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LaurentTournier Intégration&Probabilités

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Texte intégral

(1)

Université Paris 13, Institut Galilée MACS 1 Année universitaire 20182019

Intégration & Probabilités

Laurent Tournier

(2)

Ce document, ainsi que d'autres documents liés au cours, peut être trouvé au format PDF à l'adresse suivante : http://www.math.univ-paris13.fr/~tournier/enseignement/

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Intégration

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Université Paris 13, Institut Galilée MACS 1 Intégration et probabilités Année universitaire 2018-2019

0. Préliminaires

On introduit ici quelques notations pratiques, et on revoit deux notions qui joueront un rôle central dans la suite : la dénombrabilité et la sommabilité. On rappelle enn la dénition deRet des limites inférieure et supérieure.

1 Notations

SoitE un ensemble.

SiAest une partie deE (c'est-à-direA⊂E), on noteAc =E\A le complémentaire deA. On noteP(E)l'ensemble des parties deE.

Si la famille (Ai)i∈I de parties de E est disjointe (c'est-à-dire queAi∩Aj=∅pour tousi6=j dansI), on peut noter ]

i∈I

Ai leur réunion (le + rappelle que lesAi sont disjoints).

Si la suite(An)n∈N de parties deEest croissante (c'est-à-dire queAn ⊂An+1pour toutn∈N), on peut noter [

%

n∈N

An leur réunion (la èche rappelle que la suite est croissante).

Si la suite (An)n∈N de parties deE est décroissante (c'est-à-dire que An+1⊂An pour toutn∈N), on peut noter \

&

n∈N

An leur intersection (la èche rappelle que la suite est décroissante).

SiAest une partie deE, on note1Asa fonction indicatrice :

1A: E → {0,1}

x 7→ 1A(x) =

(1 six∈A 0 six /∈A.

On utilisera parfois une extension de cette notation :1P vaudra 1 si la propriétéP est vraie, et 0 sinon.

Par exemple, pour tous réelsxet y, 1(x>0)=1]0,∞[(x), ou encore1(x<y)= 1six < yet = 0sinon.

Si une suite réelle(un)n∈N est croissante, on peut noter lim↑nun sa limite (dans R).

Si une suite réelle(un)n∈N est décroissante, on peut noter lim↓nun sa limite (dans R).

2 Dénombrabilité

Dénition

Un ensemble E est dénombrable siE =∅ou s'il existe une application ϕ:N→E surjective, c'est-à-dire que

E=ϕ(N) ={ϕ(n)|n∈N}={ϕ(0),ϕ(1),ϕ(2), . . .}.

Autrement dit,E est dénombrable si on peut énumérer ses éléments, c'est-à-dire en faire une liste (éventuelle- ment vide ou innie).

Exemples.

les ensembles nis sont dénombrables (si E ={x1, . . . ,xn}, on aE =ϕ(N)pour ϕ:N→E dénie par ϕ(i) =xi si1≤i≤net ϕ(i) =xn pour touti > n)

Nest évidemment dénombrable :N={0,1,2,3, . . .}

Zest dénombrable : par exemple,

Z={0,1,−1,2,−2,3,−3, . . .},

où on alterne entiers positifs et négatifs par ordre croissant de valeur absolue.

N×N={(m,n)|m∈N,nN} est dénombrable : par exemple, N×N=

(0,0),(1,0),(0,1),(2,0),(1,1),(0,2), . . . ,

où on énumère les couples dont la somme vaut 0, puis 1, puis 2, etc. (à chaque fois, il y en a un nombre ni).

(6)

Qest dénombrable : par exemple, (quitte à répéter certains rationnels plusieurs fois) Q=

0,1 1,−1

1,1 2,−1

2,2 1,−2

1,3 1,−3

1,1 3,−1

3,4 1,−4

1,3 2,−3

2,2 3,−2

3,1 4,−1

4, . . .

où on énumère les fractions dont la somme des valeurs absolues du numérateur et du dénominateur vaut 0, puis 1, puis 2, etc. (il y en a un nombre ni pour une somme donnée), en alternant positifs et négatifs.

Rn'est pas dénombrable : on peut le démontrer à l'aide de l'argument de la diagonale de Cantor. Il sut de montrer que[0,1]n'est pas dénombrable (ceci est justié par la propriété a) suivante). Supposons, par l'absurde, que ce soit le cas : on aurait[0,1] =ϕ(N) ={ϕ(0),ϕ(1), . . .}pour une fonctionϕ:N→[0,1]. Mais alors on peut facilement donner un réelx∈[0,1]diérent deϕ(n)pour toutn∈N: il sut que pour toutn, lan-ième décimale dexsoit choisie diérente de lan-ième décimale deϕ(n), et diérente de 0 et 9 (cette précision évite quexsoit un nombre décimal et ait une écriture non unique :0,4999. . .= 0,5000. . .).

On obtient donc une contradiction avec le fait que la suite précédente énumère tous les éléments de[0,1], d'où il résulte que[0,1]n'est pas dénombrable.

Propriétés

a) Si E⊂F et F est dénombrable, alorsE est dénombrable aussi.

b) SiE etF sont dénombrables, alorsE×F sont dénombrables.

c) Si, pour toutn∈N,En est dénombrable, alors [

n∈N

En est dénombrable.

Démonstration : a) SiE ouF est vide, c'est vrai. Sinon, on choisitx0∈E, etϕtelle queF =ϕ(N). AlorsE=ψ(N) oùψ(n) =ϕ(n)siϕ(n)∈Eetψ(n) =x0 siϕ(n)∈/E, ce qui montre queEest dénombrable.

b) On a vu queN×Nest dénombrable : il existeϕ:NN×Ntelle queN×N=ϕ(N). Si E ouF est vide,E×F aussi, donc est dénombrable. Sinon, il existeϕEetϕF telles queE=ϕE(N)etF=ϕF(N). On a alorsE×F=ψ(N)où

ψ:k7→(ϕE1(k)),ϕF2(k)))

en notant ϕ(k) = (ϕ1(k),ϕ2(k)) ∈ N×N. En eet, pour tousx ∈ E et y ∈F, il existe m,n tels quex =ϕE(m) et y=ϕF(n), et il existektel queϕ(k) = (m,n), d'où(x,y) = (ϕE(m),ϕF(n)) = (ϕE1(k)),ϕF2(k))) =ψ(k).

c) On utilise à nouveau la fonctionϕci-dessus, telle queN×N=ϕ(N). On peut supposer queEn6=∅pour toutncar les ensembles vides ne modient pas la réunion. Pour toutn∈N, il existe alors ψn:N→En telle queEnn(N). Et on aS

nEn=ξ(N), où

ξ:k7→ψϕ1(k)2(k)).

En eet, pour toutx∈ S

nEn, il existen tel que x∈En, donc il existem tel que x=ψn(m), et il existe k tel que (n,m) =ϕ(k), d'oùx=ξ(k).

Ex. 1. Les ensembles suivants sont-ils dénombrables ?

a) Nn, ensemble desn-uplets d'entiers (pour une valeurs xéen∈N)

b) Qn[X], ensemble des polynômes de degrénà coecients rationnels (pour une valeur xéen∈N) c) Q[X], ensemble des polynômes à coecients rationnels

d) R\Q, ensemble des nombres irrationnels

e) {0,1}N, ensemble des suites innies de 0 et de 1 (Indication : si on pouvait énumérer toutes ces suites, on pourrait énumérer tous les développements en base 2 des réels dans[0,1[...)

3 Sommabilité (de réels positifs)

Dénition

Pour tout ensemble I, et toute famille(αi)i∈I de réels positifs, la somme de la famille (αi)i∈I est donnée par

X

i∈I

αi= sup

J⊂I, ni

X

i∈J

αi ∈[0,+∞].

Lorsque P

i∈Iαi<∞, on dit que(αi)i∈I est sommable.

(7)

Si I =N, et plus généralement siI est dénombrable, on peut vérier que X

i∈I

αi = lim↑

n→∞

X

i∈In

αi, où(In)n est n'importe quelle suite croissante(In)n de parties nies deI telle queI=[

%

n

In. L'hypothèse de dénombrabilité deI est en fait essentiellement vériée pour toutes les familles sommables :

Proposition

SoitIun ensemble. S'il existe une famille(αi)i∈Ide réels>0telle queP

i∈Iαi<∞, alorsIest dénombrable.

Démonstration : SupposonsS =P

i∈Iαi<∞. Pour toutn >0, l'ensembleAn={i∈I|αiSn}contient au plusn éléments (carS≥P

i∈Anαi≥Card(An)·S/n), donc en particulier est ni, donc dénombrable, orI=S

n∈NAnsi bien que la conclusion vient de la propriété c).

4 Droite réelle achevée R

On noteR=R∪ {−∞,+∞}, où+∞et−∞sont deux points que l'on ajoute àR.

Ordre. On étend l'ordre deRàRpar−∞ ≤x≤+∞pour tout x∈R. Ainsi,+∞est un majorant de tous les réels, et−∞est un minorant de tous les réels.

De l'existence des bornes inférieures et supérieures sur R on déduit leur existence sur R : pour A ⊂ R non vide,supA est le plus petit majorant deA dans R, et infAest son plus grand minorant. On ajoutera la conventionsup∅=−∞etinf∅= +∞.

Disposant d'un ordre surR, on peut considérer, pourx∈R, les intervalles [x,+∞] = ]x,+∞] ∪ {+∞}={y∈R|y≥x},

[−∞, x] = ]−∞, x]∪ {−∞}={y∈R|y≤x},

de même pour ]x,+∞] et ]−∞,x[. On a aussi [−∞,+∞] =R, et on constate que cela est cohérent avec les notations usuelles comme

[x,+∞[ ={y∈R|x≤y <∞}, ou ]−∞,+∞[ ={y∈R| − ∞< y <∞}=R.

Toutefois, dansR, on appelle intervalles ouverts les intervalles de la forme{x∈R|a < x < b},{x∈R|x > a}

et {x∈ R|x < a}, où a,b ∈ R, c'est-à-dire l'intervalle R, les intervalles de la forme ]a,b[ avec a,b ∈ R, et les intervalles de la forme]x,+∞]ou de la forme [−∞,x[.

Limites. Avec cette notion généralisée d'intervalle, on peut généraliser la dénition de limite de suite : pour toute suite (xn)n≥0 dansR, et pour ` ∈ R, on dit que (xn)n converge vers ` dans Rsi : pour tout intervalle ouvertIdeRcontenant`, il existe un rangn0 tel que, pour toutn≥n0,xn∈I.

Si la suite(xn)n est à valeurs dansR, cette dénition redonne les notions usuelles de limite :

xn →`∈Rsi, et seulement si, pour tousa,baveca < ` < b, il existen0tel que, pourn≥n0,a < xn< b; xn →+∞si, et seulement si, pour touta, il existen0 tel que, pourn≥n0,xn > a;

xn → −∞si, et seulement si, pour touta, il existen0 tel que, pourn≥n0,xn < a. On peut noter que cette notion de convergence est donnée aussi par la distance

d: (x,y)7→ |arctany−arctanx|,

où la fonctionarctanest étendue àRpararctan(+∞) = π2 etarctan(−∞) =−π2.

Avec cette topologie, on peut vérier que l'espaceRest compact. On se rappelle en eet que toute suite réelle bornée (c.-à-d. contenue dans un segment [−a,a]) admet une sous-suite convergente (théorème de Bolzano- Weierstrass) et on remarque que toute suite non bornée admet une sous-suite qui diverge vers +∞ ou −∞, donc converge aussi dansR.

Opérations. On étend aussi les opérations d'addition et de multiplication àRde façon naturelle, à l'exception de0· ±∞et(+∞) + (−∞)qui ne sont pas dénies.

(8)

5 Limite inférieure, limite supérieure

Les limites inférieure et supérieure d'une suite de réels sont des outils pratiques pour étudier le comportement asymptotique d'une suite, convergente ou non.

Dénition

Soit(xn)n∈N une suite de nombres réels. La limite inférieure de la suite(xn)n est lim inf

n xn= sup

n

k≥ninf xk

= lim↑

n

k≥ninf xk

R

et la limite supérieure de la suite(xn)n est lim sup

n

xn= inf

n sup

k≥n

xk

= lim↓

n

sup

k≥n

xk

R.

On rappelle qu'une valeur d'adhérence d'une suite réelle(xn)n est la limite dansRd'une sous-suite conver- gente(xϕ(n))n.

Proposition

Pour toutes suites réelles(xn)n et(yn)n, on a les propriétés suivantes :

a) lim infnxn est la plus petite valeur d'adhérence de la suite(xn)n : il existe une sous-suite(xϕ(n))n qui converge verslim infnxn, et si une sous-suite(xψ(n))n admet une limite`∈R, alorslim infnxn≤`. lim supnxn est la plus grande valeur d'adhérence de la suite(xn)n : il existe une sous-suite(xϕ(n))n qui converge verslim supnxn, et si une sous-suite(xψ(n))n admet une limite`∈R, alors`≤lim supxn. b) lim infnxn≤lim supnxn

c) lim supn(−xn) =−lim infnxn

d) (xn)n converge si, et seulement silim infnxn = lim supnxn, et dans ce cas lim

n xn= lim inf

n xn= lim sup

n

xn.

e) S'il existe un rang à partir duquel on axn≤yn, alors on peut passer à lalim inf etlim sup : lim sup

n

xn≤lim sup

n

yn et lim inf

n xn≤lim inf

n yn. f) S'il existe une innité d'entiersntels quexn≤yn, alors

lim inf

n xn ≤lim sup

n

yn.

Démonstration : On montre juste a). On raisonne pourlim inf, le cas delim supse traitant symétriquement.

Si(xϕ(n))nest une sous-suite admettant une limite`∈Ralors pour toutn, on a clairementxϕ(n)≥ inf

k≥ϕ(n)xkd'où, en passant à la limite,`≥lim infnxn.

Construisons maintenant une sous-suite de(xn)n qui converge verslim infnxn.

• Si la suite (xn)n n'est pas minorée, alorsinfk≥nxk = −∞pour tout n, donc lim infnxn = −∞; et il existe bien une sous-suite de (xn)n qui converge vers −∞ : dénir xϕ(0) = x0 puis, pour tout n, on peut par exemple choisir ϕ(n+ 1)> ϕ(n)tel quexϕ(n+1)<−n.

• Supposons maintenant(xn)n minorée, d'où infk≥nxkR pour tout n. On choisit ϕ(0) = 0 puis, pour toutn, on choisit ϕ(n+ 1) > ϕ(n) tel que xϕ(n+1) < infk≥ϕ(n)xk+ 2−n (c'est possible par dénition de la borne inférieure).

Alors, pour tout n, xϕ(n+1) est encadré entre infk≥ϕ(n)xk et infk≥ϕ(n)xk+ 2−n, et ces deux suites convergent vers lim infnxn∈]−∞,+∞], doncxϕ(n+1)→lim infnxn.

Ex. 2. Soit(xn)nune suite réelle. Montrer que, pour tout réela, on alim infnxn< asi, et seulement si il existe δ >0 tel que, pour une innité d'entiersn∈N, xn < a−δ; et que lim infnxn > asi, et seulement si il existe δ >0 tel que, pour toutnà partir d'un certain rang,xn > a+δ.

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Université Paris 13, Institut Galilée MACS 1 Intégration et probabilités Année universitaire 2018-2019

1. Espace mesurés

On dénit ici les composants qui nous serviront de cadre pour la théorie de l'intégration.

1 Tribus

Dénition

SoitE un ensemble. Une tribu (ouσ-algèbre) surE est un ensembleAde parties deE telle que (i) ∅ ∈ A;

(ii) si A∈ A, alorsAc ∈ A(stabilité par passage au complémentaire) (iii) si(An)n∈N est une suite de parties dansA, alors [

n∈N

An∈ A; (stabilité par union dénombrable) (E,A)est un espace mesurable. Une partieA∈ Aest dite mesurable.

Les conséquences suivantes sont aussi importantes que la dénition : Propriétés

a) E∈ A;

b) siA1, . . . ,An∈ A, alorsA1∪ · · · ∪An∈ A; c) si(An)n∈N est une suite de parties dansA, \

n∈N

An∈ A; (stabilité par intersection dénombrable) d) siA1, . . . ,An∈ A, alorsA1∩ · · · ∩An∈ A;

e) siA,B∈ AetA⊂B, alorsB\A∈ A.

Démonstration : a) résulte de (i) et (ii) carE = ∅c. b) résulte de (i) et (iii) en prenant Ak = ∅pour tout k > n.

c) résulte de (i) et (iii) car[

n

An=

\

n

(An)c c

. d) résulte de c) en prenantAk=E pour toutk > n. e) résulte de (ii) et d) carB\A=B∩Ac.

Attention. Si(Ai)i∈I est une famille de parties mesurables, alors les ensembles[

i∈I

Ai et\

i∈I

Aisont mesurables à condition queIest dénombrable (car on peut écrireI={in|n∈N}et doncS

iAi=S

nAin) ; mais siIn'est pas dénombrable, alors ce n'est pas toujours vrai.

Exemples.

P(E)est la tribu discrète surE. {∅,E}est la tribu grossière surE. Dénition-proposition

Soit C un ensemble de parties de E. Il existe une plus petite tribu qui contient C. On la note σ(C), et on l'appelle la tribu engendrée par C.

Démonstration : On vérie que l'intersection d'une famille de tribus est une tribu (exercice). Notamment, l'intersection de toutes les tribus surE contenantCest une tribu, et c'est la plus petite : elle est incluse dans toute tribu contenantC.

sur Rd, la tribu borélienne est la tribu engendrée par les sous-ensembles ouverts. On la note B(Rd). Ses éléments sont les ensembles boréliens.

Ex. 3. SoitOun ouvert deRd. Montrer que, pour toutx∈O, il existe un pavé ferméP = [a1,b1]× · · · ×[ad,bd] aveca1,b1, . . . ,ad,bdQ, inclus dansO, et contenantx. En déduire queOest l'union d'une famille dénombrable de pavés fermés. Conclure queB(Rd)est engendré par les pavés fermés deRd.

Ainsi, tout ensemble construit à partir d'intervalles à l'aide des opérations de passage au complémentaire, d'union dénombrable et d'intersection dénombrable, est un borélien deR. En pratique, tous les sous-ensembles deRque l'on manipule sont obtenus ainsi et sont donc boréliens.

(10)

2 Mesures

Soit(E,A)un espace mesurable.

Dénition

Une mesure sur(E,A)est une applicationµ:A →[0,+∞]telle que (i) µ(∅) = 0

(ii) pour toute suite(An)n∈N de parties mesurables disjointes,µ

]

n∈N

An

=X

n∈N

µ(An).

(E,A,µ) est un espace mesuré. µ(E) est la masse totale deµ. On dit que µest nie si µ(E)<∞, et queµest une mesure de probabilité si µ(E) = 1.

Les conséquences suivantes sont aussi importantes que la dénition : Propriétés

a) Si A1, . . . ,An ∈ Asont disjoints, alorsµ(A1] · · · ]An) =µ(A1) +· · ·+µ(An).

b) SiA,B∈ Aet A⊂B, alorsµ(A)≤µ(B)et, siµ(A)<∞, alorsµ(B\A) =µ(B)−µ(A). c) Pour tousA,B∈ A, etµ(A∩B)<∞, alorsµ(A∪B) =µ(A) +µ(B)−µ(A∩B). d) Si(An)n est une suite croissante de parties mesurables, alorsµ

%[

n

An

= lim↑

n

µ(An). e) Si (An)n est une suite décroissante de parties mesurables, etµ(A0)<∞, alorsµ

&\

n

An

= lim↓

n

µ(An). f) Pour toute suite(An)n de parties mesurables,µ

[

n∈N

An

≤X

n∈N

µ(An).

Démonstration : a) résulte de (ii) et (i) en prenantAk=∅sik > n

b) On a la réunion disjointeB=A](B\A)donc par a)µ(B) =µ(A) +µ(B\A)≥µ(A)carµest à valeurs positives.

Siµ(A)<∞, on peut retrancher cette quantité à chaque membre de l'égalité précédente pour obtenir la formule.

c) On a la réunion disjointeA∪B=A](B\(A∩B))doncµ(A∪B) =µ(A) +µ(B\(A∩B))et siµ(A∩B)<∞, la formule se déduit alors de b).

d) Pour toutn,An⊂An+1donc par b)µ(An)≤µ(An+1): la suite(µ(An))nest croissante. On poseC0=A0 et, pour toutn≥1,Cn=An\An−1∈ Ade sorte que, pour toutn,An=C0] · · · ]Cn, et doncS

nAn=U

nCn. Alors µ

[

n

An

]

n

Cn

=X

n

µ(Cn) = lim↑

N N

X

n=0

µ(Cn) = lim↑

N

µ N

]

n=0

Cn

= lim↑

N

µ(AN).

e) En notantBn=A0\An, alors la suite(Bn)nest croissante etS

nBn=A0\T

nAn, ce qui permet de déduire e) de d) à l'aide de b) vu que pour toutn,An⊂A0donc µ(An)≤µ(A0)<∞.

f) On poseC0=A0 et, pour toutn≥1,Cn=An∩(A0∪ · · · ∪An−1)c∈ A, de sorte que les ensemblesCnsont disjoints et, pour toutn,A0∪ · · · ∪An=C0] · · · ]CndoncS

nAn=U

nCn. Alors µ

[

n

An

=X

n

µ(Cn), maisCn⊂Andoncµ(Cn)≤µ(An), ce qui donne l'inégalité attendue.

Exemples.

Soit Eun ensemble. Sur(E,P(E)), la mesure de comptageµE est dénie par : pour toutA⊂E, µE(A) =

(Card(A) siA est ni

∞ siA est inni.

Ainsi, µE place un poids 1 en chaque point deE .

Soit (E,A)un espace mesurable, et x∈E. La mesure de Dirac en xest la mesureδx dénie par : pour toutA∈ A, δx(A) =

(1 six∈A

0 six /∈A =1A(x).

Ainsi, δxplace un poids 1 au pointx

(11)

Si(µn)n≥0est une suite de mesures sur(E,A)et(αn)n≥0une suite de réels positifs, alors on peut dénir la mesureµ=P

n≥0αnµn par

pour toutA∈ A, µ(A) =X

n≥0

αnµn(A).

(Le fait queµest bien une mesure nécessite un échange de sommations, qui sera justié plus tard) En particulier, si (xn)n≥0 est une suite de points de E, on peut considérer µ=P

n≥0αnδxn qui, pour toutn, place un poidsαn enxn . Une telle mesure est appelée une mesure discrète.

Le résultat suivant introduit un exemple fondamental : Dénition-théorème

Il existe une unique mesure λd sur(Rd,B(Rd))telle que, pour tout pavé fermé[a1,b1]× · · · ×[ad,bd], λd [a1,b1]× · · · ×[ad,bd]

=|b1−a1| · · · |bd−ad|.

On l'appelle mesure de Lebesgue sur Rd.

Démonstration : Un peu longue : voir document sur la page internet signalée au début du poly.

sur R, la mesure λ = λ1 vérie λ([a,b]) = b−a pour tout segment [a,b] avec a ≤ b. Cette mesure correspond donc à la longueur surR. Le théorème signie que l'on peut dénir la longueur de n'importe quel borélien, et qu'elle vérie la condition (ii).

sur R2, la mesure λ2 vérieλ2([a,b]×[c,d]) = (b−a)(d−c)pour tout rectangle [a,b]×[c,d]aveca≤b etc≤d. Cette mesure correspond donc à l'aire surR2.

sur R3, la mesureλ3 correspond de même au volume.

Propriétés

a) λd est invariante par translation : pour toutA∈ B(Rd)eta∈Rd, λd(a+A) =λd(A),

oùa+A={a+x|x∈A}.

b) λd est homogène de degré d: pour toutA∈ B(Rd)et t∈R, λd(tA) =|t|dλd(A), oùtA={tx|x∈A}.

Vu l'unicité dans la dénition de λd, il sut en eet de vérier ces propriétés lorsque A est un pavé. Plus généralement, pour montrer que deux mesures sont égales, il sut de comparer leurs valeurs sur les pavés : Proposition

Soitµ,ν deux mesures sur(Rd,B(Rd)). Si, pour tout pavé ferméP,µ(P) =ν(P)<∞, alorsµ=ν. Démonstration : Résultat admis. Pour plus d'information, se renseigner sur le lemme de classe monotone.

Dénition

Soitµune mesure sur(E,A).

SiA∈ Aest tel queµ(A) = 0, on dit queAest négligeable.

On peut préciser µ-négligeable , ou négligeable pour la mesureµ, si la mesureµn'est pas claire d'après le contexte.

Si une propriétéP(x)est vraie pour toutx∈A, oùAc est négligeable pour la mesureµ, on dit que P(x)est vraie pour presque toutx, ou encore queP est vraie presque partout.

On peut préciser µ-presque partout , ou presque partout pour la mesureµ, si la mesureµn'est pas claire d'après le contexte.

Sans précision, surRd, presque tout fait référence à la mesure de Lebesgueλd.

(12)

Ex. 4. Montrer que, siAet B sont négligeables (pour une mesureµ), alorsA∪B est négligeable. Généraliser ceci à une suite(An)n∈N d'ensembles négligeables.

Autrement dit, si deux propriétésPetQsont vraies presque partout, alors la propriété(P etQ)est vraie presque partout. De même, si pour toutnune propriétéPnest vraie presque partout, alors la propriété(pour toutn,Pn) est vraie presque partout.

Trouver cependant, sur(R,B(R),λ), une famille(Ai)i∈I d'ensembles négligeables telle que S

i∈IAi ne l'est pas.

Dénition

Soitµune mesure sur(Rd,B(Rd)). Le support deµest l'ensemble Supp(µ) ={x∈Rd| ∀ε >0, µ B(x,ε)

>0}.

On peut aussi vérier que support deµest le plus petit fermé deRd dont le complémentaire estµ-négligeable : c'est le plus petit fermé qui porte toute la masse deµ.

Ex. 5. Déterminer le support des mesures suivantes surR: δ0, λ, X

n∈N

δn X

n∈N

δ1/n

Dénition

Soit µune mesure sur(E,A), etA∈ Aun ensemble mesurable. La restriction de la mesure µ à A est la mesure µ|A sur(E,A)dénie par :

pour toutB∈ A, µ|A(B) =µ(A∩B).

La restriction de la tribu Aà Aest la tribuA|AsurAdénie par : (de façon équivalente) A|A={B∩A|B∈ A}={B∈ A |B ⊂A}.

On vérie en eet facilement queµ|A est une mesure sur (E,A), et que A|A est une tribu surA. Il apparaît donc queµ|A, restreinte àA|A, est aussi une mesure sur(A,A|A). Ainsi,(A,A|A|A)est un espace mesuré.

Par exemple, on pourra considérer l'espace([0,1],B(R)|[0,1]|[0,1]), qui est de mesure nie.

Ex. 6. Déterminer le support de la mesureµ= (λ2)|D surR2, oùD est le disque unité fermé.

A-t-onSupp (λ2)|K

=Kpour tout ferméK? (Penser àK tel queλ2(K) = 0)

(13)

3 Fonctions mesurables

Les démonstrations de cette partie se trouvent sur la page internet signalée au début du poly.

Dénition

Soit(E,A)et(F,B)des espaces mesurables. Une application f :E→F est mesurable si pour toutB∈ B, f−1(B)∈ A.

Proposition

Les fonctions indicatrices1A oùA∈ Asont mesurables.

Les fonctions continuesf :RdRd0 sont mesurables (pour les tribus boréliennes).

On considèrera souvent des fonctions f sur (E,A) à valeurs dans R= R∪ {−∞,+∞}, c'est-à-dire que l'on pourra avoirf(x) = +∞ouf(x) =−∞pour certainsx∈E. La tribuB(R)est formée des boréliens deRet de tous les ensembles de la formeB∪ {+∞},B∪ {−∞}etB∪ {+∞,− ∞}, pourB∈ B(R).

Dire quef est mesurable signie alors que, pour toutB∈ B(R),f−1(B)∈ A, et aussi que f−1({+∞})∈ Aet f−1({−∞})∈ A.

Propriétés

Si f,g:E→Rsont mesurables, et si(fn)n est une suite de fonctions mesurables de EdansR, alors a) la somme f+g est mesurable

b) le produitf gest mesurable

c) les fonctionssupnfn etinfnfn (à valeurs dansR) sont mesurables d) la valeur absolue|f|est mesurable

e) les fonctionslim infnfn etlim supnfn (à valeurs dansR) sont mesurables f) sifn(x)→h(x)∈Rpour toutx∈E, alorshest mesurable.

Un rappel surlim inf etlim supse trouve page 6.

Ainsi, toute fonction deRd dansRobtenue par ces opérations à partir de fonctions continues et de fonctions indicatrices de boréliens est mesurable. En pratique, toutes les fonctions que l'on manipule sont obtenues ainsi et sont donc mesurables pour les tribus boréliennes. De même pour les fonctions deRd dansRd0 car :

Proposition

Une fonctionf :RdRd0 est mesurable si, et seulement si ses composantes le sont.

Une fonction mesurable deE versF peut se voir comme une façon de transporter la masse deE versF. Elle dénit donc une nouvelle mesure surF, appelée mesure image :

Dénition

Soit f : (E,A)→(F,B)une application mesurable, et µ une mesure sur(E,A). La mesure image de µ par f est la mesurefµsurF donnée par :

pour toutB∈ B, fµ(B) =µ f−1(B) .

Ex. 7. Entre les espacesE={−2,−1,0,+ 1} etF =N, munis des tribus discrètes, on considère l'application f :E→F dénie parf(n) =n2pour toutn∈E. Quelle est l'image parf de la mesure de comptage surE?

Ex. 8. Quelle est la mesure image de la mesure de Lebesgue par l'application partie entière ? Quelle est la mesure image de la mesure de Lebesgue par l'application valeur absolue ?

Quelle est la mesure image de la mesure de Lebesgue par l'application x7→x3? (On se contentera de calculer la mesure du segment[a,b], pour tous réelsa < b, ce qui sut à caractériser la mesure)

(14)
(15)

Université Paris 13, Institut Galilée MACS 1 Intégration et probabilités Année universitaire 2018-2019

2. Intégration par rapport à une mesure

Soit(E,A,µ)un espace mesuré. On souhaite dénir l'intégraleZ

E

f dµd'une fonction mesurablef sur l'espace E, par rapport à la mesureµ.

Dans un premier temps, par analogie avec la notion de sommabilité (Chapitre 0), cela sera possible dès quef est à valeurs positives, auquel cas on dénitR

Ef dµ∈[0,∞], mais on dira quef est intégrable par rapport à µseulement si cette intégrale est nie.

Dans un second temps, lorsquef prend des valeurs de signe quelconque, ou même à valeurs dansRd(ouC), on pourra dénir R

f dµ à condition que |f| (ou kfk, dansRd) soit intégrable, à l'aide d'une construction qui se base sur le cas positif déni précédemment.

1 Intégrale de fonctions mesurables positives

Dénition

Une fonction étagée sur (E,A) est une fonction mesurable g : (E,A) → (R,B(R)) qui ne prend qu'un nombre ni de valeurs. Autrement dit, il existe n≥0, α1, . . . ,αnR distincts (les valeurs non nulles) et A1, . . . ,An ∈ Adisjoints tels que

pour toutx∈R, g(x) =

n

X

i=1

αi1Ai(x) =









α1 six∈A1

...

αn six∈An 0 sinon.

Si g est à valeurs positives (c.-à-d. siα1, . . . ,αn≥0), on dénit l'intégrale de g par rapport à µpar : Z

g dµ=

n

X

i=1

αiµ(Ai)∈[0,+∞].

En particulier,

Z

1Adµ=µ(A).

NB. Une fonction en escalier surRest une fonction étagée pour laquelle les ensemblesA1, . . . ,An sont des intervalles. Remarquons qu'il y a des fonctions étagées qui ne sont pas en escalier, par exempleg=1Q. Pour le calcul de l'intégrale, on n'a en fait pas besoin de supposer lesαi distincts et lesAi disjoints : Proposition

Pour tousα1, . . . ,αn∈[0,∞[etA1, . . . ,An ∈ A, la fonctiong=Pn

i=1αi1Ai est étagée, et Z

g dµ=

n

X

i=1

αiµ(Ai)∈[0,∞], avec la convention que, si αi= 0et µ(Ai) =∞, alorsαiµ(Ai) = 0.

Démonstration : Vu sa dénition,gest mesurable, et toute valeur degest une somme d'éléments parmiα1, . . . ,αn, donc il n'y a qu'un nombre ni de valeurs possibles. Ainsi, g est étagée. En dénissant, pour tout I ⊂ {1, . . . ,n}, AI = T

i∈IAi∩T

i /∈IAci, les ensembles AI sont disjoints, et Ai = S

I3iAI pour i = 1, . . . ,n donc on a, en utilisant l'additivité deµ, en intervertissant les sommes, puis en regroupant les indicesIselon la valeur (notées) deP

i∈Iαi,

n

X

i=1

αiµ(Ai) =

n

X

i=1

αi

X

I3i

µ(AI) = X

∅6=I⊂{1,...,n}

X

i∈I

αi

µ(AI) = X

s∈g(E)\{0}

s X

∅6=I⊂{1,...,n}:

P i∈Iαi=s

µ(AI) = X

s∈g(E)\{0}

s µ(g−1({s})),

d'où la proposition car le membre de droite est par dénitionR g dµ.

(16)

Propriétés

Soitg,h des fonctions étagées positives.

a) Pour tous réelsa,b≥0,R

(ag+bh)dµ=aR

gdµ+bR hdµ. b) Sig≤h, alorsR

gdµ≤R hdµ. Démonstration : Sig=P

iαi1Ai eth=P

jβj1Bj avec(Ai)i disjoints, et(Bj)j disjoints, alors en introduisant les ensemblesAij=Ai∩Bj, la fonctionaf+bhprend la valeuraαi+bβjsurAij, ce qui permet d'obtenir a) (on pourrait aussi utiliser la proposition précédente) ; et surAij la fonctiongvautαi ethvaut βj donc, siAij6=∅,αi≤βj, ce qui permet d'obtenir b) en sommant.

Dénition

Soitf :E→[0,+∞]mesurable. L'intégrale def par rapport à µest Z

f dµ= sup

hétagée, 0≤h≤f

Z

h dµ∈[0,+∞].

On utilise aussi les notations suivantes :Z

f dµ= Z

f(x)dµ(x) = Z

f(x)µ(dx)et on peut spécier Z

E

. Dans la suite, de même que dans cette dénition, une fonction mesurable positive est supposée prendre ses valeurs dans[0,+∞].

Comme le montreront les propriétés a) et b) ci-dessous, signalons déjà à titre d'exemple que la fonctionf =∞1A

vérieR

f dµ= 0siµ(A) = 0, etR

f dµ=∞siµ(A)>0. Ainsi la dénition dans le cas étagé s'étend au cas où certainsαi sont+∞, avecαiµ(Ai) = 0 siαi=∞etµ(Ai) = 0, etαiµ(Ai) =∞siαi=∞etµ(Ai)>0. Propriétés

Soitf,g des fonctions mesurables positives.

a) Si f ≤g, alorsR

f dµ≤R gdµ.

b) Sif = 0presque partout (pour la mesureµ), alorsR

f dµ= 0.

Démonstration : Sif≤g, alors toute fonction étagéehtelle que0≤h≤fvérie aussi0≤h≤g, d'où a) (le sup qui dénit l'intégrale degporte sur un ensemble plus grand, donc est plus grand).

Sif= 0presque partout, et0≤h≤fest étagée, on ah=P

iαi1Ai (avecAidisjoints) et, siαi>0, on a, pourx∈Ai, f(x) ≥h(x) =αi >0, doncAi ⊂ {x∈R|f(x)6= 0}d'où µ(Ai) ≤µ({f 6= 0}) = 0et doncµ(Ai) = 0; on déduit que Rhdµ=P

iαiµ(Ai) = 0. D'où b).

Théorème (Théorème de convergence monotone (TCM))

Soit(fn)n une suite croissante de fonctions mesurables positives. Alors Z

lim↑

n

fndµ= lim↑

n

Z fndµ.

Démonstration : On notef= lim↑nfn, qui est une fonction mesurable positive.

Pour toutn,fn≤fn+1, d'oùR

fndµ≤R

fn+1dµ. Ainsi, la suite

Rfn

n est croissante et donc converge (dansR).

De même, pour toutn,fn≤f, d'oùR

fndµ≤R

f µ, et en passant à la limite on a lim↑

n

Z

fndµ≤ Z

f dµ.

Il reste à voir l'inégalité inverse.

Soithune fonction étagée telle que0≤h≤f. Soitε >0.

Pour tout x ∈ E, si h(x) > 0, on a lim↑nfn(x) = f(x) ≥ h(x) > (1−ε)h(x) donc il existe n (grand) tel que fn(x)≥(1−ε)h(x); et sih(x) = 0alorsfn(x) = 0pour toutndonc évidemmentfn(x)≥(1−ε)h(x). Autrement dit,

E=[

%

n

En, où En={x∈E|fn(x)≥(1−ε)h(x)} ∈ A.

Par dénition deEn, on a pour toutx∈En,fn(x)≥(1−ε)h(x). Par conséquent, commefn≥0, on afn≥(1−ε)h1En. Commehest étagée, elle s'écrith=P

1≤i≤rαi1Ai, si bien queh1En=P

1≤i≤rαi1Ai∩En est étagée elle aussi et Z

fndµ≥ Z

(1−ε)h1Endµ= (1−ε)

r

X

i=1

αiµ(Ai∩En).

(17)

Soit1≤i≤r. La suite(Ai∩En)nest croissante (car(En)nest croissante) et sa réunion estAi(car la réunion desEn

estE) donc

lim↑

n

µ(Ai∩En) =µ(Ai).

En passant à la limite dans l'inégalité précédente, on a donc lim↑

n

Z

fndµ≥(1−ε)

r

X

i=1

αiµ(Ai) = (1−ε) Z

hdµ.

Pourε→0, ceci donne

lim↑

n

Z

fndµ≥ Z

hdµ.

Et ceci vaut pour toute fonctionhétagée telle que0≤h≤f, donc on a nalement lim↑

n

Z

fndµ≥ Z

f dµ,

ce qui conclut la preuve.

Par le TCM, pour calculerR

f dµ, on peut considérerlim↑nR

fndµpour n'importe quelle suite croissante(fn)n

de fonctions mesurables positives qui converge versf. Par exemple une suite de fonctions étagées : Lemme

Si f est mesurable positive, alors il existe une suite croissante (fn)n de fonctions étagées positives qui converge versf.

Démonstration : Dénissons, pour toutn, fn=

n2n−1

X

k=0

k

2n1f−1([2kn,k+12n[)+n1f−1([n,+∞[), ce qui revient à poser, pour toutx∈E,

fn(x) = max k

2n

k∈ {0,1, . . . ,n2n}et k 2n ≤f(x)

.

Sur la première écriture, il est manifeste que fn est étagée car, f étant mesurable, les ensembles f−1([2kn,k+12n [) et f−1([n,+∞[)sont mesurables. De plus, pour toutx∈E, pour toutn > f(x), on afn(x)≤f(x)< fn(x) + 2−n, d'où la convergence defn versf. Enn, le choix d'une subdivision dyadique, c'est-à-dire en intervalles de la forme [2kn,k+12n [, assure que, pour toutn,fn≤fn+1. En eet, les réels2kn appartenant à l'ensemble qui dénitfn(x)appartiennent aussi à l'ensemble qui dénitfn+1(x)car 2kn = 2n+12k .

Ceci permet d'étendre certaines propriétés de l'intégrale des fonctions étagées à l'intégrale de fonction mesu- rables positives quelconques. C'est une méthode illustrée par la propriété suivante, et que l'on retrouvera à de nombreuses reprises.

Propriétés

Pour f,g mesurables positives, eta,bréels positifs,Z

af+bg dµ=a

Z

f dµ+b Z

gdµ.

Démonstration : Le lemme fournit des suites croissantes(fn)n et(gn)n de fonctions étagées positives qui convergent versfetg. Pour toutn, par les propriétés de l'intégrale des fonctions étagées positives,

Z

(afn+bgn)dµ=a Z

fndµ+b Z

gndµ,

ce qui donne l'égalité annoncée en passant à la limite grâce au TCM.

Grâce à cette linéarité, le théorème de convergence monotone admet une réécriture en termes de séries : Corollaire (Théorème de convergence monotone pour les séries positives)

Si (fn)n≥0est une suite de fonctions mesurables positives, alors Z

X

n=0

fn

! dµ=

X

n=0

Z fndµ.

(18)

Démonstration : On applique le TCM à la suite des sommes partielles Sn = Pn

k=0fk ≥ 0, qui est croissante (car fn≥0), et converge versS=P

k=0fk. On a ainsi Z

Sdµ= lim↑

n

Z Sndµ.

Or, par la propriété précédente, Z

Sndµ= Z n

X

k=0

fk

dµ=

n

X

k=0

Z

fkdµ−→

n

X

k=0

Z fk

d'où la conclusion.

Proposition (Inégalité de Markov)

Pour toute fonction mesurable positivef, et tout réel a >0, µn

x∈E

f(x)≥ao

≤ 1 a

Z f dµ.

Démonstration : L'ensembleA={x∈E|f(x)≥a}vérief≥a1A(pour x∈A,f(x)≥a=a1A(x), et pourx /∈A, f(x)≥0 =a1A(x)). Par suite, en intégrant,

Z f dµ≥

Z

a1Adµ=aµ(A), ce qui donne l'inégalité.

Corollaire

Soitf,g des fonctions mesurables positives.

a) Si R

f dµ <∞, alorsf <∞presque partout.

b) R

f dµ= 0si, et seulement sif = 0presque partout.

c) Si f =g presque partout, alors R

f dµ=R gdµ. Démonstration : a) On supposeR

f dµ <∞. Pour toutn, on noteAn={x∈E|f(x)≥n}, etA={x∈E|f(x) =

∞}. Pour toutn, on aA⊂An donc 0≤µ(A)≤µ(An), or par l'inégalité de Markovµ(An)≤ n1R

f dµ−→

n 0 (vu que l'intégrale est supposée nie), donc on conclutµ(A) = 0, ce qu'il fallait démontrer.

b) On supposeR

f dµ= 0. Pour toutn≥1, on noteAn={x∈E|f(x)≥n1}, etA={x∈E|f(x)>0}. La suite(An)n

est croissante, etA=S

%nAn. On a doncµ(A) = lim↑nµ(An). Or l'inégalité de Markov donneµ(An)≤nR

f dµ= 0 quel que soitn, d'oùµ(A) = 0, c'est-à-dire quef= 0 presque partout (pourµ). La réciproque a déjà été vue.

c) On supposef =g presque partout. En particulier, la fonctionh = max(f,g)−min(f,g) est nulle presque partout et positive (ce qui n'est peut-être pas le cas def−g), donc R

hdµ= 0. Par la propriété, on a alorsR

max(f,g)dµ= Rmin(f,g)dµ. Ormin(f,g)≤f ≤max(f,g) et de même pourg; en passant aux intégrales, on voit queR

f dµetR f dµ sont encadrées parR

min(f,g)dµetR

max(f,g)dµqui sont égales, et donc en particulierR

f dµ=R gdµ. Théorème (Lemme de Fatou)

Soit(fn)n≥0 une suite de fonction mesurables positives. On a Z

lim inf

n fn

dµ≤lim inf

n

Z fndµ.

Démonstration : On a, par TCM, Z

lim inf

n fndµ= Z

lim↑

n

inf

k≥nfkdµ= lim↑

n

Z inf

k≥nfkdµ.

Or, pour toutn, pour toutm≥n,infk≥nfk≤fm, doncR

infk≥nfkdµ≤R

fmdµ, d'oùR

infk≥nfkdµ≤infm≥nR fmdµ.

En passant à la limite,

lim↑

n

Z

k≥ninffkdµ≤lim↑

n m≥ninf

Z

fmdµ= lim inf

n

Z fndµ, ce qui donne le résultat vu la première égalité.

(19)

NB. Voici trois exemples de suites (fn)n telles que fn → 0 et R

fndµ 6→ 0 (on a même R

nfndµ = 1 pour toutn). On utiliseE=R, muni de la mesure de Lebesgueµ=λ1.

bosse voyageuse :fn=1[n,n+1]

concentration en 0 :fn=n1[1 n,2n1]

écrasement :fn= n11[−n

2,+n2].

2 Fonctions intégrables

Dénition

Soitf :E→Rune fonction mesurable.f est intégrable par rapport àµsiZ

|f|dµ <∞. On pose alors

Z

f dµ= Z

f+dµ− Z

fdµ∈R,

oùf+= max(0,f)et f= max(0,−f)sont les parties positive et négative de f. On note L1(E,A,µ)l'espace des fonctions intégrables par rapport àµ.

NB. On a|f| =f++f ≥f, ce qui justie que R

fdµ <∞et donne un sens à la soustraction ci-dessus.

De même,R

f+dµ <∞doncR

f dµest bien réel.

On abrège souventL1(E,µ), voireL1(E)ou mêmeL1 si le contexte précise(E,A,µ). Propriétés

a) Pour toute f ∈ L1(E,A,µ), Z

f dµ

≤ Z

|f|dµ b) L1(E,A,µ)est un espace vectoriel, etf 7→R

f dµest une application linéaire deL1(E,A,µ)dansR. c) Pour f,g∈ L1(E,A,µ), sif ≤g, alorsZ

f dµ≤ Z

gdµ. d) Pourf,g∈ L1(E,A,µ), sif =gpresque partout, alors R

f dµ=R gdµ. Démonstration : a) On af=f+−fet|f|=f++f, donc par inégalité triangulaire,

Z

f dµ

= Z

f+dµ− Z

f

≤ Z

f+

+ Z

f

= Z

f+dµ+ Z

fdµ= Z

(f++f)dµ= Z

|f|dµ.

b) Décomposer en parties positives et négatives... Exercice.

c)g=f+ (g−f)etg−f≥0doncR

(g−f)dµ≥0etR

gdµ=R

f dµ+R

(g−f)dµ≥R f dµ.

d) sif=gpresque partout, alorsf+=g+ presque partout etf=gpresque partout (là oùf etgsont égales, leurs parties positives et négatives aussi), doncR

f+dµ=R

g+dµ, de même pourfetgd'oùR

f dµ=R gdµ. Théorème (Théorème de convergence dominée (TCD))

Soit(fn)n une suite de fonctions mesurablesE→R, etf une fonction mesurableE→R. On suppose (i) fn(x)→f(x)pour presque partoutx∈E;

(ii) il existeϕ:E→R+ mesurable telle queR

ϕdµ <∞et

pour toutn, pour presque tout x∈E, |fn(x)| ≤ϕ(x). (hypothèse de domination) Alors, pour tout n,fn ∈ L1(E,A,µ), f ∈ L1(E,A,µ),

Z

fndµ−→

n

Z

f dµ et Z

|fn−f|dµ−→

n 0.

Démonstration : Le fait quefnetf soient intégrables vient des inégalités |fn| ≤ϕet, à la limite,|f| ≤ϕ. Elles sont vraies presque partout, dontR

|fn|dµ≤R

ϕdµ <∞et de même pourf.

Pour simplier, supposons (i) et (ii) vrais partout. Les fonctionsϕ−fnetϕ+fnsont positives. On peut leur appliquer le lemme de Fatou. Pourϕ−fn :

Z lim inf

n (ϕ−fn)dµ≤lim inf

n

Z

(ϕ−fn)dµ (∗)

(20)

Orlim infn(ϕ−fn) =ϕ−f donc Z

lim inf

n (ϕ−fn)dµ= Z

ϕdµ− Z

f dµ.

Et

lim inf

n

Z

(ϕ−fn)dµ= Z

ϕdµ−lim sup

n

Z fndµ.

Ainsi, (∗) donne

lim sup

n

Z

fndµ≤ Z

f.

Les mêmes arguments pourϕ+fndonnent

lim inf

n

Z

fndµ≥ Z

f dµ,

d'où nalement Z

f dµ≤lim inf Z

fndµ≤lim sup

n

Z

fndµ≤ Z

f dµ, ce qui montre que tous les termes sont égaux, et en particulierR

fndµconverge versR f dµ. On peut alors donner une formule concrète de calcul de R

f dµ par approximation, qui correspond à la dénition évoquée lors de la présentation du cours :

Corollaire

Soitf une fonction intégrable positive. Pour toute suite de subdivisions 0 =`(n)0 < `(n)1 <· · ·< `(n)N(n)deR telle que

max

0≤i<N(n)`(n)i+1−`(n)i −→

n 0 et `(n)N(n)→+∞, on a

Z

f dµ= lim

n N(n)

X

i=1

`(n)i µ

f−1 [`(n)i ,`(n)i+1[ .

Démonstration : Il s'agit de montrer queR

f dµ= limn

Rfndµ, où on a déni les fonctions étagées

fn:x7→

N(n)

X

i=1

`(n)i 1

f−1([`(n)i ,`(n)i+1[)(x) =

(`(n)i si`(n)i ≤f(x)< `(n)i+1, où0≤i < N(n) 0 sif(x)≥`(n)N(n).

Pour toutx∈E on a, pour toutnassez grand,f(x)< `(n)N(n) (par la deuxième condition sur la subdivision), et il existe alorsitel quefn(x) =`(n)i ≤f(x)< `(n)i+1d'où

0≤f(x)−fn(x)< `(n)i+1−`(n)i ≤max

j `(n)j+1−`(n)j −→

n 0

(par la première condition). Ceci montre que(fn)nconverge versf. Il reste à prouver une domination.

Or, sif(x)< `(n)N(n), on a aussi vu quefn(x)≤f(x). Et sif(x)≥`(n)N(n), alorsfn(x) = 0≤f(x). Donc on a, pour toutn, 0≤fn(x)≤f(x). Or on a suppose f intégrable. On peut donc appliquer le TCD à la suite(fn)n, dominée parϕ=f, ce qui conclut.

Notation. PourA∈ A, on noteZ

A

f dµ= Z

f1Adµl'intégrale def sur A par rapport à µ, lorsqu'elle a un sens, c'est-à-dire sif1Aest positive ou intégrable. Ceci a d'ailleurs un sens même sif n'est pas dénie hors deA(car1A vaut alors 0). On dit quef est intégrable sur AsiZ

A

|f|dµ <∞.

(21)

3 Exemples principaux

3.1 Intégrale par rapport à une mesure discrète

Proposition

Soitf :E→Rune fonction.

a) Soit x∈E.f est intégrable par rapport àδx etZ

f dδx=f(x).

b) Soit(xn)n≥0 une suite d'éléments deE et (αn)n≥0 une suite de réels≥0. On poseµ=X

n≥0

αnδxn. Sif est positive, on a

Z

f dµ=X

n≥0

αnf(xn)∈[0,+∞].

Pour f de signe quelconque, f est intégrable par rapport ൠsi, et seulement si P

nαn|f(xn)|<∞et, dans ce cas,

Z

f dµ=X

n≥0

αnf(xn)∈R.

Démonstration : a) On af=f(x)1{x}presque partout, car ces fonctions coïncident enx, etδx({x}c) = 0. Donc leurs intégrales sont égales :

Z

f dδx= Z

f(x)1{x}x=f(x)δx({x}) =f(x) (par la dénition de l'intégrale d'une fonction étagée).

b) Soitf mesurable positive. Posonsg=f1F oùF ={xn|n∈N}. Alorsf=gpresque partout pour la mesureµ. En eet,f=gsurF, etµ(Fc) = 0. On a donc R

f dµ=R

gdµ. Or on ag= lim↑ngnoùgn=Pn

k=0f(xk)1{xk} donc, par TCM,

Z

gdµ= lim↑

n

Z

gndµ= lim↑

n n

X

k=0

f(xk)µ({xk}) =

X

k=0

f(xkk,

d'où l'égalité annoncée. Sif est de signe quelconque et intégrable, on applique ce qui précède àf+ etf pour obtenir le résultat.

Ainsi, siµE est la mesure de comptage surE etf :E→R+, Z

f dµE=X

x∈E

f(x).

Ex. 9. Déterminer la limite de la suite de terme généralIn=

X

k=1

n nk2+k+ 1. Corollaire (Échange de sommations)

Soit(am,n)m,n∈N une famille de réels.

a) Si, pour tous m,n∈N,am,n≥0, alors X

m∈N

X

n∈N

am,n

=X

n∈N

X

m∈N

am,n

∈[0,+∞]. b) Si X

m∈N

X

n∈N

|am,n|<∞, alors X

m∈N

X

n∈N

am,n

=X

n∈N

X

m∈N

am,n

R.

Démonstration : a) On a, en notantµNla mesure de comptage surN, par la proposition précédente, X

m∈N

X

n∈N

am,n

= X

m∈N

Z

N

am,nN(n) = Z

N

X

m∈N

am,n

N(n) =X

n∈N

X

m∈N

am,n

, où l'égalité du milieu est justiée par le théorème de convergence monotone pour les séries à termes positifs.

b) Sous l'hypothèse, pour toutn∈N, la sérieP

mam,n converge absolument, et on a Z

N

X

m

|am,n|dµN(n) =X

n

X

m

|am,n|=X

m

X

n

|am,n|<∞,

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