Insomnie et utilisation accrue de somnifères chez les aînés
Problématique et alternative de traitement
Lynda Bélanger,
phdAnnie Vallières,
phdCharles M. Morin,
phdCet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
This article has been peer reviewed.
Can Fam Physician 2006;52:968-973.
RÉSUMÉ
OBJECTIF
Présenter la problématique de l’insomnie et de l’utilisation accrue de somnifères chez les aînés ainsi qu’une alternative de traitement (la thérapie cognitivo-comportementale [TCC]) adaptée spécifiquement à cette population.QUALITÉ dES dONNÉES
MEDLINE et PsycINFO de 1990 à 2005 ont été dépouillées utilisant les mots-clés insomnia, elderly (older adults), hypnotics (sleep medication) et cognitive behavior therapy. Les sources citées offrent des preuves de niveau I lorsqu’il s’agit d’appuyer l’efficacité du traitement présenté. La littérature sur les effets délétères des hypnotiques contient surtout des preuves de niveau II et requiert de la prudence dans l’interprétation car certaines études présentent des résultats contradictoires.MESSAGE pRINCIpAL
L’insomnie chez les aînés est associée à un sentiment de détresse marquée ou une détérioration du fonctionnement social ou occupationnel. Les somnifères sont potentiellement dangereux pour les aînés parce qu’ils augmentent les risques d’effets indésirables sur les fonctions cognitives et les risques d’interactions médicamenteuses. Le traitement devrait reposer sur la TCC seule ou en combinaison avec la pharmacologie ponctuelle.CONCLUSION
La TCC adaptée spécifiquement aux aînés figure parmi les alternatives recommandées. Les gains sont souvent accompagnés d’une diminution notable de la consommation de somnifères et de la détresse émotionnelle associée à l’insomnie.ABSTRACT
OBJECTIVE
To investigate the problem of insomnia and increased used of sleep medication among seniors and to look at an alternative form of treatment (cognitive-behavioural therapy [CBT]) that has been adapted specifically for this population.QUALITY OF EVIdENCE
MEDLINE and PsycINFO were searched from 1990 to 2005 using the key words insomnia, elderly (older adults), hypnotics (sleep medication), and cognitive behavior therapy. When discussing the efficacy of treatment, sources quoted offer level I evidence. Studies on the deleterious effects of hypnotics primarily offer level II evidence, so their findings must be interpreted with caution (some studies present conflicting results).MAIN MESSAGE
Insomnia in elderly people is associated with marked distress or deterioration in social or physical functioning. Hypnotics can be dangerous for elderly people because they raise the risk of adverse effects on cognitive function and the risk of drug-drug interactions. Treatment should be based on CBT alone or on a combination of CBT and appropriate pharmaceutical therapy.CONCLUSION
Cognitive-behavioural therapy adapted specifically to the problem of insomnia in seniors is one of the recommended options. The gains often include a notable decrease in use of sleep medication and in the emotional distress associated with insomnia.FMC
L
’insomnie représente le trouble du sommeil le plus courant chez les aînés1-4. Lorsqu’elle n’est pas trai- tée, l’insomnie peut entraîner de la fatigue diurne excessive, des difficultés de concentration et d’attention, une humeur déprimée et une diminution de la qualité de vie5-8. Chez les aînés, l’insomnie est associée à une uti- lisation accrue de somnifères, souvent utilisés sur une base chronique2,9. Or, l’utilisation chronique de somnifè- res peut s’avérer particulièrement problématique pour les personnes âgées10,11. Les croyances à l’effet que les diffi- cultés de sommeil sont nécessairement liées au vieillis- sement et que seule la médication peut y remédier sont en grande partie responsables de l’utilisation excessive et prolongée d’hypnotiques. Toutefois, au cours des derniè- res années, des progrès importants ont été réalisés tant au niveau de la compréhension que du traitement des difficultés de sommeil, avec une attention particulière aux personnes âgées comme population distincte12.Les médecins de famille occupent une place privi- légiée dans le système de santé pour le dépistage, le diagnostic et la gestion de l’insomnie puisque la pre- mière démarche entreprise est souvent de consulter en médecine familiale13. Il est donc important pour le médecin de famille de connaître la problématique de l’insomnie et les alternatives de traitement et d’être sen- sibilisé aux risques de l’utilisation chronique et exces- sive de somnifères chez les aînés. Cet article, qui vise à présenter divers aspects de la problématique de l’in- somnie chez les aînés, aborde les thèmes suivants: le sommeil et le vieillissement, l’évaluation de la plainte, l’utilisation de somnifères, le sevrage et la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) de l’insomnie.
Qualités des données
Les bases de données MEDLINE et PsycINFO de 1990 à 2005 inclusivement ont été dépouillées à l’aide des termes MeSH suivants: insomnie, personnes âgées, somnifères (ou hypnotiques) et thérapie cognitivo-comportementale.
Les sources citées reposent sur des évidences de niveau I lorsqu’il s’agit de l’efficacité du traitement présenté.
Les effets délétères des hypnotiques reposent en grande partie sur des évidences de niveau II. La littérature sur les effets des hypnotiques en relation à la fréquence des chutes chez les aînés présente certaines données contradictoires devant conséquemment être interpré- tées avec prudence.
Le sommeil et le vieillissement
L’architecture du sommeil change avec l’âge. Chez l’aîné, l’altération la plus significative implique une réduction de la proportion de temps passé en stades 3 et 4 (som- meil profond) et une augmentation correspondante des stades 1 et 2 (léger)14. Ces changements s’accompagnent
de réveils plus fréquents et de plus longue durée . Subjectivement, le sommeil est alors perçu comme étant plus léger, fragmenté et de moins bonne qualité, expli- quant en partie la prévalence accrue des plaintes d’in- somnie chez les aînés15. Toutefois, la quantité totale de sommeil par période de 24 heures s’avère compa- rable entre les adultes et les aînés lorsque le sommeil des siestes diurnes est ajouté au sommeil nocturne15. Néanmoins, plusieurs aînés souffrent de perturbations du sommeil excédant ces changements normaux et doi- vent être traités14,15.
L’évaluation de la plainte
L’insomnie constitue une plainte subjective de difficultés d’endormissement, de réveils fréquents ou prolongés, de réveils prématurés le matin avec une incapacité à se rendormir ou d’un sommeil non réparateur, persistant depuis plus d’un mois. Ces difficultés sont associées à une détresse marquée ou à des détériorations du fonc- tionnement social ou occupationnel16. L’insomnie peut être un problème primaire ou secondaire lorsqu’elle apparaît dans le cadre d’un trouble médical ou psychi- atrique ou d’un autre trouble du sommeil et peut être associée à l’utilisation de médicaments affectant le som- meil, à la consommation d’alcool ou à des abus de sub- stances. Plusieurs études suggèrent que l’insomnie chez les aînés serait souvent associée à une condition co- morbide et étroitement liée à la santé physique et psy- chologique et la prise de médication (tableau 116)17-20.
La signification clinique des plaintes d’insomnie est parfois difficile à évaluer. Certaines personnes âgées s’inquiètent des changements normaux dans leur som- meil, tandis que d’autres ne s’en préoccupent pas, même si leurs difficultés de sommeil excèdent les changements normaux associés au vieillissement. Les facteurs liés aux changements biologiques normaux associés au vieillissement sont importants mais ne sont pas les seuls Mme Bélanger, M. Morin et Mme Vallières sont affiliés à
l’École de Psychologie, de l’Université Laval au Québec, Qué.
Tableau 1. Critères diagnostiques de l’insomnie primaire selon le dSM-IV-TR
16A. Plainte subjective de difficultés à initier ou maintenir le sommeil ou sommeil non-réparateur depuis au moins 1 mois B. Détresse marquée associée aux difficultés de sommeil ou détérioration du fonctionnement social ou occupationnel C. Les difficultés ne se produisent pas exclusivement dans le cadre d’un autre trouble du sommeil (p. ex., narcolepsie, associées à des troubles respiratoires, parasomnies, trouble des rythmes circadiens)
d. Les difficultés ne se produisent pas exclusivement dans le cadre d’un autre trouble mental
E. Les difficultés de sommeil ne sont pas dues aux effets directs d’une substance (abus de drogue ou de médications)
Note: Si les difficultés ne rencontrent pas les critères C, D ou E, alors l’insomnie est dite secondaire. Elle se produit dans le cadre d’une condi- tion médicale aiguë ou chronique ou d’un autre trouble mental. Une évaluation de la condition sous-jacente est donc nécessaire.
impliqués dans l’initiation et le maintien des problèmes d’insomnie. Les facteurs liés à la santé physique (p. ex., la douleur chronique), au style de vie (p. ex., l’ennui ou l’isolement social), aux événements négatifs aux- quels les aînés sont davantage exposés et requerrant une grande adaptation (p. ex., le décès du conjoint), doi- vent être pris en considération.
Des différences importantes entre le sommeil de la personne âgée et ses attentes peuvent aussi contribuer à la plainte d’insomnie21. En présence d’une plainte de difficultés de sommeil, il est recommandé d’effectuer une évaluation exhaustive des habitudes de sommeil et de la santé psychologique en plus de l’examen phy- sique22-24. La polysomnographie n’est recommandée que lorsque la possibilité d’un autre trouble du sommeil sous- jacent (p. ex., l’apnée du sommeil) est soupçonnée25. Le tableau 2 présente quelques questions-clés à poser à un patient qui rapporte des difficultés de sommeil. Par ailleurs, une évaluation sommaire du sommeil (p. ex.,
Dormez-vous bien ces temps-ci?), devrait être incorporée à l’examen de routine afin d’aider au dépistage chez les aînés qui ne se plaignent pas d’emblée de leur sommeil.
L’utilisation de somnifères
Les enquêtes épidémiologiques indiquent que 7,4% de la population adulte et de 11% à 14% des personnes âgées de plus de 65 ans ont utilisé un somnifère, avec ou sans ordonnance, au cours d’une année26,27. Ces estimés doublent chez les patients âgés de 65 ans et plus recrutés dans des cliniques médicales, alors que 26% des femmes et 6% des hommes âgés rapportent consommer des hypnotiques28. Dans un échantillon d’individus de plus de 65 ans provenant de la popula- tion générale de différents pays, entre 9,1% et 25,8%
rapportaient une utilisation régulière d’hypnotiques4. Dans l’ensemble, 39% des hypnotiques sont prescrits à des adultes âgés de plus de 65 ans, alors qu’ils ne représentent que 13% de la population29. Bien que l’uti- lisation d’hypnotiques à long terme soit déconseillée22, une proportion élevée de personnes âgées les utilisent sur une base chronique (>1 an)2,9,29 pouvant aller jus- qu’à plus de 20 ans30.
Les benzodiazépines (BZD) et les agonistes aux récep- teurs benzodiazépiniques représentent les classes de médicaments les plus couramment prescrites pour l’in- somnie au Canada27. Ils sont efficaces à court terme pour réduire le délai d’endormissement et augmenter la durée totale de sommeil. Cependant, la plupart des benzodiazé- pines réduisent le sommeil profond (stades 3 à 4) et aug- mentent l’activité rapide des ondes cérébrales en fin de nuit33. Donc, bien que la durée du sommeil soit allongée, sa qualité est habituellement diminuée. De plus, les hyp- notiques entraînent une tolérance et perdent leur effica- cité avec l’utilisation prolongée32. Ces médicaments sont potentiellement dangereux pour les aînés en raison d’une réduction du fonctionnement métabolique associée au vieillissement augmentant le risque d’effets indésirables sur les fonctions cognitives10,11 et le risque d’interactions avec les autres médicaments33-36.
Plusieurs études montrent que les hypnotiques (surtout les BZD) sont souvent prescrits en dosages excessifs aux personnes âgées et que les prescriptions inappropriées, ne tenant pas compte d’interactions pos- sibles entre les différentes classes de médicaments au dossier, sont fréquentes10,33,35,36. L’utilisation chronique chez les aînés a également été associée à des risques élevés de chutes et de fractures39,40 et d’accidents de la route39. Certaines évidences suggèrent toutefois que l’insomnie (non traitée ou résistante aux hypnotiques) serait davantage responsable des chutes chez les aînés que l’utilisation d’hypnotiques comme tel40.
Le sevrage
Le sevrage des hypnotiques suite à l’utilisation prolon- gée peut s’avérer un défi de taille. Certaines méthodes,
Tableau 2. Évaluation de la plainte d’insomnie:
Questions-clés à poser à un patient qui rapporte des difficultés de sommeil.
Comment se présentent vos difficultés de sommeil? (difficulté à s’endormir, à rester éveillé ou éveils trop tôt)
Quel est votre horaire habituel de sommeil? (avancement ou délai de phase, hygiène du sommeil inappropriée, p. ex., horaires de sommeil très irréguliers)
Depuis quand avez-vous des difficultés de sommeil? (difficulté ponctuelle ou chronique)
D’après vous, qu’est-ce qui cause vos difficultés de sommeil?
(facteurs déclencheurs, p. ex., décès du conjoint ou difficultés de maintien, p. ex., sédentarité. Est-ce de l’insomnie
secondaire? Si tel est le cas, évaluez la condition.
Est-ce que vous dormez dans un endroit paisible et confortable? (facteurs environnementaux)
Est-ce que vous ressentez souvent le besoin de bouger les jambes pendant la soirée à cause de picotements, lourdeurs ou engourdissements? (syndrome des jambes sans repos)
Est-ce que vous ou votre conjoint(e) avez l’impression que vous avez des spasmes au niveau des jambes durant la nuit?
(syndrome de mouvements périodiques des jambes) Est-ce que vous ronflez fort ou avez parfois l’impression de vous étouffer ou d’arrêter de respirer durant quelques secondes pendant votre sommeil? (apnée du sommeil)
Avez-vous souvent besoin de vous lever pour aller vider votre vessie? (effets de certains médicaments)
Buvez-vous du café, thé, boissons contenant de la caféine?
Utilisez-vous des médicaments sans ordonnance ou de l’alcool pour dormir? Quels sont les médicaments que vous prenez actuellement? (insomnie due à l’effet de certaines substances ou effets secondaires de certains médicaments)
Avez-vous de la difficulté à rester éveillé durant la journée?
(évaluation des conséquences: le patient est-il somnolent ou s’endort-il durant ses activités diurnes ou ses tâches quotidiennes, notamment en conduisant?)
dont l’utilité et l’efficacité ont été testées dans le cadre d’études randomisées rigoureuses, peuvent toutefois le faciliter41,42. L’arrêt de la médication devrait être gra- duelle et faite sous supervision médicale. Un plan de sevrage individualisé, établi a priori, prenant en consi- dération le type d’hypnotiques, le dosage et la fréquence d’utilisation est préconisé. Les étapes de la méthode de
sevrage proposée sont décrites dans le tableau 3. Selon cette méthode, le patient et le médecin fixent un objectif hebdomadaire concernant la quantité de médication et la fréquence d’utilisation pour la semaine à venir, puis le patient évalue à quel point il pense être capable de le rencontrer.
Lorsque le patient doute de sa capacité à respecter cet objectif, il est préférable de le réviser ou de le reporter à la semaine suivante43. Les diminutions hebdomadaires sont également ajustées en fonction de la présence de symptômes de sevrage. La durée du sevrage devrait néanmoins être limitée dans le temps. Certaines balises peuvent être fixée a priori, p. ex., avoir diminué le dosage de 25% à la deuxième semaine, de 50% à la mi-parcours et de 100% à la dixième semaine. L’utilisation de l’hypno- tique lors de nuits présélectionnées peut faire en sorte que la médication ne puisse être prise lors d’une nuit plus difficile et, à l’opposé, oblige la prise alors que le besoin n’est pas ressenti. Cette procédure est utilisée afin d’affai- blir l’association entre le fait de ne pas dormir et le com- portement de prise d’hypnotiques (figure 1).
Certains patients considèrent l’arrêt complet de la médi- cation comme étant très difficile et deviennent anxieux à propos des conséquences potentielles sur leur sommeil.
Il est alors utile de leur rappeler que la quantité minimale de médication utilisée à ce moment a vraisemblablement très peu d’effets objectifs sur le sommeil. L’anxiété et les inquiétudes reliées à l’abandon de la médication, que le patient peut apprendre à gérer, sont des causes beaucoup plus probables des perturbations du sommeil anticipées.
La thérapie cognitivo-comportementale de l’insomnie
Dans les problématiques d’insomnie chronique, les approches psychologiques incluant des composantes comportementales, seules ou en combinaison avec la pharmacothérapie ponctuelle, devraient être privi- légiées22. Parmi ces approches, la thérapie cognitivo- comportementale (TCC) de l’insomnie a été testée dans le cadre de plusieurs recherches contrôlées rigoureu- ses. La TCC fait l’objet de recommandations consen- suelles de regroupements internationaux de chercheurs comme modalité de choix pour le traitement de l’insom- nie chez les adultes et les aînés44-47. De plus, les gains sont souvent accompagnés d’une diminution notable de la consommation de somnifères et de la détresse émo- tionnelle associée aux problèmes de sommeil41,42.
La TCC met l’accent sur les facteurs psychologiques et comportementaux impliqués dans le maintien de l’insomnie. Ses principaux objectifs sont de promouvoir une bonne hygiène du sommeil, réduire l’activation physiologique et cognitive au coucher, éliminer cer- taines habitudes néfastes au sommeil et corriger les conceptions erronées par rapport au sommeil et aux conséquences de l’insomnie. Ce traitement représente une alternative efficace à la pharmacothérapie46 et il
Tableau 3. Étapes du sevrage des hypnotiques chez l’utilisateur prolongé
ÉTApES dU SEVRAGE dES
hYpNOTIQUES dESCRIpTION dU pROGRAMME
Dresser un plan de sevrage:
Chez les patients utilisant plus d’un hypnotique, la première étape est de stabiliser la consommation de somnifères à un seul hypnotique. Ce plan peut être écrit et remis au patient afin d’augmenter l’adhérence.
Déterminer la dose régulière utilisée.
Calculer 25% de cette dose.
Estimer le temps nécessaire pour l’arrêt complet si la diminution est de 25% de la dose aux 2 semaines.
Vérifier la confiance du patient envers cette fréquence de diminution et ajuster la fréquence au besoin.
Encourager l’observance du plan final de sevrage.
Diminution graduelle Diminuer la consommation quotidienne de la valeur calculée (25%) pour 2 semaines.
Répéter cette étape jusqu’à ce que la dose quotidienne atteigne 25% de la dose initiale
quotidienne.
Introduction graduelle de nuits sans médication: Le choix des nuits se fait en fonction des difficultés anticipées. Initialement, il est préférable de choisir des nuits où il y a un minimum d’appréhension concernant le fonctionnement du lendemain.
Choisir avec le patient des nuits sans médication pour une période de 2 semaines.
Introduire un plus grand nombre de nuits sans médication dans la 2e semaine.
Encourager l’observance des nuits sans médication.
Utilisation prévue à
l’avance Identifier les nuits où l’utilisation est prévue à l’avance, et ce, peu importe les activités prévues et les appréhensions.
Encourager fortement l’observance des nuits sans médication.
Décourager tout changement au plan établi.
Arrêt complet: Après l’arrêt complet, il est important de prévoir des suivis afin de prévenir la rechute.
Vérifier l’anxiété du patient face à cette étape et en discuter s’il y a lieu.
Vérifier la confiance en l’arrêt complet.
Rappeler que la quantité minimale utilisée à ce stade-ci a peu d’effets sur le sommeil.
peut être utilisé comme complément thérapeutique lors du sevrage des hypnotiques42,43. Il a d’ailleurs été démontré que lorsque le sevrage est combiné à une TCC, le taux de succès est plus élevé et le sommeil de meilleure qualité41,42.
Bien que relativement peu utilisée dans les milieux cliniques, la TCC constitue une modalité thérapeutique validée dans le traitement de l’insomnie (ponctuelle et chronique). Le tableau 4 présente une brève descrip- tion des principales composantes qui peuvent être uti- lisées seules ou combinées entre elles. Le choix des composantes à inclure dans le traitement découle d’une analyse fonctionnelle minutieuse de la plainte présen- tée. Des cibles de traitements précises (p. ex., attentes dysfonctionnelles concernant le sommeil, siestes exces- sives le jour, sédentarité, etc.) sont ensuite identifiées.
Par exemple, il peut être suffisant d’utiliser uniquement la restriction du sommeil ou le contrôle par le stimulus chez une personne qui présente des habitudes de som- meil inadéquates (p. ex., passer un temps excessif au lit pour s’assurer de dormir les heures nécessaires, horai- res de sommeil irréguliers) tandis que la composante de restructuration cognitive s’avère souvent nécessaire lorsque le patient présente des croyances dysfonction- nelles concernant le sommeil (p. ex., j’ai absolument besoin de 8 heures de sommeil toutes les nuits). Morin et Espie48 offrent une description détaillée de la TCC chez l’adulte et des outils d’évaluation, et Lichstein et Morin12 décrivent le traitement spécifiquement adapté aux aînés.
Un livre d’auto-traitement s’adressant aux patients est également disponible en français49.
Le plus grand défi concernant l’utilisation de la TCC demeure probablement sa disponibilité et son accessibilité.
Le transfert de ces connaissances aux médecins de famille représente un moyen de rendre ces interventions plus
accessibles pour les patients. Une étude récente50 démontre que plusieurs méde- cins de famille utilisent déjà des com- posantes de la TCC avec succès pour certaines problématiques dans le cadre de leur pratique clinique (tableau 4).
Conclusion
L’insomnie chez les aînés est un pro- blème de santé complexe et répandu associé à de lourdes conséquences personnelles et des coûts importants en soins de santé51,52. Les difficultés de sommeil chez les aînés demeu- rent pourtant un problème méconnu.
Quelques questions-clés incorporées à l’examen de routine peuvent aider au dépistage. Par ailleurs, lorsqu’un traitement est initié, celui-ci se limite souvent à la pharmacothérapie. Les
approches à composantes multiples, individualisées aux besoins et aux circonstances particulières des aînés, tel- les la TCC, représentent une alternative de choix.
Correspondance à Mme Lynda Bélanger, Université Laval, École de psychologie, Pavillon FAS, Québec, QC G1K 7P4; téléphone 418 656-2131; télécopieur 418 656- 5152; courriel lynda.belanger@psy.ulaval.ca
Tableau 4. principales composantes de la thérapie cognitivo-comportementale de l’insomnie
COMpOSANTES dE LA ThÉRApIE COGNITIVO-
COMpORTEMENTALE dESCRIpTION ET OBJECTIF
Le contrôle par le stimulus
Règles comportementales à suivre afin de réassocier le lit et l’environnement de la chambre à coucher avec le sommeil plutôt qu’avec l’insomnie.
La restriction du sommeil
Restreindre le temps passé au lit au temps estimé passé à dormir afin de consolider le sommeil et de favoriser le sommeil continu.
La relaxation Diminuer l’activation somatique ou cognitive au coucher en utilisant différentes techniques de relaxation.
La restructuration cognitive
Identifier et remettre en question les croyances et attitudes erronées qui alimentent le cercle vicieux de l’insomnie.
L’hygiène du sommeil Fournir au patient de l’information concernant les facteurs
environnementaux, l’alimentation et l’exercice pouvant influencer le sommeil
0 25 50 75 100
-2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
SEMAINES
DOSAGE QUOTIDIEN EN %
2 mg
1.5 mg
1 mg
0.5 mg
Introduction de nuits sans médication
NIVEAU DE BASE
Figure 1. Example d’un plan de sevrage individualisé: Dosage de 2 mg de
lorazepam.
PoinTS de RePèRe dU RÉdACTeUR
•
On entend par insomnie, la difficulté à initier ou maintenir le sommeil, ou un sommeil non réparateur depuis au moins 1 mois, associée à un sentiment de détresse marquée ou une détérioration du fonction- nement social ou occupationnel.
•
L’insomnie est associée à une utilisation accrue de somnifères, souvent sur une base chronique.
•
En augmentant les risques d’effets indésirables sur les fonctions cognitives et les risques d’interactions médicamenteuses, les somnifères sont potentielle- ment dangereux pour les aînés.
•
Le traitement de l’insomnie devrait reposer sur la thérapie cognitivo-comportementale seule ou en combinaison avec la pharmacologie ponctuelle.
ediToR’S key PoinTS
•
Insomnia is difficulty in initiating or maintaining sleep or failing to get a refreshing sleep for at least a month. Insomnia can cause marked distress or a deterioration in social or physical functioning.
•
Insomnia is associated with a growing use of hyp- notics, almost to chronic levels.
•
Because they raise the risk of adverse effects on cognitive and physical functioning and the risk of drug-drug interactions, hypnotics are potentially dangerous for elderly people.
•
Treatment of insomnia should be based on cognitive-behavioural therapy alone or on a combi- nation of cognitive-behavioural therapy and appro- priate pharmaceuticals.
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