• Aucun résultat trouvé

Croyance pédagogique et innovation technologique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Croyance pédagogique et innovation technologique"

Copied!
22
0
0

Texte intégral

(1)

Actes de la recherche en sciences sociales

Croyance pédagogique et innovation technologique

Le marché de la formation à distance au service de la "démocratisation" de l'enseignement supérieur

Madame Sandrine Garcia

Citer ce document / Cite this document :

Garcia Sandrine. Croyance pédagogique et innovation technologique. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 149, septembre 2003. Les contradictions de la "démocratisation" scolaire. pp. 42-60;

doi : https://doi.org/10.3406/arss.2003.2779

https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_2003_num_149_1_2779

Fichier pdf généré le 22/03/2019

(2)

Le marché de la formation à distance au service de la «démocratisation» de l'enseignement supérieur.

Cet article étudie la construction d'un marché de la formation à distance dans l'enseignement supérieur via internet. Ce processus, qui contribue à redéfinir les frontières entre la formation initiale et la formation continue, s'inscrit dans des orientations internationales qui visent à marchandiser certains services publics. Toutefois, bien que la tentation soit grande d'imputer à ces accords un rôle décisif dans la construction de ce marché de la formation à distance, l'action de l'État est en fait déterminante:

non seulement il se charge du travail proprement politique d'élaboration de règles permettant d'inscrire les campus numériques dans une logique de régulation par le marché, mais il produit aussi une reformulation des enjeux économiques dans des termes pédagogiques propres à légitimer la construction du marché. Outre les textes juridiques et les textes officiels permettant d'appréhender ces nouvelles règles, l'article s'appuie sur une enquête de terrain conduite auprès des chargés de mission aux technologies de l'information et de la communication. Ceux-ci relaient les orientations ministérielles auprès de la communauté universitaire et remplissent d'autant mieux leur mission qu'ils sont personnellement convaincus des bienfaits pédagogiques des TICE et qu'ils y trouvent une occasion privilégiée de valoriser des compétences accumulées au cours de leurs trajectoires professionnelles.

Abstract

Pedagogical belief and technological innovation.

The e-learning market in the service of the «democratization» of higher education.

The present article studies the construction of a market in ecampuses via the internet. This process, which is one of the factors active in redrawing the borders between initial education and continuing education, is one of the international orientations aimed at merchandizing certain public services.

Nevertheless, although it is very tempting to assign these agreements a decisive role in the construction of an e-learning market, the determining factor is actually State action : not only does the State ensure the properly political task of working out the rules that will include digital campuses in a logic of regulation by market forces, it also produces a restatement of the economic stakes in pedagogical terms suited to legitimizing the market's construction. In addition to the juridical and official texts that make it possible to apprehend these new rules, the article uses a field study carried out among official representatives of the office of Information and Communication Technologies. These officials were responsible for passing on the ministerial guidelines to the university community ; they performed their task all the better as they were personally convinced of the pedagogical benefits of these technologies and saw this as a good opportunity to enhance the value of the skills accumulated over the course of their professional trajectories.

Zusammenfassung

Pädagogischer Glaube und technologische Innovation.

Fernbildungsmarkt im Dienst der «Demokratisierung» der höheren Bildung.

Dieser Aufsatz untersucht die Herausbildung eines Fernbildungsmarktes im Hochschulbereich über internet. Dieser Prozess, der die Grenzen zwischen Ausbildung und Weiterbildung verschiebt, ist in internationale Orientierungen eingebettet, die darauf abzielen, bestimmte Bereiche öffentlicher Dienstleistungen zu vermarkten. Obwohl die Versuchung groß ist, diesen Abmachungen eine entscheidende Rolle bei der Herausbildung des Fernbildungsmarktes zuzuweisen, bleibt die Rolle des Staates dennoch entscheidend : er ist nicht nur für die politische Arbeit verantwortlich, Regeln zu erarbeiten, die es ermöglichen, sich in dem elektronischen Campus einzuschreiben und die der Logik der Marktregulierung entsprechen, sondern er produziert auch eine Umformulierung der wirtschaftlichen Eingaben in pädagogische, um die Herausbildung des Marktes zu legitimieren. Neben juristischen und offiziellen Texten anhand derer sich die neuen Regeln umreißen lassen, stützt sich

(3)

Gemeinschaft und sie erfüllen ihre Rolle umso besser als sie persönlich vom pädagogischen Nutzen dieser Technologien überzeugt sind und sie hier eine bevorzugte Gelegenheit haben, die während ihrer Laufbahn erworbenen Kompetenzen zur Geltung zu bringen.

Resumen

Convicción pedagógica e innovación tecnológica.

El mercado de la capacitación a distancia al servicio de la «democratización» de la enseñanza superior.

En el presente articulo se estudia la construcción de un mercado de capacitación a distancia en la enseñanza superior francesa, via internet. Este proceso, que contribuye a redefinir las fronteras entre la formación inicial y la formación continua, se inscribe en el marco de las orientaciones internacionales tendientes a mercantilizar ciertos servicios públicos. No obstante, aunque sea muy tentador imputar a dichos acuerdos un papel decisivo en la construcción del mercado de capacitación a distancia, de hecho, la acción del Estado es determinante. El Estado no sólo se encarga del trabajo estrictamente político de elaborar reglas que permitan inscribir los campus virtuales en una lógica de regulación a través del mercado ; también reformula los intereses económicos en juego, y lo hace en términos pedagógicos destinados a legitimar la construcción del mercado. Además de los textos jurídicos y los textos oficiales que permiten aprehender esas nuevas reglas, el articulo se basa en un estudio de terreno dirigido a los encargados de la misión denominada Technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (TICE), quienes deben transmitir las orientaciones ministeriales a la comunidad universitaria. Se trata de funcionarios que cumplen muy bien su misión: por un lado, están personalmente convencidos de los beneficios pedagógicos de las TICE y, por el otro, su misión les ofrece una oportunidad excepcional para valorizar las competencias adquiridas en el transcurso de sus respectivas trayectorias profesionales.

(4)

Croyance pédagogique

et innovation technologique LE MARCHÉ DE LA FORMATION À DISTANCE AU SERVICE

DE LA «DÉMOCRATISATION» DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1 - Sur l'analyse sociologique du modèle économique de la concurrence pure et parfaite, voir Marie-France Garcia, « La construction sociale d'un marché parfait : le marché au cadran de Fontaines-en- Sologne», Actes de la recherche en sciences sociales, 65, novembre 1986, p. 2-13.

epuis l'appel à projets « Campus numériques » lancé en 2000 par le ministère de l'Éducation nationale et renouvelé chaque année, les offres de formations à distance tendent à se généraliser dans

l'enseignement supérieur français. Une dizaine de campus sont déjà en mesure d'offrir des modules, destinés à préparer, via internet, la totalité d'un diplôme, pour un coût annuel variant entre 1200 et 4000 €, en plus des droits d'inscription qu'acquittent les étudiants en formation initiale classique. 72 projets de campus numériques sont en cours de réalisation en 2002-2003. Subventionnés par le ministère, ils vendent des formations définies comme des services éducatifs et introduisent des espaces marchands

nouveaux qui ne visent pas seulement le public déjà rentable de la formation continue mais aussi celui de la formation initiale. L'enjeu, du point de vue du ministère, est d'encourager dans les universités une offre qui devrait ensuite parvenir à l'autonomie économique. En introduisant des innovations dans les pratiques pédagogiques, elle permettrait de résoudre un certain nombre de problèmes identifiés de manière récurrente comme des obstacles à la « démocratisation » de l'enseignement supérieur : échecs en premier cycle, manque d'adaptation de l'institution aux demandes des étudiants, manque de diversité des formations proposées, etc.

À terme, les campus numériques devraient réunir la plupart des conditions qui caractérisent un «marché idéal» : une offre ajustée à la demande et aux besoins du public, un recrutement des « clients » assuré par une concurrence aussi pure et parfaite que possible1, une «lisibilité de l'offre » censée garantir cette concurrence, des possibilités techniques d'industrialisation de la formation et de modulation des coûts de revient et de vente, des procédures de certification de la qualité des formations proposées, etc. Ce processus de construction d'un marché de la formation à distance passe par la promotion préalable des technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (TICE) dans le système universitaire à des fins de rénovation des pratiques pédagogiques. Certes, le développement et l'usage des TICE ne se réduisent pas à la formation à distance payante, mais leur diffusion massive est pour le ministère une des conditions majeures de la constitution de cette offre qu'il cherche à impulser avec les campus numériques. S'il n'existe aucun lien nécessaire entre le développement des TICE et la constitution d'une offre marchande de formation, il y a néanmoins un lien objectif qui est justement le produit de la construction politique analysée ici. Elle consiste à mettre en place les conditions nécessaires à l'engagement des universités et des universitaires dans une logique de production multimédia. Afin de

(5)

Croyance pédagogique et innovation technologique

vaincre les résistances qui tiennent à l'attachement du corps des enseignants- chercheurs à une autre définition de leur rôle pédagogique, l'État s'appuie sur des alliances institutionnelles avec la Conférence des présidents d'université (CPU) et avec les « chargés de mission » pour le développement des nouvelles technologies dans les universités.

En confiant au marché le soin de répondre aux « besoins individuels de formation», il rompt avec la tradition universitaire française. Les chargés de mission jouent le rôle décisif de médiateurs entre les orientations

ministérielles et la communauté universitaire. Une attention particulière sera donc accordée aux trajectoires individuelles2 de ces chargés de mission qui promeuvent la cause des nouvelles technologies mais dont les intérêts et les valeurs dépassent pourtant les seuls enjeux économiques de ce marché en voie de constitution. Ils partagent même un certain nombre de valeurs et

d'objectifs avec les acteurs qui militent pour la « démocratisation de

l'enseignement supérieur». Loin de s'opposer, ces croyances se révèlent être une des conditions de l'efficacité de leur action. Il importe donc de connaître et de comprendre les dispositions sociales qui autorisent leur adhésion et leur contribution à cette mutation engagée par l'État.

La création d'une offre marchande

La promotion et la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le système éducatif et en particulier dans

l'enseignement supérieur fait suite au Plan d'action gouvernemental pour la société de l'information lancé en août 1997, dont une des priorités est le

développement de «l'offre française d'enseignement supérieur ouvert et à distance3».

Ces technologies, désignées plus communément sous le sigle de TICE, représentent l'actualisation de ce plan dans le système éducatif dans le cadre des «cellules TICE» aujourd'hui implantées dans la plupart des universités.

Un texte du Bulletin officiel de l'Éducation nationale publié en 1998 invite les établissements supérieurs à s'orienter plus avant dans une logique de « production d'objets multimédia». Il propose des modèles de projets que les universités peuvent remettre au ministère dans le cadre des contrats

quadriennaux. L'affirmation de cette priorité « productive » est ensuite renforcée par les appels à projets « Campus numériques » ainsi que par des dotations budgétaires accordés aux établissements dans le cadre de la politique

contractuelle. Plus de 200 projets ont été soumis par les universités, les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), les écoles d'ingénieurs et les

grandes écoles, en association avec des entreprises, des collectivités

territoriales et des associations. 12 millions d'euros (79,5 MF) ont été attribués aux 72 projets retenus, une partie d'entre eux faisant l'objet d'une étude de faisabilité. Ces subventions, qui ne représentent que 30 à 50 % du budget des projets, sont complétées par celles du Centre national d'enseignement à

distance (CNED), qui a investi 4,5 millions d'euros sur trois ans en partenariat avec les universités. Dans le cadre de la politique contractuelle, 35,5 millions d'euros ont été dégagés pour le développement des TICE, dont 15 millions pour les infrastructures et les équipements informatiques. Par ailleurs,

des financements sont également octroyés dans l'enseignement supérieur sur la base de contrats de plan État-région, essentiellement consacrés aux infrastructures et aux matériels. Enfin s'ajoutent à ces subventions d'autres financements, qui émanent du ministère de la Recherche. Dans un contexte

pourtant marqué par la rigueur budgétaire, les investissements de l'État dans le développement de ces campus numériques passent de 2,5 millions d'euros à

2 - Nous nous sommes centrés dans le cadre de cette étude sur trois campus numériques français : le campus A, qui associe dans la production de services éducatifs divers les établissements d'enseignement supérieur d'une grande ville du sud de la France ; le campus B, qui regroupe plusieurs universités parisiennes et régionales dans la production d'une formation en ligne fortement valorisée sur le marché du travail; enfin le campus C, qui est celui d'une petite université de proximité, associée au campus A.

3 - La « société de l'information » n'est pas une notion récente, mais elle a été

réactualisée et formalisée par la Commission européenne dans un Livre blanc publié en 1995 : Enseigner et apprendre - Vers la société cognitive. Elle repose sur le principe, inspiré des théories du capital humain, selon lequel l'éducation et la formation constituent des investissements économiques essentiels pour l'Europe dans la compétitivité

internationale. Selon cette vision, les systèmes de formation et d'éducation nationaux seraient inadaptés parce que trop éloignés du monde économique et trop attachés à des critères académiques dans la sélection des élèves, au détriment des « compétences »

professionnelles.

(6)

9,5 millions entre 2000 et 20014. Ils représentent par ailleurs aujourd'hui 40 % des « crédits enseignement supérieur » accordés par la Direction des enseignements supérieurs (DES), pour l'année 20015.

Plus d'une dizaine de campus numériques «aboutis» sont à ce jour constitués et offrent des « prestations éducatives » telles que des modules de formation à des diplômes, des forums de discussion, des exercices autocorrectifs, des accès à des bases de données, etc. Le ministère de l'Éducation nationale a également créé de nouvelles instances qui ont pour but de promouvoir les TICE et de structurer l'offre de formation avec la FIED, le RUCA, Formasup, Educanet, etc. (voir page 47) Mais il s'est également appuyé sur des structures dont il a élargi, encouragé ou redéfini les missions: l'AMUE, Édufrance, le CNAM, le CNED, ces deux dernières institutions disposant d'une expérience dans le domaine de la formation à distance et/ou pour adultes qui les rendait précieuses.

Le développement des TICE est, au niveau ministériel, confié à une chargée de mission à la direction de la technologie du ministère délégué à la Recherche, Françoise Thibault, à qui il revient de conseiller les «porteurs de projets» et d'expertiser les projets formulés dans le cadre des contrats quadriennaux pour le compte de la DES. Elle succède à Maryse Quéré, professeur en sciences de l'information et à l'origine du concept d'enseignement sur mesure médiatisé (ESMM) sur lequel elle avait produit en 1994 un rapport ministériel. Il est également organisé par le chef du bureau des enseignements supérieurs (sous-direction des technologies éducatives pour l'enseignement de la direction de la technologie). La mise en avant des enjeux pédagogiques conduit le ministère à privilégier le développement de « l'autoformation » , devenue synonyme d'offre marchande d'enseignement à distance

(document 1). Cette priorité se traduit dans l'élaboration de critères de sélection DOCUMENT I

LES USAGES PÉDAGOGIQUES DES TICE AU SERVICE D'UNE PRIORITE:

LE DÉVELOPPEMENT DE L'OFFRE DE FORMATION À DISTANCE Peu après son arrivée en tant que chargée

de mission au développement des TICE dans l'enseignement supérieur, Françoise Thibault définit les orientations du Plan d'action gouvernemental pour la société de

l'information (PAGSI) (Bulletin officiel de l'Éducation nationale, Ier mai 1997), La nécessité de développer les TICE à l'université est attribuée «aux exigences actuelles du

monde professionnel comme aux nouveaux modes d'accès à la connaissance qui s'appuient sur ces évolutions techniques».

Les enjeux relatifs à «la démocratisation de l'enseignement supérieur» et à «la demande sociale pour des dispositifs de formation plus souples tout au long de la vie» s'accompagnent d'une exigence de

«rationalisation des moyens utilisés» et d'« aménagement du territoire». Bien qu'il s'agisse d'une rationalisation des coûts pédagogiques grâce aux économies d'échelle potentielles, les enjeux économiques ne sont évoqués qu'à travers «le contexte concurrentiel créé par

l'équivalence prochaine des diplômes au niveau

international comme par la qualité des formations ouvertes proposées par les opérateurs privés ou étrangers».

Pour faire face à ces «défis», le texte invite

«chaque établissement à construire, en la matière, un projet global qui concerne toutes les structures de l'établissement».

L'articulation entre développement des nouvelles technologies et constitution d'une offre marchande passe par l'affirmation d'un lien entre la «production multimédia» et le développement des «usages pédagogiques»: «L'élaboration de produits informatiques, audiovisuels ou multimédias au sein de l'établissement, surtout lorsqu'elle est basée sur un travail collaboratif et qu'elle est intégrée au projet global, participe très étroitement au développement des usages.» Enfin, le texte propose «la création d'une structure de coordination appropriée» et la «nomination d'une personne auprès de l'équipe de direction».

Ce dernier point désigne en quelque sorte les «alliés stratégiques» que seront les chargés de mission dans les «cellules

TICE». Il établit les relations de

collaboration entre l'État et les universités au niveau intermédiaire en chargeant les équipes dirigeantes des établissements supérieurs de «mettre en place les conditions propices au développement des technologies d'information et de communication et la réduction des déséquilibres entre les établissements». C'est donc aux

«conférences» de présidents d'université ou de direction qu'il appartient d'impulser les usages pédagogiques liés aux nouvelles technologies, en particulier grâce au partenariat avec le privé. La négociation entre des campus numériques et des fournisseurs de matériel ou de services informatiques à tarifs préférentiels est censée permettre aux étudiants et aux personnels d'université d'acquérir à prix avantageux ordinateurs, logiciels ou forfaits d'accès à internet.

Dans ce texte comme dans les autres textes officiels, le développement économique des TICE et les enjeux pédagogiques se trouvent implicitement mais étroitement imbriqués: la mise en avant de

«l'amélioration de la qualité des services» éducatifs rendus aux étudiants se traduit par le développement de l'offre à distance.

(7)

Croyance pédagogique et innovation technologique

des projets subventionnés par l'appel d'offres « Campus numériques » (document 2). L'organisation des campus numériques par «consortium

d'établissements», préconisée par le ministère, représente une alliance économique entre les universités qui leur permet de rationaliser les coûts de production des formations. Ces regroupements permettent également à leurs membres de former un conglomérat d'acteurs qui sera mieux à même de peser dans la mise en place de ce nouveau marché.

La formation à distance dans l'enseignement supérieur peut être assimilée à l'émergence d'un nouveau marché dont les termes économiques (nature de l'offre, nature du public visé, réglementation, régulation par l'État...), ainsi que la hiérarchie qui prévaudra entre les futurs fournisseurs de Formation ouverte à distance (FOAD), restent à définir. Neil Fligstein assimile le processus de construction d'un nouveau marché à celui d'un mouvement social5. Il montre notamment comment, en interaction avec le pouvoir politique, des acteurs économiques a priori concurrents ont intérêt à se

regrouper afin de former un groupe puissant qui pourra mieux imposer aux autres acteurs, y compris à l'État, sa conception du marché - tant ses règles et ses enjeux sont encore imprécis -, pour mieux contrôler ensuite la compétition, une fois le marché en voie de stabilisation. C'est ce qu'on peut observer ici à travers les campus A et B qui se sont de fait construits à partir de

collaborations entre des universités françaises reconnues comme les plus importantes en taille et en renommée. Comme le montrent la présence comme conseiller auprès du ministère du coordinateur du campus A, ou encore le rôle de

«veille technologique» confié au campus B, cette stratégie est payante: on fait référence constamment à ces deux exemples dans les entretiens réalisés ici7. Ainsi la domination du champ par quelques acteurs majeurs, liés par ailleurs dans les représentations universitaires à des universités de renom,

DOCUMENT 2

«... Il y a des critères qui sont

indispensables. Premièrement, il faut que ce soient des groupements d'établissements. C'est la nouveauté qui est apportée par rapport au moyen d'action principal qui est le contrat quadriennal. D'un point de vue financier;

c'est là où il y a le plus d'argent pour aider au développement des TICE. L'appel à projets «Campus numériques» se situe sur un autre plan, il y a beaucoup moins d'argent.

On demande donc aux établissements de se regrouper en consortiums, ouverts éventuellement à d'autres établissements que. les établissements d'enseignement supérieur et on demande que ces projets soient portés par les établissements. N'oublions pas qu'on est dans une phase où cela doit être pris en compte par l'institution. Un projet génial présenté par une équipe, mais qui n'a pas le soutien de l'établissement, n'est pas retenu.

Premier critère, répondre à un besoin qu'il faut avoir identifié, et donc c'est un peu une analyse de marché si l'on veut À quel besoin est-ce que l'on répond? Il ne s'agit pas de se faire plaisir et de mettre en ligne des enseignements, il faut que ces enseignements correspondent à un besoin clairement identifié.

Ce n'est pas toujours facile, d'ailleurs, parce que quand on est dans des dispositifs

veaux, c'est difficile d'identifier ces besoins qui ne sont pas toujours visibles. . .

Le deuxième critère est que le dispositif de formation mis en place soit cohérent avec les besoins identifiés, c'est-à-dire on est sur des gros effectifs, des petits effectifs, les gens sont dispersés, ils ne sont pas trop loin, ils sont à l'international, on est sur la formation tout au long de la vie, on est sur la formation initiale. Il y a une diversité des besoins;

par conséquent, il faut une diversité des dispositifs de formation, il n'y a pas une manière unique de répondre et de mettre en ligne des formations. Enfin, troisième critère, il faut que le dispositif proposé soit perenne, au-delà des subventions que le ministère va pouvoir apporter pendant une année, deux années, ou plus. . . Il y a un rôle d'impulsion, qui revient aux appels à projets.

Ensuite, si le projet ne peut pas trouver des sources de financement dans l'établissement ou le fonctionnement normal d'une formation, on ne va pas le soutenir parce que ça veut dire qu'on va mettre de l'argent quelque part et que, quand on va couper ce soutien, il n'y aura plus rien.»

Entretien avec le chef du bureau Enseignement supérieur, sous-direction des nouvelles technologies éducatives

4 - La dotation TICE se répartit de la manière suivante dans les établissements supérieurs : 20 € par an et par étudiant dans les universités, 105 € par étudiant dans les écoles d'ingénieurs, 26 € pour les Instituts d'études politiques, 28,5 € pour les IUFM.

5 - Entretien avec Philippe Perrey, chef du bureau enseignement supérieur de la sous-

direction des nouvelles technologies, de l'information et de la communication.

6 - Neil Fligstein, «Market as Politics: a Political Cultural Approach to Market

Institutions», American Sociological Review, vol. 61, 1996, p. 656-673.

7 - C'est ainsi que la cellule TICE du campus C annonce, sur la première page du site internet de l'université, la reconnaissance par le campus B de son travail de

développement d'outils interactifs.

(8)

8 - L'association Algora a pour but de

«promouvoir le développement de la formation ouverte à distance et l'usage des

technologies multimédias dans les systèmes de formation professionnelle». Le fait que cette association a été mise en place sous l'égide commune de différents ministères (Éducation nationale, Industrie, Travail, Affaires étrangères) souligne cette volonté de l'État.

9 — Voir le cadre juridique des campus numériques sur le site du ministère de l'Éducation nationale.

permet-elle aux chargés de missions de présenter des projets dont la rationalité politique, la cohérence et la légitimité sont renforcées.

Enfin, l'analyse de Fligstein sur l'implication dans la construction d'un nouveau marché d'acteurs situés a priori dans des secteurs d'activités proches ou même très différents permet de comprendre comment sont utilisés les TICE pour le développement de l'offre de formation. Dans ce domaine travaillent des acteurs issus de l'enseignement supérieur et de la formation continue mais aussi de la formation professionnelle,

traditionnellement plus éloignée en termes de préoccupations économiques ou pédagogiques. Les sites internet des différents groupes de travail ou associations de promotion des TICE (GEMME, Le Préau, Algora, ITEMSup, etc.) font de nombreuses références communes aux acteurs du privé et du public, sur des problèmes d'ordre technique (mise en place d'outils informatiques interactifs) ou organisationnel (comment gérer le tutorat des apprenants). L'une des principales conséquences de l'émergence de cette communauté est la perméabilité des frontières, qui permet la diffusion, auprès des agents du pôle universitaire, de problématiques d'évaluation des compétences ou encore de qualité du service rendu - problématiques d'habitude à l'oeuvre dans l'industrie. Au-delà de ces échanges, on pressent ici la nécessité pour chacun, appuyée par une volonté de l'État, de se créer une identité commune au-delà des cloisonnements professionnels.

Les TICE jouent là un rôle fédérateur propre à faciliter la définition d'un marché économiquement stable, associant compétitivité et possibilité de survivre au sens politique. L'enjeu est pour l'État de garder une part de contrôle politique, que ce soit pour maintenir le droit à l'enseignement supérieur pour tous ou pour imposer une éducation tout au long de la vie qui respecte les canons de la démocratie républicaine, tout en se désengageant financièrement et en favorisant l'autonomie des acteurs institutionnels8.

L'imbrication du pédagogique et de l'économique, aussi bien dans les textes officiels que dans les discours des acteurs impliqués dans la construction de ce marché, fait apparaître la formation à distance comme une simple réponse «technique» à des questions pédagogiques. D'une certaine manière, ce marché est présenté officiellement comme la solution pédagogique destinée à remédier aux « défis » auxquels l'enseignement supérieur serait aujourd'hui confronté : l'échec en DEUG, la stagnation des effectifs étudiants, l'absence de tradition «pédagogique» de l'institution universitaire, etc. Si une partie des acteurs interrogés pour l'enquête ou des textes officiels consultés tend à minorer la dimension marchande des campus numériques, et à les distinguer de l'offre de formation à distance, cette dimension est néanmoins explicite dans le texte qui fixe le cadre juridique des campus numériques. Celui-ci précise en effet, dans la partie consacrée à la gestion financière de l'activité, que «toute inscription d'un étudiant à un ou plusieurs modules diplômant à distance via le dispositif

"Campus numériques" donne lieu au paiement de droits et de frais spécifiques de formation perçus par l'établissement d'inscription» et qu'«un tarif unique de ces frais de formation est proposé pour chaque diplôme par les membres du comité de direction». Dans la mesure où les

subventions sont pensées comme provisoires et que l'offre de formation est définie en fonction de « besoins » ou de caractéristiques attribués à des publics potentiels9 (par opposition à une sélection scolaire du public par rapport à une offre de formation), on peut parler de choix pédagogiques en faveur d'un marché de la formation à distance qui affecte déjà les frontières entre la formation initiale (gratuite) et l'investissement dans des formations

(9)

Croyance pédagogique et innovation technologique GLOSSARE

AGCS (ou GATS)

L'Accord général sur le commerce des services (General Agreement in Trade in Services) entré en vigueur en janvier 1995 est un ensemble de règles multilatérales destinées à libéraliser le commerce international des services selon les propositions faites par les gouvernements des pays membres de l'OMC. Il se compose d'un accord-cadre définissant les règles: dans lesquelles se

■réalise cette libéralisation et de listes

^nationales qui. indiquent les engagements spécifiques de chaque pays concernant

"l:accès: à des fournisseurs étrangers à : leurs marchés intérieurs, . '.' ::

::LÁgence de: modernisation des universités et :des: établissements s'occupe;

essentiellement de «mutual iser» des activités

;■ ;et des ; o uf i I s : d e gesti o n d es u n i ve rs ités

"((-larpège, Apogée,; Nabucco),: Le minis- :;tèrë et la CPU 'demandent aujourd'hui à

;: I!AT^UE de; jouer un rôle; dans la promo-

;tJoh des TJGE.: Suite a; cette demande^ un

^département «Services» a été créé pour Omettre en ■''■■ œuvre l'engagement -conclu avec le ministère dans:ie cadre du contrat

■ quadriennal d'accompagner le développe- ::;ment des TIGE à l'université. L'ÂMUE est :aujourd'huitrès active sur cette question, ESMM

L'Enseignement sur; mesure médiatisé

; entend répondre à la "'diversité des situations étudiantes. «En prenant l'étudiant comme centre du système universitaire, l'ESMMa pour projet de prendre au sérieux cette demande individualisée et de tenter de: la satisfaire dans le jeu de contraintes qu'imposent les missions de

■ l'université (équité, diplômes.. .), les exigences numériques d'un enseignement de masse, les structures matérielles et administratives existantes, et les budgets toujours insuffisants. L'adaptation de J'offre de formation à cette demande serait très difficile à réaliser si un phénomène nouveau, l'irruption des nouvelles technologies d'information et de communication, ne venait offrir une possibilité non négligeable de faire évoluer profondément l'offre de formation vers cette exigence d'individualisation, en restant dans le cadre des budgets et des structures de l'université» (Bulletin de la cellule des innovations pédagogiques du campus B, décembre 1997, 4, p. 3).

FIED

La Fédération interuniversitaire de l'enseignement à distance est une association de type loi I 90 I créée à l'initiative

du ministère de l'Éducation nationale pour fédérer en un réseau les

universités qui ont développé de l'enseignement à distance et en ligne sous différentes formes en s'appuyant sur les centres de télé-enseignement

universitaires, les services d'enseignement à distance, les UFR, etc. : ■: ;: :; ■:■/■

RIP Le label «Reconnu d'intérêt pédagogique» est une marque déposée à l'Institut national de la propriété industrielle.

Elle fait partie des: initiatives prises par le : ministère de d'Education nationale :pour:

encourager la création" et iajabellisatiorv;

de produits : pédagogiques; dans le cadre"

"desTICE : :; :; ; \:^S,\. :[:^:;^AWfk ruca ■;: :■; ; :".-".' -:" Vv;- C.;/- Réseau universitaire de centres d'auto- ,

;formation. Créé en -J 987 alors, qu'il s'agissait ■ ■ d'impulser les "techniques audiovisuelles et ; subventionné ;par le ministère,: le RUCA se donne pourmis- sion de 'développer «renseignement médiatisé » : et de : « mutualiser » les expériences universitaires relatives1 à ce domaine. Il fonctionne: actuellement comme un prestataire: de services éducatifs en ligne: ü a récemment constitué une université en ligne qui dispense des cours en ligne de maths, physique, chimie, biologie, de niveau DEUG « maths, physiques et sciences de la matière»

qui sont vendues aux universités intéressées. Celles-ci peuvent en faire un des services qu'elles offrent à leurs étudiants dans le cadre de leurs campus numériques aussi bien que dans un cadre «classique».

VAE La «validation des acquis de l'expérience» s'inscrit dans le cadre de la loi sur la modernisation sociale. Elle vise l'ajustement de l'offre de formation à des besoins individuels en «ouvrant»

l'enseignement supérieur à des publics qui ne possèdent pas le niveau de formation jusqu'à présent requis pour avoir accès à

une formation supérieure (le baccalauréat ou son équivalent).

(10)

DOCUMENT 3

«... Il y a plusieurs types d'enjeux. Il y a des enjeux pédagogiques, qui concernent la lutte contre l'échec scolaire. Le principe est qu'on devrait arriver à supprimer une partie de l'échec dans ce type d'enseignement, centré sur l'apprenant, susceptible de choisir des formes assez variées, et adapter ses rythmes. Il y a aussi un problème économique: c'est un marché énorme... et donc soit le secteur public (universités et grandes écoles) y va, soit l'enseignement supérieur à distance est fait par Microsoft... Enfin les grandes multinationales... Ça fonctionne un peu tout seul, l'enseignement à distance...

Vous vous baladez sur internet, c'est bourré de tas de systèmes d'enseignement à distance... C'est un marché qui s'est construit à partir du moment où il y avait des outils.

Des gens qui les construisaient et des demandeurs en face qui en avaient besoin.

Q: Oui, à partir du moment où il y a des possibilités technologiques, des entreprises comme Microsoft sont intéressées. . . R: Toutes les entreprises sont intéressées de toute façon. D'abord, au niveau formation continue, c'est un moyen fantastique de former les gens tout en les laissant au boulot, . , Ça ouvre une gamme de perspectives gigantesques: on va pouvoir former les gens sans les perdre dans les entreprises. . . »

Entretien avec le coordinateur du campus numérique B

continues (payantes). Cette frontière s'estompe avec la formation à distance qui vise parfois aussi bien le premier public que le second tout en pratiquant des tarifs plus proches de ceux de la formation continue que de la formation initiale. Le prix de la formation à distance se trouve le plus souvent bien plus élevé qu'en formation initiale « classique » ou même qu'en formation à distance traditionnelle (comme celles dispensées par exemple par le CNED). Le tarif unique préconisé (et appliqué dans les formations à distance) par le cadre juridique des campus numériques autorise cet effacement.

Pour prendre quelques exemples indicatifs, une année de DEUG de droit avec le CNED en formation traditionnelle (papier) coûte 285 € pour les étudiants qui paient eux-mêmes leur formation, et 770 € pour ceux qui sont subventionnés par leur employeur ou un autre organisme. Le campus numérique en ligne « multidroit » offre une formation en droit (qui ne donne pas lieu à un diplôme national, mais à un diplôme d'université) qui comprend six modules à 275 € par module en formation initiale et 965 € en formation continue. Le prix de la formation «initiale» s'élève donc à

1 650 € et 5 790 € pour la formation continue. La licence de chimie offerte par le SCCP (université du Maine) coûte 2400 € pour la formation continue et 1 120 € en tarif normal contre 685 € et 250 € pour une licence de génie électrique du CNED (qui est la plus proche en termes de contenu pédagogique). Mais on peut faire l'hypothèse que la valeur sociale des produits intervient dans la constitution des prix du marché : ainsi la licence de sciences de l'éducation offerte par le campus FORSE s'élève à 1 750 € en plein tarif et 1 050 € pour les chômeurs (ce qui la rapproche des tarifs du CNED) alors qu'une licence d'économie gestion offerte par le campus CANEGE, qui est associé à des universités pleinement reconnues et valorisées par le marché du travail, s'élève à 3 800 € par an, le coût du module séparé s'élevant à 400 €.

De son côté, la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (qui dépend du ministère de l'Emploi et de la Solidarité) a lancé des appels d'offres destinés à développer la formation continue dans les universités, et a récemment publié une circulaire permettant de faire entrer la FOAD dans le cadre juridique et économique de la formation continue tout en assurant la solvabilité de la demande. Son objet était de «préciser les obligations de formations et l'imputabilité des dépenses sur l'obligation de participation des employeurs, dans le cas de mise en oeuvre des formations ouvertes et/ou à distance10». Tout en fixant les moyens de contrôler la définition et la vente des activités de formation à distance, cette circulaire assouplit le cadre juridique antérieur en précisant que, «compte tenu des évolutions technologiques ou des pratiques pédagogiques, les regroupements ne constituent pas une exigence du point de vue du contrôle, dès lors qu'il existe d'autres formes de suivi, d'encadrement et de contrôle de l'assiduité».

Cette intégration de la FOAD dans le cadre juridique de la formation continue est double en termes de rationalité économique: c'est non seulement un nouveau marché qui se constitue mais aussi la possibilité d'une rationalisation des coûts de la formation, comme l'explique le directeur du Centre d'innovation pédagogique (CIP) du campus B (document 3). Cette rationalisation préconisée dans le mémorandum de la Commission européenne sur l'éducation et la formation tout au long de la vie est (re) formulée en termes d'aménagement du territoire dans le rapport de mission sur les campus numériques11. «La FOAD participe au développement économique régional, notamment par l'amélioration des compétences des personnels d'entreprises, souvent peu disponibles, qui font l'avenir de la

(11)

Croyance pédagogique et innovation technologique

région.» Un autre enjeu est de «donner à la France la possibilité d'être présente sur le marché mondial de la formation et, d'autre part, les moyens de développer des coopérations qui lui permettent d'assurer son rayonnement scientifique, culturel et technologique». Le contexte de mondialisation économique est utilisé dans le même rapport pour justifier la construction de ce marché: «Jusqu'à une période récente, l'éducation a été absente du débat sur la globalisation car elle était considérée comme un service non commercial. Mais ce n'est plus le cas et les échanges commerciaux engendrés par ce type de services sont en progression importante. De plus, les négociations de l'Accord général sur le commerce et les services (AGCS) commencées en janvier 2000 sous les auspices de l'OMC ont porté sur 70 propositions dans une large gamme de services, dont une sur les services d'éducation. Réunis à Paris en avril 2001, les ministres de l'Éducation des pays membres de l'OCDE ont révélé dans leurs discussions des points de vue très divergents sur les bénéfices du commerce des services d'éducation, leur désir d'inclure dans les négociations multilatérales le degré de libéralisation qui pouvait être toléré. Ils ont donné mandat à l'OCDE d'examiner les implications de l'internationalisation à la fois sur la demande de compétences et l'offre de formation, ainsi que sur la partie commerciale. » La constitution d'une offre de formation à distance ne peut donc être dissociée d'un processus international qui tend à conférer au marché une part de l'autorité antérieurement dévolue à la puissance publique12. L'existence de tels mandats accordés à l'OCDE (et aussi d'accords multilatéraux comme l'AGCS) permet de comprendre que le rôle imparti à l'État dans cette configuration est à la fois un travail de reformulation (dans des termes pédagogiques ou empruntés à d'autres configurations historiques et politiques) des enjeux économiques et d'organisation du marché.

Ainsi les conditions de constitution d'un marché concret restent d'abord politiques. L'autonomie et la responsabilité croissante des universités font partie des conditions qui permettent aux présidents d'université d'opérer, dans le cadre de la CPU, un travail de reformulation des missions des établissements et de proposer des « diplômes d'université » ciblant un public qui n'est pas nécessairement recruté selon les critères académiques habituels imposés dans le cadre des diplômes nationaux, ces « diplômes d'université » leur permettant de se placer sur le marché de la formation en se

différenciant des autres universités. On peut, à titre d'exemple, citer la

cyber-université Henri-Poincaré qui offre un BADGE (Bilan d'aptitude délivré par les grandes écoles), ISO 9001 (moyennant 300 € par module, la formation en comportant huit) ou un DUAP (Diplôme d'approfondissement

professionnel) en électronique, electro technique et automatique au même tarif. Cette différenciation de l'offre rend difficilement comparables les formations parce que ce ne sont jamais ni les mêmes publics qui sont visés ni les mêmes produits qui leur sont proposés. Elle est un des moyens qui permet au marché de se déployer tout en limitant la concurrence qui le régule officiellement d'après la théorie économique classique. À ce jour, 111 diplômes nationaux sont préparés à distance contre 39 diplômes d'université. Dans un texte récent consacré à l'autonomie et à la responsabilité des universités, la CPU précise en effet, après avoir affirmé son attachement à « cette notion de service public qui renvoie à une égalité d'accès pour tous les étudiants, quelle que soit leur origine sociale et quel que soit le point du territoire auquel cet accès doit avoir lieu», qu'« au-delà de la licence, la diversification et la spécialisation de l'offre de formation doivent devenir la règle afin que chacun puisse construire un parcours de formation pertinent et adapté à ses propres objectifs professionnels. Cette diversification de l'offre de formation doit être

10 - Cf. la circulaire DGEFP n° 2001/22 du 20 juillet 2001. La présence des adultes en formation était en effet obligatoire jusque-là.

1 1 - Campus numériques : enjeux et

perspectives pour la formation ouverte et â distance, rapport de mission sous la direction de Michel Averous et Gilbert Touzot, avril 2002.

12 - On aurait tort cependant de surestimer les contraintes que font peser sur les États ces accords multilatéraux dans la mesure où ils encadrent des négociations qui sont toujours conduites par les représentants de l'État et qui peuvent être utilisés comme argument pour imposer des transformations qu'ils ont eux-mêmes proposées. Par ailleurs, les États peuvent libéraliser certains secteurs éducatifs sans (pour autant) les inscrire dans la table des négociations de l'Organisation mondiale du commerce.

Voir Bruno Théret, «Mondialisation et État- providence : les risques et contradictions de la stratégie de mondialisation de l'État fédéral canadien», communication à la Conférence internationale sur la globalisation, La Havane, 29 janvier- 2 février 2001.

(12)

DOCUMENT 4

LA «RESPONSABILISATION»

FINANCIÈRE DE LAPPRENANT TOUT AU LONG DE LA VIE Selon le rapport sur les «campus numériques» réalisé sous la direction de Michel Averous et Gilbert Touzot, le développement de la formation à distance remet en cause les schémas sur lesquels était basée «la politique française en matière d'enseignement supérieur», et notamment «la création

d'universités nouvelles, la croissance du nombre d'IUT les cursus centrés sur la poursuite des diplômes, et organisés en année, plus récemment en semestres, la séparation entre formation initiale pratiquement gratuite et formation continue payante, les systèmes de bourses et d'aides aux étudiants basés sur la présence physique dans l'établissement (restaurants universitaires et autres services sociaux, résidences du CROUS)».

Le financement par l'État de la FOAD devrait donc permettre de réexaminer «la distinction entre formation initiale payée par l'État et la formation continue payée par l'apprenant».

D'une part, il serait possible de «donner un potentiel d'années de formation gratuite à tout citoyen, qu'il utiliserait à sa guise, sous la forme qu'il souhaite (chèque formation)»;

d'autre part, «l'apprenant» pourrait intervenir dans le financement de certains services additionnels de formation, «comme c'est le cas dans les formations à distance du CNED». L'idée de compte de formation individuelle, mise en avant par la Commission européenne, est citée en exemple: «Les intéressés sont encouragés à participer au financement de leur propre formation grâce à une épargne et des versements spéciaux auxquels viennent s'ajouter des sommes équivalentes ou complémentaires provenant d'aides et d'allocations publiques ou privées.»

Les «nouvelles compétences de base» qui resteraient à la charge de la formation initiale se trouvent ainsi redéfinies: «les compétences en technologies de l'information, la maîtrise des langues étrangères, une culture

technologique, l'esprit d'entreprise et des aptitudes sociales».

construite à travers des filières suffisamment nombreuses pour répondre à la demande de formation initiale et continue». Comme l'observe un des chargés de mission interrogés: «Dans le monde universitaire, je crois qu'on a tendance à penser organisation par rapport à son offre et pas par rapport à la demande étudiante. C'est une façon de penser autrement, c'est d'être près de la demande. » Cette diversification de l'offre, fondée sur l'ajustement à des demandes individuelles entraîne aussi une différenciation des prix:

« Comme les autres services publics, l'enseignement supérieur a un coût pour la nation et n'a donc pas forcément vocation à être entièrement gratuit pour les usagers. Il faut sans doute réfléchir à une responsabilisation des étudiants à travers un lien financier plus fort avec leurs établissements,

notamment pour les diplômes les plus professionnalisants, même si en tout état de cause la participation financière des étudiants doit rester largement inférieure au coût de celle-ci13. »

De son côté, le ministère contribue à la différenciation de l'offre dans les critères de sélection des campus numériques, en écartant les projets qui aboutiraient à une offre de formation « redondante » . Tout comme la «

diversification de l'offre de formation » et son « ajustement aux besoins d'un public potentiel14», qui n'est plus référé à un idéal collectif de niveau de formation requis, l'effacement de la frontière actuelle entre formation continue et formation initiale au profit de la formation tout au long de la vie est l'une des conditions nécessaires à la construction d'un marché de la formation à distance. Cet effacement est déjà à l'oeuvre dans certaines formations à distance qui proposent les mêmes tarifs aux deux catégories d'étudiants visés.

Toutefois, il est loin d'être général et surtout la distinction n'est pas institutionnel- lement ni politiquement abolie : les deux types de formation relèvent encore de registres de droits, de ministères et de tarifs différents, au moins pour l'enseignement « en présentiel » . L'idée se profile néanmoins dans la plupart des textes étudiés que cette distinction n'est plus valide (document 4). Dans ce contexte politique, la promotion de «l'éducation tout au long de la vie»

se trouve associée à une redéfinition des frontières entre les formations, au profit du modèle marchand qui régit déjà la formation continue15.

L'utilisation du terme « apprenant » dans les textes officiels consacrés à la FOAD pour désigner à la fois le public de formation initiale et celui de formation continue illustre cette redéfinition: moins connotée que celle des termes « client » ou « usager » , elle signifie que les frontières sont désormais dépassées.

Les pionniers de la formation à distance

La conversion des enseignants-chercheurs à l'usage pédagogique d'internet a été encouragée par le ministère à l'aide de séminaires ouverts à tous et fondés sur le volontariat : une offre de formation des enseignants-chercheurs à la production multimédia, présentée sous l'angle de la modernisation technique des pratiques pédagogiques, a été assurée par les cellules TICE et les chargés de mission aux nouvelles technologies au sein des universités. Ces chargés de mission, qui se perçoivent comme des pionniers ou des

innovateurs pédagogiques, voire des militants, sont portés à associer

développement technologique et progrès social. Parmi eux, les ingénieurs ou les chefs de projet constituent l'essentiel du personnel des cellules TICE, même si ce sont les enseignants-chercheurs qui, par définition, produisent les contenus.

La dimension «ingénierie», qu'elle soit pédagogique ou plus purement technique, apparaît comme une constante de leur formation et/ou du poste qu'ils occupent. Le campus A, par exemple, emploie six personnes à temps plein,

(13)

Croyance pédagogique et innovation technologique

dont un chef de projet, qui dirige la structure, un assistant chef de projet, un ingénieur info graphiste, un ingénieur pédagogique, deux ingénieurs d'études. Le «centre d'ingénierie pédagogique» du campus B a une mission similaire aux cellules TICE: développer l'usage des TICE, former les enseignants-chercheurs à leur utilisation, leur fournir l'infrastructure technique et humaine nécessaire, formuler des projets dans le cadre des contrats quadriennaux ou des appels d'offres du ministère, etc. Il a sensiblement la même composition, excepté le directeur qui est maître de

conférences-ingénieur de formation, diplômé du CNAM ; il s'est ensuite orienté vers l'utilisation des mathématiques en sciences sociales. Les cinq autres cellules étudiées sont également composées de postes d'ingénieurs ou de professeurs associés.

À l'IEP de la ville du campus A, le développement des TICE est confié au directeur du centre de documentation qui est également recruté en tant que chargé de mission. Celui-ci, après avoir passé une maîtrise de philosophie, est reçu au concours national de conservateur des bibliothèques, travaille au ministère de l'Éducation nationale dans un service chargé de l'informatisation des bibliothèques et reçoit, à cette occasion, une formation d'analyste en informatique tout en préparant un DEA en sciences de l'information. Puis il travaille pendant quelques années dans une entreprise privée spécialisée dans la production de services multimédias. Au niveau de ceux qui sont chargés, au ministère, de la mise en œuvre des TICE (par opposition aux fonctions plus politiques), on retrouve des caractéristiques semblables. La chargée de mission qui entre en fonction en 1997 possède un DESS en «ingénierie pédagogique». Le chef du bureau D3 qui la remplace depuis janvier 2002 est agrégé d'histoire: spécialisé dans l'usage des technologies pédagogiques, il a formé des enseignants du secondaire dans le cadre de la MAFPEN et dirigé pendant plus de dix ans en tant que PRAG un service de production audiovisuelle à l'université de Nancy II16. Les liens sont d'ailleurs étroits et nombreux entre les chargés de mission ou conseillers ministériels aux nouvelles technologies et ceux qui agissent au niveau de l'université : rencontres à l'occasion de la présentation ou du bilan des différents projets, responsabilités communes au ministère dans les équipes qui assistent les chargés de mission ou les chefs de bureau, interventions comme consultants ou médiateurs au titre d'une mission spéciale, etc.17. Ceux qui entretiennent avec le ministère des liens privilégiés sont d'ailleurs conviés à des missions plus ponctuelles comme en octobre 2001 la visite officielle aux États-Unis d'établissements scolaires utilisant les nouvelles technologies18.

Ce recours à des ingénieurs, chefs de projet et consultants extérieurs est justifié par la nécessité de mobiliser des acteurs dotés des compétences techniques pour accompagner les enseignants-chercheurs dans le travail de transformation d'un cours en produit multimédia. Le rapport Algora sur «les besoins de formation des personnels de l'enseignement supérieur à l'usage des TICE dans le processus enseigner-apprendre » formule ainsi les besoins d'un établissement qui s'est engagé dans un processus de production multimédia: «Devant cette nécessité de produire, l'établissement a identifié deux stratégies: soit considérer l'enseignant comme un homme orchestre, capable de tout faire, c'est-à-dire de maîtriser l'ensemble de la chaîne de production, soit recruter des personnels compétents. La deuxième solution est retenue et un ingénieur est recruté19. » Les chargés de mission doivent donc

essentiellement amener les enseignants-chercheurs à une autre définition de leur métier: personnellement convaincus, d'une part, que la technologie peut jouer un rôle déterminant dans l'apprentissage et accroître l'efficacité du tra-

13 — «Autonomie des universités et responsabilité: pour un service public renouvelé».

Texte d'orientation de la Conférence des présidents d'université adopté le 19 avril 2001.

14 — D'autres formes d'assouplissement ont été instituées dans l'enseignement supérieur, comme le fait de prendre pour référence d'une formation non plus l'année scolaire, mais le module . C'est le cas avec la mise en place du système ECTS (European Credits Transfer System) qui permet de définir par exemple un diplôme de niveau bac + 3 comme correspondant à 180 crédits ECTS.

Ce système est doublé de l'émergence de parcours de formation « types » qui offrent aux étudiants la possibilité de choisir dans le détail les enseignements qu'ils suivront.

15 - La question de l'homogénéité de la qualité de ces formations qui, comme le montre Marie-France Garcia (op. cit., p. 2), constitue une des quatre conditions du modèle de la concurrence pure et parfaite, est au cœur des débats sur la FOAD.

16 - Maryse Quéré et Françoise Thibault, ainsi que la consultante qui a élaboré « Com- pétice», viennent aussi de l'université de Nancy, qui a joué un rôle moteur dans le développement de la formation permanente.

17 — C'est ainsi, par exemple, qu'une des consultantes multimédia du campus B qui a accompagné certains producteurs de contenus est aussi celle qui a fourni au ministère

«Compétice», un outil permettant d'établir un « référentiel de compétences » pour les enseignants-chercheurs appelés à de nouvelles tâches de production. Le chef de projet du campus A fait partie de l'équipe

chargée au ministère du développement des campus numériques : il a désormais pour mission de s'occuper des relations entre la

Commission européenne et le niveau ministériel en France.

18 - La compétition avec les États-Unis, qui détiennent une part importante du marché mondial de la formation à distance, occupe une place centrale dans les préoccupations européennes de promouvoir « l'éducation tout au long de la vie » et le développement d'un marché de la formation à distance.

19 - Rapport commandité par le ministère de la Technologie à l'association Algora, voir infra p. 55.

(14)

DOCUMENT 5

«... Je suis arrivé à l'université en 1999, après avoir fait une année et demie de boulot d'ingénieur expert pour monter un réseau haut débit en lycée. Initialement, j'étais instituteur pendant une douzaine

d'années, mais j'ai fait un doctorat

d'informatique. Je me suis intéressé à l'informatique dès 1982, et plus exactement à l'utilisation de l'informatique pour l'apprentissage de la lecture. La nomination de Savary au ministère de l'Education avait donné le signal qu'il

était possible d'impulser un certain nombre de transformations dans le système éducatif.

Pendant quelques années, pas mal de gens se sont engouffrés dans l'innovation en essayant de faire des choses là où ils étaient pour faire avancer le système. Et un des gros débats de l'époque portait sur la lecture.

L'idée était que l'école, qui remplissait une mission d'alphabétisation, était confrontée à un autre problème, qualifié de «lecturalisa- tion»: comment rendre des gens lecteurs et pas simplement déchiffreurs? Les gens allaient être inévitablement confrontés dans leur vie quotidienne à une multiplicité d'écrits de toutes sortes et il semblait qu'il n'y avait plus adéquation entre ce que l'école pratiquait de ce point de vue-là et les besoins réels de la population en matière d'écrit Je me suis donc engagé dans des innovations dans mon métier d'enseignant Cela coïncidait avec le développement technique et le fait que l'informatique devenait un outil plausible, dans ce domaine-là, un peu sur le modèle des simulateurs d'échec... Je militais au sein de l'Association de Foucambert, l'Association française pour

la lecture (AFL), qui était elle-même rattachée à l'Institut national de recherche pédagogique (INRP). J'ai participé dans ce cadre à la fabrication d'outils d'entraînement et de production d'écrits vendus aujourd'hui par le biais de la CAMIF en France. J'ai bossé dans cette mouvance-là jusqu'en 1986, ce qui m'a amené à m'intéresser à l'informatique, donc, du coup, à devenir une espèce de

programmeur de salon pour essayer de faire des choses pratiques, et pour participer au travail de l'AFL. ..»

Entretien avec le chargé de mission du campus C

vail enseignant, ils trouvent aussi à l'occasion de leur mission un moyen de s'affirmer professionnellement après des trajectoires «chaotiques». Les trajectoires du chargé de mission du campus C (collaborant avec le campus A),

du responsable du CIP du campus B et du chef de projet du campus A sont à cet égard exemplaires.

Le chargé de mission du campus C a été détourné de la trajectoire que lui promettait sa réussite scolaire et son entrée en faculté de médecine par des engagements politiques pris dans le contexte « post-soixante-huitard » : il trouve un moyen de « retomber sur ses pieds » en réussissant le concours de l'École normale d'instituteurs, qui lui permet de reconvertir son engagement politique en militantisme pédagogique (document 5). Se sentant ensuite limité dans ses perspectives de carrière, il reprend des études universitaires

qui le conduisent à une thèse d'informatique, mais l'accès à une carrière universitaire lui est barré à cause d'un contexte local défavorable. Il propose

alors ses compétences informatiques au conseil régional pour travailler à la réalisation d'un «cartable électronique20», moyennant l'obtention d'un demi-poste qui lui permet ensuite d'être recruté à l'université comme PAST.

Celle-ci dépose alors la marque « cartable électronique » au moment où le ministère incite fortement les universités à développer les nouvelles

technologies et où cette université, déjà pourvue d'un chargé de mission aux TICE (c'est alors un enseignant-chercheur statutaire), ne trouve pas chez ce dernier la mobilisation nécessaire. Fidèle à son passé militant, le nouveau

chargé de mission opère rapidement des choix « afin de développer des services dont la masse des étudiants pourrait bénéficier» plutôt que, par

exemple, des formations à distance. Le parcours du coordinateur du campus B ne passe pas par le militantisme pédagogique, mais est d'abord marqué par des engagements politiques dans le contexte de Mai 68, qui l'amènent à différer sa thèse, tardivement soutenue, après avoir été intégré comme assistant à l'université B au moment où elle recrutait massivement (document 6). Il éprouve la même conviction pédagogique des vertus de

l'informatique que le précédent. Enfin, le chef du projet A parvient au poste qu'il DOCUMENT 6

«Q :... Comment vous êtes-vous intéressé aux TICE?

R: C'est venu par trois voies. Mon trajet personnel m'a donné une culture technique et sociale: j'ai fait un diplôme d'ingénieur puis de la sociologie et des mathématiques appliquées aux sciences sociales. J'ai

commencé l'informatique avec des cartes perforées et je faisais passer des programmes.

Quand il y a eu l'opération Informatique pour tous en 1985, je faisais partie de ceux qui ici essayaient d'implanter des salles de libre-service et des salles d'enseignement avec des ordinateurs, car il n'y en avait pas à l'université. Dès qu'il y a eu des questions d'application pédagogique avec

l'informatique, j'ai toujours été un petit peu là- dedans, par compétence, et par goût.

Ensuite, vers 1995, on a été deux ou trois enseignants à constater que ça bougeait un peu partout, avec internet, et qu'il ne se passait rien à l'université B. alors qu'on voyait ce qui se produisait ailleurs. . .

Q : Dans les autres universités?

R: Oui, dans le privé évidemment, dans les écoles de commerce et d'ingénieur Dans notre université, chacun était un peu livré à lui-même sur les questions d'innovation pédagogique. On est donc allés voir le président à trois ou quatre et il nous a

encouragés à monter une cellule. On l'a appelée la CIP la cellule d'innovation pédagogique.

L'objectif était d'essayer d'avoir un lieu qui serve de référence pour les enseignants. Au début en 1 995, on faisait essentiellement de

l'animation: la démarche était de montrer aux enseignants ce qu'on pouvait faire avec les TICE...

Q : Et il y avait une demande?

R: Non justement, il n'y avait pas de demande. Ni d'offre... On voyait qu'il se passait plein de choses autour; et qu'on risquait de ne pas en être, c'est tout!»

Entretien avec le coordinateur du campus B

Références

Documents relatifs

● pour les M2 : acquérir des compétences professionnelles enseignantes de conception et d’animation de dispositif pédagogique intégrant les Tice. Un

Écouter un cours Interaction verbale et non-verbale Interaction très dégradée Lire un texte, étudier un document. multimédia, étudier

Les variables explicatives sont la part de la population ayant un diplôme d’études supé- rieures (SUP), un indicateur de croisement entre les rigidités sur le marché du travail

Produire ou modifier un schéma cinématique d’un système simple et plan (3 ou 4 liaisons élémentaires.. Innovation technologique, Ingénierie et développement durable,

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

Quand ces groupes fonctionnent selon une logique d'analyse des activités exercées (logique-emploi), l'interaction mise en oeuvre fait jouer le fonctionnel et le hiérarchique

Notre volonté : nous recentrer autour de vraies valeurs, vous rassembler dans une ambiance conviviale autour de bons plats à partager.. Nous vous proposons de vous installer

Dans cette activité, vous devez travailler en équipe avec votre collègue, en collaborant à la conception d’un projet d’inclusion numérique avec des jeunes des régions ayant