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Le traitement des sapinières de basse altitude du Jura

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Academic year: 2022

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Le traitement des sapinières de basse altitude du Jura

Louis Bourgenot

To cite this version:

Louis Bourgenot. Le traitement des sapinières de basse altitude du Jura. Revue forestière française, AgroParisTech, 1960, pp.677-687. �10.4267/2042/24225�. �hal-03389719�

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REVUE FORESTIERE F R A N Ç A I S E

1960 NOVEMBRE N° 11 Dans ce numéro: L. BOURGENOT: Le traitement des sapinières du Jura. -—

J. V E N E T : A propos de l'utilisation des feuillus en papeterie. — J. CHIAVE- RINA et Mme B. CHOULET: Etude de l'aptitude papetière du bois de « P t e - rocarya caucásica » et de « Pterocarya stenoptera ». — Général du RANQUET:

La gelée et le pin maritime.

LE TRAITEMENT DES SAPINIÈRES DE BASSE ALTITUDE DU JURA

PAR

L BOURGENOT

Ingénieur des E a u x et Forêts à Lons-le-Saunier

Depuis 1942, les « sécheresses » sont à Tordre du jour. On a pu constater notamment leur influence néfaste sur les sapinières de basse altitude; on les a accusées de les faire précocement dépérir;

on les a désignées comme la cause de ces exploitations de bois secs, qui ont, dans certaines régions, atteint des volumes considéra- bles. A propos d'une de ces sapinières de basse altitude, celle de Clairvaux (Jura), et tout en reconnaissant la justesse de cette opi- nion qui apparaît d'ailleurs comme une évidence, nous voudrions la préciser en étudiant les caractéristiques du climat local, et en tirer, du point de vue du traitement de ces sapinières, les conséquences qui s'imposent.

LA FORÊT"

Topographie. — La forêt communale de Clairvaux (Jura) s'étend sur 214 ha, entre 490 m et 730 m d'altitude, sur le talus du 2e Pla- teau du Jura, et sur le plateau qui le continue vers l'Ouest.

Sol. — Provenant d'une roche-mère constituée par les assises compactes, puissantes et fissurées du Jurassique supérieur, le sol, très perméable en grand, est une rendzine superficielle assez peu fertile, se réduisant par places au sol squelettique à « laizines » (nom jurassien des Lappiaz), avec affleurements rocheux sur les- quels prospère le buis. Pour supporter une sapinière viable, un tel sol a besoin d'être constamment et abondamment arrosé.

Pluviosité. — Or, il se trouve justement que les précipitations sont abondantes et régulièrement réparties. Un Poste pluviométri- que est installé à Clairvaux (à l'altitude de 540 m) depuis 1904;

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les moyennes mensuelles des précipitations calculées sur la période de 56 ans, s'étendant de 1904 à 1959, sont en effet les suivantes :

Jan. Fév. Mars Avril Mai Juin Hauteur 118 115 109 109

Nombre de jours . . . . 14 12 14 17 Juil.

Hauteur 118 129 126 140 Nombre de jours . . . . 13 13 10 13

Août Sept. Oct.

133 15 Nov.

145 14

120 14 Dec.

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La pluviosité dite « normale » à Clairvaux est donc caractéri- sée par les chiffres suivants :

Moyenne annuelle 1 500 mm Nombre moyen de jours de précipitation par an . . . . 163 Moyenne de la saison de végétation (mai à sept.) . . . 626 mm

Le nombre de jours de neige est de 20 par an; la neige couvre le sol en moyenne de fin. décembre à mars.

La température moyenne annuelle est de 7°8, avec 11°8 comme moyenne des maxima, et 3°8 comme moyenne des minima.

Enfin, l'indice d'aridité de D E MARTONNE est élevé: il atteint 85.

En résumé, nous nous trouvons ici dans des conditions climati- ques très favorables à la culture des fagabiétaies.

Peuplement. — Le peuplement est en effet une « sapinière », comme nous disons en France : mais il n'est pas une f agabiétaie.

Car nous sommes ici à la limite altitudinale inférieure de Taire du sapin et à la limite altitudinale supérieure de celle du (chêne pé- doncule. Le hêtre est très rare, et, dans les parties de la forêt ré-

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cemment encore traitées en taillis-sous-futaie, et qui se sont enré- sinées naturellement, Ton rencontre des fourrés et des gaulis sapin extrêmement denses et vigoureux, envahissant des chênaies à chêne pédoncule et icharme, deux essences qui existent à l'état disséminé sur toute retendue de la forêt, et qui se manifestent à la faveur de trouées accidentelles ou non, même dans les futaies de sapin constituées, d'où le marteau du forestier les avait éliminées de- puis longtemps.

Phénomène plus curieux encore : la chênaie pubescente à buis dispute la place, dans cette « zone contestée » au chêne pédon- cule et au sapin. Le chêne pubescent, le buis, la coronille, l'érable à feuilles d'obier, le cerisier mahaleb, localisés sur les versants ou sur les sols les plus arides (le buis est abondant au sud du canton

« Lavenois », parcelles 27 à 30), font de la partie sud de la fo- rêt de Clairvaux une des stations les plus septentrionales de ces sapinières thermophiles à; buis, que l'on rencontre au sud jusque dans le département de l'Ain.

ETAGES DE VÉGÉTATION

Lorsque, d'ailleurs, partant de la région de Clairvaux, l'on se dirige de l'Ouest vers l'Est, en s'élevant en altitude, l'on parcourt une suite continue d'associations végétales, que l'on peut grosso- modo décrire comme suit :

— à l'Ouest, des chênaies sans sapin, à chêne pédoncule et char- me, qui, sur les versants chauds de la vallée de l'Ain et de ses affluents, sont mélangées de plantes subméditerranéennes ;

— dans la région de la forêt de Clairvaux, des sapinières à chêne pédoncule ou à buis ;

--- dans la région de Crillat-Saint-Maiirice, dès que l'on atteint l'altitude de 750 m à 800 jm (et même à partir de 700 m sur les versants Nord), des hêtraies ou des fagabiétaies, d'où chênes et charmes ont disparu.

U N E ZONE CRITIQUE

Il serait intéressant de préciser par des études conjointes de la végétation et du sol, les caractéristiques de ces diverses associa- tions, leur évolution dans le temps, et leurs transitions dans l'es- pace. Ce n'était pas aujourd'hui notre propos, et nous avons seule- ment voulu mettre en évidence la complexité des conditions écologi- ques ici rencontrées : la forêt de Clairvaux se trouve dans une zone contestée, entre sapin pectine d'une part, chêne pédoncule et même pubescent de l'autre; autrement dit, dans une station critique où la culture du sapin pectine est beaucoup plus délicate qu'à altitude plus élevée, si son existence, pas plus que sa régénération natu- relle très facile, ne pose pas de problèmes,

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L'EXPANSION DU SAPIN

Voire, diront peut-être certains, êtes-vous bien sûr que l'exis- tence du,sapin soit ici si bien démontrée? N'est-il pas exact qu'il n'occupait il y a 200 ans (en 1750 exactement, comme en font foi les descriptions de l'époque), qu'une quarantaine d'hectares à l'ex- trême Est et dans les parties les plus élevées de la forêt ? qu'à cette époque le surplus de cette forêt était constitué par des taillis feuil- lus? que, favorisé par l'homme, l'enrésinement naturel s'est pro- pagé de l'Est vers l'Ouest, à tel point qu'en 1860 une « sapinière » de 20 à 80 ans s'étendait à l'Est sur plus de 100 hectares? que, pen- dant les cent dernières années le sapin, toujours favorisé par l'hom- me, a continué sa marche vers l'Ouest, et qu'il domine aujourd'hui sur 200 hectares? mais que, par suite de circonstances météoro- logiques défavorables, il se pourrait bien à l'avenir qu'il remonte chercher en altitude une fraîcheur qu'il ne trouve plus dans les parties basses?

EXPLOITATIONS DE BOIS SECS

Il faut avouer, non seulement que la description qui vient d'être faite de l'évolution des peuplements est exacte, mais qu'à la suite des récentes sécheresses, le forestier conçoit les plus grandes in- quiétudes sur l'avenir des sapinières de basse altitude.

De 1906 à 1945 en effet, soit pendant 40 années, les exploita- tions de chablis et bois secs en forêt de Clairvaux sont toujours demeurées inférieures à 1,2 m3/ha/an. Une seule exception: en 1912, conséquence de la sécheresse de 1911, elles ont atteint 7,3 m3 par ha. Mais cette sécheresse n'a pas eu de conséquences néfastes, et dès 1913, la situation était redevenue normale.

Or, les exploitations de chablis, et surtout de bois secs, se sont considérablement amplifiées depuis 1946, pendant que se délabrait peu à peu, sur une centaine d'hectares, l'ancienne sapinière. Sans tenir compte des 18 m3 par hectare renversés par un ouragan, le 15 janvier 1946, les sécheresses de 1947, 1949 et 1953 ont imposé l'exploitation moyenne, sur l'ensemble de la forêt, de 3 m3/ha/an de bois secs, de 1947 à 1953. Sur les seules parcelles 13 à 34 (109 ha), à l'Est de la forêt, de 1950 à 1953, les exploitations de bois secs ont représenté 5,3 m3/ha/an. Et ce n'est pas terminé ; le pour- centage des sapins dépérissants augmente de manière inquiétante:

sur 49 ha au Sud du Canton Lavenois (Sapinière à buis), un pointage réalisé lors de l'inventaire de la forêt, en automne 1959, révèle une proportion de sapins dépérissants de 25 % en volume.

Le sapin serait-il allé trop loin dans sa marche triomphante vers l'Ouest, c'est-à-dire vers les basses altitudes? Une nouvelle séche- resse dite « exceptionnelle » va-t-elle en avoir définitivement rai- son?

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LE TRAITEMENT DES SAPINIÈRES DE BASSE ALTITUDE DU JURA 681

La vérité nous /semble quelque peu différente, et plus com- plexe.

PEUPLEMENTS SURANNÉS

L'historique succinct rappelé ci-dessus vient de nous montrer qu'on a affaire sur plus de 100 hectares à l'Est de la forêt à une vieille sapinière dont les vieux bois ont 150 ans et plus, uniforme et surannée. C'est parce que l'on a trop attendu pour la rajeunir, que les exploitations de bois secs y sont devenues si importantes. Nous n'insisterons pas sur une telle banalité qui est valable pour toutes les sapinières, quelle que soit leur altitude, mais nous pensons qu'elle demande également à être précisée.

Pour le faire, nous étudierons l'évolution, depuis leur naissance, de quelques peuplements de la forêt de Clairvaux, aujourd'hui arri- vés à maturité ou même hors d'âge.

Parcelles 12 et 13 (15,40 ha)

— en 1885: 52 sapins cubant 32 m3 —ι 34 feuillus cubant 17 m3 »— par ha.

Taillis-sous-futaie complet de 20 ans, dominé par des sapins épars et recouvrant des fourrés et gaulis sapin très abondants de 1 à 30 ans.

— en 1925: 232 sapins cubant 292 im3 — 82 feuillus cubant 26 m3 -— par ha.

Beau peuplement « jardiné » (sic) où les jeunes bois dominent, ainsi que le décrit l'aménagiste de l'époque.

— en 1949: 304 sapins cubant 411 m3 — 18 feuillus cubant 7 m3 — par ha.

Jeune futaie et futaie sapin complète, dense et vigoureuse.

— en 1959: 286 sapins cubant 419 m3 .— 19 feuillus cubant 6 m3 — par ha.

Par places, bouquets de futaie sapin encore denses, mais sur la majo- rité de la parcelle, vieille futaie mûre et même dépérissante, entr'ouverte sur un début de régénération sapin.

Parcelle 14 (5,45 ha)

— en 1860: 144 sapins cubant 204 m8 par ha.

Taillis de 25 ans surmonté par de nombreux sapins porte-graines, et recouvrant de nombreux semis naturels de sapin.

— en 1885: 167 sapins, cubant 264 m3* — 15 feuillus cubant 4 ni3 —» par ha.

« Futaie jardinée » (sic) complète, très vigoureuse, dominant un semis complet de sapin de 20 ans venant d'être découvert par la coupe de taillis.

—- en 1905: 172 .sapin, cubant 308 mJ3 — 4 feuillus cubant 1 m3 — par ha.

« Futaie jardinée » (sic) claire, vigoureuse; semis et jeunes bois abon- dants ou très abondants.

— en 1925: 175 sapins, cubant 314 m3 — 6 feuillus cubant 2 m3 — par ha.

Futaie sapin claire sur semis, gaulis et perchis assez nombreux.

—- en 1949: 166 sapins cubant 281 m3 — 16 feuillus cubant 6 m3 — par ha.

Vieille futaie mûre, dépérissante et très entr'ouverte sur renaissances incomplètes. Parcelle classée en quartier de régénération en 1950.

— en 1959: 149 sapins, cubant 199 m3 — 27 feuillus, cubant 8 m31 — par ha.

La coupe définitive est intervenue sur la moitié de la parcelle; elle reste à terminer en deux passages sur le surplus.

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682 REVUE FORESTIERE FRANÇAISE Parcelle 33 (8,38 ha)

Voir courbe du nombre de tiges par catégories de diamètre.

en 1885: 36 sapins cubant 47 m'3 — 17 feuillus cubant 6 m3 — par ha.

Fourrés et gaulis sapin 1 à 30 ans, dominés par quelques sapins épars et par un taillis feuillu de 10 ans.

en 1905: 208 sapins cubant 120 m13 •— 37 feuillus cubant 8 ni3 — par ha.

Gaulis et bas per chis complets avec quelques sapins disséminés.

en 1925: 471 sapins cubant 306 m3 — 28 feuillus cubant 7 m3 — par ha.

Peuplement (« jardiné » (sic) très dense en pleine croissance, beau- coup de jeunes peuplements — belle parcelle d'avenir.

en 1949: 394 sapins cubant 422 m3 — 10 feuillus cubant 4 m3 — par ha.

Jeune futaie sapin en massif régulier, complet, dense et vigoureux.

en 1959: 316 sapins cubant 376 m3 et 11 feuillus cubant 4 m3 — par ha.

Futaie sapin en massif clair, surtout »au Sud et à lOuest, mûr ou approchant de sa maturité (assez nombreux dépérissants).

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Ces chiffres et descriptions permettent d'avancer d'importantes conclusions sur le mode de traitement et sur l'âge d'exploitabilité de la Sapinière de Clairvaux.

TRAITEMENT

Nous rappellerons que cette 'forêt a été traitée en futaie jardi- née de 1881 à 1949, date à laquelle le traitement en futaie régu- lière lui a été appliqué. En effet, l'évolution des peuplements 12,

13, 33, est à l'évidence une évolution de futaie régulière, que les coupes de jardinage ont été impuissantes à empêcher. Et, surtout, l'évolution de la parcelle 14 montre quels sont les inconvénients d'appliquer à de tels peuplements un traitement en futaie jardinée.

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LE TRAITEMENT DES SAPINIERES DE BASSE ALTITUDE DU JURA 6 8 3

La parcelle 14 est en régénération depuis 100 ans. Elle comprend depuis 100 ans une futaie et vieille futaie (le volume de l'arbre moyen résineux varie de 1,4 m3 à 1,8 m3), claire (le nombre d'ar- bres à l'ha varie de 144 à 181), sur des renaissances éternelles, mais aussi toujours incomplètes. De 1860 à 1949, soit pendant 90 ans, elle a été parcourue par des coupes de jardinage qui l'ont indéfi-

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niment maintenue à l'état de vieille futaie claire, mais de plus en plus dépérissante. En 1949, nous avons estimé que la plaisanterie avait assez duré, et qu'il devenait urgent d'achever enfin la ré- génération de cette parcelle.

Il faut bien constater que, par la faute d'un traitement en fu- taie jardinée, qui interdit la coupe définitive, dans les peuplements baptisés « jardines » ¡parce qu'ils sont à l'état de coupe secon- daire indéfiniment prolongée, le rajeunissement nécessaire des peu- plements âgés n'a pas pu être assuré convenablement.

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684 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE

AGE D'EXPLOITABILITÉ

Mais, l'exemple des parcelles 11, 12 et 33, permet de découvrir une autre raison au dépérissement de l'ancienne sapinière: entre le moment (1885) où une régénération complète ou presque complète, de 1 à 30 ans (moyenne 15 ans) est obtenue, et le moment (1959) où les peuplements sont mûrs et doivent être régénérés, il s'est passé 74 années. En admettant que cette régénération aurait dû débuter il y a une dizaine d'années, et qu'elle devrait se terminer dans une vingtaine d'années, on peut dire que de tels peuplements, nés en moyenne en 1885 —< 15 = 1870, seront exploités en moyenne en 1959 ·+ 10 j = 1969; leur âge moyen d'exploitabilité est donc ici de 100 ans au maximum, alors qu'il est couramment de 120 ans et plus, pour les sapinières jurassiennes du 2e Plateau.

Il y a plus. En parcourant les parcelles 12, 13, 33 et quelques autres en 1949, nous avions eu l'impression de peuplements encore jeunes, vigoureux, dont la mise en régénération devait être envi- sagée dans un avenir proche, mais non immédiat, et qui devaient pour le moment être seulement préparés à cette future régénération.

Or, 10 ans après exactement, ces peuplements ont fait place à des futaies et vieilles futaies mûres, dépérissantes, et commençant à s'entr'ouvrir : autrement dit, le dépérissement — ou l'exploitabilité physique — de la sapinière de Clairvaux intervient très tôt, beau- coup plus tôt que dans les peuplements situés dans l'optimum de l'aire du sapin, et elle intervient brusquement, à un âge où les peu- plements, à peine arrivés à l'âge adulte — à l'âge de ce qu'en ter- mes d'aménagement nous appelons l'âge du quartier jaune ou de la préparation à la régénération — semblent avoir encore devant eux un assez long avenir.

LES FLUCTUATIONS DE LA PLUVIOSITÉ

Les chiffres de la pluviosité normale indiqués plus haut, et qui indiquent des conditions météorologiques très favorables au sapin, n'expliquent pas de tels phénomènes. Mais aussi ces chiffres ne représentent-ils que des moyennes, et, comme en témoigne le gra- phique ci-joint, les précipitations annuelles présentent-elles d'impor- tantes fluctuations.

C'est ainsi que sur les 56 années (1904-1959) pour lesquelles nous possédons les hauteurs mensuelles de précipitations de la ville de Clairvaux:

— 28 années ont présenté une pluviosité annuelle inférieure à la pluviosité normale (1 500 mm). La moyenne annuelle de plu- viosité de ces 28 années est de 1 270 mm ;

— 28 années ont présenté une pluviosité annuelle supérieure à la normale.

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LE TRAITEMENT DES SAPINIÈRES DE BASSE ALTITUDE DU JURA 6 8 5

La moyenne annuelle de pluviosité de ces 28 années est de 1 730 mm.

D'autre part, la répartition des années « sèches » et des années

« humides», au cours de ces 56 années est sensiblement homo- gène ; c'est ainsi qu'il y a eu :

— de 1904 à 1909, 6 années sèches (moyenne 1 329 mm) et 0 année humide ;

— de 1910 à 1919, 3 années sèches (moyenne 1 365 mm) et 7 années humides (1 660 mm) ;

— de 1920 à 1929, 5 années sèches (1 190 mm) et 5 années humides (1750 mm);

— dé 1930 à 1939, 4 années sèches (1 330 mm) et 6 années humides (1 840 mm) ;

— de 1940 à 1949, 6 années sèches (1 190 mm) et 4 années humides (1 580 mm) ;

.— de 1950 à 1959, 4 années sèches (1 285 mm) et 6 années humides (1 720 mm).

On pourrait faire les mêmes constatations en ce qui concerne la pluviosité pendant la saison de végétation (mai-septembre). Sur les 56 années 1904-1959:

— 30 années ont présenté des pluviosités de saison de végétation inférieures à la moyenne — Moyenne de ces 30 années : 550 mm.

— 26 années ont présenté des pluviosités de saison de végétation supérieures à la moyenne — Moyenne de ces 26 années : 770 mm.

Les années particulièrement sèches ont été:

1906 — Mai-septembre: 323 mm.

1911 — Année: 1 178 mm — Mai-septembre: 354 mm.

1920 — Année: 1 139 mm.

1921 — Année: 963 mm.

1929 — Année : 1 092 mm — Mai-septembre : 439 mm.

1942 — Mai-septembre: 400 mm.

1943 — Année : 1 142 mm.

1945 — Année: 1094 mm.

1947 — Mai-septembre: 387 mm.

1949 — Année : Λ 090 mm — Mai-septembre: 376 mm.

1953 — Année: 950mm.

1959 — Mai-septembre : 349 mm.

Tout ceci montre qu'à Clairvaux les sécheresses ayant eu lieu de 1942 à 1953 ne sont pas exceptionnelles, et que — nous pen- sons l'avoir démontré pour une durée assez longue de 56 ans — la pluviosité présente en permanence des fluctuations annuelles d'une ampleur considérable, qui nous semble devoir être, au même titre que la pluviosité « normale », considérées comme une caractéris- tique importante du climat.

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6 8 6 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE

L'influence de ces fluctuations est d'autant plus sensible:

— que l'altitude est plus basse, parce qu'alors la pluviosité normale est elle-même plus faible, et que les déficits d'alimentation en eau sont plus néfastes, comme le montrent les chiffres suivants :

Station Altitude

Normale

Pluviosité Moyenne des

années sèches Moyenne des années humides Marigny 465 m 1386 1161 1639 Clairvaux 540 m 1500 1270 1730 Saint-Laurent 890 m 1649 1334 1846 Morbier 930 m 1933 1597 2222

— que le sol est plus médiocre: or, il est ici rocheux, superficiel, perméable et ne retient pas l'eau.

En résumé, si à basse altitude, l'abondance et la répartition uni- forme de la pluviosité normale, sont un facteur favorable à la cul- ture du sapin qui, même s'il était reconnu qu'il n'est pas tout à fait en station, doit être favorisé pour l'avantage économique qu'il pré- sente en regard du chêne et du charme, et qui constitue ici les peuplements les plus productifs du Jura; si la basse altitude en- traîne un allongement de la saison de végétation, et en conséquence, une croissance plus rapide, nous pensons qu'en corrélation avec la médiocrité du sol, les fluctuations de la pluviosité peuvent être un facteur limitant, sinon pour sa végétation et sa reproduction, du moins pour sa longévité.

CONCLUSION

Les Sapinières de basse altitude, comme celle de Clairvaux, ou de la Région de Mont-sur-Monnet; se trouvent à tous points de vue, comme nous avons tenté de le montrer succinctement, dans une situation critique, qui en rend la culture difficile, mais non impos- sible.

Elles doivent donc être traitées en tenant compte de toutes les conditions du milieu, et de manière à être à même de résister le mieux possible à des variations météorologiques d'amplitude consi- dérable, qui sont loin d'être exceptionnelles, et qui présentent ici des conséquences néfastes, inconnues à plus haute altitude.

Il nous semble d'abord beaucoup plus rationnel de traiter ces peuplements en futaie régulière. Toutes les sapinières de basse al- titude du Jura sont d'ailleurs d'allure régulière, et leurs peuple- ments présentent une évolution de futaie régulière. Non qu'il soit absolument impossible de les couler de force dans le moule du

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LE TRAITEMENT DES SAPINIERES DE BASSE ALTITUDE DU JURA 6 8 7

jardinage: mais que de difficultés à prévoir alors! que de soins de tous les instants, qui ne sont pas à la portée de tous les proprié- taires ! Et surtout, nous dirons que seul le traitement en futaie régu- lière permet d'achever dans des délais raisonnables la régénération des peuplements arrivés à maturité.

En second lieu, il est absolument nécessaire de choisir des âges d'exploitabilité correspondant aux conditions écologiques de la sta- tion. Des révolutions de 140 et même 120 ans, sont beaucoup trop longues, et, en conséquence, les possibilités correspondantes trop faibles, pour épouser le rythme de croissance des peuplements.

D'autre part, les sapinières de basse altitude doivent être pré- parées à la régénération, d'une part, mises en régénération, d'autre part, beaucoup plus tôt qu'au centre de l'aire du sapin, et les régé- nérations doivent y être menées plus rapidement. Ceci implique, d'abord, pour obtenir un mélange cultural de feuillus, des planta- tions de hêtre dans les parcelles en régénération, car les renais- sances de cette essence y sont rares ou absentes ; ensuite, des coupes d'éclaircie forte, et des coupes d'ensemencement dans des peuple- ments beaucoup plus jeunes que ceux auxquels nous avons l'ha- bitude de les appliquer. Ces apparents « sacrifices d'exploitabilité » sont le prix qu'il faut payer pour obtenir, en basse altitude, des sapinières perennes et en bonne santé.

Et, enfin, toutes ces considérations sont valables, mutatis mutan- dis, pour les sapinières artificielles qui sont créées depuis une qua- rantaine d'années par enrésinement des taillis sur le premier Pla- teau du Jura, où la pluviosité, encore abondante, est moins élevée, et ses variations plus néfastes, et où l'on devra vraisemblablement adopter des critères d'exploitabilité encore plus faibles qu'à la limite inférieure de l'aire naturelle du sapin.

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