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Référendum en Nouvelle-Calédonie : quels enjeux pour la France dans le Pacifique

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Academic year: 2021

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Submitted on 7 Nov 2018

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Référendum en Nouvelle-Calédonie : quels enjeux pour la France dans le Pacifique

Sarah Mohamed-Gaillard

To cite this version:

Sarah Mohamed-Gaillard. Référendum en Nouvelle-Calédonie : quels enjeux pour la France dans le

Pacifique. Diplomatie : affaires stratégiques et relations internationales, Areion Group, 2018. �halshs-

01914584�

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Focus

Le 4 novembre 2018, les Calédoniens vont se prononcer sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Ce référendum marque l’aboutissement de l’accord de Nouméa (1998) et constitue une étape du processus de décolonisation dans lequel cette collectivité du Pacifique est engagée depuis trente ans.

S’il est aussi attendu qu’appréhendé, ce scrutin est investi de nombreux enjeux, par cet archipel comme par la France.

Une étape d’un processus de décolonisation

Une particularité importante du référendum à venir est qu’il n’appelle pas aux urnes l’ensemble des nationaux vivant en Nouvelle-Calédonie. La définition d’une liste électorale restreinte est un enjeu fort qui tente de concilier la légitimité de la population autochtone avec celle des populations installées plus tard. Sont ainsi appelés à se prononcer les citoyens calédoniens, statut accordé aux personnes justifiant d’un rapport continu avec la Nouvelle-Calédonie, ce que vient sanctionner une durée de résidence continue dans l’archipel et/ou l’inscription de l’électeur ou de l’un de ses parents sur les listes électorales de la consultation du 8 novembre 1998 qui soumettaient au vote l’accord de Nouméa conclu le 5 mai précédent.

La population kanak (1) constitue la première

communauté du territoire mais ne représente que 39 % des 269 000 habitants recensés en 2014. La Nouvelle- Calédonie présente en effet une grande diversité de peuplement issue de son histoire avec la France : aux quelque 22 000 bagnards qui y furent envoyés s’ajoutèrent des colons libres et des travailleurs recrutés

en Asie et en Océanie. L’installation de ces milliers de personnes se traduisit pour les Kanak par des spoliations foncières et une marginalisation sociale et culturelle.

Puis, la forte demande mondiale en nickel des années 1960 suscita de nouveaux flux de travailleurs que les autorités françaises perçurent comme un moyen de noyer par le nombre les aspirations kanak. En 1975, la volonté des Kanak à être reconnus en tant que peuple et donc à disposer du droit à l’autodétermination se traduisit politiquement par la revendication de l’indépendance.

Mais le rapport démographique défavorable aux Kanak, combiné à l’application des principes démocratiques, conduisent le territoire dans l’impasse. Certes, le vote indépendantiste est fortement porté par les Kanak, mais tous les Kanak ne sont pas indépendantistes.

Quant aux autres communautés, elles soutiennent fortement le maintien du territoire dans la France. Dans les années 1980, l’impossibilité pour l’État français, les indépendantistes et les anti-indépendantistes de dépasser les termes de cette équation contribua à dégrader le climat de l’archipel jusqu’à la prise d’otages d’Ouvéa.

Après cet épisode d’une très grande violence intervenu durant l’élection présidentielle de 1988, le Premier ministre Michel Rocard parvient à restaurer le dialogue et la paix par les accords de Matignon.

Toutefois, l’image de la poignée de main qu’échangent alors l’indépendantiste Jean-Marie Tjibaou et l’anti- indépendantiste Jacques Lafleur ne doit pas cacher les difficultés qu’ils rencontrent à faire accepter les accords à leurs bases. Jean-Marie Tjibaou et son adjoint Yeweiné Yeweiné le paient d’ailleurs de leur vie ; ils sont abattus à Ouvéa, le 4 mai 1989, par un indépendantiste. Si la disparition de Tjibaou fragilise le mouvement indépendantiste, les accords tracent dès lors une voie quasi sacrée.

Ils repoussent de dix ans la question de

l’autodétermination afin de libérer le débat politique du seul positionnement à l’égard de l’indépendance et donnent la priorité au rééquilibrage économique, social et culturel du territoire. Le référendum

d’autodétermination initialement prévu en 1998 est toutefois repoussé par les signataires des accords qui constatent l’ampleur des efforts à poursuivre comme le maintien d’un rapport démographique ne pouvant que susciter des frustrations. Les signataires se dirigent vers un nouvel accord, signé à Nouméa en 1998.

Cet accord, qui poursuit la recherche d’une voie originale pour l’archipel, organise le transfert progressif et inaliénable au territoire des compétences de l’État, à l’exception des compétences régaliennes. Le préambule de l’accord de Nouméa appuie également sur l’histoire la légitimité de ses populations appelées à fonder un destin commun. Cette volonté de voir émerger un peuple calédonien est soutenue par la définition d’une citoyenneté calédonienne au sein de la nationalité française. En liant la citoyenneté à une durée de résidence, l’accord vise à limiter les effets de l’émigration de citoyens français sur la détermination de l’avenir du territoire.

La composition de la liste électorale spéciale appelée à se prononcer en 2018 n’en demeure pas moins un sujet sensible. La préparation du scrutin a par exemple montré que de nombreuses personnes n’étaient pas inscrites sur la liste électorale générale dont est extraite la liste spéciale appelée à s’exprimer le 4 novembre 2018. Afin d’éviter toute contestation, les acteurs sont parvenus, le 2 novembre 2017, à un accord politique permettant l’inscription de près de 11 000 électeurs supplémentaires. Cet accord implique des modifications législatives qui ont été adoptées par le Sénat le 20 février 2018 et soumises au vote de l’Assemblée nationale le 20 mars 2018.

C’est donc un territoire jouissant d’une très large autonomie qui est appelé à se prononcer sur son accession à la pleine souveraineté. La Nouvelle- Calédonie dispose ainsi de la possibilité de nommer un représentant dans certaines ambassades de France de la région. Elle a par ailleurs accédé en 2016 au statut de membre à part entière du Forum du Pacifique, pourtant destiné à n’admettre que des nations souveraines.

Ces avancées découlent entre autres de la politique d’intégration régionale que la France conduit auprès

Référendum en Nouvelle -Calédonie :

Quels enjeux pour la France dans le Pacifique ?

Par Sarah Mohamed-Gaillard, chercheuse au Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (CESSMA - UMR 245) et maître de conférence en histoire contemporaine à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO, Sorbonne Paris Cité).

Les Grands Dossiers de Diplomatie n° 44 Avril - Mai 2018

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Focus

de ses territoires ultramarins ; une stratégie qui répond à une aspiration locale tout en permettant à la France d’améliorer son image dans des zones où elle détient des intérêts.

Le processus original de décolonisation impulsé depuis trente ans n’a toutefois pas résolu l’ensemble des tensions dans l’archipel ; en témoigne, par exemple, la difficulté des acteurs locaux à s’entendre sur un drapeau commun. La décolonisation ne se réduit pas à un processus institutionnel et nécessite du temps pour que les acteurs s’émancipent de la domination culturelle et de legs coloniaux dont le dépassement demande notamment d’affronter l’histoire coloniale.

Un référendum très observé

Le scrutin calédonien va être particulièrement observé par la communauté internationale, mais aussi par l’ensemble des Outre-mer.

Il est donc essentiel que les résultats du référendum ne puissent pas être attaqués, que ce soit sur la composition des listes électorales, la formulation de la question posée (qui n’est pas encore arrêtée), ou encore le déroulement du vote. Il en va de la capacité de la France à se présenter comme acteur d’un processus dont l’État se veut aussi un garant irréprochable. À l’échelle locale, le caractère inattaquable du scrutin doit contribuer à maintenir le calme et la possibilité de poursuivre le dialogue en dépit de la frustration que ne manquera pas de provoquer le résultat. À une autre échelle, la France cherche à proposer une voie originale de décolonisation, en rupture avec les tensions des processus de décolonisation de son passé. La méthode particulière suivie par la France et la Nouvelle-Calédonie depuis 1988 est par ailleurs très observée par d’autres territoires portant une aspiration nationaliste et/ou indépendantiste.

Ajoutons que le scrutin va se dérouler sous le regard attentif des Nations Unies dont le comité de décolonisation a réinscrit en 1986 la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires à décoloniser. Si la France ne se considère pas tenue par les décisions du comité de décolonisation, elle ne peut pas se désintéresser de l’intérêt appuyé qu’il porte au territoire, ni des retombées de cette attention sur son image internationale.

De même, l’Australie suit avec grande attention la situation de cet archipel dont elle fait de la stabilité – comme de celle de l’ensemble des îles de Mélanésie – un enjeu clé de sa sécurité. Au cours des années 1980, la tension a été forte entre la France et l’Australie, qui imputait largement les tensions calédoniennes à la politique poursuive par Paris. Depuis 1988 et l’arrêt des essais nucléaires français en Polynésie française, les relations se sont améliorées entre ces deux pays qui partagent de nombreux

Photo ci-contre : Située à 16 740 km de la France métropolitaine, la Nouvelle- Calédonie, qui couvre une superficie terrestre totale de 18 575 km

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, offre à la France une zone économique exclusive (ZEE) de 1 740 000 km

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. Alors qu’un référendum d’autodétermination doit avoir lieu le 4 novembre prochain, le dossier calédonien constitue l’une des priorités de l’exécutif français, comme en atteste la visite du Premier ministre en décembre dernier, et celle à venir du président Emmanuel Macron d’ici mai prochain. (© Shutterstock/Jeremy Red)

Référendum en Nouvelle -Calédonie :

Quels enjeux pour la France dans le Pacifique ?

Du même auteur

Histoire de l’Océanie, de la fi n du XVIII

e

siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 2015, 240 p.

intérêts tant en Océanie qu’à une échelle plus globale. En outre, au cours des années 2000, l’Australie a été amenée à engager des opérations de restauration et de maintien de l’ordre dans certains États insulaires de Mélanésie, ce qui la pousse sans doute à une position moins dogmatique quant à ce que devrait être l’avenir du territoire. La menace souvent agitée d’une Nouvelle-Calédonie indépendante soumise aux appétits de l’Australie, voire de la Chine, est révélatrice des influences qui s’exercent sur l’Océanie. Toutefois, elle interroge avant tout la capacité du territoire à exercer une souveraineté en matière économique et à choisir ses interdépendances et ce, quel que soit son avenir institutionnel.

Pour revenir à l’enjeu de 2018, il faut bien dire que le rapport démographique devrait donner l’avantage aux partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre français. Un tel résultat ne signifierait toutefois pas la fin des espoirs pour les indépendantistes, puisque l’accord de Nouméa prévoit la possibilité d’organiser deux autres référendums d’ici 2022. De même, les échéances référendaires ne ferment pas la porte à la recherche d’une autre voie. Un nouvel accord n’est pas inenvisageable, même s’il poserait des questions quant à l’intérêt de maintenir le territoire dans une situation transitoire, et pour combien de temps encore ? Une autre possibilité serait que la Nouvelle-Calédonie se dirige vers un statut garantissant sa souveraineté tout en maintenant certains liens avec la France. Si la nature de ces liens reste à définir, notons qu’un statut du type de celui d’État-associé est évoqué par plusieurs politiques à la fois pro- et non indépendantistes.

Quels enjeux pour la France ?

Si le gouvernement Philippe veille à se poser en arbitre dans le dossier calédonien, il n’en demeure pas moins que la France a des intérêts à défendre dans l’archipel comme dans le Pacifique.

Notons d’abord que la Nouvelle-Calédonie est une des réserves mondiales de nickel, un minerai d’une importance stratégique pour l’industrie et la défense nationale. Ce minerai est d’ailleurs en partie exploité par Eramet, société dont l’État détient plus de 25 %.

La Nouvelle-Calédonie dispose en outre d’une zone économique exclusive (ZEE) qui contribue pour plus de 15 % au total des ZEE de l’Outre-mer français, espaces dont découle la position de la France en tant que deuxième puissance maritime du monde.

En outre, une indépendance de la Nouvelle-Calédonie pourrait avoir des répercussions sur tout ou partie de l’Outre-mer français, notamment en Polynésie française (45 % de la ZEE ultramarine de la France !). L’intérêt de la Nouvelle-Calédonie comme de l’ensemble de l’Outre-mer ne se réduit pas à son espace océanique, mais une partie de la puissance de la France en dépend, au moment même où la mer s’affirme comme de plus en plus cruciale pour l’économie, le contrôle des flux, l’exploitation de ressources offshore…

Qui plus est, la Nouvelle-Calédonie est le principal point d’ancrage des forces françaises en Océanie. Ces forces armées contribuent à la représentation de la France dans la zone, coopèrent chaque année avec des alliés de l’Asie-Pacifique, organisent des missions d’assistance et de surveillance dans le Pacifique sud-ouest, et participent de la projection de la France dans chaque océan.

Par le biais de la Nouvelle-Calédonie, la France affirme donc sa présence en Océanie, dont elle est un acteur historique, mais qui attire l’intérêt plus ou moins marqué de nouveaux acteurs. De plus, elle fait de la Nouvelle-Calédonie une de ses vitrines en Asie-Pacifique et ces collectivités sont également des maillons d’un espace Indo- Pacifique émergent et dont elle peut être un acteur par son implantation dans les océans Indien et Pacifique.

Les intérêts de la France dans le Pacifique seraient-ils forcément mis à mal par l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté ? S’il est risqué de faire des pronostics, la volonté de construire en Nouvelle-Calédonie un « modèle politique unique au monde », selon les mots de la ministre des Outre-mer Annick Girardin, laisse la porte ouverte à des solutions ménageant les intérêts réciproques.

Sarah Mohamed-Gaillard Note

(1) Le mot kanak est invariable en genre et en nombre.

Les Grands Dossiers de Diplomatie n° 44 Affaires stratégiques et relations internationales

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