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Renouveler l’enseignement grammatical. Un pas utile… qui en appelle quelques autres

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Renouveler l'enseignement grammatical. Un pas utile… qui en appelle quelques autres

BRONCKART, Jean-Paul

BRONCKART, Jean-Paul. Renouveler l'enseignement grammatical. Un pas utile… qui en appelle quelques autres. Le Français Aujourd'hui, 2017, no. 198, p. 113-120

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:109555

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POSTFACE

Renouveler l’enseignement grammatical. Un pas utile… qui en appelle quelques autres

Jean-Paul Bronckart

Armand Colin | « Le français aujourd'hui »

2017/3 N° 198 | pages 113 à 122 ISSN 0184-7732

ISBN 9782200931155

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2017-3-page-113.htm --- Pour citer cet article :

--- Jean-Paul Bronckart, « Postface. Renouveler l’enseignement grammatical. Un pas utile… qui en appelle quelques autres », Le français aujourd'hui 2017/3 (N° 198), p. 113-122.

DOI 10.3917/lfa.198.0113

---

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POSTFACE

RENOUVELER L’ENSEIGNEMENT GRAMMATICAL.

UN PAS UTILE... QUI EN APPELLE QUELQUES AUTRES

Jean-Paul BRONCKART

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation Université de Genève

Comme l’indiquait l’appel à communication qui l’a suscité, le présent numéro duFrançais aujourd’huiavait pour objectif d’identifier et d’analyser les apports des Nouveaux programmes publiés dans leBulletin officieldu 26 novembre 2015, s’agissant plus particulièrement du domaine de « l’étude de la langue », que l’on qualifie parfois aussi de « fonctionnement de la langue », voire simplement de « grammaire ». Les coordinateurs du volume relevaient dans ce texte les difficultés et les problèmes que posent aujourd’hui les modalités de l’enseignement en ce domaine, voire l’utilité/finalité même des apprentissages ayant trait au système de la langue, et rappelaient que quatre numéros duFrançais aujourd’huiavaient déjà traité de ces questions de 2007 à 2015.

De la tumultueuse histoire grammaticale

En réalité, la problématique des finalités et des modalités de l’enseignement grammatical n’a jamais cessé d’agiter le landerneau éducatif... depuis l’instauration de l’instruction publique, laïque et obligatoire dans le dernier quart du XIXesiècle ; et contrairement à certaines idées reçues, c’est en cette fin de XIXe qu’ont été publiées les attaques les plus virulentes contre un enseignement grammatical qui ferait obstacle à la créativité des apprenants et à leur accès au français vivant et authentique. Nous avions, dans un texte récent (Bronckart 2016), recensé les attaques de l’époque émanant de linguistes (Bréal 1872) ou de journalistes (Frary 1885) et nous nous bornerons à citer ici la plus représentative d’entre elles, émanant de l’écrivain et critique Anatole France :

Je tiens pour un malheur public qu’il y ait des grammaires françaises.

Apprendre dans un livre aux écoliers leur langue natale est quelque chose de monstrueux, quand on y pense. Étudier comme une langue morte la langue vivante : quel contresens ! Notre langue, c’est notre mère et notre nourrice, il faut boire à même. Les grammaires sont des biberons. Et Virgile a dit que les enfants nourris au biberon ne sont dignes ni de la table des dieux ni du lit des déesses. (France 1899 : 146-147).

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Le Français aujourd’hui n°198, «Nouveaux programmes et étude de la langue»

Comme on le sait, c’est avec des arguments de la même veine, plus prosaïquement formulés cependant, que Célestin Freinet avait remis en cause l’utilité d’un enseignement grammatical, dans le contexte des mouvements de pédagogies nouvelles du premier tiers du XXesiècle qui, prenant appui sur les acquis de la psychologie du développement (de Piaget à Vygotski et à Wallon), considéraient que les élèves pouvaient désormais s’ériger en auteurs de leurs apprentissages : « L’étude de la grammaire était peut-être une nécessité dans une période aujourd’hui dépassée. À mode nouveau de vie, techniques nouvelles d’acquisition et de milieu. La question peut se poser aujourd’hui : « Et si la grammaire était inutile ? » (Freinet 1951). Ces discours de rejet ont cependant toujours coexisté avec une autre lecture de la situation, ne contestant pas l’utilité même de l’enseignement grammatical, mais stigmatisant la teneur des manuels et autres moyens d’enseignement de la discipline, à l’instar de Ferdinand Brunot :

[...] ce que beaucoup se demandent, c’est si l’enseignement de la grammaire, tel qu’il est, mène au but que l’on se propose, et je crois qu’ils ont tout à fait raison de s’interroger et de douter, car [...] ce n’est pas qu’on enseigne trop peu la grammaire, c’est qu’on l’enseigne mal : abstractions incompréhensibles, définitions prétentieuses et néanmoins plus souvent vides, règles fausses, énumérations indigestes, il n’y a qu’à feuilleter quelques pages d’un manuel pour trouver des spécimens variés de ces fautes contre la raison, la vérité et la pédagogie. (Brunot 1908 : 3)

On peut considérer que les travaux réalisés à l’INRP dans les années 1960, et leur aboutissement dans lePlan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire(dit « Plan Rouchette » 1971), visaient d’une part à démontrer l’utilité d’un enseignement grammatical comme démarche d’appui à l’objectif majeur de développement des capacités communicatives, et d’autre part à créer et mettre en œuvre des méthodes actives de formation, faisant appel à la créativité et aux capacités de raisonnement des élèves. Ce Plan articulait plus précisément un pôle de « libération » fait d’activités visant à l’enrichissement des capacités d’expression orale et écrite, à un pôle de

« structuration » fait d’activités de réflexion guidée visant à la construction de connaissances relatives aux régularités d’organisation de la langue ; et, dans le cadre de ce second pôle, il s’agissait d’introduire d’abord une démarche de

« grammaire implicite » constituée d’activités de manipulations d’énoncés, puis de passer à une démarche explicite de découverte et de conceptualisation des notions et règles de base de la syntaxe du français.

S’il a été appliqué assez scrupuleusement en Suisse romande, comme en attestent les deux ouvrages de référence de la rénovation qui y a été conduite (Maitrise du français1979 ;Ouvrir la grammaire1994), le Plan Rouchette n’a par contre été que très partiellement mis en œuvre en France.

Les facteurs à l’origine de cette réticence sont nombreux et bien connus, et nous ne rappellerons ici que les trois principaux. Tout d’abord la crispation d’une partie des usagers de la langue et des responsables politiques sur la

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terminologie grammaticale d’avant, fondée sur des arguments fallacieux mais néanmoins particulièrement tenaces1. Cette crispation a fait en sorte qu’a finalement été adoptée une terminologie mixte, dans laquelle l’appareil notionnel nouveau ne se substituait pas à l’ancien mais s’y mélangeait dans la plus grande confusion (une analyse moderne des groupes et une analyse traditionnelle des fonctions, COI, COD et circonstanciels). Ensuite, un mode de fonctionnement politique qui fait en sorte qu’à chaque changement de majorité les textes d’orientation, les programmes et certains aspects des terminologies se modifient, de sorte que nombre d’enseignants ou de formateurs peuvent légitimement ne plus savoir « à quel saint se vouer ».

Enfin et surtout peut-être, le champ libre laissé aux maisons d’édition qui, parfois avec la caution de linguistes réputés, produisent des séries de manuels dont certaines (récentes) sont, sur le plan de la cohérence théorique, terminologique et méthodologique, proprement indignes et contribuent puissamment à accroitre la confusion.

Des mérites des programmes de 2015

Eu égard à la situation qui vient d’être évoquée, les programmes de 2015 constituent un pas en avant lucide et courageux, notamment en ce qu’ils s’inscrivent dans une conception de l’enseignement de la langue analogue –mais évidemment adaptée et modernisée–à celle que préconisait le Plan

Rouchette il y a bientôt un demi-siècle.

Les éléments positifs de ces textes ont été largement et clairement présentés dans ce numéro, en particulier dans la contribution de Guillaume Duez et Karine Risselin, qui met pertinemment en évidence le caractère fondamentalement didactique des réorientations qui y sont proposées : une conception intégrée de l’enseignement de la langue, au sein de laquelle l’étude de la langue prend « sa » place, qui est de construire des savoirs utiles, directement ou indirectement, au développement des capacités d’expression orale et écrite ; une conception du statut même de l’organisation de la langue, mettant en évidence ses zones de régularité plutôt que ses exceptions ; des méthodes formatives centrées sur l’apprentissage et visant à susciter, chez les élèves, l’émergence d’activités d’observation et le développement de procédures opératoires.

1. On ne peut que s’étonner de retrouver des traces de ces arguments erronés dans le présent numéro. Jean-Christophe Pellat soutient en effet qu’il est difficile de se passer des notions de COD et COI, parce que « ces deux fonctions aident à expliquer les variations de la forme des pronoms personnels objets (le, lui, ...) [et parce que] pour les langues à cas (latin, grec ancien, allemand, ...) l’explication de l’accusatif et du datif s’appuie sur ces deux fonctions. ».

Rappelons donc que la distinction entre « groupes nominaux compléments du verbe » et

« groupes prépositionnels compléments du verbe » permet de régler élégamment la question des variations de forme des pronoms, et rappelons aussi que l’apprentissage de langues à cas peut s’effectuer aussi bien, voire mieux, sans référence aux COI et COD, surtout dans une langue comme l’allemand où nombre de prépositions (ohne, gegen, durch, um, für, etc.) introduisent des « COI » pourtant marqués à l’accusatif.

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Le Français aujourd’hui n°198, «Nouveaux programmes et étude de la langue»

À ces principes généraux renouvelés s’ajoutent divers ajustements termino- logiques courageux, utiles et pertinents dans leur ensemble, mais qui posent néanmoins quelques problèmes sur lesquels nous reviendrons.

L’élément sans doute le plus révélateur et le plus encourageant des potentialités ouvertes par le Socle commun et par les nouveaux programmes réside dans l’appui, l’élan, voire la caution rétrospective que ces documents fournissent aux dispositifs d’enseignement innovants du type de ceux présentés dans ce numéro : i) les rusées démarches inspirées d’Antoine Culioli mises en place par Lionel Audion pour développer les postures métalinguistiques ; ii) la sollicitation, par Pierre Sève, des raisonnements d’enfants concernant les graphies, qui met en évidence la surprenante diversité des angles d’attaque que ceux-ci adoptent, y inclus les plus proprement sémiotiques ; iii) la méthodologie dissociée mise en œuvre par Patrice Gourdet et Pauline Laborde pour conduire les élèves à une réelle compréhension de la morphologie des verbes ; iv) le dispositif d’atelier combinant interaction, médiation et manipulation que Cécile Avezard-Roger et Isabelle Thomas ont mis en place sur la problématique orthographique de l’accord du verbe.

Nul ne s’étonnera cependant qu’en dépit des réelles avancées dont ce numéro rend compte, quelques problèmes subsistent, dont ceux sous- tendant les options terminologiques. Nous les aborderons en prenant appui sur l’affaire, oh combien révélatrice, de « l’entrée en scène » du prédicat.

Le cas du prédicat : erreur d’aiguillage et surprenante amnésie

Dans les nouveaux programmes de 2015 a donc été introduite la notion de « prédicat », qui y est souvent incluse dans le syntagme « prédicat de la phrase » et dont il est précisé dans le programme du cycle 3 qu’elle désigne « ce qu’on dit du sujet ». Cette introduction a, selon l’expression désormais consacrée, « fait le buzz » et suscité deux types de réaction que décrit Claudie Péret dans sa contribution à ce numéro : l’une ayant trait à la proximité de l’image vocale du terme avec celle du prédicateur religieux, l’autre concernant la nouveauté/étrangeté de ce terme qui émanerait d’une longue tradition logique, qui aurait été repris récemment par divers auteurs dont S.-G. Chartrand et D. Van Raemdonck, et qui est défini comme suit :

« pour tout locuteur, quelle que soit sa langue première, l’unité de discours se fait à partir d’une structure [sujet (ce dont je parle) / prédicat (ce que j’en dis)]. »

Le problème posé par la similitude sonore du terme avec celui deprédicateur ne nous retiendra guère, si ce n’est pour relever quand même la persistance, chez certains francophones souvent lettrés, d’un rapport quasi pathologique à la langue française qui pèse inévitablement sur les débats.

Mais se pose ici un problème bien plus important et significatif, qui est celui de la définition même du prédicat et de la manière dont cette notion

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est présentée et défendue, dans des divers documents sonores récents et dans plusieurs contributions à ce numéro. Claudie Péret déclare que ce terme est issu d’un courant philosophique allant d’Aristote à laLogique de Port-Royal, ce qui est exact au vu de la définition du terme proposée dans les nouveaux programmes. Mais les promoteurs de cette « nouvelle » notion omettent généralement de mentionner que cette acception logique ou fonctionnelle a été reformulée dans divers courants de linguistique moderne sous l’appellation aujourd’hui reçue dethème/rhèmeoutopic/focus, et ils ne signalent guère non plus que les grammaires structurales et génératives ont introduit une acception proprement syntaxique du terme (et plus largement de la relation sujet-prédicat). Ce qui est plus problématique encore, c’est que tout semble se passer comme si les linguistes et/ou didacticiens appelés à la rescousse (S.-G. Chartrand, J. Dubois ou D. Van Raemdonck) avaient une conception logique-fonctionnelle du prédicat, et ce qui est enfin

« renversant » pour le formateur en didactique de la grammaire que je fus pendant quatre décennies, ce sont les affirmations selon lesquelles le terme deprédicataurait été largement ignoré de la tradition grammaticale et didactique.

Quelques mises au point et quelques rappels s’avèrent donc indispensables.

Tout d’abord il est erroné d’attribuer à J. Dubois une définition du prédicat comme « ce qu’on dit du sujet » (ce que fait J.-C. Pellat, dans ce numéro), dès lors que, dans l’ouvrage de 1970 qui est mentionné, J. Dubois et F. Dubois-Charlier affirment exactement le contraire :

Ainsi la règle P > SN + SV représente le fait que SN précède SV ou que SV suit SN et que tous deux sont dominés par le symbole P. Dans cette règle, SN aura la fonction desujetet SV aura la fonction deprédicat. [...] Le sujet ne peut être confondu avec le thème, ni le prédicat avec « ce qu’on dit du thème », car on exclut alors les impératifs ou, d’une manière plus générale, les performatifs. (Dubois et Dubois-Charlier 1970 : 22-23)

Il est tout aussi erroné de laisser entendre que S.-G. Chartrand proposerait une conception logique-fonctionnelle du prédicat dansMieux enseigner la grammaire(2016) et que D. Van Raemdonck ferait de même dansLe Sens grammatical (2011). Bien au contraire, à la page 36 de l’ouvrage dirigé par S.-G. Chartrand, le prédicat est clairement défini comme « fonction syntaxique », et à la page 108 de l’ouvrage de D. Van Raemdonck, une distinction nette est faite entre le couple logique thème-rhème et le couple syntaxique sujet-prédicat.

Ensuite, même si cela ne concerne qu’une contrée aussi distante que la Suisse romande, il faut signaler que la notion de prédicat y est au programme, sans dommages particuliers, depuis les années 19702, qu’elle a une place

2. Plus précisément depuis la mise en place, dès 1974 à Genève, d’une formation de formateurs d’enseignants, assurée notamment par J. Dubois et le signataire, et largement inspirée de la grammaire générative.

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Le Français aujourd’hui n°198, «Nouveaux programmes et étude de la langue»

centrale dans les ouvragesMaitrise du françaisetOuvrir la Grammaire, ainsi que dans divers documents et articles présentant l’appareil terminologique élaboré par le signataire (cf. notamment J.-P. Bronckart 2001, 2014), dont un article rédigé avec G. Sznicer et publié en 1990 dans... Le français aujourd’hui:

Nous optons pour une décomposition de la phrase déclarative en deux groupes d’éléments, legroupe nominalet legroupe verbal. [...] En structure profonde, le groupe nominal qui précède le groupe verbal est constituant obligatoire de la phrase. On dit qu’il estsujet de la phrase. Le groupe verbal est aussi constituant obligatoire de la phrase. On dit qu’il estprédicat de la phrase. Le groupe verbal comprend un verbe qui entretient un rapport formel avec le groupe nominal sujet. (Maitrise du français1979 : 341).

Toute phrase P est une structure composée de deux constituants obligatoires, lesujetet leprédicat.Sur le plan syntaxique, le sujet régit le prédicat. [...]

À ces deux constituants de base peuvent s’ajouter un ou plusieurs autres constituants que l’on qualifie de compléments de phrase. Par définition, le complément de phrase est facultatif et il n’est pas sous la dépendance syntaxique du sujet. Sujet, prédicat et complément de phrase constituent les trois fonctions grammaticales majeures de la phrase. (Bronckart et Sznicer 1990 : 10)

Enfin on se doit d’ajouter encore que dans la grande tradition grammaticale belge incarnée par M. Grevisse, la notion de prédicat est également à l’honneur : dansLe Bon usageelle fait l’objet d’une « section » spécifique et elle y est traitée en tant que fonction syntaxique articulée à celle de sujet ; cette relation étant par ailleurs explicitement différenciée de l’opposition thème-propos (Grevisse et Goosse 1992 : 326-348).

Aller plus loin encore...

Au-delà des problèmes de centration géographique et culturelle que nous ne pouvions pas ne pas évoquer, l’épisode de l’introduction du prédicat nous parait révélatrice de la persistance d’une réelle difficulté à instaurer un enseignement grammatical cohérent, qui distinguerait clairement les aspects syntaxiques, fonctionnels et référentiels de l’organisation de la langue. Et à cet égard on ne peut que regretter que, alors que s’accomplissait enfin la courageuse démarche d’instauration des compléments de verbe et des compléments de phrase (assortie en principe de l’abandon des COD, COI et autres circonstanciels), les nouveaux programmes réintroduisent au niveau supra-ordonné des constituants de la phrase une relation qui, malgré ses origines présumées, n’a rien de « logique » ni même de « sémantique », mais relève en définitive d’un tautologique aphorisme (« ce qu’on dit de ce dont on parle... »).

La notion de prédicat est pourtant essentielle et indispensable à la com- préhension de l’organisation de la langue... mais pour autant qu’on la traite

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au plan proprement syntaxique et qu’on ne la mette que secondairement en rapport avec les valeurs fonctionnelles du type thème/rhème dont elle serait éventuellement porteuse.

Contrairement à ce que semble admettre divers contributeurs à ce numéro, nous soutiendrons pour clore que l’enseignement grammatical ne peut s’effectuer avec efficience que si les enseignants ont comme référence et comme instrument de travail un appareil notionnel dont les principes, les processus d’élaboration/justification et les produits relèvent d’un cadre théorique cohérent et explicitement assumé.

Un effort a été fait dans cette direction, mais il faut le poursuivre, en même temps que doivent se poursuivre les combats contre les manuels peu conformes voire peu dignes, et que doivent se poursuivre les démarches visant au décloisonnement des rubriques de l’enseignement des langues et bien d’autres démarches de rénovation didactique encore, que nous n’avons pu aborder ici.

Jean-Paul BRONCKART

Références bibliographiques

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Le Français aujourd’hui n°198, «Nouveaux programmes et étude de la langue»

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