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SCÈNE COMIQUE
ENTRE
LE DIABLE ET UN PR OCUREUR
;j4ufujet de
Madame
Chicanp^ chaffee des Terresde France^ ùrevendnt en Enfer»h il i
LaScène fepaffedanslevefllbuleduPalaisdu Souverain des Enfers.
LE Diable.
! te voilà, Grippe-fou , je fuis bien
charmé
de te voir.Tu
étois à Paris le plusfidèle demes
ferviteursMais
qu’as-tu ?
Tu me
parois bien trifte. iVurois- tu de fâcheufes nouvelles à m’annoncer l,LE Procureur,
Souverain des Enfers , les temps ont bien changé! Il y a , dans le Pays à'
oh
je fors, un concert étonnant
,pour parve- nir au bien. Les François, autrefoisfi fri-
^v\ i V\/ I f
wv
1
( 2 )
voies ^ filibertins , travaillent avec une ardeur incroyable à ramélioration de la
choiepublique.
De
toutes parts , on fait en France une guerre fanglante au crime.Les
friponsy font pourfuivis avec une ardeur qui n'a pas d’exemple.
Dès
qu'on s'y fait connoî- tre par untrait defcélérateiïe, par un tout
de Cartouche, enfin^ parquelquegentil'- lejje diabolique, on eft auflicôt
menacé
dela lanterne de la Grève, Perfonne ne peut prononcer un
mot
anti-populaire ^ fans entendreauffi-tôtplufieurs voix s'écrier:à
la lanterne^
a
la lanterne lVous
ne fauriez croirecombien
cette fatale lanterne faittrembler vos amislesplus zélés. Seigneur Satan, je crois que le tempsde votre ré-
gneJ enFranceJ eftpaffé.
Non-feulement on
eft occupé à bannir de ceRoyaume
la cohorte innombrable des abus que vous aviez eu l'adreffe d'y introduire ; mais je
vous apprendrai encore que l'Ariftocratie eft fur le point d’y pouffer le dernier fou- pir 5 êc que
Madame
Chicane^ votre fillechérie , fe difpofe à partir pour fon pays natal.
On
ne veut plus la fouffrir dans les terres de France. C’en eft fait, iq troupe innombrabledes Procureurs va perdre fon unique efpoir^ fa protedbice, faSouve-
Taîne.^Vous la verrez
, fans doute; arrî^-
ver bientôt ici avec un cortège confidé- rable.
Pour moi
, qui ai toujours été fon courtifan, fon favori,
moi
qui connoiflois fon allure infidieufe^ fes rufes perfides,, fesartificesdefuries, fes fineffes infernales,
moi
qui perds tout en perdant la Chicane^je viens vous faire part de cet
événement
irnprévu
,
& me
fixer dans votreEm^
pire,
LE Diaele.
Tu
m’annonces là des chofes fort défa- gréables. Jevois que jai perdu une partie de 1 influence que j’avois dans laMonar-
chie Françoife
Comment,
on veutchaffer la Chicanede toutes les terres de France ! Es-tu bien fur de cela ? Les Pro- vinces du
Maine &
deN
ormandie n’ont- elles pas réclamé contrecetteinnovation? Cependantma
fille avoit ungrandnombre
de partifans dans ce Pays.Les Normands
fur-tout lui faifoient une cour affidue. Il faut, cher Grippe-fou, que tu nefois pas parfaitementinftruit. Je doute que le ren- voi de la Chicane foit pleinementdécidé.
Ellefaifoit vivre untrop grand
nombre de
fripons pour qu’on fc décide à l’exiiei des terres de France.
(
4
)Li Procureur.
Je ne vousdis pas, SeigneurSatan
,que
fon banniffement foit enxiéremenc décidé:
niais ^ iéion toute apparence , i! le fera bientôt.
La
plupart des Françoisdeman-
dent à grands cri.s une réforme dans lesTribunaux de Juftice.
On
prétend que'rAOemblée
Nationale va s’occuper incef-famment
de cet objets ôcqu’il nefpa
plus quefîion de Procureurs.LE Diable.
Il faut convenir que FAffemblée
Na-
tionale bien contraire à
mes
intérêts!Je crois tortque malgré tous
mes
projets, elle parviendra à régénérer la France.LE Procureur.
Vous
avezdonc effayé d’empêcher cette régénération îLE Diable,
Peux-tu en douter ? Crois-tu que Je
fois bien aife de voir
ma
puiffance s’afFoi- biir ? Crois-tu queje puilTe voir, fans un noir chagrin, l’autel de la Liberté s’éle-
ver fur les ruines de celui de i’Ariftocra- tie f
Oui, mon
ami Grippe-fou^ j’aieffayé pluileurs fois de retarderles fiiccèsduPa-
( J
trîotîfme. C’efl:
moi
qui aidonné
Tidée dela fameufe féance Royale. C’efl
moi
quiai rempli du poifon qui circule dans
mes
veines
^ le
cœur
de la , duComte
d’ du Prince de
C
Cefcmoi
quiavois imaginé la coalition formidable de la majorité de la Nobleffe , du haut Clergé5&
des douze Parlemens. C’eftmoi
qui préfidois auComité
antipopulaire dela Polignac. C’efI:moi
qui trompai"les regards de LouisXJ^I
^ par un tableauillufoire. C’eft
moi
qui formai dernière-ment
le plan de la fameufe confpiration contrele Peuple,&
qui demandaile ren-voi du Minière Necker,
Tu
vois encoreen
moi
celui qui donna la lifte des Minif-tres qui dévoient remplacer les partifao®*
de cet ami de la Nation.
Tu
vois celui qui fufcita le violent 5 6c qui remplis foname
des vapeurs enivrantes de Tambi-tion.
Tu
voisen Satan celuiqui , la veilledu jour où le complot deftrudeur dévoie s’exécutbr
, préfida aux danfes bachiques des favoris delà du
Comte
d’....&
tousles fuppots de fAriftocratie avecles Pandourséi lesPlujfards,
Tu
voisdansle
Roi
des Enfers celui qui pouffa le fou-'
gueux Lambefc àzm
lejardin des Thuile^'ries
^
&
qui guida le fabre de ce PiLncecruel ; c^efl:
moi
qui animoîs la voix deDefp
^ lorfque dans l’Affemblée Nationale il parloir du Peuple avec tant de mépris, ôc qu’il comparoir lesCom- munes
deFrance auxCommunes
d’Angle- terre qui conduifirenc leur Roi fur i’écha- faud. C’efI: moi qui excirois ce Parlemen- taire à s’écrier dans laCuambre
de laNo- b
1elle,quecertainsMembres
deP AJpmblée
Nationale étoient coupables de haute trahi-fon^
&
quilfalloitfaireleur procès.C
eftmoi
quiai verfé le venin dts Furies dans lecœur
du Seigneur de Quincey, Entin ^c’eft
moi
qui , ces jours-ci , ai trouvé lemoyen
de ralientir pour unmoment
le Pa- triotifmede l’AbbéSkyes
,&
qui Tai portéh s’élever contre i’entiere abolition des dîmes Eccléfîaftiques.
LE Procureur.
Voilà , Seigneur Satan des exploits dignes du Souverain des Enfers. Je vois que vous êtes toujours d’une activité in-
comparable ... Cependant l’Affemblée Nationale continue fes opérations ; ôt le
Génie du bien acquiert tous les jours de
nouveaux
partifans, vous vous ralencilTezdonc
, Seigneur Satan,Vous
ferez obligé d’avouer votre défaite... .Vous
m’avezfait
mendon
de plufieur^perfonnages que( 7 )
vous avez employés pour l’exécution
de
vos projets....Et
leComte
deM.
, vousnen dites rien
;
Néanmoins
vous le con-noiffez particuliérement
, il a été
même
en
commerce
de lettres avec vous (i).I-E
D
IAB
LE.'
Oh
pour celui - là, je ne peux pas compter furlui. Je ferois tenté de croire quil
m
oublieentièrement; cependantau- trefois nous étions bons amis,&
vous fa-yez que pouryâ Correfpondance de Pruiïe.
je lui fervis de Secrétaire. Maintenant il renonce a moi, il ne parieque de Liberté,
fratrie,
de Co/z/rWc/z.J efpere cepen- dant que dans la luite j’en tirerai quelqueparti.
...Je
vais tenter denouveaux moyens
pourempêcher
les progièsdu
(jeniedu bien furles terres de France.
Et
vous, lieurallezvous amuler.
Ilvouslepouvez, dans
mon
Empire.Vous
pouvez entrer la bas dans cegrouppe qui danfe à la lueurdu flambeau des Furies aufon d’une muliqueinfernale, à-peu-près
comme
celle deWpéra. Ce
grouppe eftunl'l^We^drDi'al'Je
tT
^ais-Royal«nnoilTonspdinU’Auteur dont nous ne
( 8 )
compofé
de gens qui fympatîferont très- bien avec vous, cefont des Greffiers, des Procureurs, desTailleurs,des Braconniers, desCorfaires, desCommis
auxbarrières,
d’Accapareurs de bled, de CommilTaires de quartier, d’Huiffiers
Royaux;
deCon-
feillers au Parlement, de Rats-de-cave
,
de
Femmes
dumonde,
deFilous^ deMou-
chards,
&deM.
ôcc.&c. &c.
Par J. B. S.
F
IN,
A
PARIS, chezN
YONlejeune. Libraire, Pavillon des quatre Nations ;& de rimprioierie deN. H. Nyon,riL&Mignon^ 17^^»