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1. - MONTAGE ET NATURE JURIDIQUE DES CONTRATS. 1. -Nature juridique du syndicat financier. a) Le syndicat ouvert

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(1)

JOJJRNn· lRIBID.IJI

HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE Edmond Picard

1881-1899 Léon Hennebicq

1900-1940

Charles Van Reepinghen 1944-1966

Jean Dai 1966-1981

Les syndicats d'euro-crédits

Aspects juridiques <*>

1. -Exposer les aspects juridiques de l'euro- marché et plus spécialement des accords con- sortiaux n'est pas tâche facile.

Les sources du droit classique nous sont de peu d'utilité. Aucune loi spécifique ne règlemente cette matière. La jurisprudence est peu abondante et aucune coutume ne semble s'être constituée à ce jour. La principale source résulte dès lors de la pratique. Or, celle-ci s'établit essentiellement sur des places anglo-saxones tant par ses origines qu'eri général pour les innova- tions. Force est donc de se rattacher aux principes généraux régissant la matière des contrats en les adaptant aux spécificités du marché et des parties en cause.

2.- Une analyse théorique du marché révèle une multitude de risques encourus par les· partici- pants. Les juristes consultés essaient de les éliminer par des constructions et des clauses souvent irès complexes. Les contrats n'en devien- nent pas tpujours plus clairs.

Dans la pratique, nous observons que peu de ces risques potentiels se ·sont réalisés à ce jour.

Rares sont les décisions intervenues. Elles sont quasiment inexistantes dans les pays de droit français. Parmi les affaires qui auraient pu faire évoluer le droit, on peut. citer d'abord l'affaire Colocotronis (1). ~n l'espèce, un certain nombre de banques avaient engagé une action en domma- ges et intérêts contre la banque consortiale chef de file qui, après avoir consenti des crédits à un armateur grec, avait vendu des participations dans ces crédits aux banques plaignantes. Ces dernières arguaient que le chef de file leur avait caché un certain nombre d'informations détermi- nantes notamme~t sur la situation financière délicate de l'emprunteur. Malheureusement, aucune jurisprudence n'en est résultée, une trans- action ayant mis fin au litige. ·

Le fonctionnement interne et la direction des syndicats ont été mis en lumière à l'occasion du litige irano-américain de 1979. Les limites du pouvoir d'agir de l'agent sont apparues, de même que la nécessité pour le banquier principal, souvent l'ancien chef de file, d'intervenir.

L'interprétation des clauses de défaut et d'exigi- bilité anticipée a prêté à discussions devant l'arrière-fond des conflits d'intérêts existants entre banques européennes et américaines. Enfin,

(*) Cet article paraîtra dans le livre jubilaire édité par la Conférence Saint Yves de Luxembourg à l'occasion de son quarantième anniversaire.

(1) 420 F. Supp 998 (J.P.M.D.L. 1976).

les mécanismes décisionnels au sein même des consortiums ont été testés.

3 . - Le champ d'application des problèmes juridiques pouvant naître autour des contrats d'euro-crédits est tellement vaste qu'il convient de se limiter au montage du syndicat (1) et aux responsabilités susceptibles de frapper certains acteurs sur ce marché (II).

1. - MONTAGE ET NATURE JURIDIQUE

DES CONTRATS

1. -Nature juridique du syndicat financier a) Le syndicat ouvert

4. -Le contrat d'euro-crédit est signé par un certain nombre de banques qui agissent soit personnellement, soit par le biais d'un manda- taire spécial. A la lecture des contrats d'euro- crédits, il apparaît qu'il est toujours dans l'inten- tion des banques participantes de prendre un engagement personnel. Elles excluent toute idée de solidarité ou de société. Chacune d'elles prend un engagement isolé de mettre à disposition de l'emprunteur une certaine somme d'argent. Des dispositions spéciales sont prévues si la participa- tion de l'une des banques au crédit est mise en cause par des dispositions légales ou les condi- tions du marché (2). Ces dispositions peuvent avoir pour effet ultime que l'une des banques se retire du syndicat. Les engagements des autres participants n'en subsistent pas moins sans toute- fois que ces dernières soient nécessairement obligées de reprendre l'engagement de la banque défaillante.

S. - La nature juridique du syndicat financier est vivement débattue en doctrine. Certains auteurs n'hésitent pas à qualifier le syndicat de contrat d'association en participation (3), notion correspondant à la société en participation du droit français. A notre connaissance, la jurispru- dence n'a pas encore eu l'occasion de se pro- noncer à ce sujet. Aux· termes de l'article 139 de la loi sur les sociétés commerciales, l'association

(2) Ex. : la« market disaster clause ».

(3) A. Elvinger, Etude et documents, Union interna- tionale des avocats, 1979, colloque Luxembourg. , Rives-Langes et Cabrillac, R.T.D. Com., 1975, p. 886.

EDITEURS:

MAISON FERD. LARCIER S.

Rue des Minimes, 39 1000 BRUXELLES

en participation « est celle par laquelle une ou plusieurs personnes s'intéressent dans des opéra- tions qu'une ou plusieurs autres personnes gèrent en leur propre nom. Les gérants sont tenus solidairement envers les tiers avec qui ils ont traité » et l'article 155 d'ajouter « Il n'y a entre les tiers et le participant qui s'est tenu dans les termes d'une simple participation, aucune action directe. »

Le simple énoncé de ces dispositions légales montre que le syndicat bancaire ouvert const~tué

dans le cadre d'u~ euro-crédit ne peut être une association en participation. Les banques s'enga- gent toutes à l'égard de l'emprunteur; l'agent qui gère le crédit n'agit pas en son nom propre mais en tant que mandataire spécial des banques participantes.

6. -L'association en participation est une société au sens de l'article 1832 du Code civil (4).

Cet article dispose que « la société constitue t1n contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commùn en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Pour qu'on puisse parler de société il faut, donc, des apports, le partage des bénéfices et des pertes et une affectio societatis.

A notre avis, ces trois éléments font défaut dans les syndicats financiers.

7. - Les banques participantes ne font pas d'apport au syndicat. Le contrat constitue une multiplicité de mises à disposition individuelles de fonds au débiteuL Le fait que les fonds transitent par un compte commun constitue une simple facilité matérielle qui ne saurait prêter à conséquence juridique. Les banques ne font pas d'apport en industrie. Le consortium est monté par la banque chef de file qlJ.i est, nous le verrons, liée au débiteur par un contrat de louage de service.

Les banques ne recherchent pas de bénéfice commun. Même si le taux de rémunération est identique pour toutes les banques, les intérêts versés constituent la rémunération de la facilité individuelle accordée par la banque au débiteur.

La rémunération effective de chaque banque peut être affectée par des circonstances légales ou de marché sans que la situation modifiée ne s'appli- que aux autres banques participantes.

L' ajjectio societatis, la volonté de se constituer en société fait absolument défaut. Les banques participantes ne désirent pas se constituer en société. Les contrats sont rédigés de manière à indiquer clairement cette volonté.

8. - Ainsi, et à notre avis, le syndicat bancaire ne constitue pas une association en participation mais un contrat sui genesis, « une (4) Van Ryn, Principes de droit commercial, t. I, no 450, Bruylant, Bruxelles 1960.

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(2)

technique originale de division des risques » (5).

Les juristes et plus particulièrement la jurispru- dence seraient malvenus à vouloir enfermer les participants au syndicat dans uns· structure que ces derniers ne désirent pas. Si une jurisprudence contraire à leur volonté devait s'établir, il faut supposer que les banques chercheraient d'autres.

moyens de collaboration voire choisiraient des systèines juridiques plus favorables pour gou- verner leurs relations. ·

b) La sous-participation

9. -Un problème particulier est posé par les sous-participations. Dans le. cadre d'une sous- participation, une banque associe un tiers à tout ou partie du crédit qu'elle a accordé à l'em- prunteur. Contrairement à ce qui se passe pour le syndicat ouvert où toutes les banques partici- pantes s'engagent face à l'emprunteur dans la sous-participation ou syndicat occulte, l'em- prunteur ne traite qu'avec un seul banquier et il ignore souvent l'existençe même du syndicat occulte.

On peut s'interroger si le syndicat occulte est d'une nature juridique différente du syndicat ouvert. Diverses thèses ont été. avancées par les auteurs pour expliquer la sous-participation : cession de créance imparfaite, subrogation, association en participation, convention de crou- pier.

10. -D'éminents juristes ·ont défendu la thèse de l'association en participation (6). Cette explication est tentante alors que l'assoCiation en participation est comme 1' exprime le professeur Van Ryn « essentiellement une société occulte;

l~s tiers connaissent seulement l'associé-gérant, qui traite d'ailleurs les affaires de la société en son nom personnel; ils sont sans liens juridiques avec les participants et ne peuvent agir contre eux» (7).

Elle se heurte toutefois, à notre avis, aux mêmes limites que celles déjà exprimées pour le syndicat ouvert. La sous ... participation ne répond pas à la définition du contrat de société tel que donnée par l'article 1832 du Code civil. Il n'y a pas réellement d'apport. Pourqu'il en soit autre- ment, il faud!ait que le banquier, qui s'est engagé face à l'emprunteur, apporte en société ses propres engagements. Par ailleurs, et en cas de faillite du banquier principal, le sous-partici- pant n'a d'autres moyens que de produire en simple créancier chirographaire au passif de la masse. Et enfin, le banquier . principal peut parfaitement céder l'intégralité du crédit accordé à un ou plusieurs sous-participants.

Il n'y a ni répartition de bénéfice commun, ni prise en charge de perte. Les intérêts touchés par chaque participant ont pour unique contrepartie l'avance accordée à l'emprunteur. Il y a tout au plus répartition de recettes mais non de bénéfi- ces communs.

L' ajjectio societatis enfin fait défaut. Il n'est pas· dans l'intention des parties de créer une filiale commune.

(5) Blaise et Fouchard, « La valeur juridique de la syndication », in Les euro-crédits, Institut de relations internationales de Dyon, Litec, 1981.

(6) Trevor Brown, «Les groupements interban- caires», in Les euro-crédits: Expériences continen- tales, Feduci, éd. du « Moniteur », voy. supra (3).

(7) Van Ryn, op. cit. (4).

11. - La convention de croupiers vient néces.;.

sairement se greffer sur un contrat de société.

Elle ne saurait partant être retenue pour expli- quer la nature juridique de la sous-participation.

12. -La -sous-participation ne peut s'expli- quer que comme technique de· répartition du risque sur l'euro-marché. Elle s'apparente à une cession de créance imparfaite produisant tous ses effets dans· la relation entre banquier principal èt sous,.participants mais qui demeure inopposable aux tiers et plus particulièrement à, l'emprunteur et au curateur en cas de faillite du banquier principal.

B. -Les relations contractuelles 13. - Si la nature juridique du lien entre les membres du syndicat et l'agent n'a jamais causé problème, la nature juridique des relations entre l'emprunteur et le chef de file est, au contraire, controversée.

a) Les relations entre l'emprunteur et le chef de file

14.- Dans UI;Ie première phase, l'emprunteur s'adresse à un banquier qui fera une analyse du marché pour déterminer entre autres les capacités d'absorption de ce dernier au vu de l'opération envisagée.

15. - Après cette phase de prospection préli- minaire, il appartient à l'emprunteur de désigner le chef de file du syndicat par une mandate /etter.

La raison de ce protocole d'accord est que la relation qui s'opérait jusqu'à présent entre le seul emprunteur et le banquier s'ouvre sur l'extérieur et fait intervenir des tiers. D~où la nécessité pour chacun d'eux de s'assurer que son cocontractant prenne son engagement au sérieux. Pour l'em- prunteur, la mandate letter confirme la confiance qu'il a témoignée au banquier, pour ce dernier le protocole a pour effet d'éliminer ses concurrents.

16. - Le chef de file peut assurer la bonne fin de l'opération par une prise ferme. Mais, en général, il ne . s'engage qu'à utiliser toute la diligence requise ( « best efforts ») pour mettre sur pied le consortium (8).

17. - La difficulté majeure consiste à quali- fier cette mandate letter. Contrairement à la position défendue par certains auteurs (9), nous pensons que le terme de mandate est trompeur. L'article 1984 du Code civil dispose :

« Le mandat ( ... ) est un acte

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lequel une . personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pourle mandant et en son nom».

Or, en l'espèce, le chef de file ne peut pas agir en tant que mandataire de l'emprunteùr, ne dispo- sant pas'de pouvoir de représenter ce dernier. Il a simplement comme mission de faire de son mieux pour rassembler un nombre suffisant de banques désireuses :de .participer au consortium. Ces participants signeront ultérieurement le crédit directement avec l'emprunteur (10) et non avec le chef de file agissant au nom et pour le compte de l'emprunteur.

(8) John H. Riggs, «La formation du syndicat bancaire », op. cit. (6).

(9) Christian Puhr,. « L'organisation bancaire des euro-crédits », in Les Euro-crédits, Institut de relations internationales de Dijon, Litec, 1981.

(10) Nous faisons ici abstraction du contrat de sous- participation.

18~ -Une meilleure vue serait d'analyser la mandate ./etter comme un contrat de . louage d'ouvrage, plus spécifiquement comme un con- trat de courtage (11). En effet, la mission du courtier est de mettre en rapport deux ou plusieurs personnes en vue de leur permettre de conclure entre elles une opération juridique. Il ne garantit ni le succès de ses démarches, ni l'exécu- tion des obligations des participants, une fois...le_

consortium formé. Chacune des parties peut mettre fin au contrat à condition ·de ne pas le faire à contretemps sous peine d'engager sa responsabilité.

b) Les relations entre l'agent, l'emprunteur et les participants 19. -La situation de l'agent, qui intervient dans l'exécution du contrat, est différente. Il agit pour et au nom des participants dont il est le mandataire (12). Il faut comprendre que l'agent est institué pour cles raisons de pure convenance avec la mission essentielle de centraliser tous les flux d'argent du et vers l'émetteur. Il s'agit d'un mandat spécial, l'agent n'ayant d'autres pouvoirs que ceux qui lui sont limitativement dévolus. En théorie du moins, son activité devient de plus en plus mécanique et ne lui laisse guère de marge d'appréciation. Les banques insistent sur cette restriction surtout après le signal d'alarme de l'affaire Colocotronis.

20. -Mais l'agent ne peut juridiquement être mandataire des participants et de l'emprunteur.

Or, comment expliquer que la commission de l'agent soit payéè par l'emprunteur, qui en plus a l'agent comme interlocuteur principal, sans que ce dernier ne soit son mandataire.

Il faut voir dans l'obligation de payer l' agency fee un simple arrangement con- tractuel en vertu duquel l'emprunteur s'engage à prendre à sa charge les obligations des· membres du consortium. Cette obligation n'est d'ailleurs pas sans fondement étant donné que l'em- prunteur profite du fait de n'avoir en face de lui qu'un seul interlocuteur plutôt qu'une multitude désordonnée.

21. - Bellis prétend que le mandat est gratuit,

« la commission de représentation constituant non une rémunération mais le remboursement par 1' emprunteur au nom des banques des frais administratifs encourus par le mandataire de gestion » (13).

Nous pensons que l'agent n'accepte pas sa mission pour des seules raisons de prestige, mais qu'au contraire, il y trouve également un certain intérêt financier direct.

Il. - LA SANCTION DES OBLIGATIONS DU CHEF DE FILE ET DE L'AGENT

A. - La phase précontractuelle 22. - Pour apprécier la responsabilité poten- tielle du chef de file il convient de tenir compte

(11) Blaise et Fouchard, op. cit. (5); R. T.D. Co m., 1960, p: 382; Van Ryn, Principes de droit commercial, t. Ill; Bruylant, Bruxelles 1960.

(12) Bellis, « La gestion du crédit consortial », op.

cit. (6).

(13) Op. cit; (12).

(3)

(

de la nature des liens qui l'unissent tant à l'em- prunteur qu'aux futurs prêteurs.

a) La mandate letter 1_.-Principe.

23. - La distinction entre mandataire et courtier décrite plus haut est d'une certaine importance, l'appréciation de la responsabilité étant· moins sévère pour le second que pour le.

premier. Ce qui ne signifie pas pour autant que la responsabilité du courtier ne puisse être engagée.

24. - I l ne fait pas de doute que l'obligation du chef de flle est une obligation de moyen plutôt que de résultat. Si ce dernier a accompli sa mission avec toute la diligence professionnelle requise, il ne saurait en aucun cas être tenu contractuellement responsable des dommages subis par l'emprunteur par suite de la non réalisation de l'opération. A l'opposé, une négli- gence ou inaction caractérisée entraîneraient sa responsabilité.

2. - Techniques d'exonération.

2$. - Pour se prémunir contre la responsabi- lité, le chef de file utilise souvent une technique anglaise consistant à stipuler la mandate letter sous condition suspensive de la formation du consortium (14). Donc, au cas où l'opération n'aboutit pas, le document contractuel organi- sant la négociation (15) est supposé ne jamais avoir existé de sorte que la responsabilité du _chef de file ne saurait être engagée. Si cette clause ne peut s'analyser comme une condition purement potestative on est, cependant, en droit de se demander si elle n'a pas comme conséquence de rendre le contrat initial sans cause. Cette techni- que anglo-saxone semble mal s'adapter ·aux principes de notre droit.

26. - Un autre moyen serait alors pour le chef de file de prévoir dans la mandate letter une clause de non-responsabilité. L'efficacité de cette clause ne devrait pas causer. de problème. Mais contrairement à la technique précédente, le banquier ne saurait exclure sa responsabilité pour faute intentionnelle ou lourde (16).

27. - En tout état de cause, la sanction commerciale qui frappera le chef de file en cas d'échec, risque d'être très sévère.

b) Le mémorandum d'information 28. - La source la plus importante de responsabilité réside dans l'information mémo- randum (ci-après le mémorandum) (17). En raison de l'importance des euro-crédits, la plu- part des emprunteurs, ensemble avec le chef de file, s'emploient pour permettre aux futurs prê- teurs de prendre uné décision éclairée. A cet effet des renseignements sur l'historique, la situation actuelle et les perspectives d'avenir de l'em-

(14) Le terme de « subject to contract » est utilisé, le droit anglais n'accordant d'efficacité à aucun autre terme, voy. Treitel The Law of Contract, Stevens, 6e éd., p. 43-44.

(15) J. Schmidt, « La négociation du contrat interna- tional », D.P.C.I., 1983, pp. 239-260.

(16) Cour Luxembourg, 13 déc. 1984, Pas., 26, p. 238.

(17) Voy. supra, maise et Fouchard (5).

Le raisonnement est fait dans le cadre d'un mémoran- dum qui n'est envoyé qu'à des professionnels et auquel le public n'a pas accès.

prunteur sont synthétisés dans un rapport qui est soumis aux participants avant la conclusion du contrat. C'est ce genre de document qui a donné naissance au premier grand litige de crédits internationaux, l'affaire Colocotronics décrite plus haut. Le signal d'alarme était donné et depuis les chefs de file ont doublé en précautions dans l'information divulguée ..

29. -La cour de Paris s'est prononcée. dans un domaine voisin. Une banque française avait participé en tant que co-chef de· file dans un syndicat constitué en vue de l'émission d'açtions.

La société émettrice étant tombée en. faillite peu de temps après cette émission, un souscripteur avait poursuivi . en justice la banque co-chef de file en lui reprochant entre autres l'imprécision du prospectus quant à l'utilisation du produit de l'émission. La cour a retenu que la banque avait fait toutes diligences, qu'elle s'était entourée de conseils juridiques et financiers qualifiés et qu'elle avait fourni suffisamment de renseigne- ments atŒ souscripteurs pour que ceux-ci puis- sent faire leur propre analyse de sorte que sa responsabilité ne pouvait être engagée (18).

1. - Le lien entre le chef de file et les partici- pants.

30. - Avant de pousser plus loin, il faut analyser le lien entre le chef de file et les futurs participants pour déterminer la nature de la responsabilité engagée.

31. - I l semble qu'on ne puisse y voir un contrat de renseignement avec les membres du syndicat. En effet, l'information n'est pas sollici- tée par les participants, mais fournie sur l'initia- tive de l'emprunteur et du chef de file qui, plus est, ont un intérêt personnel à 1 'usage qui sera fait de l'information.

32. -Mieux vaut y voir une obligation de renseignement accessoire à la mission de courtage ·(19).

2. - La responsabilité de droit commun.

33.- Force est donc de retenir comme base l'action fondée sur les articles 1382 et 1383 du

·Code civil qui entraîne la responsabilité du chef de file pour la faute la plus légère. La position de la jurisprudence luxembourgeoise a été fixée dans une affaire Banque de Paris et des Pays-Bas contre s.à.r .1. Carton Primé (20). Dans sa déci- sion, le tribunal 'de commerce retient que la responsabilité du banquier doit s'apprécier par comparaison avec la conduite du professionnel, normalement diligent et prudent placé dans les mêmes conditions ~xtrinsèques et par référence aux usages particuliers de l'activité bancaire.

34. - Si dans ce genre de problèmes il faudra adopter ùne approche au cas par cas, on peut cependant tenter de dégager quelques grandes lignes directrices.

35. -Quant aux sources d'informations, le chef de file se rapportera essentiellement aux données fournies par l'emprunteur et à celles qui

(18) Paris, 13 juill. 1983, Banque, 1983, p. 1463, f.F.L. Rev., avril1984, p. 43.

(19) Cour Luxembourg, 29 juin 1983, Pas., 26, p. 51.

(20) Trib. Comm. Luxembourg,.26 avril 1979 (non publié - cité par Elvinger, Godart et Linster « La responsabilité du banquier dispensateur de crédit », Droit et banque, n° 8) confirmé Cour 5 nov. 1980, Bulletin de liaison de la Conférence Saint Yves, no 50.

résultent de ses propres recherches. En raison de l'importance de l'opération, on est en droit de s'attendre à une enquête assez poussée sans cjue le chef de file ne soit tenu de prendre un rôle inquisitorial. Le banquier « sera raisonnable- ment tenu dans les limites de ce qu'il peut connaître ... » (21).

36. - La présentation de l'information ainsi collectée devra être faite avec le plus grans soin.

Elle devra permettre aux participants de prendre une ·décision en connaissance de cause. Les renseignements doivent donc en premier lieu être individuellement exacts et complets et deuxiè- mement globalement non trompeurs.

37 . .,...- Des cas de conflits peuvent se poser au chef de file qui en raison de ses rapports antérieurs avec l'emprunteur dispose de rensei- gnements confidentiels. S'il les divulgue, l'em- prunteur pourrait engager sa responsabilité, s'il ne les divulgue pas, ce sont les prêteurs qui agiront. Dans ce genre de situations, la meilleure solution est pour le chef de file de pousser l'emprunteur lui-même à rendre public ces élé- ments confidentiels ou, au pire, de dire dans le mémorandum qu'il y a encore des renseigne- ments confidentiels non divulgés '(22).

38. - Blaise et Fouchard (23) estiment que

« la responsabilité du chef de file doit être appréciée avec une particulière sévérité. » Nous pensons, au contraire, qu'il n'y a aucune raison d'être plus sévère que dans d'autres situations.

Certes, la non-divulgation d'informations con- nues, qui constitue une faute intentionnelle, devra être sanctionnée, mais la non découverte de données importantes ne devrait pas pouvoir constituer une base de responsabilité si la banque a par ailleurs agi avec la diligence normalement requise dans ce genre de crédits (24). La jurispru- dence luxembourgeoise qui décide que la responsabilité du banquier est engagée s'il a connu « ou aurait dû raisonnablement connaî- tre» l'état de l'emprunteur, risque cependantde créer des problèmes d'interprétation.

39.- Encore qu'une jurisprudence récente décide que « la responsabilité du banquier ne peut être engagée que s'il a sciemment fourni des renseignements inexacts ou irisuffisamments véri- - fiés eu égard au service sans rémunération spéciale qui lui est demandé » (25). Mais cette décision se réfère au service« non rémunéré »,ce qui n'est pas le cas en l'espèce où le chef de file a droit à une commission spéciale et par consé- quent une appréciation plus stricte de sa responsabilité est concevable.

3. - La preuve des éléments constitutifs de la responsabilité.

40. - Les participants doivent prouver que le chef de file a manqué à son obligation de diligence et que ce manquement constitue une faute. Ils doivent surtout établir le lien causal entre cette faute et leur préjudice. Ceci n'est pas nécessairement facile et le chef de file pourra arguer que le prêteur s'est plus intéressé à la commission et au· taux d'intérêt prévu qu'à l'information contenue dans le mémorandum.

(21) Luxembourg, 14 juill. 1982, Fahn!nkrog c.

Reyter (non-publié n° rôle 25458).

(22) Wood Law and Practice of International Finance Sweet & Maxwell.

(23) Voy. supra (5).

(24) Voy. supra (18).

(25) Voy. supra (21).

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(4)

41. - En outre, le chef de file tentera dè s'exonérer, au moins partiellement, en établissant la faute de la victime. Ainsi, d'une part, il arguera· qu'il ne saurait être tenu responsable de l'erreur d'appréciation par le prêteur du risque, inhérent à chaque crédit (26). D'autre part, il fera valoir qu'au vu de l'importance du crédit, le participant est tenu de faire ses propres recher- ches sur la solvabilité de l'emprunteur sans s'ar- rêter à une « impression favorable et souvent fausse qu'une personne peut donner» (27). Il fera état du fameux we are al/ big boys argument d'après lequel ces grosses banques qui ont_ toutes un pouvoir de négociation et de recherche' simi- · laire ne sauraient tenir le chef de file responsable de leur propre négligence. On ne saurait accorder ici une position plus favorable aux petites ban- ques qui, si elles veulent opérer dans ce marché, doivent en accepter les règles.

4. - Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité.

42. - Dans le mémorandum, le chef . de file peut utiliser différentes techniques pour s'exoné- rer de sa responsabilité (28).

43. - En premier lieu, il peut insérer une clause qui stipule que les participants ne doivent pas se fier aux informations données et qu'ils sont tenus de faire leurs propres recherches. Nous ne pensons pas que cette clause puisse exonérer totalement le chef de file de sa responsabilité en cas d'information inexacte ou trompeuse et qu'elle n'ajoute rien à ce qui de toute façon pourra être soutenu dans le cadre des arguments sur la faute de la victime.

44. - Deuxièmement, il est parfois énoncé dans le mémorandum que toutes les informations données ont été fournies par l'emprunteur et que le chef de file a joué le rôle d'un simple intermédiaire. En fait, le chef de file demande aux participants d'ignorer la réalité qui est qu'il a participé activement à la confection de la docu- mentation. Mais .cet argument pourrait lui permettre de limiter sa responsabilité, plutôt de la partager solidairement avec l'emprunteur. En effet, le contract de louage d'ouvrage met à la charge du maître entre autres obligations, celle de rendre possible et de faciliter l'exécution de . l'ouvrage. Ceci risque cependant, de ne pas lui être d'un grahd secours étant donné que les prêteurs n'agissent en général que si l'emprunteur est au bord de la faillite. ~

45. - Reste e1_1 troisième lieu, une clause disposant que le chef de me ne saurait être tenu responsable des informations contenues dans le mémorandum. Cette clause soulève le difficile problème de la limitation de responsabilité en matière délictuelle ou quasi déclictuelle. Le droit français, à l'opposé du droit belge, semble refuser toute efficacité à une telle limitation, encore que la doctrine soit plus nuancée (29). Au

(26) Gavalda, Responsabilité professionnelle du ban- quier, éd. Economica.

(27) Arrêt Pauwels du 25 avril1974 cité par Zenner,

« La responsabilité du banquier dispensateur de crédit en droit belge », Droit et banque, n° 8.

(28) John H. Riggs, op. cit. (8).

(29) Pour le droit français : Civ. 2, 17 févr. 1955, Dai/., 1956, p. 17, note Esmein; Pour le droit belge : Cass., 21 février 1907, Pas. belge, 1907, I, p. 135;

Généralement : « Les clauses limitatives et exonéra- toires de responsabilité et de garantie dans les contrats internationaux », Revue de droit des affaires internatio-

nales, n° 4/85. ·

Luxembourg, la, jurisprudence ne semble pas encore s'être clairement prononcée en faveur d'une telle limitation ce- qui nous permet de faire quelques extrapolations (30).

Il faut considérer que nous sommes ici en présence d'investisseurs sophistiqués qui se trou- vent dans une phase précontractuelle de négocia- tion. Rien ne devrait empêcher ces parties de réduire, en toute conscience, la responsabilité du chef de file. Comme une telle limitation ne se présume pas en matière délictuelle ou quasi délictuelle et qu'elle a un caractère exceptionnel, elle devra être prévU.e en termes clairs et non équivoques. Les participants adhéreront d'autant plus volontiers à cette clause qu'ils savent qu'un jour il$ seront eux-mêmes c~ef de file et qu'ils seraient bien hèureux si dans ce cas on ne pourrait engager leur responsabilité. De plus la répétition au fil des ans de ce genre de clause dans les mémoranda pourrait donner naissance à une sorte de « coutume bancaire » qui lierait les actéurs sur le marché de crédit.

46. - Une clause de non-responsabilité pour le mémorandum qui figurerait dans le futur contrat de crédit ne serait probablement pas valable en. ce qu'elle tend à écarter a posteriori une responsabilité dont les conditions sont déjà réunies.

47. - Le banquier peut encore conclure un hold harmless agreement avec l'emprunteur en vertu duquel ce dernier tiendra le chef de file quitte et indemne de toutes les sommes qu'il aura à débourser par suite de mauvais renseignements.

Là encore, l'efficacité en pratiqu~ risque d'être réduite, les problèmes ne surgissant que lorsque l'emprunteur est confronté à de sérieuses diffi- cultés financières.

48.- Il faut noter qu'en cas de sous-partici- pation, les clauses de non-responsabilité ne devraient pas causer- de problème, étant donné que qes relations contractuelles lient le chef de file et les sous-participants.

49. -:- Ces problèmes de responsabilité ont amené certains banquiers à ne plus émettre de mémorandum. « Il est loisible aux banques de ne pas donner de renseignements, mais dès lors qu'elles acceptent d'en donner, elles doivent s'efforcer de les donner exacts, sous peine d'engager leur responsabilité » (31).

1

c) La confection du document contractuel 50. -Le chef de file s'expose par ailleurs à l'action en dommages et intérêts des participants au sujet de la rédaction du document contractuel_

qui sera par la suite sign~ par l'émetteur. avéé chacun des prêteurs. ·

51. - Ainsi, il pourrait être tenu responsable si, contraitement à ce qui avait été indiqué, toutes les clauses du contrat ne peuvent être utilement appliquées sous la« governing law ».

52. - Ici encore se pose le difficile choix entre la responsabilité contractuelle et délictuelle. On peut y voir uri simple élément du contrat de courtier précédemment décrit. Il est cependant possible de considérer que dans la mise au point du contrat le chef de file agit comme une sorte de

(30) _Pour le droit luxembourgeois : Luxembourg 4 juill. 1928, Pas., 12, p. 28.

(31) Trib. gde inst., 28 oct. 1977, Dai/., 1979, I.R., p. 363. Si le public n'est pas touché par l'opération, le prospectus n'est pas obligatoire.

mandataire des futurs participants pour négocier les conditions les plus favorables. Dans ce dernier cas, la responsabilite serait contractuelle. Le chef de file pourrait s'exonérer de sa responsabilité s'il s'est raisonnablement fié aux avis d'avocats et experts extérieurs (sous réserve d'avoir choisi des spécialistes à la hauteur et de ne pas avoir déformé leur position).-

B.- La phase contractuelle

53. - Il convient de noter dès à présent que la mission du chef de file prend fin à la conclusion du contrat et que par la suite saresponsabilité ne saurait plus être engagée.

54. - L'acteur principal sera maintenant l'agent qui agit en vertu d'un mandat spé- cial (32).

a) Limites des pouvoirs de l'agent 55. -Le premier cas de responsabilité qui pourrait frapper l'agent senlit d'avoir agi ultra vires (33).

Si on lui laisse sur certains points une marge de manœuvre, il devra satisfaire à son obligation (de moyen) en exerçant ·sa tâche avec toute la diligence professionnelle requise. En cas de doute, d'hésitation sur la manière d'agir, l'agent ferait bien de consulter au préalable les membres du consortium.

b) Vérification des_conditions suspensives 56.- Souvent il apparient à l'agent de vérifier si les -conditions precedent (les conditions supsensives) sont réunies avant de débloquer les fonds. Ainsi devra-t-il vérifier que les autorisa-_

tions sont toujours valables, qu'aucune infrac- tion aux dispositions contractuelles n'a été com- mise et qu'aucun changement substantiel n'est intervenu dans la situation de l'emprunteur ou dans son environnement économique et politique (material adverse change).

Cette niission est importante en ce que ces conditions suspensives sont stipulées ever- green c'est-à-dire qu'elles doivent être satisfai- tes à chaque tranche de paiement (surtout dans les crédits roll~over). Dans l'appréciation de la responsabilité de l'agent, il faut être réaliste quant aux pouvoirs de vérification à sa disposi- tion. Il devrait pouvoir s'exonérer en prouvant qu'il a exigé de l'emprunteur tous les renseigne- . ments requis et qu'il les a soumis à l'appréciation

de spéciali~tes indépendants et qualifiés. Une autre méthode d'exonération serait de transmet- tre tous les documents reçus de l'emprunteur aux différents membres du consortium pour qu'ils puissent se faire leur propre opinion sur l'accom- plissement des conditions.

c) V édfication des déclarations et garanties de l'emprunteur

57. - Dans certains cas, il est prévu que l'agent devra contrôler le respect des déclarations et garanties de l'emprunteur· (covenants).

(32) Les anglo-saxons utilisent souvent le terme de

« servicing bank » pour éviter des confusions avec les obligations que pourraient entraîner un « agency con- tract».

(33) M.E. Goldsmith,« Un mode de financement en devises : les crédits roll-over en eurodollars », D.P.C.I., 1977, pp~ 341-368. -

(5)

Ainsi, l'agent est-t-il obligé de vérifier si l'em- prunteur lui a transmis toutes les informations requises en temps utile si la negative pledge clause (34) et la « pari passu clause » sont toujours respectées. Cette tâche est particulière- ment difficile et délicate en ce . qui concerne le respect de la « negative pledge clause » et des engagements financiers (jinancial cove- nants).

58.- L'émetteur s'engage à respecter un cer- tain nombre· de ratios financiers qui doivent servir d'indicateur de solvabilité aux prêteurs. La surveillance de ces ratios est particulièrement compliquée et pour limiter la responsabilité de l'agent, il est généralement prévu qu'il n'aura à vérifier ces conditions qu'au vu des documents comptables ·qui lui sont fournis par l'émetteur. Il n'est donc pas obligé de mener en permanence.

des enquêtes personnelles.

59. - L'agent engagerait cependant sa res- ponsabilité s'il omettait de réclamer à l'emprun- teur les informations financières requises . en temps utile pour faire ses vérifications.

60. - Si, au contraire, par excès de zèle, il se mettait à surveiller régulièrement et étroitement l'emprunteur, ou même à lui donner des consi- gnes de gestion, sa responsabilité en tant que dirigeant de fait risque d'être ~ngagée en cas de faillite.

d) Divulgation d'informations confidentielles 61.- En sa qualité d'agent ou autre, il aura parfois connaissance · d'informations confi- dentielles ou ce que l'on appelle inside informa- tions. S'il ne divulgue pas ces informations, sa responsabilité peut être engagée par lès partici- pants. La matérialité de ces inside informa- tions étant souvent douteuse, l'agent pourrait en les révélant, provoquer des réactions malencon- treuses des autres participants, réactions préjudi- ciables à l'emprunteur. Ce dernier pourrait alors engager la responsabilité délictuelle de l'agent.

Pour éviter ce risque, l'agent ferait, là encore mieux de pousser l'emprunteur à divulguer lui- même cette information.

62.- Si l'agent, par d'autres fonctions qu'il assume (membre d'un ·autre consortium, banquier habituel de l'émetteur, ... ) a souvent connaissance d'informations confidentielles sur l'émetteur, la meilleure solution serait pour lui de renoncer à son mandat plutôt que d'user conti- nuellement d'artifices pour se dégager.

e) Conséquences des défauts de J'emprunteur 63. -Une autre charge de l'agent est celle de notifier aux membres du consortium toutes les violations des conditions du contrat qui consti- tuent des events of default pouvant entraîner la révocation du crédit. Cette mission est généra- lement couverte par une clause dite « clause de l'autruche » :. ·l'agent n'est pas supposé avoir connaissance d'une quelconque violation du con- trat sauf en cas de non-paiement ou s'il a été expressément averti par un membre du syndicat.

En l'absence d'une telle clause, la jurisprudence luxembourgeoise a jugé que « le banquier man- querait à sa mission de "seryice public" et engagerait sa responsabilité envers les tiers victi-

(34) Ph. Dupont, « The Negative Pledge Clause under Luxembourg Law», I.F.L., Rev. mars 1986,

p. 17. .

mes, s'il ne mettait pas fin à de telles opérations.

Encore faut..:il qu'il s'agisse d'anomalies appa- rentes qui devaient attirer l'attention d'un profes- sionnel » (35) et ajouterons nous qu'il agisse dans le cadre de sa mission de « service public » à savoir face à des consommateurs ordinaires et non des professionnels avisés.

64. - Il peut être prévu qu'en cas d'« event of default »l'agent a le pouvoir ou même le devoir de révoquer le crédit. La jursiprudence, tant

luxembour~eoise qu'étrangère, fait de cette clause un instrument dangereux qu'il convient d'utiliser avec circonspection (36). L'agent engage sa responsabilité tànt à l'égard de l'em- prtmteur que des tiers lésés en cas de rupture abusive du crédit. L'abus de droit ne présuppose pas une faute intentionnelle, au contraire, la révocation à la légère du contrat, . révocation à laquelle un banquier consciencieux et normale- ment prudent n'aurait pas procédé, suffit pour engager sa responsabilité.

65. -Pour décharger l'agent dè sa responsa- bilité, il est souvent prévu que seule une décision prise par la majorité des membres du consortium pourra prévoir une révocation du crédit.

f) Clauses limitatives et exonératoires de responsabilité

66. - Plus généralement, il esL prévu une clause de non-responsabilité de l'agent pour d'éventuelles fautes commises sous son mandat.

Cette clause contractuelle est parfaitement vala- ble sauf à exclure conformément à la jurispru- dence traditionnelle la faute lourde ou intention- nelle. Encore faut-il noter que l'appréciation de la notion de faute lourde appartient aux tribu- naux sous le contrôle de la Cour de cassation.

g) Réorganisation de la dette J'emprunteur 67. - Un dernier domaine que nous devons analyser est celui, aujourd'hui de plus en plus remarqué, de la réorganisation de la detté de l'emprunteur en difficultés financières.

68. - Le professeur Horn a soutenu que _ pesait tant sur le chef de file que sur l'agent une obligation implicite de négocier la réorganisation au profit du consortium (37).

1. ~ Le chef de file.

69.- En ce qui concerne le chef de file, nous ne pouvons adhérer aux vues de l'éminentÎ>rofes- seur. La mission du chef de file prend fm à la signature du contrat de crédit et il n'a plus , d'autre rôle à jouer, ni expliéite, ni implicite.

(35) Luxembourg 19 janv. 1984, Van der Stichele c.

Crédit européen (non publié nos rôle 28.297 et 30.350).

Le terme de « service public » ne devrait pas apparaître en relation avec des instituts bancaires et il conviendrait de distinger entre « service au public » et « service public».

(36) Luxembourg·: voy. supra (10). Schiltz, Thill et Weitzel, La responsabilité du prestataire de services en droit luxembourgeois, brochure Kredietbank; Mazzoni,

« Les. clauses d'exigibilité anticipée et de paiement tardif », op. cit. (3).

Etats-Unis : Pagonis c. Pantry Diner of. Rockville Centre I.N.C. cité, dans I.F.L., Rev. avril1986, p. 41;

Key International Manufacturing I.N.C. c. Stillman cité, dans I.F.L., Rev. décembre 1984.

(37) Hom, The Restructuring of International Loans and the International Debt Crisis, International Busi- ness Lawyer, octobre 1984, p. 400.

Ainsi une inaction de sa part ne devrait en aucun cas engager sa responsabilité.

70. - Si, au contraire, le chef de file agit de sa propre initiative pour le compte du consortium ou s'il est chargé expressément d'une telle mis- sion, il s'expose à des risques considérables en raison de la complexité des opérations de res- tructuration. Il s'agira de mettre des dettes qui ont des maturités, devises, taux d'intérêts, condi- tions... différentes dans une structure ordon- née (38). Comme nous sommes en présence d'un nouveau mandat, les clauses de non-responsabi- lité prévues lors de la conclusion du contrat seront sans effet. Le chef de file devra donc s'assurer une nouvelle exonération de responsabi- lité face aux membres du consortium.

2.-L'agent.

71.- En ce qui concerne l'agent, nous ne pouvons pas non plus adhérer à la position du professeur Horn (39). Comme nous l'avons exposé plus haut, l'agent agit dans le cadre d'un mandat dans lequel sa mission est strictement et limitativement déterminée.

On ne saurait mettre à sa charge d'autres obligations que celles prévues.

72. -Si l'agent agit de son propre gré ou sur nouveau mandat, il se trouvera dans la même situation que celle décrite pour le chef de file.

* * *

Dans le marché 4es euro-crédits en général il reste encore beaucoup de travail aux juristes. Les revolving underwriting facilities, les swaps, les global notes sont, dans un marché très créateur, autant d'instru.inents nouveaux qu'il faudra ana- lyser et formuler de manière à donner aux parties en cause la sécurité juridique nécessaire. Or, cette tâche est ardue en l'absence de lois spécifiques et de jurisprudence.

Mais la plupart des juristes redoutent une loi dans ce domaine. D'un côté, il s'agit d'une opération internationale qu'une loi nationale ne saurait entièrement régler. De l'autre côté, une convention internationale aurait pour inévitable effet de figer ces instruments en constante évolu- tion et de leur enlever l'indispensable flexibilité.

Il ne faut pas non plus s'attendre à· voir une jurisprudence abondante, les banques préférant régler leurs différends« en famille ».

C'est donc la pratique qui devra, dans un esprit de liberté des contrats et de respect de l'égalité des parties développer une sorte de lex mercatoria que les acteurs de l'euro-marché seraient prêts à respecter. Le document contractuel qui fait la loi des parties devrà, contrairement à nos traditions, être assez détaillé et développé de manjère à couvrir toutes les situations susceptibles de se présenter et à éviter de possibles divergences d'interprétation.

Guy HARLES et Philippe DUPONT.

(38) Peigney, «Aspects juridiques de la réorganisa- tion des créances bancaires sur les emprunteurs etati- ques», Journal de droit des affaires internationales, 1985, n° 3.

(39) La position du professeur Hom pourrait trouver implicitement quelque support dans une récente affaire américaine Crédit français international s.a.c. Sociedad Financieria de Commercio, l.F.L., Rev. août 1985, p. 12.

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JURISPRUDENCE

Cass. (Ire ch.), 9 mai 1985

Prés. : M. Mahillon, prés de sect.

Rapp. : M. Mahillon, prés de sect.

Min. publ.: Mme Liekendael, av. gén.

Plaid. : MMes Ansiaux et Simont.

(région flamande c. Levita et Mie.)

URBANISME. - 1. HIERARCHIE DES PLANS. - Plan supérieur postérieur. - Abrogation implicite des_dispositions con- tradictoires du plan inférieur.- Il. DOM- MAGE CAUSE PAR UN PLAN.

Indemnisation. - Article 37 de la loi du 29 mars 1962. - Interdiction partielle de bâtir. - Indemnisation permise.

1. - Lorsqu'un bien est compris par le plan général d'aménagement communal dans une zone d'habitation ouverte et semi- ouverte, et par le plan de secteur postérieur dans une zone agricole d'intérêt paysager, il n'y a pas conformité du premier plan au sec01Îd.

Lorsque, comme en l'espèce, un plan cam- . munal n'est plus conforme à un plan de

secteur, le Roi peut décider la révision totale ou partielle du premier, en vertu de l'article 43 de la loi du 29 mars 1962.

Le plan révisé, qui classe le bien concerné en zone agricole d'intérêt paysager, mais qui n'a été accepté que provisoirement par arrêté royal, est de ce fait dépourvu de force obligatoire, puisqu'il n'a pas fait l'objet d'une approbation définitive.

Lorsque le nouveau plan d'aménagement communal n'a pas acquis force obligatoire dans les trois ans de l'entrée en vigueur de la décision de révision, il n'en résulte pas que les prescriptions de l'ancien plan l'emporteraient sur celles du plan de secteur (art. 15, dern. al., 37, al. 3, 43, 45, § 5, L. 29 mars 1962).

Au contraire, la loi du 29 mars 1962 établissant une hiérarchie des plans, l' ap- probation d'un plan d'un niveau supérieur abroge implicitement les prescriptions d'un plan inférieur devenues contradictoires.

En l'espèce, le bien en cause se trouve donc désormais en zone àgricole d'intérêt paysa- ger, et le plan de secteur a ainsi mis fin à l'usage auquel il était normalement destiné au jour précédant l'entrée en vigueur dudit plan.

II. - L'article 37 de la loi du 29 mars 1962 ne subordonne pas le droit à indemni- sation qu'il crée à la condition que l'interdiction de bâtir résultant d'un nou- veau plan soit totale, mais seulement à la condition que l'interdiction de bâtir mette fin à· l'usage auquel le bien était affecté ou

normalement destiné au jour précédant l'en-

trée en vigueur de ce plan.

Ouï M. le président de section Mahillon en son rapport et sur les conclusions de Mme Liekendael, avocat général;

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 15 septembre 1982 par la cour d'appel de Bruxelles;

Sur les deux moyens réunis, pris, le premier, de la violation des articles 15, dernier alinéa, 37, alinéa 3, 43 et 45, § 5, de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urba- nisme, de l'article unique de l'arrêté royal du 7 mars 1977 arrêtant le plan de secteur Hal-Vilvorde-Asse, de l'arrêté royal du 15 janvier 1957 concernant le plan général d'aménagement de Sterrebeek, de l'arrêté royal du 27 mars 1980 conc-ernant le projet du nouveau plan d'aménagement d~ Sterre- beek et de l'article 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt constate que le plan de secteur Hal-Vilvorde-Asse impose une interdiction de bâtir· pour .les intimés (ici défendeurs), qui est totale, aux motifs

« qu'il ressort du certificat d'urbanisme remis aux intimés le 29' avril 1981, que le terrain qu'ils ont acquis le 24 novembre 1965 est compris dans les champs d'applica- tion, d'une part, du plan général d'aména- gement de la commune de Sterrebeek - approuvé par l'arrêté royal du 15 janvier 1957-et; d'autre part, du plan de secteur Hal-Vilvorde-Asse approuvé par arrêté royal du 7 mars 1977 ))'et que« d'après le plan de secteur, le terrain des intimés est situé en zone agricQle d'intérêt paysager >>

(ce qui implique ·la restriction au droit de · bâtir) << alors que d'après le plan général d'aménagement qui régissait le statut urbanistique du terrain au moment de son acquisition par les intimés, il était situé en zone d'habitation ouverte et semi-ouverte)) et qu'il résulte de ces éléments, suivant l'arrêt, « que le certificat d'urbanisme déli- vré le 29 avril 1981 est négatif au sens de l'alinéa 3 de l'article 37 de la loi dù 29 mars 1962 ))' et enfin, que le Roï a décidé la révision du plan d'aménagement commu- nalle 15 avril 1977 et que ce nouveau plan général d'aménagement « provisoirement )) accepté par l'arrêté royal du 27 mars 1980, classe le terrain des défendeurs en zone agricole d'intérêt paysager, mais que ce plan n'est pas définitif et donc dépourvu de force obligatoire et «que l'appelante (ici demanderesse) se garde d'apporter le moin- dre élément susceptible de justifier une

éven~uelle dérogation au plan de secteur, qui aurait pour effet de restituer au terrain des intimés le statut urbanistique qui était le sien avant que celui-ci n'acquière force obligatoire )) et que, par conséquent, la faculté de dérogation par les autorités compétentes apparaît à ce point théorique que l'hypothèse doit raisonnablement être écartée,

,/ alors que, première branche, l'article 15, dernier alinéa, de la loi du 29 mars 1962, permet à un plan général, au besoin, de déroger au plan de secteur, et qu'il suit des articles 43 et 45, § 5, in fine, de la même loi, que s'il y a contradiction entre un plan de secteur et un plan communal, existant au moment où le Roi arrête le plan de secteur, le Roi· peut procéder à la révision du plan d'aménagement communal dans un délai de trois ans, mais que si le Roi décide la révision d'un plan d'aménagement commu- nal, cette décision devient caduque ·si le nouveau plan n'a pas acquis force obliga-

\

toire dans les trois ans à dater de l'entrée en vigueur de l'arrêté royal décidant la révision et que, par conséquent, si la solu- tion de la révision du plan communal n'est pas réalisée dans le délai légal, il en résulte que les prescriptions ·du plan communal l'emportent sur celles du plan de secteur, ce qui .résulte d'ailleurs du certificat d'urba- nisme délivré; d'où il suit qu'en déclarant que« le certificat d'urbanisme délivré était négatif, au sens de l'article 37, alinéa 3, et que le plan de secteur imposait une interdiction de bâtir))' l'arrêt viole l'ensem- ble des dispositions visées au moyen;

deuxième branche, il est contradictoire de constater qu'il ressort du certificat d'urba- nisme, d'une part, que le terrain des défendeurs est compris dans les champs d'application et de l'arrêté royal du 15 janvier 1957 (plan général d'aménagement de Sterrebeek) et de l'arrêté royal du 7 mars 1977 (plan de secteur Hal-Vilvorde- Asse) et, d'autre part, que d'après le plan de secteur, le terrain est situé en zone agricole d'intérêt paysager, alors que, d'après le plan général d'aménagement qui régissait le statut urbanistique du terrain au moment de son acquisition par les défendeurs, il était situé en zone d'habita- tion ouverte et semi-ouverte; d'où il suit qu'en déclarant que le certificat d'urba- nisme est négatif et donc que l'arrêté royal dJI 15 janvier 1957, approuvant le plan général ·d'aménagement de Sterrebeek, n'est plus applicable parce que le plan de secteur impose une interdiction de bâtir, l'arrêt viole

·r

ensemble des dispositions visées au moyen et particulièrement l'arti- cle 15 de la loi du 29 mars 1962;

troisième branche, il est contradictoire de constater, d'une part, que l'arrêté royal du 27 mars 1980 arrête « provisoirement )) un nouveau plan général d'aménagement, qui n'est pas définitif et est dépourvu de force obligatoire, et, d'autre part, que le nou- veau plan d'aménagement, provisoirement accepté par l'arrêté royal du 27 mars 1980, classe le terrain des intimés en zone agri- cole et que l'appelante (ici demanderesse) se garde d'apporter le moindre élément susceptible de justifier une éventuelle déro- gation ·au plan de secteur, tandis que le plan général de 1957 restait d'application;

d'où il suit qu'en acceptant l'applicabilité de l'article 37 de la loi du 29 mars 1962, entraînant le droit à une indemnité pour compenser l'interdiction de bâtir,. et ce malgré le fait que le plan communal de 1957 demeurait en vigueur, l'arrêt viole l'ensemble des dispositions visées au moyen;

le second, de la violation des articles 15, 37, 43 et 45 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, de l'arrêté royal du 28 décembre 1972, notamment l'article 11, des articles 544 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt décide que le plan de secteur Hal-Vilvorde-Asse impose une interdiction de bâtir alix défendeurs, puis- que celui-ci a mis fin à l'usage auquel le bien était normalement destiné au jour précédant l'entrée en vigueur dudit plan, et que la loi n'exige pas que cette interdiction de bâtir soit absolue,

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