles réguliers (20).

Pour réduire ce risque d'affaiblissement, certains États, privilé- giant en principe une conception stricte de l'occupation, se sont engagés à respecter, autant que possible, les règles pertinentes même lorsque le degré de contrôle requis n'est pas atteint (21).

Dans ce cas, le droit de l'occupation n'est pas applicable de jure, mais il sert de source d'inspiration pour répondre aux besoins de la pratique. Ces États se donnent ainsi les moyens de surmon- ter les lacunes juridiques lorsque le droit de l'occupation dans son ensemble n'est pas encore applicable faute de contrôle territorial suffisant, mais que certaines questions relatives à l'administration de la région concernée doivent déjà être réso1ues. Cette approche n'est cependant pas pleinement satisfaisante, puisque le droit ap- plicable dépend alors de décisions prises de cas en cas sur la base de l'opportunité. L'application du droit perd de sa prévisibilité.

(18) TPIY, jugement Naletili.é, op. cit., § 217. Voir aussi US Manual, op. cit., §§ 356 et 360; UK Manual, op. cit., § 11.7.1.

(19) Convention IV, art. 27 à 34 ; Protocole I, art. 75.

(20) Sur ee point, voir K. D6RMANN, « To What Extent Dces International Humanitarian Law Provide for the Supervision of the Lawfulness of Detention », in Expert Meeting on the Supervision of the Lawfulness of Detention during Armed Conflict, 24-25 juillet 2005, Genève, University Centre for International Humanitarian Law, p. 12. Dans un chapitre traitant spécifiquement de cette question, nous verrons encore qu'un élément de réponse doit être cherché dans Je droit international des droits de l'homme : voir infra.

(21) US Manual, op. cit., § 352 (b).

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ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 103 Une critique plus fondamentale (mais similaire aux critiques pratiques) affirme que l'invasion n'est pas un terme d'art juri- dique, mais un simple fait, alors que l'occupation est un régime juridique en bonne et due forme, quoiqu'il soit fondé sur un fait.

Dès lors, l'invasion ne jouxte pas l'occupation, comme le feraient deux phases ou concepts juridiquement équivalents. L'invasion n'est que le fait sur la base duquel un État exercera (et sera tenu) d'exercer l'occupation, à la seule condition que l'armée étrangère contrôle effectivement une zone, fût-elle d'étendue miriimale (22).

Autrement dit, dès que l'armée ennemie contrôle de fait une zone du territoire adverse parce que la phase des combats actifs reflue, elle a un devoir juridique d'administrer le territoire comme occu- pant. Les forces étrangères ne peuvent pas arguer être simplement stationnées sur un territoire et n'avoir pas assumé les tâches de l'administration en se substituant au pouvoir légal. L'admissibi- lité d'un tel argument signifierait que l'armée ennemie présente de fait dans un territoire pourrait décider si elle entend Y occu- per ou non en installant ou non une administration stabilisée. Or, le souverain légal n'est par hypothèse plus en mesure d'exercer son autorité ; et l'armée envahissante s'abstiendrait, dans notre exemple, de toute administration. Le résultat serait qu'un terri- toire pourrait rester dans un vide juridique du point de vue des protections du droit de l'occupation. En réalité, l'invasion n'est que le fait juridique marquant le début de l'occupation, auquel s'ajoute la condition cardinale que la zone en cause soit de fait contrôlée par le belligérant adverse ; le devoir juridique d'exercer le pouvoir possédé de fait sur la zone en cause découle du droit de l'occupation applicable. L'invasion est un fait générateur, un fait condition, dès qu'un contrôle suffisamment assuré sur la zone est établi ; l'occupation est le régime juridique qui précise les droits et devoirs découlant de ce fait-condition. En définitive, tout revient à se poser la question à partir de quel moment le contrôle de l'ar- mée ennemie est suffisamment effectif au sens de l'article 42 du Règlement de 1907. Une distinction entre la phase de l'invasion et de l'occupation n'est pas juridiquement utile, sauf éventuellement comme élément descriptif, l'invasion connotant la phase des com- bats encore actifs, l'occupation la phase du pouvoir stabilisé.

Ces risques pratiques, incertitudes conceptuelles et problèmes constructifs ont amené certains observateurs à adopter une concep-

(22) A. MIGLJ.!IZZA, L'occupazione bellica, Milano, Giuffrè, 1949, p. 29.

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tion plus souple du champ d'application du droit de l'occupation.

Ils ont proposé une conception différente du début de l'occupation.

Celle-ci est notablement plus large et donc plus protectrice.

§ 2. - Début fonctionnel de l'occupation: dès les premiers contacts entre les troupes étrangères et la popLûation locale Cette deuxième conception a été développée par le C.I. C.R. dans son Commentaire relatif à la IV• Convention de Genève de 1949, plus particulièrement à propo,s du paragraphe 1 de l'article 6, qui prévoit que la Convention« s'appliquera dès le début de tout conflit ou occupation [ ... ] » (23). Selon les auteurs de cet ouvrage, cette disposition s'inscrit dans

r

esprit général de la Convention ten- dant d'abord au pragmatisme plutôt qu'à, la rigueur juridique, et ensuite à la maximisation de la protection accordée aux individus plutôt qu'à tout autre but. Ils ajoutent que si les rédacteurs du texte de 1949 ont insisté sur le« début» de l'occupation, c'est pour signifier que les normes pertinentes doivent s'appliquer dès que les premiers éléments constitutifs de l'occupation se produisent, c'est-à-dire « dès que les troupes [sont] en territoire étranger et en contact avec la population civile » (24). Il n'est pas nécessaire que ces troupes exercent une autorité stable sur le territoire en question. Dès que des civils se trouvent aux mains d'une puis- sance adverse, ils doivent bénéficier de la protection accordée par la Convention, quelles que soient l'intensité et la durée du pouvoir étranger leur étant imposé (25).

Cette doctrine propose une orientation nouvelle dans la com- préhension de l'occupation. Elle opère un glissement sémantique dans l'un des deux critères fondamentaux définissant ce concept en réinterprétant la notion de « contrôle effectif». Tandis que le Règlement de La Haye de 1907 suppose que ce contrôle s'exerce sur le territoire de la partie adverse (26), la Convention de Genève, conformément à son optique humanitaire générale, se focalise sur l'individu. Elle protège « les personnes qui, à un moment quel- conque et de quelque manière que ce soit, se trouvent[ ... ] au pou-

(23) Nous soulignons.

(24) A propos de l'art. 6, § 1, voir J. PICTET (dir.), La Convention de Genève (l"V) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre: commentaire, Genève, C.I.C.R., 1956, p. 66 (ci-après: Commentaire IV).

(25) Voir aussi en ce sens K. DORMAl'\N et L. COLASSIS, « International Humanitarian Law in the Iraq Conflict », GYIL, vol. 47, 2004, p. 301.

(26) Art. 42.

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ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 105 voir[ ... ] d'une puissance occupante dont elles ne sont pas ressor- tissantes » (27). Dans le premier cas, la notion de contrôle effectif est donc définie dans sa dimension spatiale, alors que dans le deu- xième sa portée personnelle est mise en avant. En d'autres termes, dans l'approche fonctionnelle du C.I.C.R. prévaut la relation de pouvoir entre une puissance et une personne protégée, plutôt que la situation territoriale dans laquelle cette relation se développe.

Dès qu'une puissance agit de fait en tant qu'occupant vis-à-vis d'un individu adverse dans un cas donné, le droit de l'occupation doit être applicable, même si les conditions déduites de l'article 42 ne sont pas entièrement satisfaites en l'occurrence (28). Le Comité considère donc que« l'application de la IV• Convention de Genève est indépendante de l'existence d'un état d'occupation au sens de [l'article 42 du Règlement de La Haye] » (29). La Convention couvre potentiellement plus de situations que le Règlement de La Haye, puisque son seuil d'application est beaucoup plus bas. Le nouveau texte de 1949 se dissocie des critères déduits du droit en vigueur jusqu'alors pour délimiter le champ d'application de l'occupation. Paradoxalement, l'applicabilité ratione materiae du droit de l'occupation déborde depuis lors du cadre conceptuel que constitue la définition de l'occupation.

Dans une approche similaire, après avoir cité le Commentaire de Pictet, la Chambre de première instance du TPIY suggère en l'affaire Naletilié (2003) de tracer une ligne de partage entre les dispositions s'appliquant aux individus et les autres règles, notam- ment celles ayant trait aux destructions de biens (30). Se référant à la doctrine du C.I.C.R., la Chambre reconnaît que les premières

(27) Art. 4, § 1, nous soulignons.

(28) Voir H. McCOl.JBREY et N.D. WHITE, International Law and Armed Conflict, Alders- hot, Brookfield, Dartmouth, 1992, p. 282 : « [a] power which is in occupation or acting as an occupier will be bound by the relevant legal provision''·

(29) .J. PICTET, Commentaire IV, op. cit., p. 67.

(30) TPJY, jugement Naletilic, op. cit., §§ 219-223. Au § 221, on lit ce qui suit : « La Chambre reconnaît que l'application du régime de J'occupation à des individus, c'est-à-dire à des civils protégés par la IVe Convention de Genève, n'exige donc pas que la puissance occu- pante exerce une autorité effective. S'agissant des droits de ces individus, l'état d'occupation existe dès lors qu'ils se trouvent "au pouvoir de la puissance occupante". Si tel n'était pas le cas, les civils bénéficieraient provisoirement d'une protection moindre que celle à laquelle ils auraient droit une fois établie l'occupation». Quant à la distinction entre les types de droits, on lit, au§ 222: <<En l'espèce, la Chambre estime que le transfert forcé (chef 18) et le travail illégal (chef 5) de civils étaient interdits dès lors que ceux-ci se trouvaient au pouvoir de la puissance ennemie, quel que soit le stade des hostilités. Il est donc inutile d'établir l'existence, sur les lieux et à l'époque des faits, d'un état d'occupation effectif tel que défini par l'article 42 du Règlement de La Haye. En revanche, cet état d'occupation est bel et bien nécessaire dès lors qu'il est question de destructions de biens (chef 19) ».

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doivent s'appliquer dès que les personnes protégées se trouvent au pouvoir de la Puissance ennemie, quel que soit son degré de contrôle dans la région. Tel est le cas, par exemple, de la réglemen- tation en matière de transfert forcé (31) ou de travail illégal (32).

Pour les autres règles, en revanche, la Chambre considère qu'un

« état d'occupation est bel et bien nécessaire» et que« le critère de l'autorité effective » doit être pleinement retenu (33). Selon cette approche, ce sont les exigences respectives des diverses normes du droit de l'occupation qui en dictent les conditions d'application.

Certaines règles concernant les individus supposent qu'un contrôle effectif soit établi pour qu'elles puissent être pleinement exigibles.

Il est difficile, par exemple, de demander à la puissance étrangère, pendant la phase d'invasion, qu'elle assure le bon fonctionnement des établissements consacrés à l'éducation des enfants (34). De même, les dispositions relatives à la réglementation du travail ne se réalisent parfaitement que lorsque cette puissance maîtrise suf- fisamment le territoire pour être en mesure de procéder à l'enrô- lement de personnes protégées (35). En d'autres termes, il faut s'orienter au degré de contrôle nécessaire pour mettre en œuvre finjonction normative de chacune d'entre elles. Il s'agit tantôt du contrôle de la personne ou du bien protégés, tant de celui du terri- toire dans son ensemble. De manière similaire, toutes les normes figurant dans la Convention ne sont pas forcément pertinentes au début de l'intervention. Certaines d'entre elles présupposent un certain degré de stabilisation et d'organisation. Il en va ainsi de l'article 52, qui traite de la protection des travailleurs, ou de l'article 61, qui réglemente la distribution des secours. D'autres, en revanche, notamment celles définissant le traitement des per- sonnes protégées, sont d'application immédiate (36). Selon les pro- grès de la situation sur le terrain, la Convention pourra déployer ou non toutes ses potentialités. L'interprétation proposée par le C.I.C.R. ne fait donc pas de distinction entre la phase de l'inva-

(31) Convention IV, art. 49. Voir sur ce point, TPIY, jugement Naletilié, op. cit., §§ 512 et s., en partie. § 517.

(32) Convention IV, art. 51-52.

(33) TPIY, jugement Naletili6, op. cit., § 222.

(34) Convention IV, art. 50, § L

(35) C'est ce que semble d'ailleurs admettre la Chambre de première instance, malgré sa position de principe initiale, lorsqu'elle se penche plus particulièrement sur cette question dans la suite de son jugement. Elle déclare en effet qu'il << ressort clairement du libellé de [l'art. 51] que son application se limite 1) aux personnes protégées, 2) se trouvant sur des territoires occupés» (nous soulignons), TPIY, jugement Naletilié, op. cit., § 251.

(36) J. PICTET, Commentaire IV, op. cit., pp. 67-68.

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ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 107 sion, caractérisée par une forte instabilité, et celle de la maîtrise du pouvoir (37). Dans les deux situations, le droit de l'occupation est applicable, seule la pertinence de chaque norme varie d'un cas à l'autre (38).

L'approche extensive proposée par le C.I.C.R. a pour conséquence que la Convention doit être appliquée de manière progressive et modulable, en fonction des contacts qui se nouent et se dénouent entre la population civile et les forces ennemies, c'est-à-dire « au fur et à mesure que [les personnes protégées] se trouvent au pou- voir de la puissance occupante » (39). Dans la mesure où certaines dispositions de la Convention peuvent s'appliquer dès les premiers moments de l'invasion, le droit devient tributaire de la fluidité des rapports de force sur le terrain et de la forte instabilité caracté- risant en principe cette première phase. Le principe d'effectivité,

« modulable » dans ce contexte, constituera une espèce de fil rouge à travers l'applicabilité des normes pertinentes.

Enfin, cette interprétation consacre un chevauchement temporel des droits de l'occupation et de la conduite des hostilités. Cha- cune de ces disciplines peut trouver application en cas d'invasion.

Il n'est donc pas impératif de qualifier la situation pour la faire entrer dans l'une ou l'autre de ces catégories. Ce sont plutôt les circonstances particulières de chaque cas qui susciteront le recours à une règle relevant tantôt du régime de l'occupation, tantôt de celui de la conduite des hostilités.

Dans une version un peu moins englobante de cette théorie, D. Thürer et M. McLaren considèrent que l'armée d'invasion doit exercer « sbme level of authority over enemy territory » pour qu'il y ait formellement occupation (40). Ils exigent donc un degré de contrôle plus élevé que ce que suggère Pictet, puisqu'ils estiment qu'urie« temporary occupation by a raiding party» n'atteint pas le seuil à partir duquel s'applique le régime que nous étudions (41).

(37) Ibid., p. 67.

(38) D. Thürer et M. McLaren expriment cette idée de manière légèrement différente en suggerant que l'on impose des exigences normatives moins élevées lorsque les forces d'inva- sion exercent un certain degré d'autorité. La responsabilité serait en revanche entière dès que l'autorité serait complète. D. THûRER et M. McLAREN," lus Post Bellum. in Iraq: A Challenge to the Applicability and Relevance oflnternational Humanitarian Law?», in Weltinnenrecht, Liber Amicorum Jost Delbrück, Berlin, Duncker and Humblot, 2005, p. 758.

(39) J. PICTET, Commentaire IV, op. cit., p. 67.

(40) D. THüRER et M. McLAREN,<< lus Post Bellum in Iraq: A Challenge to the Applica- bility and Relevance of International Humanitarian Law? >>, op. cit., p. 757.

(41) Ibid.

(13)

En revanche, ces deux auteurs se distancient de la conception tra- ditionnelle de l'occupation. Ils estiment que celle-ci est trop res- trictive lorsqu'elle exige que la puissance étrangère soit en mesure d'assumer toutes les responsabilités découlant du droit de l'occu- pation. Cette conception risque en effet d'aboutir à un vide juri- dique dans le cas où aucun des belligérants ne parvient à imposer une autorité suffisante, l'un pour avoir perdu ses capacités de gou- vernement, l'autre pour ne pas être encore capable d'imposer les siennes. Les auteurs proposent ainsi que l'applicabilité du droit de l'occupation soit fondée, non pas sur la maîtrise achevée du terri- toire, mais sur« the invading force's manifest military supremacy and [ ... ] its underlying moral obligation to provide for the victims of its campaign » ( 42).

C'est dans ce sens conciliateur que s'est orienté aussi le tribunal arbitral chargé de trancher les réclamations entre l'Érythrée et l'Éthiopie. Dans l'affaire du Central Front, Eritrea's Claims 2, 4, 6, 7, 8, 22 (2004) (43), la Commission des réclamations a estimé que le début de l'occupation suppose un minimum de stabilisation de la situation sur le terrain. Dans une zone où les combats font encore rage et où les forces militaires étrangères n'ont par conséquent pas encore réussi à établir leur autorité, il ne sera normalement pas assumé qu'il y ait occupation. Cependant, dès que les com- bats cessent dans une zone contrôlée même seulement pendant quelques jours par une armée adverse, les règles de l'occupation de guerre doivent s'appliquer.

On notera tout d'abord que la solution de la Commission se veut nuancée. Primo, elle n'exige pas un contrôle définitif de la zone, ni à plus forte raison l'établissement d'une administration par les forces étrangères, avant d'admettre l'occupation. Par cette sou- plesse ou largeur de vues, elle s'oriente dans le sens d'une extension des protections en faveur de la population civile du territoire en butte au conflit. Secundo, la Commission affirme qu'un territoire dans lequel se déroulent encore des combats n'est« normalement»

pas considéré occupé. Par cet adjectif elle ouvre la porte à des argu- mentations a contrario pour des cas spéciaux. De tels cas peuvent exister notamment si des besoins de protection éminents existent, du fait, par exemple, de contacts particulièrement intenses et fré-

(42) Ibid, p. 758.

(43) Voir le site de la Cour permanente cf arbitrage, sentence du 28 avril 2004, § 57, disponible sur www .pca-cpa.org.

(14)

ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 109 quents entre l'armée d'invasion et des civils adverses se trouvant dans des zones de combat. La Commission ménage ici la possibilité d'une exception équitable et résiste à la tentation de figer le droit.

Que penser de cette manière d'interpréter le début de l'occu- pation ? La solution est à la fois en ligne avec la doctrine la plus traditionnelle et essentiellement modérée. Il est incontestable que la doctrine et la pratique n'admettent guère l'occupation, en tant que statut formel, tant que durent les combats. Toutefois, la solu- tion retenue présente deux défauts majeurs. D'abord, elle créé une dose d'incertitude du droit. La Commission affirme que« quelques jours » (a few days) de contrôle sans combats suffisant à établir l'occupation. D'où tire-t-elle le critère des « quelques jours» ? Les textes applicables n'en parlent pas et le droit coutumier n'en porte pas trace. Combien de jours exige-t-elle : deux, trois, quatre, cinq?

Pourquoi les civils adverses ne seraient-ils pas protégés par le droit de l'occupation contre l'armée hostile dès le premier jour de domination de celle-ci sans résistance adverse ? Cela nous conduit au deuxième défaut. La solution proposée crée une brèche dans la protection. Lors de la phase de combats, et même dans les tout premiers jours de la présence ennemie sans qu'il y ait résistance armée, les civils du territoire en cause ne jouiront pas de la pro- tection du droit international humanitaire de l'occupation (44).

Cette lacune est contraire au système et à l'esprit des èonven- tions de Genève, en particulier de la Convention N. Il vaut donc mieux retenir la solution proposée par le C.I.C.R. L'application du droit de l'occupation après 1949 n'est plus liée uniquement à un contrôle territorial. Ce dernier n'est que la modalité ordinaire de déclencher l'application des règles du droit de l'occupation, mais elle n'est plus la seule (45). Les règles sur l'occupation contenues dans la Convention IV sont applicables fonctionnellement dès qu'il y a conflit armé et même occupation sans résistance (art. 2). Cela signifie que chaque fois qu'un civil se trouve « au pouvoir » de la partie au conflit par le fait qu'il est réduit à sa merci, même dans la phase de combats, les protections de la Convention IV s'appliquent. Certaines seront sous réserve du droit des hostilités, d'autres de fait inapplicables à défaut de situation stabilisée. Mais il n'y a aucune raison de nier en bloc l'applicabilité d'un régime protecteur là où il comblerait une lacune laissée autrement béante.

(44) Seul le Tit. II (art. 13 et s.) de la Convention IV sera applicable.

(45) TPIY, jugement Naletilié, op. cit., §§ 219 et s.

(15)

C'est dire que des considérations ratione personae (art. 4 de la Convention IV) l'emportent en importance sur les considérations ratione materiae (art. 2 de la Convention IV).

En proposant diverses conceptions de la notion de contrôle effec- tif, ces diverses sources doctrinales renvoient à des réalités fon- damentalement différentes. Selon la position retenue, le champ d'application ratione temporis du droit de l'occupation s'en trouve radicalement changé.

Dans une certaine mesure, ces différentes approches peuvent toutefois être conciliées si l'on distingue deux hypothèses :

1. Lorsque l'autorité étrangère est clairement établie, même si certains affrontements armés ont encore lieu, il y a for- mellement occupation, et le régime dans son ensemble est pleinement applicable ;

2. Lorsqu'aucune autorité ne parvient encore à s'imposer, le régime de l'occupation ne trouve pas formellement applica- tion, mais la puissance d'invasion peut être liée par certaines règles relevant de ce régime, lorsque, dans une situation concrète, elle se trouve dans une relation d'occupant vis-à- vis d'un ou de plusieurs membres de la population locale.

C'est dans cette optique que la proposition du C.I.C.R. doit être comprise. Elle ne remet pas en cause la définition de l'occupation, mais vise uniquement à étendre à des fins protectrices l'application du régime en question au-delà des limites inhérentes à cette défi- nition. C'est la raison pour laquelle cette conception mér1te d'être retenue. Du point de vue théorique, elle est pleinement en ligne avec l'approche fonctionnelle basée sur le principe d'effectivité et de protection (ainsi que le rejet du formalisme) qui domine le droit international humanitaire depuis les Conventions de Genève de 1949. C'est peut-être le domaine dans lequel l'action discrètement subversive de ces Conventions a porté le plus de fruits.

SECTION II. - LA FIN DE L'OCCUPATION

Conformément à l'économie générale du régime juridique que nous étudions, la fin de l'occupation, à l'instar de son début, de- vrait répondre uniquement à des critères de fait. Or, cela n'est vrai qu'en partie. La Ne Convention de Genève déroge au principe de l'effectivité lorsque les troupes de la Puissance occupante restent

(16)

ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ lll déployées au-delà d'une année après la fin des hostilités. Dans ce cas, hormis quelques dispositions explicitement désignées dans le paragraphe 3 de l'article 6, la Convention cesse d'être appli- cable (46). Ce système est toutefois remis en cause depuis l'adop- tion du Protocole additionnel I de 1977. Celui-ci revient au prin- cipe de l'effectivité en prévoyant la fin de son application, ainsi que celle de la Convention, uniquement lorsque l'occupation elle-même est de fait terminée. Ce faisant, il rétablit pleinement le principe d'effectivité comme fondement du régime de. l'occupation et res- taure le système prévu dans le Règlement de 1907. Du point de vue conventionnel, la portée du droit de l'occupation diffère donc selon que les parties concernées sont ou non liées par le Protocole additionnel Ide 1977 (47).

§ 1. - La portée du principe d'effectivité

De manière générale, la fin de l'occupation renvoie, en négatif, à ce qui en constitue le commencement. Elle se détermine par réfé- rence aux critères définissant son champ d'application (48). L'occu- pation cesse soit lorsque les troupes étrangères n'exercent plus un contrôle effectif du territoire concerné (retrait), soit lorsque leur présence est formellement acceptée par les autorités de l'État oc- cupé (consentement).

A Reprise des combats

Il peut d'abord arriver que la résurgence des combats soit si forte que les troupes d'occupation ne sont plus capables d'imposer leur domination, voire même qu'elles soient contraintes de se retirer du territoire. Dans un cas comme dans l'autre, les rapports de force s'en trouvent changés. La relative stabilité devant caractériser la maîtrise de l'occupant a disparu. On en revient alors à une logique d'affrontement armé. Dès ce moment, le régime spécifiquement

(46) Art. 6, § 3.

(47) Pour une discussion récente de cette problématique, voir D. ALoNzo-MAIZLICH,

<< When Does It End? Problems in the Law of Occupation>>, in International Huma.nitarian

Law and the 21st Century's 'Confligts: Changes and Challenges, R. ARNOLD et P.-A. HILDBRAND (dir.), Lausanne, Berne, Lugano. Editions interuniversitaires suisses-Edis. 2005, pp. 97-116.

Voir aussi R. KOLB, lus in bello. Le droit international des conflits armés, Bâle, Helbing &

Lichtenhahn, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 109-111.

(48) D. THÜRER et M. McLAREN. «Jus Post Bellwn in Iraq: A Challenge to the Applica- bility and Relevance of International Humanitarian Law?», op. cit., p. 773.

(17)

développé pour ce type de situations s'impose à nouveau (49). Le droit de l'occupation n'est plus applicable en tant que tel (50), même si, conformément à la doctrine proposée par le C.I.C.R., cer- taines de ses règles doivent être respectées lorsque les circons- tances s'y prêtent.

L'appréciation d'une situation sur le terrain n'est cependant pas nécessairement évidente ou facile. L'occupation n'exclut pas toute forme de résistance. La multiplication d'actes de violence, en deçà d'un certain niveau de déstabilisation, n'en affecte pas la continui- té (51). Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille s'en tenir à un seul régime juridique. La réalité n'est en effet pas aussi tranchée que peuvent l'être les catégories juridiques. De même que l'occupa- tion, au cours de sa première phase, partage plusieurs points com- muns avec l'invasion, de même elle ne se distingue pas toujours strictement, lorsqu'elle se termine, d'un retrait militaire (52). Plu- tôt que d'affiner à l'excès les définitions propres à chacune de ces étapes, il vaut sans doute mieux que le droit reflète les incertitudes de la réalité et reconnaisse que les domaines d'application des ré- gimes concernés se recoupent dans une certaine mesure. Ainsi, tout comme certaines règles du droit de l'occupation peuvent trou"

ver application même lorsque des hostilités ouvertes ont lieu, il peut arriver que celles qui ont trait aux méthodes et moyens de combat soient applicables dans un contexte globalement caracté- ristique de l'occupation.

Dans un autre cas de figure, le retrait des troupes ne résulte pas d'un renversement des rapports de force sur le terrain, mais d'un acte juridique unilatéral de l'État étranger ou d'un accord conclu entre les parties. Dans ce cas, l'occupant exprime librement sa volonté et met fin à l'occupation en restaurant l'État provisoire- ment mis à l'écart dans l'exercice de sa souveraineté. Ainsi, c'est en

(49) il s'agit essentiellement du droit relatif au déroulement des hostilités (Tit. III et IV du Protocole l), ainsi que des règles relatives aux blessés, malades et naufragés (Conven- tion I et II, Tit. II du Protocole I) et aux prisonniers de guerre (Convention III, et Tit. III du Protocole I).

(50) H.-P. GASSER, << Belligerent Occupation», op. cit., p. 244.

(51) M. ÜREENSPA..'i, The Modern Law of Land Wa;rfare, op. cit., p. 219 ; K. DORMANN et L. COLASSIS. << International Humanitarian Law in the Iraq Conflict >>, op. cit., p. 308 ; Ministère de la Défense du Royaume-Uni, The Manual of the Law of Armed Conflict, Oxford, OUP, 2004, § 11.7.1.

(52) Voir A. Roberts, qui estime que« the distinction between war and peace (and the parallel distinction between war zones and occupied territory) is not always as clear in practice as it is in theory >>,A. RoBERTS,<< The End of Occupation in Iraq (2004) », ICLQ, vol. 54, n• 1, janvier 2005, p. 34.

(18)

ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 113 application du traité de paix israélo-égyptien signé à Washington en 1979 que le gouvernement israélien décida de retirer son armée de la région du Sinaï.

B. Consentement à la présence étrangère

Mais l'occupation peut aussi prendre fin sans pour autant que les troupes étrangères quittent le pays. Dans ce cas, l'État occupé permet une nouvelle caractérisation de la situation en acquiesçant à la présence des troupes étrangères sur son territoire. Il n'y a plus occupation au sens du Règlement de 1907 et de la Convention de 1949, car la relation entre les parties est devenue pacifique et a cessé d'être hostile. Ce nouvel équilibre politique et juridique repose en principe sur un traité officialisant la fin de la guerre et autorisant les forces d'occupation à rester sur le territoire. Tel fut le cas de la partie occidentale de l'Allemagne en mai 1955.

Les Puissances concernées s'accordèrent pour mettre un terme à l'occupation de ce pays tout en prévoyant les conditions d'une pré- sence militaire de la France, de la Grande-Bretagne et des États- Unis pour l'avenir (53).

La conclusion d'un tel accord ne transforme cependant pas né- cessairement la réalité politique du terrain. Il est fréquent que le régime gouvernemental mis en place ne soit qu'une variante de l'occupation. Derrière le paravent de forme des échanges consen- suels se cache souvent un rapport de subordination des autorités locales à l'ancien occupant. Les puissances anciennement occu- pantes exercent leur pouvoir par l'intermédiaire d'un gouverne- ment« national» qu'elles dirigent à des degrés divers, allant de l'influence significative à la domination d'un fantoche. En dernière analyse, ce sont elles qui continuent à exercer un contrôle effectif du territoire (54).

Ce procédé fut notamment au cœur de la politique expansionniste du Japon en Asie orientale à partir du début des années 30 (55). La

(53) Voir B. RUHM VON OPPEN, Documents on Germany under Occupation, 1945-1954, Oxford, OUP, 1955, cité d'après A. ROBERTS,« The End of Occupation in Iraq (2004) >>,op. cit., note 4.

(54) O. Debbasch considère ainsi que ces<< gouvernements» sont en réalité des« organes de la puissance d'occupation>>, O. DEBBASCH, L'occupation militaire: Pouvoirs reconnus aux forces armées hors de leur territoire national, op. cit., p. 198. Voir UKManual, op. cit., § 11.3.1.

(55) Pour une analyse de cette politique sous l'angle de l'occupation, voirE. BENVENISTI, The International Law of Occupation, 2' éd .. Princeton N.J., Princeton University Press, 2004, pp. 60 et s.

(19)

création de l'État du Mandchoukouo en 1931 consista notamment en la mise en place d'un gouvernement fictif sous la supervision de « conseillers » japonais. Un accord bilatéral fut ensuite conclu entre les nouvelles autorités et la puissance alliée. En vertu de cet accord, cette dernière bénéficiait d'une vaste autorité sur l'admi- nistration du territoire. Malgré les nouvelles structures, l'occu- pation japonaise se prolongeait sous une nouvelle forme. C'est ce que confirma la Société des Nations en 1933. Elle recommanda à ses membres de ne pas reconnaître le Mandchoukouo (56). Par la suite, le Japon étendit ce mode de domination territoriale à plu- sieurs autres régions de cette partie du globe (57).

Dans d'autres cas, la réalité n'est toutefois pas aussi tranchée. Il est souvent difficile de déterminer à partir de quel moment un gou- vernement local peut être considéré comme « suffisamment indé- pendant» pour admettre qu'il n'y a plus d'occupation. Les rapports entre pouvoirs nationaux et forces étrangères varient en inten- sité selon les circonstances. Ils manifestent toujours une certaine

(56) Résolution de l'Assemblée de la Société des Nations du 24 février 1933. Cette Résolution endossa le Report of the Commission of Enqu.iry into the Sino-Ja.panese Dispute (Rapport de la Commission Lytton), de 1932, qui qualifia le Mandchoukouo de territoire occupé par le Japon (voirE. BENVENISTI, The International Law of Occupation, op. cit., p. 61).

Sur l'action de la Société des Nations, voir P. BARA.."<DON, Le système ju.ridiqu.e de la Société des Nations pour la prévention de la gu.erre, Paris, Pedone, 1933, pp. 267 et s. ; J. EsCARRA,

<<Le conflit sino-japonais et la Société des Nations», Conciliation internationale, Bull. n" 3-4, 1933, pp. 213 et s. ; A.R. TULLIÉ, La Mandchourie et le conflit sino-japonais devant la Société des Nations, Paris, Sirey, 1935 : H. WEHBERG, «L'interdiction du recours à la force», RCADI, vol. 78, 1951, pp. 35 et s. Ainsi, on put aussi rattacher la<< Doctrine Stimson »de non-recon- naissance de situations territoriales obtenues par la force à cette disposition du Pacte : voir Jou.rnal officiel de la Société des Nations, Su.ppl. spéc., 1932, n° 101, p. 8 ; G. DAHM, VOlker- recht, vol. II, Stuttgart, W. Kohlhammer, 1961, p. 339 ; C. EPIROTIS, La Société des Nations non cou.pable, Neuchâtel, La Baconnière, 1944, pp. 75 et s. ; J.L. BRIERLY, <<The Meaning and the Legal Effect of the Resolution of the League Assembly ofMarch 11, 1932 », BYIL, vol. 16, 1935, pp. 159 et s. ; L. CAVARÉ, «La reconnaissance de l'État et le Mandchoukouo», RGDIP, vol. 42, 1935, pp. 5 et s. ; P. CHAILLEY,« La création et la reconnaissance du Mandchoukouo», Rev. dr. intern., vol. 13, 1934-I, pp. 151 et s. ; H. HERTZ, «Le conflit sine-japonais devant la Société des Nations», RDILC, vol. 19, 1938, pp. 371 et s. ; C.Y. LING, La position et les droits du. Japon en Mandchourie, Paris, Pedone, 1933 ; A.D. McNAIR, « The Stimson Doctrine of Non-Recognition- A Note on its Legal Aspects», BYIL, vol. 14, 1933, pp. 65 et s. ; G. MoNG, La position ju.ridiqu.e du. Japon en Mandchourie, Paris, Pedone, 1933 ; W. W. WILLOUGHBY, The Sino-Japanese Controversy and the Leagu.e of Nations, Baltimore, J. Hopkins, 1935, pp. 516 et s. ; C.G. TH ORNE, The Limits of Foreign Policy: The West, the Leagu.e and the Far Eastern Crisis of 1931-1933, Londres, H. Hamilton, 1972. Pour une position apologétique du Japon, voir J. RAY,<< La position, l'œuvre et la politique du Japon en Mandchourie», Conci- liation internationale, Bull. n" 3-4, 1933, pp. 333 et s.

(57) Voir aussi les exemples des gouvernements pro-allemands établis pendant la Se- conde Guerre mondiale en Norvège, en Yougoslavie et en Grèce, in O. DEBBASCH, L'occupa, tian militaire : Pou.voirs reconnu.s au.x forces armées hors de leu.r territoire national, op. cit., pp. 195 et s.

(20)

ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 115 influence réciproque et un degré de concertation dans la prise de décisions. Par ailleurs, l'occupation ne se termine pas nécessaire- ment du jour au lendemain. Sa terminaison relève parfois d'un processus progressif (58). Même s'il est souhaitable d'affiner les critères permettant de mieux identifier la fin de l'occupation, une zone grise subsistera toujours en la matière. Malgré cela, deux indices principaux permettent de réduire ces incertitudes (59).

1. Conditions du consentement

Le premier a trait aux conditions du consentement donné à la présence des forces étrangères. Il faut d'abord que ce consentement soit exprimé par un organe habilité pour le faire et qu'il soit donné librement. En principe, les organes investis du pouvoir de conclure un traité sont déterminés par les règles constitutionnelles internes de l'État, en l'occurrence l'État occupé. Le droit international se montre très souple à cet égard et préfère opérer par renvoi au droit interne (60). La question est plus délicate lorsque le conflit armé aboutit à la destruction des structures gouvernementales et que l'occupation vise précisément à réorganiser le fonctionnement institutionnel de l'État vaincu. Pour qu'un consentement valide puisse être exprimé dans ce cas, il faut d'abord rétablir l'autorité locale compétente. Par conséquent, l'attention doit être focalisée sur l'étape précédant l'accord à propos de la présence étrangère.

C'est une étape caractérisée par une articulation du régime de l'occupation et de celui de l'autodétermination (61). La pratique contemporaine a montré que l'occupation peut prendre fin sous certaines conditions lorsque le contrôle du territoire est transféré à un gouvernement local représentatif de la majorité de la popu- lation, et ceci indépendamment de l'accord des autorités ayant été écartées (62). Cette évolution est liée à un certain enrichissement

(58) Voir A. Roberts, qui souligne les<< many gradations» qui peuvent caractériser un processus de désoccupation, A. RoBERTS. <<The End of Occupation in Iraq (2004) »,op. cit., p. 29.

(59) Dans. une optique un .,peu différente de celle que nous proposons, E. Benvenisti insiste sur deux éléments cruciaux à cet égard : la légalité du gouvernement et la validité de l'invitation, E. BENVENISTI, The International Law of Occupation, op. cit., p. 163.

(60) Voir Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, art. 7.

(61) K. DORMA.'iN et L. Co LASSIS,<< International Humanitarian Law in the Iraq Conflict >>, op. cit., p. 310.

(62) A. Rcberts répertorie ainsi cinq cas au cours des 40 dernières années, dans les- quels un processus d'autodétermination a été soutenu par la communauté internationale en vue de mettre fin à une occupation. Dans trois d'entre eux, la Namibie, le Cambodge et le Timor oriental, chacun de ces processus a effectivement abouti au retrait des troupes d'occupation. Dans les deux autres situations, celle de la Cisjordanie et de Gaza, d'une part,

(21)

de la notion de souveraineté, dont l'expression doit être cherchée moins dans des actes gouvernementaux que dans la volonté popu- laire (autodétermination). Dans ce cas, des mesures appropriées doivent être mises en œuvre pour garantir la légitimité populaire des nouvelles autorités. La supervision du processus par des obser- vateurs externes et indépendants est à cet égard indispensable. De plus, le consentement doit être donné librement. C'est un principe de droit international général qu'un accord affecté par un vice de consentement, notamment s'il est donné sous la menace de l'emploi de la force, reste sans effet juridique (63). Cela signifie aussi que le consentement peut être retiré en tout temps. En fin de compte, comme le rappelle E. Benvenisti, « [t]he ultimate test for the lega- lity of a regime installed by an occupant, is its approval in interna- tionally monitored general elections, carried out without delay».

2. Contenu de l'accord 1 modalités de mise en œuvre

Le deuxième indice concerne le contenu de l'accord et les moda- lités de sa mise en œuvre. Étant donné que la puissance étran- gère maintient sa présence dans le pays précédemment occupé, il convient de préciser les conditions permettant de considérer que son statut a véritablement changé et que le gouvernement local est désormais en mesure d'exercer son pouvoir avec un degré d'indé- pendance suffisant. En d'autres termes, il faut évaluer le degré d'autonomie du gouvernement local. À cet effet, il est nécessaire de tenir compte du fait que les situations en cause sont caracté- risées par un partage des pouvoirs, plutôt que par une autorité pleine et entière de l'un ou l'autre des acteurs engagés. Dès lors, on ne saurait exiger que le gouvernement local exerce un contrôle exclusif sur toutes les forces en présence pour pouvoir considérer qu'il n'y a plus d'occupation. Le« double contrôle» local et étranger nécessite de se poser la question en termes d'équilibre des forces en présence. Cette démarche suppose de distinguer divers niveaux de prise de décision. En matière d'ordre et sécurité publics, par exemple, les autorités locales seront considérées comme véritable- ment indépendantes si elles sont en mesure d'exercer le comman- dement stratégique et opérationnel des forces installées sur son territoire. En revanche, cette exigence d'autonomie ne s'oppose pas

et celle du Sahara occidental, d'autre part, la fin de l'occupation n'a pas (encore) été achevée.

A. ROBERTS,<< The End of Occupation in Iraq (2004) »,op. cit, p. 28. Voir aussi E. BENVENISTI, The International Law of Occupation, op. cit., p. 215.

(63) Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, art. 52.

(22)

ROBERT KOLB ET SYLVAIN VITÉ 117 à ce que l'armée étrangère bénéficie des pouvoirs indispensables pour faire exécuter les ordres, administrer ses contingents et en assurer la discipline.

§ 2. - Une exception au principe d'effectivité

Sur la question de la fin de l'occupation, la IV• Convention de Genève déroge à l'esprit général du droit international humani- taire en ne s'en tenant pas strictement au principe de l'effecti- vité. Elle prévoit en effet que son application dans les territoires concernés « cessera un an après la fin générale des opérations militaires » (64). Au-delà de cette période, la puissance occupante restera liée,« pour autant [qu'elle] exerce les fonctions de gouver- nement dans le territoire en question», par certaines dispositions expressément mentionnées. L'article 6, § 3, de la Convention de Genève propose un mode d'appréciation différent. Celui-ci repose d'une part sur une donnée temporelle, le délai d'un an, et d'autre part sur le concept de la« fin générale des opérations militaires».

La limite temporelle de Y applicabilité de la Convention ne va donc pas de pair avec la fin objective de l'occupation. Le régime éta- bli en 1949 doit cesser à l'expiration du délai, même si les forces étrangères ne se sont pas retirées et que l'opposition du souverain persiste. Le domaine d'application ratio ne tempo ris de ce régime est donc dissocié de la réalité matérielle qu'il est censé couvrir.

a) Cette dérogation au système général de l'occupation émer- gea lors des négociations préludant à l'adoption de la Convention.

Tandis que le projet initial s'inscrivait, sur ce point, dans la li- gnée du Règlement de 1907, plusieurs délégations de la Confé- rence diplomatique considérèrent que le droit applicable devait être modifié en cas d'occupation prolongée. On considéra qu'au- delà d'une année de présence sur le terrain, des adaptations du régime juridique applicable seraient nécessaires. Ces réflexions furent largement inspirées par les exemples de l'Allemagne et du Japon au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les déléga- tions considérèrent qu'il n'est pas souhaitable de maintenir sur le long terme le gel juridique et institutionnel qu'exige le droit de l'occupation. Elles estimèrent ainsi que nombre des dispositions concernées se révèleraient inutiles dans ce cas, soit parce que la plupart des fonctions gouvernementales seraient rétrocédées à la

(64) Art. 6, § 3.

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