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Recherches dans le Valais préhistorique : la nécropole de La Barmaz sur Collombey
SAUTER, Marc-Rodolphe
SAUTER, Marc-Rodolphe. Recherches dans le Valais préhistorique : la nécropole de La Barmaz sur Collombey. L'Echo illustré , 1951, vol. 22, no. 45, p. 10-12
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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:96232
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- Le sHe de la lannaz, avec les Dents du Midi. On 1pe~olt il gauche les premières 111alsons de Collombey. U y• en mllté deu.
slle:s. p"hlsforlques: l1rma1 1, caché derrière I• croupe- rocheuse i droite. et .11nnu Il, découvert en 1941, Jusle au haut de la car- rière de cakalre- qat-ent11111e-i. ,.,.._ • gauche.
C
ollombey, pour le voyageur, est un petit village posté à un carrefour de routes non loin de Monthey, au pied du flanc de la montagne. Rien d'extraordinaire ne le signale au touriste, sinon le vieux couvent des Bernar- dines qui le domine et les nouveaux vitraux en verre cimenté de son église.Mais pour celui qui, par delà les vestiges du passé le plus visible et les œuvres d'art modernes, s'intéresse aux plus loin- taines origines d'un pays, c'est la plupart du temps en dehors des agglomérations qu'il faut en chercher les traces.
Les inventaires archéologiques nous apprennent que le ter- ritoire de la Commune de Collombey-Muraz a livré, entre au- tres, des monnaies mérovingiennes, une statuette romaine (conservée au Musée historique de Berne), une monnaie cel- tique en or (Musée archéologique de Lausanne) et des orne-
·ments (bracelet, collier massif et perles en verre) de la même époque, des objets de l'âge du bronze et des tombes de l'âgè de la pierre polie (période néolithique).
Or, la dernière citée de ces trouvailles revêtait un intérêt tout particulier, car les restes attribuables au néolithique sont rares en Valais. On en connaît du même genre à l'autre bout de la vallée, à Glis, près de Brigue, et - peut-être - à Gran- ges, entre Sion et Sierre. Des tombes de Collombey on savait depuis le début du siècle ceci: les carriers - les « graniteurs »
- exploitant la vieille moraine du glacier du Rhône quater·
-<- Le nécropole néolithique de Bar•
mu I après les demlères touilles; on a laissé un cer1aln nombre de tombes en pf ace. Le gros
bloc au milieu du chantier s'est déta- ché de 11 paroi ro- cheuse en 1H9.- mais pas pendant les travaux!
Tombe dégagée d'une Jeune femme
néolithique; elle avait les genouI au niveau de la poitrine et les mains devanl le visage.
-
naire, farcie d'énormes blocs. granitiques, qui s"é1.1le au bas de la pente montagneuse entre Monthey et Muraz, exhumaient souvent des squelettes dont certains étaient enfermés entre des- dalles; ceci se passait entré les villages de CoUomhey et de Muraz. à une cinquantaine de mètres au-dessus de la plai•ne du Rhône, en u.n lieu dit la Burmaz. On sav:.it qu'en 1900 Hans Bosshardt, de Lucerne, avait pratiqué à cet endroit une fouille sommaire, dont subsistent des croquis et des objets conservés au Musée national suisse à Zurich; d'après ses des- sins on pouvait se rendre compte de l'existence d'un vrai cimetière où les tombes, construites en caissons de dalles, ne pouvaient contenir les squelettes qu'en position très repliée, selon un rite connu ailleurs (à Chamblandes près Lausanne, au-dessus de Lutry et de Clarens, et à Glis), comme de l'autre côté des Alpes, dans la vallée d'Aoste et en •Ligurie. Depuis
t
 la Barma:r; Il, tandis que les ouvriers agrandis- senl le sondage, on relève le plan d'une des trois tombes néolifhiques déjà découvertes. - En creu- sanf des puits, en défonçant des vignes el au cours d'autres travaux vous pouvez !aire des découvertes inléressanl lei archéologues. N'oubliez pas, en pa- reil cas, d'avertir la gendarmerie la plus proche.Vous aurez peuf-êfre sauvé ainsi des documents précieux.
(Photos J. Jeanneref, A. Masset, M.-R. Sauter ef A. T. P.)
La poterie esl bien représentée dans la couche du bronze, mais elle est frès fragmenfée. On voit ici, enfre autres, le morceau reconstifué d'un lrès grand vase décoré de bandes en relief; le fragment de droite de ce morceau est le moulage d'un tesson trouvé en f 900, et qui s'est révélé correspondre exactement à ceux dé- couverts ·en f 9471
cette époque, les découvertes continuèrent sporadiquement, sans être signalées aux spécialistes.
Le site présentait donc un puissant intérêt pour le préhistorien désireux de compléter ses informations sur les premières civilisations de notre pays, comme pour !'anthropologiste soucieux de se faire une idée de l'histoire raciale la plus an- cienne. C'est pourquoi lorsque, au printemps de 1947, la nouvelle me parvint,
Les Néolithiques de la Ba~a:r; étaient d'un type raêial très différent de celui des Valaisans modernes. Â gauche, un crâne masculin mo- derne de Sion, à droite un crlne masculin néolithique de Collombey. J.
 cet enfant enseveli là, à Barrnaz, on avait donné, pour I' Au-delà, une petite faucille. C'est la longue lame de silex que désigne le petit triangk blanc, à gauche en haut. .!,
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transmise par M.Albert Wolff, conservateur du Musée de V al ère à Sion, m'apprenant qu'on venait de découvrir une tombe à la Barmaz sur Collombey, je me rendis sans tarder sur place. Le président de la commu
ne, M. Bernard de Lavallaz, avait eu l'excel
lente idée d'y faire un sondage, qui avait immédiatement été couronné de succès.
C'est à la suite de cette heureuse circons
tance et grâce à l'appui Lota! de l'Etat du Valais que j'ai pu, avec plusieurs collabo
rateurs, effectuer en 1947, 1948, 1950 et 1951 plusieurs campagnes de fouilles. Le produit en est destiné au Musée de Valère à Sion où seront déposés, après étude, les objets recueillis, et à l'Institut d'Anthropo
logie de l'Université de Genève, où re
posent les squelettes. En effet, le hut de ces recherches est double: d'une part étudier avec soin ce qui s'est passé à la Barmaz, en observant les moindres indices de l'activité humaine préhistorique; d'autre part, re
cueillir le plus possible de squelettes pour pouvoir avoir une idée un peu précise du type racial qui a vécu dans la région à ce moment.
En nous plaçant au premier point de vue, nous avons constaté que la Barmaz avait servi de cimetière au cours cle deux époques: d'abord à la fin de la période néolithique, donc vers 3000 à 2500 avant J.-C.; c'est de ce moment que clatent les tombes en caissons ( ou cistes) où le ca
davre avait été placé en position accroupie, couché sur le flanc gauche, les genoux plus ou moins repliés et les mains vers le visage.
Aucun objet n'accompagnait le mort, à l'ex-
ception de trois tombes d'enfants où nous avons trouvé, soit un silex (faucille, poin
te), soit une petite pendeloque. Nous avons été frappés de la proportion d'enfants sur les quelque 42 tombes exhumées. Plus tard, vers le début de l'âge du bronze ( vers 1500 environ avant J.-C.), on a enterré quelques personnes, selon un rite entièrement diffé
rent: nous retrouvons leurs squelettes al
longés sur le dos, en pleine terre, sans au
cun aménagement; mais ils portent - ou portaient, car nous avons constaté des tra
ces d'antiques violations· de sépultures - des ornements en bronze: boucles d'oreil
les, éléments de bracelets, épingles.
Par ailleurs, nous avons pu identifier l'existence d'un ancien habitat - dont l'exploration doit encore être faite - sur un ressaut rocheux dominant d'une part le cimetière préhistorique, d'autre part la plaine.
Au second point de vue, la récolte de dé
bris osseux est relativement assez impor
tante et permet déjà (l'étude systématique n'a pas encore pu se faire) de voir com
bien le type racial des Néolithiques diffère de celui qui règne dans la population ac
tuelle: c'étaient de petits hommes (autour de 1 m. 55 à 1 m. 60), à corps gracile, à tête très allongée, alors que les Valaisans actuels sont plutôt grands, solides, et à tête large et court�. Les hommes de l'âge du bronze étaient déjà plus 11roches du type actuel.
Ainsi, sur le plan scientifique je puis ex
primer ma pleine satisfaction des premiers
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Numéro 45
résultats obtenus. Ce que je ne puis racon
ter, c'est l'intérêt sympathique qu'ont pris à nos travaux - outre les autorités com
munales et les propriétaires du terrain - les habitants de Collombey et de la région montheysanne, c'est l'enthousiasme - qui n'exclut pas la minutie - manifesté par tous ceux, assistants et étudiants, qui ont collaboré à ces recherches parfois fati
gantes.
Et ceci m'est l'occasion d'adresser un appel aux lecteurs de !'Echo Illustré qui habitent la campagne. Le préhistorien (l'archéologue en général) ne peut pas être partout, ni savoir toutes les trouvailles for
tuites qui se font au cours de travaux de ré
fection de routes, de défonçage de vignes, d'extraction de gravier, de creusement de puits où de canaux, etc. Or, souvent il apprend de telles découvertes, dont la va
leur scientifique, sinon marchande, peut être très grande, que lorsqu'il est trop tard.
La science, dans ce domaine, ne clépend pas du savant seulement, mais de tous, pay
sans, ouvriers, propriétaires, entrepre
neurs. Il suffit, en cas de découverte, d'avi
ser la gendarmerie la plus proche en la priant d'alerter les services compétents (ar
chéologue cantonal, musée archéologique) et, dans la mesure du possible, de laisser les choses en place, pour que des docu
ments précieux soient sauvés et pour que se précise notre connaissance des périodes }Héhistoriques, sur lesquelles subsistent tant de points d'interrogation.
M.-R. Sauter