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Ecosystème du parc archéologique d Ahouakro à l épreuve d une approche anthropologique de conservation de la biodiversité

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Academic year: 2022

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Ecosystème du parc archéologique d’Ahouakro à l’épreuve d’une approche anthropologique de conservation de la biodiversité

Ecosystem of the Ahouakro archaeological park put to the test with an anthropological approach to biodiversity conservation

Yao Saturnin Davy AKAFFOU 1*, Lazare TIA2 et Konan Séverin MLAN3

1 Institut des Sciences Anthropologiques de Développement (ISAD), Equipe Interdisciplinaire de Recherche GéoRESBIO, UFR des Sciences de l’Homme et de la Société (SHS), Université Félix Houphouët-Boigny (UFHB), 01 BP V34 Abidjan 01, Côte d’Ivoire

2 Institut de Géographie Tropicale (IGT), Equipe Interdisciplinaire de Recherche GéoRESBIO, UFR SHS, UFHB 01 BP V34 Abidjan 01, Côte d’Ivoire

3 Département de Sociologie et Anthropologie, Jeune Equipe de Recherche sur le Foncier Rural Ivoirien (JERFRI), Université Jean Lorougnon Guédé (UJLoG), 12 BP V 25 Daloa 12, Côte d'ivoire

Auteur-correspondant*

Yao Saturnin Davy AKAFFOU, E-mail: akaffouyaosaturnindavy@gmail.com

Institut des Sciences Anthropologiques de Développement (ISAD), Equipe Interdisciplinaire de Recherche GéoRESBIO, Université Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire)

Résumé

La Côte d’Ivoire située en zone tropicale ouest africaine avec une spécificité multiculturelle, regorge d’immenses atouts en matière de biodiversité du fait de ses caractéristiques géographiques côtières, forestières et savanicoles. Toutefois, nombreux écosystèmes restent fragiles face à la pression anthropique malgré les structures spécialisées de gestion mis en place par l’Etat. Celles-ci se heurtent à des variables ethnoécologiques complexes qui fondent la relation ancestrale des populations riveraines aux espaces naturels. Le parc archéologique d’Ahouakro constitue, dans ce sens, un site particulier qui regorge d’atouts naturels avec des caractéristiques paysagères et géomorphologiques extraordinaires, pourtant peu explorées et soumises à une dégradation progressive. La présente étude vise à analyser les modalités de conservation durable de ce parc à partir d’une approche anthropologique de conservation de la biodiversité fondée sur l’analyse diachronique de la relation séculaire des populations riveraines au milieu naturel. Pour y parvenir, des prospections systématiques interdisciplinaires ont été effectuées sur le terrain pour un inventaire préliminaire des caractéristiques intrinsèques et des processus écologiques subséquents. Il en résulte que les composantes bioécologiques et géoarchéologiques identifiées dans l’écosystème du parc sont rythmées par des déterminants historico-culturels dont le sacré, utilisé comme un mécanisme traditionnel de conservation, se trouve annihilé par la dynamique de reconfiguration environnementale. Aussi, le déficit observé d’une approche scientifique d’exploitation de ce parc et de ses richesses patrimoniales porte-il à construire un système de valorisation écomuséale comme modèle intégré et adéquat pour la conservation durable de la biodiversité.

Mots clés : Biodiversité, approche anthropologique, écosystème ancien, parc archéologique, conservation écomuséale, Ahouakro

URL : https://publication.georesbio.org/index.php/rirt/article/view/94

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Abstract

Located in the West African tropical zone with a multicultural specificity, Côte d'Ivoire has immense assets in terms of biodiversity due to its coastal, forest and savannah geographical characteristics. However, many ecosystems remain fragile in the face of anthropic pressure despite the specialized management structures set up by the State. These structures are confronted with complex ethno-ecological variables that establish the ancestral relationship between the local populations and natural areas. In this sense, the Ahouakro Archaeological Park constitutes a special site that is full of natural assets with extraordinary landscape and geomorphological features which are still less explored and subject to progressive degradation.

The present study aims to analyse the modalities for the sustainable conservation of this park from an anthropological approach to biodiversity conservation based on the diachronic analysis of the centuries-long relationship of the riparian populations to the natural environment. To achieve this, systematic interdisciplinary field surveys were carried out for a preliminary inventory of intrinsic characteristics and subsequent ecological processes. As a result, the bio- ecological and geoarchaeological components identified in the park ecosystem are governed by historical-cultural determinants whose sacredness, used as a traditional conservation mechanism, is annihilated by the dynamics of environmental reconfiguration. Therefore, the observed lack of a scientific approach to the exploitation of this park and its rich heritage leads to the construction of an ecomuseum development system as an integrated and adequate model for the sustainable conservation of biodiversity.

Keywords : Biodiversity, anthropological approach, ancient ecosystem, archaeological park, ecomuseum conservation, Ahouakro

1. INTRODUCTION

Les paléomilieux ou écosystèmes anciens ont connu des cycles d’évolution cataclysmiques avec des extinctions massives d’une grande variété d’espèces fauniques et biovégétales sous le poids des variations géoclimatiques liées aux contingences environnementales. Cependant, le processus naturel de régénérescence a favorisé l’éclosion d’une biodiversité caractérisée par la variabilité des organismes vivants dans des biotopes repartis à travers l’espace et le temps.

Dans le monde, l’Afrique est considérée comme l’un des continents de la nature (Triplet et Langrand 2009 : 18). Toutefois, l’exploitation de ses ressources au fil des années pose le problème de l’usage rationnel et de la préservation en regard des mutations sociétales guidées par des objectifs de développement. En effet, les pressions anthropiques sur les milieux naturels engendrées par les besoins sans cesse croissants des populations humaines soulèvent des inquiétudes

de dégradation et de raréfaction des ressources pour les générations avenirs (Rouxel, 2010 :39).

L’importance capitale de la conservation de la biodiversité est alors perçue comme un enjeu majeur de développement durable affiché par la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) depuis le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992. La problématique de la conservation de la biodiversité à l’échelle mondiale est donc une préoccupation transversale de nature institutionnelle et scientifique.

En Côte d’Ivoire, le patrimoine naturel se compose d’une variété d’écosystèmes dont la question de la conservation durable a engagé l’Etat dans la mise en œuvre de politiques environnementales qui ont favorisé la création d’espaces naturels protégés. Ces réserves de biodiversité bénéficient d’une approche institutionnelle de gestion à travers la Société de Développement des Forêts (SODEFOR), pour les forêts classées, et l’Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR), pour les aires protégées. En

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dépit des stratégies adoptées et des efforts consentis par ces structures, le couvert des espaces forestiers protégés de l’Etat de Côte d’Ivoire a connu une diminution drastique en une vingtaine d’années, sous les pressions anthropiques. Les forêts classées continuent d’être des espaces d’exploitations agricoles, de chasses et autres activités entreprises par les populations riveraines ou installées clandestinement à l’intérieur de ces espaces protégés.

Parallèlement, des problèmes de foncier rural et de délimitation territoriale du domaine patrimonial des villages viennent accroître des tensions liées à l’insuffisance de terres cultivables qui sont sources de conflits et facteurs de pressions sur les forêts classées. De même, les parcs et réserves naturelles sont soumis aux prélèvements illicites, pillages et braconnages des ressources fauniques et floristiques malgré l’approche institutionnelle de protection intégrale.

La gestion des espaces naturels protégés se trouve ainsi confrontée à des réalités socio- écologiques contextuelles qui influencent le processus de protection et de valorisation des composantes de la biodiversité. Le parc archéologique d’Ahouakro (PAA), objet de la présente étude, constitue l’une des formes d’espaces naturels avec des caractéristiques particulières, peu explorés et soumis à une dégradation constante. La relation séculaire que partagent les populations riveraines avec ce parc dégage un paradoxe entre l’appropriation de l’espace et les jeux d’intérêts dans la conservation et l’exploitation patrimoniale du site. Or, la gestion durable des parcs et réserves passe nécessairement par la connaissance objective des composantes du milieu naturel associées aux déterminants historico-culturels de l’espace territorial qui définissent leurs spécificités et le modèle d’exploitation approprié.

Il se pose donc un problème d’approche scientifique d’un système de gestion efficace qui puisse conjuguer à la fois protection et valorisation de ce milieu naturel sans toutefois

ignorer la place historique et le rôle des populations humaines en tant qu’une composante essentielle de l’écosystème de la zone. Comment alors opérationnaliser d’un point de vue anthropologique, une approche de conservation durable de la biodiversité du parc archéologique d’Ahouakro ?

Pour répondre à cette question, la présente étude opte d’une part, pour la détermination des caractéristiques physiques du site et les liens ethnoécologiques et d’autre part, pour la proposition d’un système écomuséal de conservation durable de la biodiversité.

2. CADRE THEORIQUE

2.1. Hypothèse

L’étude part du postulat selon lequel l’écosystème du parc archéologique d’Ahouakro doit être appréhendé comme une composante patrimoniale inscrite dans l’ancrage historique et culturelle du peuple riverain et dont les modalités de conservation durable de la biodiversité nécessitent la mise en œuvre d’un système de valorisation écomuséale.

Autrement dit, faire du parc archéologique d’Ahouakro un écomusée, est une alternative anthropologique appropriée au regard de la spécificité du site pour contenir la dynamique ethnoécologique afin d’en assurer une exploitation efficiente et durable.

2.2. Approche conceptuelle

L’hypothèse de recherche met en jeu deux variables, à savoir « la conservation de la biodiversité » en tant que variable dépendante et le « système de valorisation écomuséale par approche anthropologique » comme variable indépendante. Une approche conceptuelle de définitions de ces variables permet d’en saisir les différentes dimensions et les interrelations explicatives.

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2.2.1. Variable dépendante : conservation durable de la biodiversité

Le concept de « biodiversité » inventé par le naturaliste Walter Rosen en 1986 est une contraction du terme « diversité biologique » utilisé par le biologiste américain Thomas Lovejoy en 1980 (Girault et Alpe, 2011 :8). La diversité biologique selon Lévêque (1994 : 243), est « la diversité des formes vivantes, y compris dans leur complexité génétique et biologique ».

Ainsi, la biodiversité renferme une réalité extensive et complexe qui a germé du processus scientifique de compréhension des mécanismes de fonctionnement et d’évolution de la vie biologique, des systèmes d’interactions et de coévolutions des organismes avec le milieu naturel (théories évolutionnistes, Darwinisme, Lamarckisme etc.).

La prise de conscience de l’importance des composantes de la diversité biologique et la nécessité de préserver les ressources naturelles contre les menaces de dégradation a favorisé une institutionnalisation universaliste du concept.

La biodiversité est donc appréhendée comme « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; ceci comprend la diversité au sein des espèces et entre les espèces et celle des écosystèmes » (Convention sur la Diversité Biologique, 1992:3). Cette définition intègre une large gamme d’éléments biotiques et abiotiques qui caractérisent les types d’écosystèmes.

Les composantes de l’écosystème déterminent subséquemment, les modalités de conservation et d’exploitation durable des ressources. Le parc archéologique d’Ahouakro, objet de l’étude, présente un écosystème particulier dont l’exploration porte sur les caractéristiques physiques et les liens ethnoécologiques.

Caractéristiques physiques

Les caractéristiques physiques du PAA concernent entre autres, les données paysagères géomorphologiques, les marqueurs bioarchéologiques, les ressources fauniques et biovégétales susceptibles d’être identifiées.

Liens ethnoécologiques

L’ethnoécologie établit le rapport systémique entre nature et culture dans la relation que les populations humaines entretiennent avec leur environnement à la lumière des schèmes ethnologiques et écologiques spécifiques des peuples dans leurs terroirs historiques avec les systèmes de perception de la nature, d’usage des ressources et les interactions complexes et évolutives qui façonnent les modes de vie (Bahuchet, 2012 :5) . L’ethnoécologie se décline en plusieurs dimensions d’études ethnobotaniques, ethnozoologiques, ethnoarchéologiques, ethnobiologiques, etc.

Au niveau du parc archéologique d’Ahouakro, les liens ethnoécologiques concernent les déterminants historico-culturels de la relation des peuples riverains au parc archéologique d’Ahouakro, les activités anthropiques et savoirs locaux, les facteurs de dégradation du parc et les conditions de gestion traditionnelle.

2.2.2. Variable indépendant: système de valorisation écomuséale par approche anthropologique

L’écomusée est d’abord et avant tout un musée dont la vocation fondamentale est la conservation et la valorisation d’un patrimoine matériel et/ou immatériel. A la différence du musée ordinaire confiné dans un bâti ou salle d’exposition, l’écomusée est défini, selon George Henry Rivière, père de l’écomuséologie, cité par Duclos (2005 :144) comme « un instrument, un miroir, une expression de l’homme et de la nature, une expression du temps, une interprétation de

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l’espace, un laboratoire, un conservatoire, une école ».

Il s’agit d’une institution particulière orientée vers la conservation et la valorisation d’un patrimoine ethnogéographique et bioécologique avec plusieurs variances typologiques au centre duquel se retrouve l’homme, son histoire, ses traces matérielles, ses productions technologiques culturelles et son environnement naturel. Des typologies et vocations diverses offrent des terminologies de musées de terroir, musées communautaires, musées d’identité, musées de sites, musées de plein air…, « une manière de gérer le patrimoine vivant selon un processus participatif, dans l’intérêt culturel, social et économique des territoires et des communautés, c’est-à-dire des populations qui vivent sur ces territoires »(Gob et Drouguet, 2006 : 46).

La spécificité du parc archéologique d’Ahouakro oriente vers un écomusée de conservation de la biodiversité et des sites archéologiques en interrelation avec des populations riveraines avec leur ancrage ancestral et mémoire collective inscrits dans une dynamique de reconfiguration environnementale.

L’écomusée est « un instrument de participation populaire à l’aménagement du territoire et au développement communautaire » (De Varine, 1978 : 5 ). Selon Chaumier (2017 :2), la compréhension la plus plausible de l’écomuséologie, développée par De Varine est celle d’être « une manière de gérer le patrimoine vivant selon un processus participatif, dans l’intérêt culturel, social et économique des territoires et des communautés, c’est-à-dire des populations qui vivent sur ces territoires ».Dans ce sens, le modèle écomuséal implique la

« muséologie participative » et une muséologie au service du développement (Brianso et Girault, 2014 : 153). Cette approche s’inscrit donc dans la perspective d’une anthropologie de l’ancestralité et de la territorialité avec des modalités de sauvegarde et d’aménagement d’un site d’écomusée. Le parc archéologique d’Ahouakro

s’intègre ainsi dans les composantes écosystémiques et les marqueurs ethnoécologiques des populations riveraines comme un patrimoine mixte (naturel et culturel) à valoriser suivant un modèle écomuséal.

2.3. Modèle théorique et méthode

L’étude a été menée suivant une approche interdisciplinaire avec un point de jonction anthropologique pour décrire et analyser de manière diachronique, l’interrelation des populations riveraines avec le parc archéologique d’Ahouakro. Cette approche systémique se fonde sur une conception anthropologique de la nature de Philippe Descola dans approche critique décliné par Feenberg (2013 :106), invitant à « recomposer nature et société »

Dans ce sens, la nature ne saurait être perçue comme une réalité universaliste et distante de l’homme, mais plutôt l’appréhendée dans un système socioécologique qui met en jeu, des déterminants économiques, historiques et culturels dans la relation qu’entretiennent les sociétés humaines avec leur environnement et milieu naturel. Les populations humaines sont partie intégrante de l’écosystème façonné selon des fibres ethnobiologiques qui commandent les interactions multiformes. La compréhension de ses interactions implique une contextualisation des rapports des sociétés humaines aux perceptions et usages des composantes de la biodiversité (Bouras, 2003 :2) dans des territoires particuliers avec leurs empreintes patrimoniales.

Des dimensions géographiques, historiques et ethnologiques se combinent à travers cette conception théorique sur la base de laquelle est mobilisée une méthodologie à partir de référentiels bioarchéologiques et ethnoécologiques adaptés à l’étude portant sur le parc archéologique d’Ahouakro.

2.3.1. Démarche bioarchéologique

La bioarchéologie est une discipline basée sur l’étude des vestiges biologiques, végétaux et

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animaux, issus de contextes archéologiques (INRAP, 2019 : 2). Cette approche s’imprègne des systèmes de valorisation de l'interface sociétés-environnements-biodiversité dans le temps lointain et permet de développer une recherche d’enracinement dans l'archéologie de terrain. A partir de prospections systématiques sur le site archéologique d’Ahouakro, nous avons procédé à l’identification des données de surface en prélude à d’éventuelles fouilles.

2.3.2. Démarche ethnoécologique

Selon Bahuchet et al. (2016 :18),

« L’ethnoécologie est précisément cette science humaine à part entière, qui fait le lien avec les sciences naturelles ». Cette approche va au-delà des clivages disciplinaires pour inspirer une démarche nomothétique. L’approche a donc consisté à examiner la manière dont les populations d’Ahouakro interagissent avec le milieu naturel du parc sous le prisme de leurs réalités culturelles, et comment ces relations complexes ont été soutenues ou se sont modifiées au fil du temps. Les liens séculaires, les processus adaptatifs des populations riveraines au parc d’Ahouakro à travers les usages des ressources naturelles, les savoirs locaux et la dynamique de reconfiguration environnementale ont ainsi été explorés suivant ce référentiel ethnoécologique.

3. MATERIEL ET METHODE

3.1. Présentation du cadre géographique et humain

Le Parc Archéologique d’Ahouakro (PAA) couvre une superficie de 120 ha. Il tient son nom du village d’Ahouakro qui abrite une population de 4.151 habitants (RGPH 2014). Ce village se trouve dans la sous-préfecture de Pacobo où vivent 14.510 habitants (RGPH, 2014) composés des Agni, des Baoulé (autochtones), des Malinké, Krou, Gour... (allochtones) et des communautés de la CEDEAO (Maliens « Bozo », Burkinabés, Guinéens, etc.). Sa création date du

XVIIIe siècle lorsque le peuple Baoulé (sous- groupe « Souhamlin ») qui fuyait les hostilités des Ashantis au Ghana a fini par s’installer le long du fleuve Bandama, dans le campement Pacobo (Loucou, 2002). La sous-préfecture de Pacobo est une zone essentiellement agricole à prédominance café, cacao, hévéa et cultures vivrières. La pêche y est également pratiquée (Figure 1).

A l’instar de la région de Taabo, la sous- préfecture de Pacobo bénéficie d’un climat subéquatorial à quatre saisons : deux saisons des pluies et deux saisons sèches (Kouakou et al., 2007 : 94). La pluviométrie moyenne annuelle varie entre 1100 et 1200 mm de pluies avec une température moyenne de 32 °C (± 1,3 °C) ; l’ensoleillement est moins de 6,9 h/j ; l’humidité moyenne annuelle est de 78 % (± 1,6 %) ; la vitesse moyenne mensuelle du vent est de 30 km/h (± 5,8 km/h) (Groga, 2012 : 65 ; Kouakou et al., 2007 : 94). L’hydrographie est constitué des fleuves Bandama, N’zi et leurs affluents.

La végétation de Pacobo appartient au domaine guinéen, précisément au secteur mésophile caractérisé par une forêt dense humide semi décidue (Guillaumet et Adjanohoun, 1971 : 166). Par endroits, ces forêts font place aux

« savanes guinéennes » qui sont de hautes herbes enclavées dans les forêts denses et les forêts claires; elles sont parsemées de forêts-galeries, des îlots reliques de forêts denses. Elles comportent les arbres tels que le fromager (Ceiba pentandra), la samba (Triphochiton scleroxylon)… et le rônier (Borassus aethiopum) (Guillaumet et Adjanohoun, 1971 : 189-193).

Le relief monotone est constitué de bas- plateaux avec une altitude variant entre 200 et 500 m (Avenard, 1971 : 21). Pacobo est situé sur le socle appartenant au vieux bouclier précambrien de l’Afrique de l’Ouest (Martin, 1977 : 19). Les principales roches mères du sous-bassement sont les granites, les migmatites et les roches métamorphiques (Figure 1). Les sols dominants sont les sols ferralitiques, moyennement désaturés et les sols ferrugineux, tropicaux (Guillaumet et Adjanohoun, 1971 : 191)

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Figure 1 :Présentation du cadre d’étude

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2.2. Technique de collecte des données

2.2.1. Echantillonnage

L’échantillonnage du matériel humain s’est effectué par choix raisonné et boule de neige. Le critère de choix des populations riveraines qui ont été sources d’informations s’est fait selon leur statut social de détenteurs de savoirs sur le site d’Ahouakro : Chef de village, notables, vieillards, sacrificateurs, praticiens de médecine traditionnelle, villageois lambda (jeunes et femmes). La taille de l’échantillon est détaillée dans le tableau 1.

2.2.2. Enquêtes par observations directes et série d’entretiens

Cette enquête a porté sur l’observation des activités des populations dans leur rapport quotidien au parc. Des entretiens semi-directifs avec les personnes ressources identifiées, couplés à des entretiens libres informels relatifs au sujet d’étude avec les populations lambda ont permis de collecter des données. Les questions liées à l’historique du parc, aux pratiques culturelles, à la notion de biodiversité, aux systèmes de perceptions symboliques, à la gestion et la protection du parc, aux attentes liées à l’exploitation du site ont été explorées. Un guide d’entretiens et un journal de bord ont été des outils techniques utilisés pour la collecte des données de source orale.

2.2.3. Prospections pédestres guidées sur le site d’Ahouakro

Le guide du parc ayant la maîtrise des lieux a été mis à contribution pour déterminer le

parcours de prospection fait de manière pédestre, sur l’étendue du parc archéologique d’Ahouakro.

Des repérages visuels et l'identification des données paysagères, géomorphologiques et traces matérielles archéologiques du milieu naturel ont été effectués. La prospection est une étape préliminaire importante qui permet de déterminer la présence d’indices de vestiges avant toute opération de fouilles archéologiques éventuelles.

Un appareil photo numérique et un GPS ont respectivement permis des prises de photos et la géolocalisation des points d’intérêt.

2.2.4. Recherches documentaires et archivistiques

Les recherches documentaires et archivistiques ont porté sur les données historiques, géographiques, archéologiques, environnementales et socioculturelles d’Ahouakro. Des données sur la biodiversité, les approches liées à l’exploitation des sites naturels historiques et des espaces protégés ont été consultées.

2.3. Analyse des données

Le traitement des données collectées a été effectué par analyse de contenus, de manière systémique. Les informations tridimensionnelles issues des sources orales, des prospections de terrain et des documents écrits ont fait l’objet de recoupement synthétique et critique pour ressortir les constances et éléments significatifs selon les objectifs d’étude afin de dégager la pertinence descriptive et explicative des interrelations populations-PAA.

Chef de village

Notable et vieillard

Guide du parc

Sacrificateur et praticien de

médecine traditionnelle

Responsable de jeunesse

Responsable de femme

Villageois lambda

Total de personnes enquêtées

01 07 01 05 07 03 21 45

Tableau 1 : Statut social et nombre de personnes enquêtées

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3. RESULTATS

3.1. Caractéristiques physiques du site d’Ahouakro et liens ethnoécologiques

Le PAA présente des caractéristiques écologiques particulières avec un écosystème dont le biotope et la biocénose se composent d’un ensemble d’éléments matériels et immatériels anthropisés du fait de la relation historico- culturelle que partagent les populations riveraines avec ce milieu naturel ancestral. Les variables de caractérisation identifiées sont liées à la

spécificité de ce site qui offre l’observation de données paysagères biovégétales, fauniques, géomorphologiques et archéologiques.

3.1.1. Données écologiques paysagères, fauniques et biovégétales

Le paysage du PAA est un milieu naturel singulier de biodiversité avec une formation végétale caractéristique de la lisière forêt-savane où l’on retrouve des rôniers en majorité, des îlots de forêts avec des plantes lianescentes et des galeries-forêts (Figure 2).

Figure 2 : Formations végétales du PAA : forêt dense humide (a), savane guinéenne (b), forêt avec plantes lianescentes (c) et rôniers (d)

Clichés : Akaffou, 2019

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La faune regorge de divers espèces d’avifaune et de mammifères ; des rongeurs, antilopes, gazelles, une grande variété de reptiles (varans, serpents…), etc.

Les observations empiriques ne permettent toutefois pas d’en avoir une connaissance exhaustive car le site n’a pas bénéficié d’un inventaire intensif pour consigner les espèces fauniques et végétales endémiques, objets de braconnage intense. Le relief de plateau du site, marqué par des granites façonnés par l’érosion, permet d’observer des poches d’eau incrustées et disséminées par endroit sur l’étendue du parc où se côtoient terre ferme et granites.

3.1.2. Données géomorphologiques et bioarchéologiques

3.1.2. Données géomorphologiques et bioarchéologiques

Dans l’écosystème PAA se dressent particulièrement des massifs granitiques de plusieurs mégalithes magmatiques datant du

paléo-protérozoïque moyen (de -2300 à -2150 millions d'années), selon les données géoarchéologiques fournies par l’équipe de recherche patrimoniale sur le processus d’inscription du site sur la liste indicative du patrimoine de l’UNESCO. Ces massifs sont composés d’oligoclase, de quartz, de hornblende et de biotites vertes déployés sur un plateau central en forme d'isthme dont l'altitude varie entre 300 et 500 m. Des éléments géomorphologiques de nature anthropomorphes et zoomorphes sont disséminés sur l’étendue du site d’une superficie d’environ 120 ha (Figure 3).

Le site abrite des dolmens simples, des grottes ayant fonction de sépultures, de pratiques rituelles et religieuses.

Les configurations géomorphologiques particulières des massifs sont liées à des attributs dénominatifs traditionnels par les populations Baoulé riveraines. Des dolmens particuliers avec des piliers disposés en plan incliné soutenus uniquement par une fine liane présentent des caractères atypiques qui fondent des croyances

Figure 3 : Types de formes géomorphologiques du PAA : zoomorphe (a) et anthropomorphe (b) Clichés : Akaffou, 2019

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mythiques avec des appellations de « cailloux balançant » ou « Alôbouè yôbouè » en langue locale baoulé. Le site abrite des monuments mégalithiques levés et de très grands rochers qui servent de couloirs ou d’allées (Figure 4).

Ce regroupement de rochers, appelé

« Yôbouè clagla » en langue locale baoulé, forme un ensemble de rochers disposés en forme de cercle avec la présence de nickel par moment sur les rochers, constituant un élément de sa conservation à travers le temps. Des indices d’inscriptions ancestrales gravées sur des supports lithiques à structure sédimentaire existent sur le site archéologique d’Ahouakro.

Ces données sont toutefois soumises à l’épreuve des intempéries, des activités anthropiques et à l’envahissement par la broussaille.

Ce site apparaît ainsi comme un repère de données préhistoriques qui nous renseignent sur un ensemble daté du ryacien inférieur à moyen ; du paléoprotérozoïque moyen (birrimien) : soit- 2300 à -2150 millions d’années.

Des traces matérielles d’ateliers de polissage, des traces d’affûtage d’outils, des sites d’anciennes sépultures, des empreintes striés et des rochers à parois décoratifs d’époque néolithique (Figure 5) dénotent de vestiges anthropiques qui suscitent l’approfondissement de la recherche sur les fossiles et artéfacts probablement enfouis dans ce paléomilieu où a germé une végétation de lisière forêt-savane arborescente avec des espèces fauniques et biovégétales diverses qui se fondent dans un paysage des formations géologiques zoomorphes et anthropomorphes.

3.2. Liens ethnoécologiques des populations riveraines au parc d’Ahouakro

Les données ethnoécologiques reposent sur les déterminants historico-culturels, les activités anthropiques et savoirs locaux, les facteurs de dégradation du parc et les attentes des populations riveraines au parc archéologique d’Ahouakro.

Figure 4 : Monuments mégalithiques et rochers spéciaux du PAA : Vue intérieure d’un dolmen (a) et couloir dans de grands rochers (b)

Clichés : Akaffou, 2019

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3.2.1. Déterminants historico-culturels, activités anthropiques et savoirs locaux

Le peuple Baoulé, autochtone et riverain au PAA, partage avec ce site un lien historique manifesté par un système de représentation et de symbolisme du site comme un patrimoine ancestral. Ce site est considéré comme abritant deux entités mâle et femelle localement appelées

« diandra » et « bla » ou encore génie dans le système de perception mythique. Le nom du patriarche Koffi Ahoua, fondateur du village d’Ahouakro est attribué à une formation rocheuse et dolmen sacré dénommé « doigt de nana Koffi Ahoua ».

Le site est soumis à un protocole de rituels marqués par un ensemble d’interdits et de principes d’accès. Une offrande de poulet reste une exigence minimale pour des libations et incantation dans l’optique d’adresser des doléances aux génies protecteurs du site. Le parc constitue subséquemment un sanctuaire de religiosité et de pratiques naturothérapeutiques diverses. Les savoirs et savoir-faire ethnobotaniques restent un domaine réservé aux praticiens de la médecine traditionnelle de la localité qui ont seuls les secrets des usages des

essences naturelles biovégétales que regorge le site pour le traitement de multiples maladies souvent perçues comme incurables par les populations.

Les populations riveraines entretiennent donc un lien séculaire sacré avec ce site dont la conservation était fondée jusqu’alors sur des systèmes d’interdits traditionnels respectés et transmis de génération en génération. Ces perceptions culturelles symboliques ont connu une évolution liée à la dynamique des facteurs de modernité avec des influences exogènes multiformes liées au développement local et infrastructurel. La tendance à l’urbanisation occasionne des modes de vie avec des attentes complexes d’amélioration des conditions de vie des populations.

Les activités quotidiennes de subsistance sont modelées par des intérêts pécuniaires controversés des populations dans leurs diversités ethnologiques (allochtones malinkés et autochtones baoulés) engendrant ainsi une dialectique des rapports historiques des populations au parc avec pour conséquence une pénétration sans réserve sur site et un usage tout azimut des ressources naturelles.

Figure 5 : Vestiges anthropiques du PAA : Empreintes striées incrustées dans du granite (a) et parois décoratifs de rochers (b)

Clichés : Akaffou, 2019

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3.2.2. Facteurs de dégradation du parc et attentes des populations

La conservation du site reste mitigée au regard de la pénétration récurrente des populations pour y entreprendre des activités d’exploitation diverses de ressources biofauniques et végétales. La coupe de bois de chauffe, l’installation d’ateliers de production de charbon de bois ont un impact sur la biodiversité et la structure paysagère du site. Le parc est constamment fréquenté par des bovins d’élevage domestique venant paître avec des risques d’émergence de zoonoses.

La chasse incontrôlée, de jour comme de nuit, menée à des fins commerciales, contribue à la disparition des espèces. Des visites clandestines des individus qui s’adonnent à des fouilles de fortune, avec le phénomène de l’orpaillage, constitue une réelle menace pour l’écosystème de la zone. Cette quête effrénée à l’or pousse des individus à braver le caractère sacré des sites et les interdits. L’usage de produits chimiques accroît le risque de pollution environnementale et la probabilité de décimer les organismes vivants de ce milieu naturel. La délimitation du périmètre de protection du site n’est pas respectée et les activités champêtres, notamment les plantations d’hévéas s’y développent au fil des années.

La gestion traditionnelle du site par le peuple riverain baoulé est fondée sur une patrimonialité historico-culturelle confrontée toutefois à une reconfiguration environnementale due à l’expansion d’activités économiques et agricoles. Le PAA est donc exposé à une dégradation constante qui interroge les conditions de conservation de ce site avec les composantes de la biodiversité. Cette situation commande une approche anthropologique de conservation de la biodiversité articulée dans un système d’exploitation écomuséale du PAA.

3.3. Système écomuséal pour la conservation durable de la biodiversité

Le PAA, de par sa spécificité, constitue à la fois un espace de biodiversité et un milieu naturel ancestral avec des atouts matériels et immatériels. Une exploitation conséquente de ce site est envisageable à travers la mise en œuvre d’un système écomuséal à opérationnaliser par un inventaire interdisciplinaire des données, une formalisation institutionnelle des modalités de protection et d’exploitation touristique du site.

3.3.1. Inventaire interdisciplinaire des données La mise en œuvre d’une équipe de recherche interdisciplinaire pour un inventaire systématique et actualisé des données s’avère indispensable pour la connaissance objective et la maîtrise des composantes du milieu. L’inventaire a pour but de constituer une banque de données aux fins d’une exploitation scientifique comme fond muséal. Anthropologue, géographe, géologue, archéologue, historien, muséologue, archiviste, ethnobotaniste, environnementaliste, biologiste sont. entre autres, des experts scientifiques qui doivent interagir dans le cadre d’un programme de recherche conçu à cet effet.

La réalisation des inventaires s’inscrit dans un processus dynamique permanent. Le parc demeure encore un véritable terrain d’exploration scientifique pour lequel il importe de procéder à des études approfondies. Toutefois, sur la base des acquis, il convient de procéder à (i) la constitution et la caractérisation des objets muséaux et (ii) la cartographie des objets muséaux.

Constitution et caractérisation des objets muséaux

La géomorphologie extraordinaire des massifs granitiques et les systèmes symboliques associés doivent être archivés selon une typographie géoarchéologique et culturelle sur la base de référentiels historiques et ethnologiques du peuple baoulé de la localité. La faune sauvage

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et les espèces floristiques rares aux vertus médicinales doivent être inventoriées. La mise à disposition d’une monographie des pratiques ethnomédecinales peut contribuer à renforcer l’importance du site en termes de services écosystémiques.

Une fois documenté et répertorié suivant un protocole approprié de muséographie, l’ensemble des données constituera le fond muséal du site dont les objets matériels et immatériels seront patrimonialisés avec valeur immémorielle de transmission générationnelle.

Ces objets muséaux feront l’objet d’une exploitation dans le domaine de la formation et la recherche scientifique (station de recherches interdisciplinaires), l’encadrement pédagogique appliqué (chantier-école), activités de sorties scolaires éducatives et culturelles et découvertes touristiques.

Cartographie par drone du site et des objets muséaux

Les différents éléments répertoriés sur le site archéologique d’Ahouakro doivent être codifiés, géoréférencés et cartographiés pour favoriser un circuit touristique particulier sur l’étendue du site de 120 ha. L’usage du drone s’avère indispensable pour établir une cartographie à haute résolution utile à l’optimisation de points de repères et à la surveillance du site.

3.3.2. Protection institutionnelle du site

Le PAA est dans un processus institutionnel d’inscription sur liste du patrimoine culturel de l’UNESCO depuis 2006. La forme institutionnelle d’écomusée est à juste titre indiquée dans la mesure où elle a fondamentalement une vocation de conservation du patrimoine naturel et culturel (matériel et immatériel) ; ce qui invite de ce fait les populations riveraines à s’approprier le parc comme une interface de valorisation de leur mémoire collective. La protection du PAA passe

par l’implication communautaire, la délimitation et l’aménagement du site d’Ahouakro.

Implication communautaire

Le projet de valorisation du PAA ne peut être efficacement réalisé qu’avec la participation effective des communautés riveraines du site et des populations de la localité. Les populations doivent être intégrées dans un système de cogestion qui prenne en compte leurs attentes et leurs aspirations légitimes. La finalité de l’approche de valorisation écomuséale doit être de contribuer au bien-être des populations et au développement local.

Délimitation et aménagement du PAA

Une zone tampon conventionnelle devra être délimitée autour du parc. Les limites du parc peuvent bénéficier d’une clôture naturelle de sécurisation, par le planning d’espèces locales, dans une perspective de contribution au reboisement et à l’agroforesterie. Des panneaux de signalisation avec des inscriptions d’images et messages de sensibilisation écologique à des points stratégiques peuvent être mis à profit. Cela implique des questions de patrimoine foncier des populations à régler avec les autorités coutumières et administratives. Toutefois, l’aménagement du PAA tiendra compte de la forme d’exploitation touristique avec la nécessité de conservation de son intégrité, en l’occurrence la biodiversité.

3.3.3.

Exploitation touristique du PAA

Le modèle d’exploitation touristique de l’écomusée repose sur l’écotourisme.

L’écotourisme encore appelé tourisme vert est une forme de tourisme écocitoyen lié à la découverte de la nature et de ses multiples vertus dans une logique de préservation des essences naturelles. Il s’agit donc d’une approche de tourisme non nuisible à la nature et contribuant à mettre en exergue les atouts naturels avec des modalités de protection. Allier compétence

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écomuséale à l’écotourisme nécessite une expertise en la matière pour développer des mécanismes de coopérations nationales, multinationales et déployer des programmes de gestion optimale favorable à l’émulation touristique et à la conservation de la biodiversité.

D’où la mise en mission nécessaire d’experts indiqués pour piloter le projet de valorisation du parc afin d’en faire une station de recherche scientifique, un lieu de découverte touristique et un conservatoire de la biodiversité et du patrimoine ancestral.

4. DISCUSSION

4.1. Orientation méthodologique interdisciplinaire

L’étude portant sur l’écosystème du parc archéologique d’Ahouakro à l’épreuve d’une approche anthropologique mobilise une démarche scientifique interdisciplinaire qui implique sciences humaines et biologiques. Les méthodes et outils techniques utilisés sont fonction des objectifs visés. Cette étude consiste à déterminer les composantes du milieu naturel et les liens ethnoécologiques d’une part, et d’autre part, à décliner une stratégie de conservation durable de la biodiversité.

Ainsi, les méthodes qui contribuent à décrire les paléoenvironnements anthropisés sont nombreuses et recouvrent tous les champs disciplinaires de l’histoire naturelle: géologie (géomorphologie, sédimentologie), paléobotanique (palynologie, anthracologie ou carpologie) et archéozoologie, qui analyse les rapports de l’homme et des animaux (Leroyer et al, 2018 :114). A Madagascar, l’équipe de Gommery et al. (2018 :470) déploient une expertise depuis plus d’une quinzaine d’années dans l’étude des paléomilieux, en contribuant par ses approches, à remettre au bout du jour, la paléobiodiversité des vertébrés subfossiles et d’apporter des éléments inédits pour la compréhension des paléoenvironnements.

Ainsi, les approches bioarchéologiques sont aujourd’hui au cœur des grandes problématiques paléoenvironnementales, anthropologiques et historiques: restitution des environnements et de la biodiversité du passé, reconstitution des pratiques humaines (agricoles, pastorales, alimentaires, funéraires…), aide à la compréhension des interactions entre les sociétés et leurs environnements (INRAP, 2019 :2).

En s’inspirant de cette approche, l’étude sur le PAA appréhendé comme un paléomilieu, s’est plutôt orienté vers l’analyse diachronique des interactions sociétés et environnement inscrite corrélativement dans l’approche ethnoécologique déployée pour comprendre la dynamique du rapport séculaire des populations riveraines au site et ses composantes écosystémiques. La prospection préliminaire dans le PAA permet de dégager des pistes d’inventaires interdisciplinaires à approfondir.

4.2. Approche anthropologique de conservation de la biodiversité

L’approche anthropologique de conservation de la biodiversité s’inscrit dans le cadre d’une contribution interdisciplinaire à la compréhension des systèmes écologiques et biologiques au centre duquel se retrouvent les populations humaines dans leurs relations historique, territoriale et patrimoniale avec leur environnement naturel. La problématique de conservation de la biodiversité secrétée par des initiatives naturalistes a pris une forme institutionnelle avec des approches reposant sur la création de divers types d’espaces protégés (parcs nationaux, réserves naturelles, forêts classées, sites historiques ou forêts sacrées, etc.) dotés de principes de réglementation avec des missions spécifiques assignées. Selon Triplet, (2009 :542),

« la biodiversité est la base du fonctionnement des écosystèmes ». Ainsi, la « Protection intégrale » émergée à travers le Yellowstone national park aux Etats-Unis en 1872 se fonde sur une politique de réglementation rigoureuse avec une

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interdiction stricte de toutes activités humaines dans les périmètres en vue d’en assurer l’intégrité et l’authenticité des composantes des écosystèmes.

Si la priorisation des impératifs de conservation de la biodiversité guide cette approche, il convient toutefois de prendre en compte les interrelations des populations humaines avec le milieu naturel et les implications socio-écologiques (Dumez et al., 2014 :3) qui s’en suivent. En effet, dans l’approche-programme du Fonds pour l’Environnement Mondial (2010 : 13), il est indiqué que « le couplage de la préservation de la biodiversité à la réduction de la pauvreté en Afrique de l’Ouest » s’avère être un axe majeur de l’orientation stratégique.

Par ailleurs, rattacher la biodiversité aux considérations économiques, préserver la biodiversité en la gérant aussi hors aires protégées, coordonner les actions et faire participer les populations locales (ibid., 2010 : 28) font partir des principes d’édification d’une stratégie de conservation durable de la biodiversité prenant ainsi en compte, les services écosystémiques. La cartographie de services écosystémiques est une alternative de médiation dans le processus d’aménagement territorial (Leroyer et al 2018 :70).

Les services écosystémiques sont de plusieurs natures : économique, sociale, culturelle, esthétique paysagère, ethnobotanique etc. (Dufour et al. 2016 :10). Ces initiatives qui visent à concilier la gestion des écosystèmes et le bien-être des êtres humains, soulèvent des questions d’écologie et d’humanité comme enjeux indissociables avec des « contingences très variables en fonction des milieux et des écosystèmes spécifiques » (Colombo et al., 2018:

11). Ainsi, l’approche socio-historique de sites sacrés naturels développée par Ballarin et Blanchy (2017 : 9) soulève la réflexion sur la revalorisation patrimoniale en se référant à l’histoire de chaque site pour comprendre les processus de conservation et de transmission

controversée avec les acteurs impliqués.

L’approche anthropologique de conservation de la biodiversité du parc archéologique d’Ahouakro rentre donc dans ce cadre.

Beaulaton et al., (2013:417) indiquent dans ce sens que les « sites naturels sacrés », les

« forêts ou bois sacrés » ou les « sanctuaires boisés » selon la variance terminologique, jouent un rôle capital dans divers processus sociaux et politiques, comme la production des territoires, la construction de récits sur l’histoire locale, les relations aux entités invisibles, l’exercice du pouvoir négocié entre plusieurs catégories d’acteurs et l’élaboration de mémoires partagées.

« Faire le lien entre patrimoine et territoire n’est donc pas uniquement une posture méthodologique, mais est souvent imposé par la réalité de terrain » (ibid., 2013:417).

Le PAA est un site qui revêt une dimension à la fois culturelle et biologique dont les composantes du milieu naturel sont scientifiquement peu connues alors que la configuration paysagère combine des atouts géomorphologiques, archéologiques et écosystémiques à valoriser. Selon Billé et Pirard (2007 :12) « une partie des débats sur la conservation touche à la priorité à donner soit à des espèces, soit à des écosystèmes, même s’il est généralement reconnu que les espèces ne peuvent être conservées durablement si la dégradation des écosystèmes qui les abritent perdure ».

D’ailleurs, cette situation est consubstantielle des approches de priorisation pour la conservation de la biodiversité. Milian et Rodary (2010 : 34) soulignent en effet, l’urgence

« d’arriver à distinguer dans ces pratiques anthropiques ce qui peut participer à la protection de la biodiversité de ce qui concourt manifestement à sa destruction, en ne rejetant pas l’intégralité des actions humaines comme éléments nocifs à la biodiversité ». Il s’agit donc de faire la part des choses en développant, une approche conciliatrice entre objectifs de conservation de la nature et les services de l’écosystème sous le prisme ethnoécologique.

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Notre approche anthropologique de conservation de la biodiversité propose alors un outil opérationnel de gestion intégrée à partir de l’écomusée.

CONCLUSION

L’approche anthropologique de conservation de la biodiversité du PAA développée dans le cadre de cette étude se fonde sur une conception selon laquelle l’écosystème de ce site doit être appréhendé comme une composante patrimoniale inscrite dans l’ancrage historique et culturelle du peuple riverain et dont les modalités de conservation durable de la biodiversité nécessitent la mise en œuvre d’un système de valorisation écomuséale. Autrement dit, faire du PAA un écomusée est une alternative appropriée au regard de la spécificité du site pour contenir la dynamique ethnoécologique afin d’en assure une exploitation efficiente et durable.

L’opérationnalisation de cette position théorique a permis de déterminer les composantes du milieu naturel et les liens ethnoécologiques d’une part, et d’autre part, décliner une stratégie de conservation durable de la biodiversité.

L’option de la démarche interdisciplinaire s’est imposée en combinant dans une approche systémique, des référentiels bioarchéologiques et ethnoécologiques avec un point d’ancrage anthropologique pour explorer, identifier et analyser les interrelations diachroniques du rapport des populations riveraines aux composantes du milieu naturel. En effet, pour comprendre la biodiversité actuelle et mieux gérer son avenir, il est nécessaire de connaître son évolution récente en relation avec celle des sociétés humaines (Pirini, 2009 :1).

Le PAA constitue un milieu naturel ancestral avec une dynamique de reconfiguration environnementale au fil du temps qui a impacté les fibres culturelles de sacralité et systèmes d’interdits traditionnels du site. La dégradation progressive que connait le site est toutefois liée à un déficit d’approche de gestion efficace et

durable de ce milieu naturel extraordinaire qui regorge de massifs granitiques géomorphologiques (zoomorphes et anthropomorphes) dans un écosystème particulier de lisière forestière et savanicole avec une biodiversité spécifique peu explorée.

Les données matérielles en lien avec les systèmes culturels et les services écosystémiques du site sont des éléments de capitalisation écomuséale. La nécessité de la cartographie des constituants du site par l’usage de drone et les techniques de géolocalisation afférentes s’avère indispensable dans le processus d’identification, d’aménagement et de surveillance du parc archéologique d’Ahouakro.

Le modèle écomuséal engage les populations locales dans une appropriation patrimoniale de l’espace sous une forme de cogestion institutionnelle, dans l’optique de la conservation et la valorisation touristique des composantes naturelles et culturelles de leur territoire. Le parc archéologique d’Ahouakro constitue donc un terrain privilégié de recherches scientifiques interdisciplinaires pour favoriser à la fois une conservation durable de la biodiversité et une exploitation conséquente aux fins d’un développement local.

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