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Première Partie LA GENESE DES PROJETS POLITIQUES

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Première Partie

LA GENESE DES PROJETS POLITIQUES

Ces projets de société ont une histoire. Leur élabora- tion dépend de l'amorçage idéologico-politique opéré par des professeurs et des instituteurs à partir d'une pratique pédago- gique. Mais elle baigne aussi dans des conditions politiques à la faveur desquelles les pédagogues considérés la réalisent pro- gressivement. A la fois, ils poursuivent la création de leur

oeuvre et ils tiennent compte de l'environnement socio-historique qui les stimule et relativise leur entreprise.

Aussi, après avoir précisé le corpus des auteurs et

les raisons de leur choix, nous interrogerons-nous sur l'évolution pédagogico-politique de chacun. De quelle manière et pour quelles raisons introduisent-ils le politique à partir du pédagogique ? Comment justifient-ils le recours à la non-directivité par un objectif politique ? Ces questions nous conduiront à nous deman- der pourquoi ces membres du corps enseignant, non-directifs, se préoccupaient de politique. Pour appréhender le mieux possible le caractère historique de chaque genèse, il nous a semblé opératoire - nous préciserons les attributs de chacune d'elles - de différen- cier les auteurs en deux grandes catégories, les non-marxiens et les marxiens. Autrement dit, nous essaierons de montrer en quoi la sociologie politique de Marx détermine ici, à la fois sur le plan méthodologique et sur le plan épistémologique, un double rapport de disjonction et de conjonction entre des philosophies politiques et leur évolution pédagogico-politique, en diachronie et en synchronie.

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CHAPITRE I - LE CORPUS DES AUTEURS ETUDIES

De caractère méthodologique, cette présentation a pour objet de délimiter le champ de notre recherche dans le domaine de l'histoire des idées pédagogiques. Il s'agit donc de préciser la liste des auteurs, support de l'étude entreprise. Pour l'éta- blir, il nous paraît opportun de la définir selon un double cri- tère d'intégration, temporel et terminologique, dont nous montre- rons 1'opérativi té.

Ainsi, pour situer historiquement notre corpus d'auteurs non-directifs, nous nous demanderons pourquoi la période 1958-1978 contient les points de repère adéquats. Par ailleurs, dans cette période, les auteurs choisis sont ceux qui parlent, écrivent à propos des pédagogies non-directives. Praticiens-théoriciens, ils exercent leur fonction pédagogique dans l'Ecole publique ou pri- vée Plus précisément, dans quel, cadre institutionnel introduisent- ils la pratique non-directive ? A quel moment et dans quel texte ont-ils employé l'expression non-directivité ou des mots équiva- lents qui la constituent ? Dans le registre pédagogique, quel discours peut permettre d'identifier et de différencier leur con- ception de la non-directivité ?

1 - La période historique 1958-1978

correspond à l'arrivée, en France, des pédagogies dites non-

directives Si 1958 marque l'avènement du gaullisme et d'une cons- titution républicaine autoritaire, elle inscrit aussi l'actuali- sation des problèmes d'éducation. En effet, l'ordonnance de 1959 portant réforme générale de l'enseignement, décrétant en parti- culier la prolongation de la scolarité obligatoire à 16 ans, la création des collèges d'enseignement secondaire, et des classes de transition et pratiques, conditionnées par l'entrée de la

France dans l'ère urbaine et industrielle, provoque une inflation scolaire. L'enseignement de masse devient un champ de discussion

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et de contestation, où l'on remarque les bienfaits et les échecs de la démocratisation. A ces derniers s'alimente surtout la cri- tique de l'école.

1958-1960, c'est aussi le moment de l'apparition de la non-directivité comme une procédure possible de transformation politique. On commence à en parler et des membres du corps ensei- gnant vont chercher à s'approprier cette nouvelle technologie éducationnelle. L'inflation scolaire donnant une dimension peu banale aux innovations non-directives, la période 19^8-1978 nous

semble significative pour montrer leur évolution et leur influence pédagogico-politique, 1978 marquant l'échéance politique des élec-

tions législatives de Mars en France.

2 - Les auteurs non-directifs

Nous présenterons ici les auteurs non-directifs dans l'ordre chronologique de l'édition et de la diffusion de leurs ouvrages en France.

- Cari Rogers :

De 19^8 à 1972 s'échelonnent ses oeuvres écrites à

travers lesquelles l'inventeur, le promoteur de la non-directivité fait part de ses conceptions pratiques et théoriques. Après avoir introduit la non-directivité dans un contexte psychothérapique, puis/et pédagogique de l'enseignement supérieur (l), il devient l'initiateur de nombreux enseignants américains et français, pour qui la non-directivité, désigne essentiellement la conduite "être

centré sur"(2) la personne et le groupe. Structure latente de la personnalité, cette manière d'être, de penser et d'agir peut se

(1) C. ROGERS - In le Ddp, pp. 11-12-13.

(2) C. ROGERS - In Liberté pour Apprendre ? pp. 27-29. C. Rogers a remplacé, dès 19^8, l'expression non-directivité par le vocable client-centered sans en changer le contenu mais en insistant plus sur l'aspect relationnel que sur l'aspect technique.

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manifester, chez les pédagogues suivant quatre attitudes fonda- mentales (l) s la congruence, la considération positive incon- ditionnelle, la compréhension empathique, la confiance illimitée dans le growth ou la capacité d'auto-développement, d'auto-

épanouissement et d'auto-détermination de la personne. Il s'agit de "créer dans les classes un climat qui facilite l'acquisition d'une connaissance authentique"(2) par l'apprentissage. Dans une "acceptation démocratique" (3) de l'autre, la position non-

directive consiste donc "à faciliter le développement autonome de l'individu" (k). C. Rogers le considère capable a priori de se former, de changer, d'ouvrir, étendre, réaliser ses propres capacités et de créer ses propres normes. Pourquoi ? Les raisons tiennent à la psychologie positive de la personne face à une con- naissance à acquérir. Ainsi, constatant qu'il ne s'intéresse qu*"aux connaissances qui peuvent avoir une influence significa- tive sur le comportement d'un individu" (5)» C. Rogers désarti- cule le processus enseigner-apprendre. Ensuite, il opère un ren- versement de la relation au savoir parce qu'il comprend que "les seules connaissances qui puissent influencer le comportement d'un individu sont celles qu'il découvre lui-même et qu'il s'approprie"

(6). La non-directivité pédagogique est donc un ensemble de situa- tions, d'attitudes et de techniques pour mettre des individus en mesure d'apprendre par eux-mêmes, "de s'affirmer eux-mêmes" (7).

C. Rogers met toutefois l'accent sur le facteur attitudes et les effets qu'il provoque sur le ou les étudiants en apprentissage.

L'enseignant est donc engagé dans un travail de clarification de sa relation pédagogique qui ne peut que faciliter le processus enseigner-apprendre de type non-directif, "processus de potentia- lités naissantes" (8). En définitive, selon C. Rogers, être non- directif c'est être centré sur et donner ainsi le but à

fl) C. ROGERS - in le Ddp, pp. 206 à 21k.

(2) C. ROGERS - in le Développement de la personne, p. 207.

(3) id. - p. 131.

(4) C. ROGERS - in Psychothérapie et relations humaines, T. II, p. 2 32.

(5) C. ROGERS - in le Développement de la personne, pp. 197-198.

(6) id. - p. 198.

(7) id. - p. 210.

(8) id. - p. 129.

(5)

"l'enseignement autodéterminé" (l) de "faciliter le changement (de la personne) et l'apprentissage" (2), seul sens éducatif possible de l'Ecole dans le monde moderne. En rupture avec des comportements habituels dans l'enseignement comme le contrôle, la coercition, l'ordre, l'interprétation, la logique rogérienne, d'origine psychothérapique, instaure un climat permissif. Celui- ci est susceptible d'éviter inhibition, passivité, projection des, valeurs du pédagogue. Mais la non-directivité a aussi ses exigences. Pour C. Rogers, il importe à la fois de maîtriser une méthodologie afin de l'inclure aux conduites et de les ajuster avec l'attitude globale. Autrement dit, l'enseignant non-directif vit une relation pédagogique telle qu'il devient, sur le plan relationnel et technique, "une source de références" (3) disponi- ble à la disposition des élèves., Toutefois, la non-directivité déploie aussi leur activité et leur responsabilité. C. Rogers l'identifie alors à un cadre limitatif construit, un contexte de réponse à la demande, de liberté où les élèves investissent leur désir de faire, d'agir, d'être dans l'effort d'apprendre. Et ils recherchent une satisfaction dans la réalité, dans une dynamique d'appropriation du savoir. C. Rogers en parle comme d'une crois- sance ou d'un "développement de la personne" (h) dont la non- directivité représente, selon lui, le moyen pédagogique le plus efficace. L'effet en est l'auto-direction responsable du choix exprimé par une personne "organismique" (5) interagissant comme un tout avec son environnement.

- Georges Lapassade s

Praticien de la non-directivité dans l'enseignement universitaire, créateur du courant psychosociologique de la pédagogie institutionnelle, G. Lapassade donne un premier bilan

(1) C. ROGERS - in Liberté pour apprendre ? p. l6l.

(2) id. - pp. 202-204.

(3) C. ROGERS - in le Ddp, p. 209.

(h) C. ROGERS - in le Développement de la personne, p. kj.

(5) id. - p. 20.

(6)

de cette éducation négative en 1963. Après les philosophes de l'entraînement socratique, la problématique pédagogique s'engage dans la même voie, grâce à la psychothérapie. En effet, "la

technique rogérienne de la psychothérapie non-directive brise avec tout projet de transmettre une information" (l). En postu- lant une potentialité structurative chez la personne, la méthode rogérienne cherche à laisser être. Elle suppose de dévoiler les illusions, la vérité cachée par "une pédagogie de l'illusion" (2).

G. Lapassade distingue alors, dans le rôle du pédagogue, "ins- truire et éduquer" (3). Si l'instruction est transmission direc- tive, l'éducation est entraînement. En conséquence, dans la pro- blématique de l'inachèvement de l'homme, la non-directivité pédagogique efface la frontière qui sépare la fonction de l'en- fance de celle de l'âge adulte. Ainsi, G. Lapassade affirme

qu'"une non-directivité en éducation ne peut avoir de sens que si l'enfance n'est plus considérée comme le temps de la préparation à la vie" {h). Or, l'homme ne pouvant que totaliser partiellement

son savoir, "l'inachèvement (est le) nouveau principe fondateur"

(5). La non-directivité semble inséparable de ce principe pratique, existentiel et historique. La vision marxiste de l'homme total, métaphysique, a prioriste, cache le manque de l'homme, sa décomplé- tude. Or, "l'homme est un être dialectique" (6). G. Lapassade

aborde ainsi l'angle anthropologique de cette logique de l'inachè- vement. Il définit l'homme "comme perpétuelle totalisation en cours" (7) sur les plans individuels et historique. La non- directivité pédagogique, désignant "l'attitude de l'enseignant

(qui permet) l'auto-formation des enseignés dans le groupe-classe"

(8), peut aider la recherche de cet accomplissement.

(1) G. LAPASSADE - In l'Entrée dans la vie, p. 214.

(2) id. - p. 215.

(3) id. - p. 216.

(k) id. - p. 217.

(5) id. - p. 224.

(6) id. - p. 239.

(7) id. - p. 239.

(8) G. LAPASSADE - in Groupes, Organisations, Institutions 1965-67, pp. 193 et 210.

(7)

- L'ARIP avec André de Peretti, Daniel Le Bon,

Jean-Claude Filloux, Jeanine Filloux, Gilles Ferry : L'association pour la recherche et l'intervention psychosociologique, l'ARIP -qui groupe des enseignants de l'ensei- gnement supérieur dont certains sont passés par le second degré- publie, dès 1964-1966, un ouvrage où la psychologie des groupes fonde la pédagogie. En fait, elle se place, et les enseignants qu'elle chapeaute, résolument sous le signe d'une mutation. Celle qu'apporte l'orientation non-directive de C. Rogers. La probléma- tique de la formation et du changement dépend de "la non-directivité (qui caractérise) l'attitude centrée sur le groupe" (l).

Chacun des membres de l'ARIP intervient pour dire comment il conçoit la mutation non-directive.

:- Pour G. Ferry, la relation pédagogique doit changer avec une nouvelle conception de l'autorité enseignante. Il s'agit de réinventer le personnage du maître dont les fonctions médiateur du

savoir, observateur, organisateur du travail ne sont plus assurées.

Ainsi, "la participation des élèves aux responsabilités du travail en commun" (2) permettrait de redistribuer les rôles entre l'ensei- gnant et les élèves dans une coopération pédagogique. G. Ferry

préconise donc de désacraliser le personnage en le présentant comme un guide engagé dans une relation d'aide, de compréhension et d'é-

lucidation des problèmes. Quant à J.C. Filloux, il reprécise la perspective psychosociologique dans le sens de l'épanouissement de la personnalité. Reprenant C. Rogers, il en réaffirme les conditions favorables, "la liberté vis-à-vis de soi-même... (et) une relation pédagogique positive" (3). Celle-ci dépend d'une direction démocra- tique qui permet au groupe-classe de prendre en charge son travail.

L'orientation non-directive marquée par la centration sur le groupe, donne aux élèves la possibilité de l'implication sociale dans la tâche scolaire. Le groupe s'auto-dirige dans une atmos- phère permissive ; il décidera de ses buts et de ses institutions.

Selon les moments, l'enseignant coopère, informe, élucide. Ainsi,

(1) J.C. FILLOUX - in avant propos ARIP - PPG, p. 13.

(2) G. FERRY - ARIP - Pédagogie et psychologie des groupes, p. 26.

(3) J.C. FILLOUX - id. p. 55.

(8)

"l'acte pédagogique se situe au niveau des attitudes" (l) qui conduit l'enfant à être "adaptable à toutes les nécessités d'adaptabilité qu'il pourra rencontrer" (2). La non-direction constitue alors l'élément fondamental de cette éducation négative néo-rousseaui ste,

Puis J. Filloux étudie la problématique de l'intégra- tion de 1'audio-visuel à l'acte éducatif. Un desserrement du

rapport éducatif est nécessaire à son emploi pour faciliter l'appro- priation du matériel et du message par les élèves. Dans le cadre d'une pédagogie de groupe, le maître-animateur peut être déchargé d'une tâche informative. Il peut ainsi, par la centrâtion sur le groupe, "favoriser le développement de la personne" (3).

Si A. de Peretti redéfinit la logique rogérienne de "l'a- justement progressif et autonome de l'élève au cadre de travail,

(de l'attitude empathique (liée) à une présence active" (k), c'est pour mieux appréhender la position non-directive et en faire le

socle de l'ouvrage (1964-66-72). Il rediffuse à nouveau en 1966, la pensée de C. Rogers en étudiant l'inspiration non-directive, sa

"portée pratique" ( 5 ) , son défi "de la liberté d'autrui et de sa croissance" ( 6 ) , sa négativité à l'oeuvre dissonante en pédagogie.

En établissant le caractère objectif de la relation humaine, A. de Peretti défend donc l'orthodoxie rogérienne. Cependant, il

essaie de comprendre comment fonctionne la non-directivité. A partir des pratiques concrètes, il la conçoit "comme élément d'une dialec-

tique" (7). En 1970, A. de Peretti vit la non-directivité par rap- port à la directivité. Analysant les implications psychologiques de la pratique non-directive, A. de Peretti montre comment elle inter- pelle toute relation de dépendance et les défenses qui en résultent, la sécurisation du formateur et les conduites stéréotypées, inadaptées

(1) J. C. FILLOUX - in Pédagogie et psychologie des groupes, p. 6k.

(2) id. - p. 63,

(3) J. FILLOUX - id., p. 92.

(k) A. DE PERETTI - id., p. 107.

(5) A. DE PERETTI - in Liberté et relations humaines, p. 13.

(6) id. - p 48.

(7) A. DE PERETTI - Evolutions et perspectives, pp 11 à 13.

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des formés. Ainsi v e u t - i l é v i t e r , avec l a n o n - d i r e c t i v i t é , une modélisation é v e n t u e l l e . Comme C. Rogers l e d i t : " l a manière

selon l a q u e l l e l ' a p p r e n t i s s a g e a é t é f a c i l i t é dans cet enseigne- ment n ' e s t en aucune façon p r é s e n t é e comme un modèle" ( l ) ,

A. de P e r e t t i dénie l a fonction normative de l a n o n - d i r e c t i v i t é . I l demande de r e l a t i v i s e r l a p r a t i q u e au temps qui p a s s e , à l ' é v o - l u t i o n p e r s o n n e l l e . Chacun peut donc s ' a p p r o p r i e r l e s p r i n c i p e s fondamentaux, fonder sa manière n o n - d i r e c t i v e de p r a t i q u e r , et de- v e n i r a u t e u r . C ' e s t une démarche cohérente avec l a logique r o g é - r i e n n e . i l en souligne t o u t e f o i s l e s conditions de p o s s i b i l i t é . L'enseignant d o i t supporter l a p e r m i s s i v i t é , et l ' a n x i é t é qu'un

s u r c r o î t de l i b e r t é o f f e r t à a u t r u i provoque en r e t o u r sur l u i . Enfin, l ' a n a l y s e c l i n i q u e de A. de P e r e t t i désigne l ' a n g o i s s e comme l ' o p é r a t e u r e s s e n t i e l de l a n o n - d i r e c t i v i t é . D'où l a problématique d'une capacité p e r s o n n e l l e du formateur et du formé à v i v r e l ' a n - g o i s s e puis à l a c o n t r ô l e r . E l l e e s t c o r r é l a t i v e d'un dépassement des c o n t r a i n t e s . Aussi A. de P e r e t t i c o n s e i l l e - t - i l d ' é l i m i n e r l e dogmatisme dans l e s conduites n o n - d i r e c t i v e s en t h é o r i e comme en p r a t i q u e . Un enseignant n o n - d i r e c t i f doit s u r t o u t se conduire en pédagogue, en éducateur. Ecouter, puis accompagner l e s démarches p l u s l i b r e s des enseignés, suppose une d i a l e c t i q u e inhérente à t o u t e a c t i v i t é pédagogique. La négation se n i e en e f f e t elle-même pour d i a l e c t i s e r l a p r a t i q u e e t engager son a n a l y s e . E l l e permet de r e l a t i v i s e r t o u t e i n t e r v e n t i o n de l ' e n s e i g n a n t à l a demande des enseignés, et de démystifier l e s i l l u s i o n s p o s s i b l e s .

Dans la même v e i n e , D. Le Bon r e l a t e l e s e s s a i s d'un

enseignement n o n - d i r e c t i f dans l e second degré. Après une remise en question de sa méthodologie, i l aborde 1 ' é l u c i d a t i o n psychologique de l a r e l a t i o n pédagogique. I l souhaite "éliminer c e r t a i n e s de ces r é s i s t a n c e s " (2) à l ' a p p r e n t i s s a g e . Avec des a d o l e s c e n t s , i l cons- t a t e la n é c e s s i t é d'une o r g a n i s a t i o n groupale. L'enseignant d o i t a s s u r e r l a v i e de l a c l a s s e en t a n t que groupe et l ' e s s o r de l ' a u - tonomie i n d i v i d u e l l e . D. Le Bon emploie des techniques non-

(1) C. ROGERS - i n L i b e r t é pour a p p r e n d r e ? p . 5 7 .

(2) D. LE BON - i n Pédagogie e t p s y c h o l o g i e des g r o u p e s , p . 110.

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directives. Le silence, la réponse à la demande, le renvoi des positions au groupe, le feed-back, aident la "genèse du groupe (et) le déconditionnement (des élèves)" (l). Il montre la forma- tion psychosociologique du groupe-classe en fonction de

la tolérance que lui, enseignant peut témoigner. Il fait son travail d'élucidation de l'ici et maintenant en essayant de ne pas tomber dans le piège du psychologue ou du technicien du savoir.

Il affirme enfin que "l'éducation est nécessairement auto-éducation"

(2). Contraire à un dressage, la forme éducative non-directive sup- pose une prise en charge des élèves par eux-mêmes. Avec l'oubli de la discipline, l'appropriation personnalisée de la matière, le groupe "fixait lui-même ses propres normes" (3) et s'évaluait lui- même. Le réseau groupai donne une signification à toutes les infor- mations intégrées. Et bien que le climat permissif "suscite la

régression provisoire à des stades infantiles" (h), peut-être à cause d'elle, il vivifie la créativité des individus. La construc- tion personnelle peut reprendre, l'ouverture aux autres se mani-

fester. Le groupe prend alors une signification normative, acceptée, auto-contrôlée. Il travaille ainsi» dit-il,à deux niveaux d'informa-

tion, celui de la tâche et celui de son fonctionnement, qui dépen- dent de la personnalité de l'enseignant.

D. Le Bon met donc en évidence 1'opérativité du facteur personnalité dans un enseignement non-directif. L'attitude non-

directive rogérienne, souligne-t-il encore, est une condition essen- tielle de la formation à l'autonomie, du développement personnel des élèves.

- Michel Lobrot Ï

En 1966, les implications institutionnelles de la techno- logie non-directivité-groupe deviennent avec clarté un objet d'étude et de pratique. En effet, latente jusqu'à cette date, la pédagogie institutionnelle dégage de la non-directivité les éléments

(1) D. LE BON - in Pédagogie et psychologie des groupes, pp. 113-114.

(2) id. - p. 116.

(3) id. - p, 121.

[k) id. - p. 137-

(11)

constitutifs de son champ pratico-théorique. D'abord la pédagogie institutionnelle suppose la dénonciation de la pédagogie bureau- cratique. En exercice dans l'enseignement supérieur, M. Lobrot critique une représentation normative et mécaniste de la formation c'est-à-dire l'image sociale "d'un individu comme support organo- psychique d'un type de société" (l). Elle crée des "répulsions dé- finitives à l'égard de tout ce qui est théorique, tout ce qui touche à la réflexion et à la pensée, toute conquête difficile de la connaissance" (2), De plus, la pédagogie bureaucratique apporte l'angoisse qui "provoque le besoin de se rassurer, le besoin d'un Père" (3). Elle concrétise ainsi une pédagogie du modèle inhérent à un rapport adultoeentrique domination-soumission. Celui-ci

repose sur "une angoisse polymorphe qui réside dans toutes les couches de la population ayant affaire aux enseignants" (h). D'où il résulte une représentation mécaniste de la fonction enseignante livrée au conditionnement par la parole, à la causalité linéaire, à la toute puissance de l'éducateur.

Le modèle bureaucratique fonde l'accès au symbolique sur une intériorisation des normes hiérarchiques et sur une rationali-

sation de la paternité.

Dès lors, pour apporter "une réponse aux besoins vitaux de création, de communication" ( 5 ) , M Lobrot propose un modèle autre aux fondements psychosociologiques. S'identifiant aux dyna- miciens de groupe dont la nouvelle praxis consiste à étudier les groupes dans la vie sociale et l'élaboration de ses lois de déve- loppement, il affirme que "le principe de non-directivité en péda- gogie est de laisser les enseignés travailler seuls, s'organiser

seuls, et d'être à leur disposition" (6). Cette distanciation organisationnelle entre l'enseignant et les enseignés permet à la fois de ne pas tomber dans l'illusion pédagogique et de cons- tituer la fonction de l'enseignant dans une vacance de pouvoir.

(1) M. LOBROT - in la P I , p. 12.

(2) id. - p. 90.

(3) id. - p. 96.

(k) id. - p. 73.

(5) id. - p. 185.

(6) id. - p. 186.

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Les attitudes et les interventions de l'enseignant découlent alors des conceptions de C. Rogers. Le groupe, lui, vit une for- mation, ici et maintenant, où les interactions concrétisent le fonctionnement réel groupai, une découverte expérientielle et un enseignement. Organisation, le groupe rend présent à chacun "le pouvoir proprement social" ( î ) , une appropriation ultime, essen- tielle que rend possible la diminution "de l'angoisse en face du Pouvoir" (2). Les élèves, ainsi, "détiennent entre leurs mains les Institutions de leur classe, qu'ils pensent, selon les cas, laisser en suspens, constituer sur de nouveaux modèles ou sur des modèles traditionnels" (3).

- Daniel Hameline - Marie-Joëlle Dardelin s

De l'enseignement du second degré à l'enseignement supé- rieur catholique (pour les deux ), de l'Université catholique à lfUniversité Publique (pour D. Hameline), de Situation I paru en 1967 à Situation II publié en 1977» D. Hameline et M.J. Dardelin entreprennent de reconsidérer la non-directivité dans ses éléments innovateurs et fiables. La non-directivité introduit la négativité dans la fonction enseignante. Après avoir écarté la conception horticole de C. Rogers, puis l'illusion non-directive du pouvoir fraternel, D. Hameline et M.J. Dardelin circonscrivent la problé- matique non-directive. La négation non-directive subsiste en terme

d'attitude. Dans sa triple fonction "anticipation, évaluation, régulation" (k) l'attitude dénote un mode d'appréhension du réel nôn-défensif, sans a priori. Comme l'attitude inclut les représen- tations données, supposées, perçues, attendues, de l'enseignant et des élèves, la négativité non-directive essaie d'éviter une posi- tion infantilisante. Elle change les représentations dans le sens d'une non-modélisation et d'une libération. Son objectif est de lever "le poids de la violence institutionnelle" r5) en faisant s'interroger les élèves et l'enseignant sur son propre paradoxe.

(l) M. LOBROT - in la PI, p. 192.

'2) id. - p. 195.

(3) id. - p. 203.

(h) D. HAMELINE et M.J. DARDELIN - in Situation II, p. 283.

(5) id. - p. 290.

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A l'oeuvre dans l'aide au développement des autres, l'attitude non-directive essaie de montrer autrement la pratique concrète et quotidienne des personnes. Aussi bien D. Hameline et M.J. Dardelin la verront-elle sous un angle non-dogmatique, comme une pratique productrice d'humanité. Le maître médiateur, éveilleur

critique, cherchera à inverser contenu et forme de sa pratique pédagogique afin de développer les personnes. La non-directivité représente encore une position de contre-critique dans la mesure où, anti-utopique, "il est important d'aider les individus à ré-

soudre au jour le jour les contradictions du présent plutôt que de les conformer par avance à un modèle futur" (l).

Elle permet "d'instituer un espace où ne pas opprimer"

(2) et de signifier une force symbolique. En fait, elle contraint la critique, en particulier marxiste, à la dialectique qu'elle préconise.

Mais l'attitude non-directive constitue aussi un moyen d'armement des élèves. Et il ne peut exister d'armement éducatif que dans la mesure où "l'intention non-directive (manifeste une) adéquation méthodologique à la maîtrise des outils du savoir" (3).

Malgré les risques de la non-directivité, Hameline et Dardelin en soulignent les avantages didactiques et éducatifs.

Le patient travail du négatif devient alors un moyen de déverrouillage de l'éducation. L'attitude non-directive fonde une pratique "de rupture" (k) où l'appropriation du savoir dépend des procédures de travail. Savoir et pouvoir sont donc corrélatifs au sein d'une opération non-directive où l'enseignant tente de

"renégocier avec les élèves une organisation des tâches d'appren- tissage" (5). Le déverrouillage évite à la fois la pression uni- formisante et l'individualisme pour favoriser l'autonomie des personnes. La non-directivité suppose ainsi une nouvelle image

(1) D. HAMELINE et M.J. DARDELIN - in Situation II, p. 305.

(2) id. - p. 305.

(3) id. - p. 78.

(k) id. - pp. 232-240-241.

(5) id. - p. 255.

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de l'autorité de l'enseignant, celle qui rend auteur chaque individu en formation.

La non-directivité constitue enfin une nouvelle problé- matique s celle "d'un projet résolu d'influence éducative, au même

titre que tout projet de formation quel qu'il soit" (l). D. Hameline et M.J. Dardelin la désigne pédagogie du potentiel personnel qui intègre les techniques non-directives rogériennes, les pratiques de groupe. Les moyens d'opérer sont "des modalités du maniement humain" (2) qui évoque "une doctrine de prohibition ou de l'action retenue" (3). Toutefois, la non-directivité provoque "de la dis- sonance" (4), c'est-à-dire l'apparition de conduites en rupture avec les pratiques traditionnaires.

Ainsi la pédagogie non-directive a-t-elle pour objectif de mobiliser les ressources de la personne et du groupe. Et l'atti- tude non-directive peut reconstituer le processus enseigner-

apprendre dans le cadre d'une auto-formation. Ce qui caractérise le "personal power" ou le potentiel personnel pour lequel "une activité transactionnelle" (5) apporte les éléments de personnali- sation et de socialisation. La non-directivité vise bien "cette intégration de transaction" (6). Comme une pédagogie du potentiel personnel désigne "l'individualité humaine comme sociale, histo- rique" (7)t son objectif est de développer un processus de person- nalisation optimum.

- Fernand Oury et Aida Vasquez s

Une autre formulation de la pédagogie institutionnelle en différencie les origines, dès 1967» avec F. Oury instituteur de l'Ecole publique élémentaire et A. Vasquez, psychologue clini- cienne.

(1) D. HAMELINE et M.J. DARDELIN - in Situation II, p. 214-218- 228-261-265.

(2) id. - p. 223.

(3) id. - p. 226.

(k) id. - p. 227.

5) (6) id. - p. 317.

'7) id - p. 273.

(15)

En effet, la pratique de la classe coopérative les amène à une investigation de la complexité des phénomènes vécus par le groupe-classe. Ils constatent ainsi l'utilité pédagogique de la non-directivité. A cet égard, F. Oury et A. Vasquez mettent l'accent sur "l'acceptation des autres" (l), sur "la facilitation permanente des échanges matériels, affectifs et verbaux" (2). Il

s'agit de résoudre ces conflits propres à des situations anxio- gènes pour rendre possible "le développement affectif et intel- lectuel des participants" (3).

ensuite, "la non-directivité permet une psychothérapie non freudienne" (k) c'est-à-dire en procédant d'un type

d'intervention qui ne parle pas des notions d'Inconscient et de sexualité effrayantes pour de nombreux enseignants. L'adhésion de F. Oury et A. Vasquez à la non-directivité provient encore de l'intérêt de l'expérience du silence pour se faire entendre.

D'autant plus qu'une relation non-directive change le statut de l'individu en formation. Celui-ci était un objet, il est de suite

"considéré comme un sujet capable de s'éveiller à la recherche"

(5). Le changement positif de statut montre donc la reconnais- sance des capacités de l'individu à devenir autre, le sujet qui fait l'action. Ce signe de rupture s'inscrit alors dans une pra- tique où "le Maître apprend à écouter, à se taire, et (où) les enfants parlent, travaillent" (6). La non-directivité induit donc un apprentissage à partir duquel "le maître quitte son rôle de

"magister" pour prendre dans la classe sa vraie place qui est celle d'un adulte responsable de ses actes et maître des techni- ques" (7). De ce fait, l'enseignant utilise la non-directivité pour procéder à sa propre libération par rapport à la hiérarchie

et aux modèles imposés. Ainsi F. Oury et A. Vasquez peuvent-ils

(1) F. OURY et A. VASQUEZ - in vers une PI, p. 178.

(2) id. - p. 245.

(3) id. - p. 2^5.

(h) id. - p. 220.

(5) (6) (7) id. - p. 222.

(16)

dire "qu'il se désaliène, les tabous disparaissent et qu'on l'écoute plus à mesure qu'il parle moins" (l). Autrement dit, l'enseignant non-directif change d'image et il représente, désor- mais, une autorité acceptée par les élèves. La non-directivité permet donc de reculer le seuil de tolérance et de favoriser l'ac- ceptation interpersonnelle.

Toutefois, bien que F. Oury et A. Vasquez prétendent la pratiquer depuis une vingtaine d'années avec les techniques

Freinet, ils en considèrent l'utilité "d'outil comme un autre" (2).

Ils déclarent alors que "la psychosociologie propose des outils susceptibles d'aider efficacement les maîtres responsables des classes coopératives" (3). Intégré à la pédagogie institution- nelle, l'outil non-directif fonctionne comme opérateur de diffé- renciation dans l'analyse de l'Ici et Maintenant, de l'institution externe, de la psychogénèse de chaque enfant. C'est donc un outil conceptuel qui permet à l'enseignant "de contrôler une classe- coopérative (en ayant) quelques notions sur les phénomènes de leadership" (k). Autrement dit, F. Oury et A. Vasquez se montrent attachés à l'usage technique de la non-directivité. En effet, l'outil non-directif leur sert à démolir "les structures d'un groupe qui se fige" (5), à attaquer "des systèmes personnels de défense qui blo- quent la communication entre les membres du groupe, pour provoquer une régression temporaire" (6) s'ils le jugent utile.

Cependant, en bons lacaniens qu'ils sont, ils se pré- servent de "l'objection psychosociologique" (7). Certes, l'éduca- teur ne peut perdre de vue ce qui se passe entre les enfants. Mais, dans une dynamique coopérative où le sujet exprime son désir,

F. Oury et A. Vasquez conseillent de ne pas se brancher "sur le groupe dans un illusoire ici et maintenant" (8). Ils limitent

(1) F. OURY et A. VASQUEZ - in vers la P I , p. 222.

(2) id. - p. 231.

(3) id. - p. 227.

(k) id. - p. 228.

(5) (6) id. - p. 231 .

f7) (8) id. - p. 230.

(17)

ainsi l'usage technique de la non-directivité à celui d'un

"médicament dont il est bon de connaître les indications théra- peutiques" (l). De plus, c'est un remède dont "l'inflation ac-

tuelle" (2) paraît inquiétante sans "expérimentation scientifique"

(3). Aussi bien les réserves posologiques formulées par F. Oury et A. Vasquez à l'égard de la psychosociologie représentent-elles un créneau de validation pour'l'apport de Freud" {h). Celui-ci est seul capable de "dégager le sens des réalités que dévoile et masque le langage (et).,, d'entendre la parole vide ou pleine des personnes et des groupes" (5). Dans la classe coopérative, sui-

vant des frontières de technicité, la non-directivité cohabite avec les concepts psychanalytiques de la psychothérapie institution- nelle. En ce sens, F. Oury et A. Vasquez, rejoignent F. Deligny et M. Mannoni qui s'occupent d'enfants inadaptés. Mais sa connais- sance apparaît nécessaire au fonctionnement du rituel coopératif, à l'activité didactique socialisée et à la pratique institution- nelle de la classe.

- René Lourau s

En 1969-70-71-76, issue de la pédagogie, une nouvelle problématique à caractère contre-sociologique, enrichit le cou- rant institutionnaliste s c'est l'analyse institutionnelle

(L'A.I.) de R. Lourau. Celui-ci a introduit une pratique non-

directive dans le second degré technique long puis il la continue dans l'enseignement supérieur en la réaménageant en fonction de l'A.1.

Quand une structure de travail oppose ses objectifs et ses normes éducatifs à la pédagogie traditionnelle, elle s'inscrit dans un rapport à l'institué, L'objet de l'A.I. est d'étudier ce rapport dans la mesure où il institue" (un) processus de désins- titutionnalisation, de rupture, de marginalité ou d'insignifiance"

(6). Apparaît alors la fonction d'analyseur dans l'institution (1) (2) F. OURY et A. VASQUEZ - in vers une P I , p. 231.

(3) (k) id. - p. 232.

(5) id. - p. 232.

(6) R. LOURAU - in Sociologue à plein temps, p. 35.

(18)

lorsque l'action entreprise "dé-construit l'institué comme forme des rapports sociaux dominants et forme dominante du savoir

social plongé dans l'impuissance" (l).

Ainsi la non-directivité fonctionne-t-elle comme un analyseur des contradictions de l'Ecole, lorsque sa pratique aura pour effet de désocculter les rapports de pouvoir figés dans

l'institution, et de transformer un non-savoir en savoir social.

R. Lourau relève que les conditions "de cette analyse collective de l'institution (dépendent de l'adoption) des rapports non-

directifs" (2). Considérant l'école comme "l'objet d'analyse et d'intervention pédagogiques" (3) et le groupe-classe comme "maté- riau d'une analyse sociale" {k), R. Lourau institue "des formes de régulation comme l'autogestion, les institutions de la classe"

(5). Elle représente donc une possibilité "de combattre le non- savoir entretenu par l'administration et par le corps magistral"

(6) et d'installer une "marge de liberté et d'autogestion" (7).

Ainsi avec l'acte de négation et le renversement opéré, l'analy- seur non-directivité déréifie-t-il "la dialectique de l'institu- tion, dialectique bloquée pour assurer la domination et tuer la liberté" (8). Par ailleurs, comme la pratique de rapports pédago- giques non-directifs ou de la pédagogie institutionnelle repré- sentent une "triple déviance idéologique, libidinale, organisa- tionnelle" (9)» la non-directivité constitue "l'analyseur du centre et de l'idéologie de la centralité, du pouvoir, de la fonc- tion (d'une) institution dans la production ou la culture" (lO).

En outre, l'analyse institutionnelle n'est possible que si l'enseignant élabore son centre-transfert institutionnel.

(1) R. LOURAU - in Sociologue à plein temps, p. 36.

(2) id. - p. 18.

(3) id. - p. 17.

(4) id. - p. 65.

(5) id. - p. 17.

(6) (7) id. - p. 18.

(8) id. - p. 38.

(9) id. - p. k3.

(10) id. - p. 185.

(19)

Autrement dit, pour entendre "la machinerie institutionnelle" ( l ) , 1'élucidation des rapports interindividuels et des éléments

interstructurels, dépend de "l'articulation de ces deux paroles (de l'enseignant et des enseignés) c'est-à-dire l'écoute la plus fine possible de la parole de l'autre" (2).

L'A.I., de laquelle participe la non-directivité, pourrait ainsi combattre la violence institutionnelle, la résis- tance de l'institution à l'innovation.

- Alexander S. Neill s

En 1970, Summerhill nous est conté. Psychanalyste, éducateur, A.S. Neill l'a fondé avec l'objectif de "guérir les enfants du mal de l'âme et pour les élever dans la joie de vivre"

(3). Comme "l'éducation dans la liberté réussit" ( U ) , une école

"qui serve les besoins de l'enfant" (5) sera le moyen idéal de le prouver. Nécessaire à une conception anti-adultocentrique de l'en- fant, le facteur liberté devient un élément constitutif de la non-directivité neillienne. En effet, il définit d'abord la liber- té par rapport à la peur, son négatif psychologique : "l'absence de crainte est la meilleure chose pour un enfant" (6) dit-il.

Mettant donc en oeuvre une attitude non-défensive, non- culpabilisatrice, A.S. Neill pense que "l'amour engendre l'amour"

(7). Aussi, comme "l'amour, c'est l'acceptation de l'enfant" ( 8 ) , il constate l'atténuation de la haine des enfants en liberté.

Il formule alors une exigence fondamentale à toute rela- tion éducative, celle de la prise en compte de l'affectivité, et, en particulier, de l'affect positif envers l'autre. La liberté (1) R. LOURAU - in le complot institutionnel, p. 118.

(2) id. - p. 118.

(3) A.S. NEILL - in Libres enfants de Summerhill, p. 18.

{k) (5) id. - p. 22.

(6) id. - p. 26.

(7) (8) id. - p. 25.

(20)

pourra permettre "à l'inconscient de devenir conscient" (l).

En outre, comme "il y a un terrible danger à introduire la peur de l'autorité chez l'enfant" ( 2 ) , c'est donc avec le refus de

toute autorité que la non-directivité de ces pratiques "liber- taires" (3). -M. Cornaton a raison de les qualifier ainsi- se caractérise. La non-directivité-libertaire, A.S. Neill la désigne encore comme la conception de l'enfant-sujet : "je crois qu'impo- ser quoi que ce soit avec autorité est injuste. L'enfant ne

devrait jamais être forcé à faire quelque chose avant d'être arrivé de lui-même à l'idée -son idée- qu'il doit le faire" (k). Il faut donc libérer l'enfant de toute contrainte idéologique, de toute influence éducative s "toute opinion imposée à un enfant est un péché contre sa personne" (5). L'éducation libertaire a donc une

source théologique, l'idée de l'enfant. Elle accorde à la liberté un pouvoir négateur de différence, de spécificité psychologique

dans le développement du sujet. Pour sauvegarder ces attributs de l'enfant, la non-directivité libertaire trouve sa légitimité dans la liberté. Celle-ci est, en effet, nécessaire à l'enfant dans la poursuite de "l'autonomie" (6). L'enfant autonome "qui se règle de lui-même" (7)» "n'est pas antivie" (8). Cet objectif de l'autonomie, A.S. Neill préconise de l'atteindre dès la période post-natale,

grâce à la liberté. Un principe moral et métaphysique lie alors la non-directivité à la liberté : "accorder l'autonomie à l'enfant implique la foi dans la bonté de la nature humaine" (9). D'inspira- tion néo-rousseauiste, ce propos est repris par A.S. Neill dans deux registres. L'un psychologique : "les êtres humains sont bons ;

... ils désirent aimer et être aimés" (10), la liberté fonde le

(1 (2 (3 (*

(5 (6 (7 (8 (9

A.S. NEILL - in Libres enfants de Summerhill, p. 301.

id. - p. 122.

M. CORNATON- in Analyse critique de la non-directivité, p. 67.

A.S. NEILL - in Libres enfants de Summerhill, p. 112.

id - p. 226.

id. - p. 320.

id. - p. 104.

id. - p. 10^.

id. - p. 104.

(10) id. - p. 275

(21)

désir en libérant ce qui est caché. Moyen de lutte anti-haine des psychismes, la liberté, reprise dans le registre philoso- phique, précise que "le but de la vie c'est le bonheur" (l).

Aussi bien saura-t-on que "accorder la liberté à l'enfant, c'est lui permettre de vivre sa vie" (2).

La non-directivité libertaire de Summerhill remplace donc le pouvoir par l'amour à condition de ne pas violer la liber- té des autres. Et "cela est réalisable au sein de n'importe quelle communauté ou groupe" (3). Elle est aussi inductrice de plaisir, de motivation et de volonté. Sur le plan scolaire, "les enfants libres trouvent du plaisir à étudier, à travailler" (4) et celui

"qui veut apprendre à faire apprendra" (5). Sur le plan institu- tionnel, adultes et enfants se servent de la liberté pour l'orga- niser. Elle introduit aussi l'apprentissage du "travail d'équipe,

(de) l'esprit de coopération" (6) dans "la liberté du choix" (7).

C'est aussi vivre la problématique fondamentale de l'autonomie, des rapports entre "l'individu et la société" (8). Enfin, sur le plan sexuel, la non-directivité libertaire induit une nouvelle orientation. A cet égard, critiquant les parents autoritaires, A,S. Neill demande "de tolérer la masturbation des enfants" (9).

La castration de la vie elle-même conduit A.S. Neill à réagir, à lutter contre les interdits. Il aide les victimes, évite que les gens "craignent et haissent la sexualité" (10). Suivant Freud et Reich, A.S. Neill dénonce la dévalorisation de la sexualité, la répression des activités sexuelles des enfants,

(1) A„S. NEILL - in Libres enfants de Summerhill, p. 109.

(2) id. - p . 111.

(3) id. - p. 143.

(4) id. - p. 45.

(5) id. - p. 23.

(6) (7) id - p. 77.

(8) id. - p. 61.

(9) id. - p. 32.

(10) id. - p. 185.

(22)

la culpabilité devant le plaisir sexuel et les névroses. Puis il valorise la sexualité s "plaisir extrême de la vie, la sexualité dans l'amour est la forme suprême de l'extase parce que c'est la forme suprême du don de soi et de l'acceptation de l'autre" (l).

Selon A.S. Neill, la sexualité doit être banalisée et l'accepta- tion de l'enfant représente l'attitude saine à l'égard de sa sexualité. L'idée d'une implication étroite entre l'autorité et la sexualité est partout présente dans l'analyse socio-éducative de A.S. Neill. En conséquence, la non-directivité libertaire,

centrée sur l'enfant, permet "l'activité sexuelle ouvertement" (2) et refuse toute réponse négative à la sexualité. A. Summerhill, A.S. Neill supprime la culpabilité envers la masturbation en vue

de faire des enfants heureux, en attendant "la liberté sexuelle de l'adolescent" (3). Il réaffirme ainsi sa confiance en l'amour ; l'amour c'est être du côté de l'autre, de son bord» l'amour,

c'est approuver. Cette relation positive à l'autre conditionne, selon A.S. Neill, les capacités de l'enfant à se développer et à vivre avec plaisir.

- Olivier Giscard d'Estaing $

En 1971, O.G.E. qui exerce en institution privée patro- nale classée enseignement supérieur, propose une révolution libé- rale de l'enseignement dont l'innovation pédagogique essentielle utiliserait la non-directivité.

En effet, dans le respect de la liberté de chacun, il s'agit d'"aider ces adultes de demain à ressentir combien devenir homme c'est devenir responsable" (k). Aussi faudra-t-il tenir

compte des aspirations éducatives des jeunes qui "demandent qu'on leur permette de parler, de s'exprimer" (5) afin de "passer du rêve au projet" (6). Ce processus d'adultisation suppose donc un

(1) A.S. NEILL - in Libres enfants de Summerhill, p. 191.

(2) id. - p. 189.

(3) id. - p. 188.

(k) O.G.E. - in Education et Civilisation, p. 56.

(5) id. - p. 51 . (6) id. - p. 5h.

(23)

apprentissage de la responsabilité qui s'appuie sur l'implica- tion affective des individus. En outre, comme "participer est le contraire de s'aliéner" ( l ) , il s'agit de "trouver l'humain en soi dans l'individu et le groupe" (2). Autrement dit, la techno- logie non-directivité-groupe est constitutive d'une formation des jeunes à la participation.

L'enseignant devient "un éducateur" (3) qui travaille en fonction de ses élèves. Il prend "le temps d'écouter les enfants"

{k) en les maintenant actifs sans les écraser. Il aide chacun à atteindre sa qualification optimale et toute la culture générale qu'il peut acquérir. Remplir cette condition permet "de faire des hommes à part entière" (5) et de satisfaire à "l'exigence de parti- ciper aux décisions" (6).

Or, l'enseignement nécessite un apprentissage "à la col- lectivisation accrue des activités humaines" (7). Le constat établi que "nous vivons, nous travaillons, nous nous distrayons en groupe"

(8), O.G.E. incite la formation à se diriger vers les mises en situation collectives.

Les confrontations, la participation supposent "un entraî- nement à travailler en équipe, à apporter ses informations et ses idées, à écouter celles des autres, à attendre et guider le rappro- chement des points de vue, à dégager les courants majoritaires" (9).

La rénovation pédagogique attendue semble donc circonscrite à des pratiques non-directives et à leurs propriétés qui favorisent la création "d'une humanité interdépendante" (lO). L'enseignement

(1) O.G.E. - in Education et Civilisation, p. 57.

(2) id. - p. 56.

(3) id. - p. kl.

{h) id. - p. 48.

(5) id. - p. 58.

(6) id. - p. 59.

(7) id. - p. 30.

(8) id. - p. 30.

(9) id. - p. 30.

(10) id. - p. 32.

(24)

s ' e f f o r c e r a a i n s i de c r é e r la s o l i d a r i t é avec "un climat de r e l a - t i o n s éducatives m e i l l e u r e s , plus compréhensives, reposant davan- t a g e sur l a recherche que sur l ' a u t o r i t é , sur l a communication d i r e c t e p l u t ô t qu'impersonnelle" ( l ) . Le r ô l e de l ' e n s e i g n a n t , vivant son a t t i t u d e n o n - d i r e c t i v e e s t de s'occuper de l a forma- t i o n de l ' e s p r i t et de la p e r s o n n a l i t é des j e u n e s . Mais i l e n s e i - gne a u s s i le civisme, l a p o l i t i q u e "dans une formation à l a con- naissance des pouvoirs qui mènent l e monde" ( 2 ) . Dans l a t r a d i t i o n r é p u b l i c a i n e de J . Ferry, i l conçoit l e combat pour l a l a ï c i t é au moyen d'un exposé p l u r a l i s t e des systèmes de pensée.

Cependant, s i l ' e n s e i g n a n t transmet un savoir s c i e n t i f i q u e , son r ô l e e s t a u s s i é d u c a t i f . Dans l a mesure où i l l u i faut "dévelop- per l a v o l o n t é , une c a p a c i t é à l a d é c i s i o n , le sens des responsabi- l i t é s , le courage, l ' a l t r u i s m e , l ' e s p r i t d'équipe et t o u t e s ces qua- l i t é s qui r é a l i s e r a i e n t l'homme p a r f a i t . . . " ( 3 ) , son r ô l e e s t d é t e r - minant. Aussi d o i t - i l devenir un "animateur" (4) qui s ' a t t a c h e r a à l ' o u v e r t u r e sur l ' e x i s t e n c e d ' a u t r u i , "à l a communication e n t r e l e s i n d i v i d u s , à l e u r s r e l a t i o n s à l ' i n t é r i e u r d'un groupe, aux r e l a - t i o n s e n t r e l e s groupes d'une s o c i é t é " ( 5 ) . Dans une c i v i l i s a t i o n de l ' é d u c a t i o n , son r ô l e i r a c r o i s s a n t . Comme l e maître e s t pour l e s enfants e t l e s jeunes,"un modèle d ' a d u l t e s " ( 6 ) , de son progrès ou de son a d a p t a t i o n permanente "aux exigences psychologiques nou- v e l l e s des enseignés, à des s t r u c t u r e s transformées, à des méthodes, à une connaissance en mouvement" (7) dépendra l e u r "adhésion ou l e u r r e j e t de l a s o c i é t é " ( 8 ) .

Si l a rénovation pédagogique s'opéra avant tout "par l e changement d ' a t t i t u d e des m a î t r e s qui s u s c i t e r o n t à l e u r tour des

(1 (2 (3 (4 (5 (6 (7 (8

O.G.E. - in Education et Civilisation, pp. 14-15.

i d . - p . 144.

i d . - p . 149.

i d . - p . 188.

i d . - p . 150.

i d . - pp. 210-211.

i d . - pp. 210-211.

i d . - pp. 210-211.

(25)

changements d'attitudes des élèves" (l)» une nouvelle technologie éducationnelle accompagnera la non-directivité. L'informatique doit remplir une fonction d'auto-enseignement soutenue par 1'audio-visuel.

La non-directivité libérale suppose donc un équipement d'auto-

instruction qui débouche sur la mise en oeuvre "de méthodes programmées de travail individuel" (2) et de "groupes" (3). C'est une pédagogie par objectifs où séquences directives et non-directives alternent, faisant se succéder l'initiative de l'élève et celle de l'ensei- gnant. Celui-ci intervient pour stimuler, encourager, contrôler,

induire l'ensemble des travaux, de leur programme à l'élaboration duquel il a aussi participé. Détenteur d'un savoir polyvalent, l'enseignant, a une "influence formatrice... renforcée" (4). O.G.E.

la conçoit comme nécessaire pour adapter le système éducatif au monde moderne. La non-directivité libérale peut modifier les men-

talités pour les rendre accueillantes à l'innovation, au change- ment et au mécanisme d'évolution.

- Mary A. Bany et Lois^ Johnson, Barrington Kaye et Irving Rogers :

La situation d'apprentissage concilie une double approche, l'une centrée sur l'enfant, l'autre sur le groupe. En 1974,

M.A, Bany et L. Johnson enseignants universitaires aux Etats-Unis, proches de C. Rogers, montrent la valeur pédagogique de la centra- tion sur le groupe. Comme pour B. Kaye et I. Rogers, enseignants du second degré, le groupe est lieu d'apprentissage. Ainsi le groupe-classe fonctionne-t-il "comme une structure socio-

psychologique" (5) où les enfants découvrent qu'ils sont liés par des intérêts communs. L'affection mutuelle et le plaisir d'agir, de faire collectivement impliquent les enfants dans le travail sco- laire. La prise en compte de l'affectivité des élèves au moyen des groupes de travail suppose, de la part de l'enseignant, une

(1) O.G.E. - in Education et Civilisation, pp. 213-214.

(2) id.~ p. 196.

(3) id. - p. 19^.

(4) id. - pp. 191-201 .

(5) M.A. BANY et L. JOHNSON - in La dynamique des groupes et éducation, pp. 35-38.

(26)

considération positive du groupe-valeur en soi. Certes,"un groupe de travail, qu'il soit de type scolaire ou industriel, est un système social" (l). Cela signifie que les parties sont en rela- tion d'interdépendance entre elles. Autrement dit, l'enseignant doit prendre en compte les relations interpersonnelles dans le groupe-classe. L'atmosphère psychologique dépend donc de la commu- nication dans la classe. L'enseignant qui veille à la dynamique du groupe coopératif, de "l'entreprise coopérative" ( 2 ) , essaie de ne pas limiter la communication.

Il encourage les enfants à parler, à partager des moti- vations, à travailler ensemble. L'identification entre pairs per- met, par ailleurs, d'accroître la cohésion du groupe-classe ou des petits groupes. Il est préférable que l'enseignant crée des rapports de coopération entre les élèves, entre lui et les élèves.

Le dialogue est donc nécessaire pour multiplier les interactions au sein du groupe-classe et analyser les freins à la communication.

Ainsi, "si on permet au groupe de communiquer ses sentiments lors d'une discussion organisée" (3), les relations de la classe sont très améliorées. La répétition d'un plaisir persuade l'enfant de vivre cette socialisation et il recherchera "cette satisfaction"

(h) plus dans le travail de groupe que le travail par groupe.

Donc, ne pas limiter, ne pas restreindre les communications in- duisent aussi la non-conformité au sein du groupe. L'information en retour ou feed-back augmente l'intérêt des élèves pour leur travail et le degré "de participation individuelle" (5). De plus la fréquence des interactions verbales crée "un sentiment plus positif envers le groupe" (6). Ainsi la méthode pédagogique cen- trée sur le groupe rend-elle possible "l'interaction verbale qui favorise la compréhension" (7). Celle-ci améliore souvent, à son

(1) M.A. BANY et L. JOHNSON - in La dynamique des groupes et éducation, pp. 35-38.

(2) B. KAYE et I. ROGERS - in Pédagogie de groupe, p. 66.

(3) M.A. BANY et L. JOHNSON - in La Dynamique des groupes et éducation, p. 85.

(h) B. KAYE et I. ROGERS - in Pédagogie de groupe, p. 88.

(5) id. - p. 63.

(6) M.A. BANY et L. JOHNSON - in la dynamique des groupes et éducation, p. 89

(7) id. - p. 89.

(27)

tour, les relations interpersonnelles. L'enseignant utilise alors des techniques propres à la non-directivité qui amplifient la communication bilatérale. Il s'établit une compréhension mutuelle entre l'enseignant et les élèves, et des "types de comportement groupai coopératif" (l). Ils proviennent de l'enseignant, de sa

stratégie pédagogique mais aussi de sa capacité "de recevoir aussi bien que de transmettre des messages" (2). Il écoute, aide, com- prend, communique en adoptant un en-deça de cette pratique péda- gogique, une attitude positive centrée sur l'élève, le groupe.

Quoique M.A. Bany et L. Johnson ne citent pas C. Rogers, la péda- gogie dont ils parlent ne cesse de supposer les pré-requis de la non-directivité. D'ailleurs, l'emploi de l'expression "centrée

sur l'individu, le groupe" est d'obédience rogérienne. Quand M.A. Bany et L. Johnson qualifient les propos des enseignants, ceux-ci sont "directifs, répressifs, non-acceptants, dépréciatifs ou défensifs" (3) pour un enseignement dit directif. Ils sont

"aidants, rassurants, acceptants ou tendent à clarifier les pro- blèmes de groupe" (h) pour un enseignement dit permissif. Celui- ci "centré sur l'élève, informel, et non-structuré" (5) correspond à un "leadership non-directif" (6) qui favorise le pouvoir de déci-

sion du groupe et son intégration.

Autrement dit, l'enseignant "leader démocratique" (7) correspond le mieux, selon M.A. Bany et L. Johnson, à une utili- sation pédagogique de la non-directivité où le groupe apprend "à devenir une sorte d'équipe auto-gérée" (8). Les effets deviennent alors significatifs d'un processus de changement des conduites

(1) M.A. BANY et L. JOHNSON - in La Dynamique des groupes et éducation, p. 9k.

(2) id. - p. 95.

(3) id. - p. 192.

(h) id. - p. 192.

(5) id. - p. 193.

(6) id. - p. 195.

(7) id. - p. 203 (8) id. - p. 203

(28)

grâce à un moyen psychosociologique et pédagogique. Les auteurs demeurent, toutefois accrochés à un point de vue béhavioriste et à une psychologie du renforcement qui colorent un possible de la logique rogérienne.

- Francis Imbert s

Bien que ne procédant pas à l'analyse de sa pratique, F. Imbert, enseignant dans une institution publique de formation des instituteurs, présente un ouvrage collectif, publié en 1976, sur le groupe-classe et ses pouvoirs. Notion psychosociologique, le groupe-classe est l'objet de la thèse principale selon laquelle le groupe constitue un lieu d'apprentissage de différents pou-

voirs. En effet, F. Imbert montre qu"*il est possible de se donner du Pouvoir, ici et maintenant, ... et d'en reconnaître à ceux que l'on croît en être "naturellement" privés, les enseignés" (l).

Ainsi, "le travail de groupe, la sortie-enquête, mais surtout, le Conseil, ... le véritable moteur de l'histoire, se révèlent être les moyens de promouvoir, d'expérimenter, une conquête de l'auto- nomie personnelle dans et par une libération collective" (2). Une conception non-directive de la classe active met-en question "la gestion du Savoir et du Pouvoir par le groupe-classe" (3). C'est la pédagogie institutionnelle qui essaie d'atteindre au-delà de l'organisationnel, dans "un processus historique" (h), "l'étage institutionnel" (5) de la transformation. Autrement dit, elle

propose de transformer les institutions existantes, en faisant que

"le nouveau... se développe à partir de l'ancien" (6) dans "la dialectique des rapports de l'instituant et de l'institué" (7).

Ainsi la pédagogie institutionnelle libère "le pouvoir instituant (1) F. IMBERT - in Le groupe-classe et ses pouvoirs, p. 176.

(2) id. - p. 7.

(3) id. - p. 6.

{k) id. - p. 160.

(5) id. - p. 160.

(6) id. - p. 160.

(7) id. - p. 162.

(29)

des enfants" (l) du groupe-classe aux trois niveaux de l'orga- nisatiortnel, de l'institutionnel et de l'historique, spécifiques à l'Ecole.

A cet égard, le Conseil fonctionne, comme le conçoit aussi F. Oury et A. Vasquez, tel que le pose G. Lapassade avec la problématique de l'intervention psychosociologique, et comporte l'effet analyseur comme le définit R. Lourau. La non-directivité provoque donc la compréhension en termes d'histoire, de la

"double opération de régulation et de révélation des contradic- tions" (2) que constitue le Conseil dans la pédagogiqe institu- tionnelle. Cependant, si le Conseil est "lieu et temps de l'insti- tutionnalisation" (3), il n'emploie pas la non-directivité pour proposer aux enfants des modèles institutionnels achevés qui,

"en rupture totale avec leur histoire passée permettraient de

faire l'économie d'un véritable processus de transformation" (k).

Contrairement à M. Lobrot, il déclare illusoire une révolution pédagogique imposée par les enseignants. La non-directivité per- met alors de vivre "les transitions" (5) d'une activité de trans-

formation" (6) affrontée aux institutions externes. L'apprentis- sage de la résistance des choses, du possible,suppose une loi, un contrôle social dont la fonction éducative est essentielle.

De la non-directivité institutionnelle dépendent ainsi des con- traintes symboliques, "le pouvoir démocratique du groupe" ( 7 ) , propres à la formation d'un "sujet de désir" (8).

(1) F. IMBERT - in Le groupe-classe et ses pouvoirs, p. 176.

(2) id. - p. 172.

(3) id. - pp. 248-249.

(k) id. - p. 160.

(5) id. - p. 162.

(6) id. - p. 176.

(7) id. - p. 172.

(8) id. - p. 172.

(30)

De ce contenu méthodologique ressort la pertinence du repérage temporel et terminologique. Tous les auteurs écrivent entre 1958 et 1978, enseignent dans les institutions scolaires de leur pays -on notera à ce propos la prédominance de l'ensei- gnement supérieur-, et ils peuvent être appelés non-directifs

tant leurs discours justifient en compréhension et en extension les possibles de l'expression non-directivité. La délimitation du

champ de recherche légitime ainsi la construction de l'objet de notre étude. En outre, le constat des variations entre les con- ceptions pédagogiques de la non-directivité valide dans une cer- taine mesure notreproblématique. En effet, pour les uns, C. Rogers, D. Hameline, M.J. Dardelin, A.S. Neill, l'ARIP, M.A. Bany,

L.V. Johnson, B. Kaye, I. Rogers, la non-directivité comprend

des attitudes, des techniques, un savoir-ètre et un savoir-faire ; pour les autres, G. Lapassade, M. Lobrot, R. Lourau, F. Imbert, P. Oury et A. Vasquez, 0. Giscard d'Estaing, elle induit des procédures de travail et secrète de l'institutionnel. Autrement dit, du relationnel-technologique à 1'organisâtionnel, il existe une logique du changement non-directif qui touche la personne,

le groupe et l'institution. Enfin, si l'on peut dire que le discours pédagogique non-directif dégage cette logique représen- tative, notre corpus vérifie bien qu'elle a un caractère de généralité objectivable. Dès lors,notre investigation essaiera de discerner, à l'intérieur de cette logique du changement non- directif, les pensées pédagogico-politiques en question et leur champ évolu t i f.

(31)

CHAPITRE II - L'EVOLUTION PEDAGOGICO-POLITIQUE DES NON-MARXIENS

Selon les auteurs présentés, la non-directivité garde surtout une fonction pédagogique alors que, pour d'autres, elle prend de suite une fonction politique. Pendant la période histo- rique 1958-1978, nous allons tenter maintenant de voir comment et en quels termes se distribuent les appropriations politiques de la non-directivité pédagogique. Et, nous examinerons d'abord, à ce titre, les auteurs que nous appelerons les non-marxiens.

Comme nous l'avons dit, cette expression définit un rapport mé- thodologique d'exclusion qui élimine toute appréciation péjora- tive. Dans la mesure où ils ne se réclament ni de la philosophie marxiste, ni, tous, explicitement d'une philosophie de la personne,

ou du libéralisme politique ou encore d'une philosophie libertaire, leur désignation suppose de prendre en compte l'unité la plus

forte. Seront ainsi appelés non-marxiens les pédagogues qui prennent leurs distances avec Marx ou qui s'opposent à ses ana- lyses. Leur non-adhésion à ce type de décodage implique une distan- ciation sinon une dispersion de leur philosophie par rapport aux fonctions du politique. Aussi présenterons-nous leurs discours dans l'ordre descendant de ceux qui ont un espoir dans le poli- tique à ceux qui ont un moindre espoir. Dans cette visée, nous chercherons à préciser comment et pourquoi 0. Giscard d'Estaing, C. Rogers, M.A. Bany, L.V. Johnson, B. Kaye, I. Rogers, l'ARIP

avec A. de Peretti, D. Le Bon, G. Ferry, J.C. Filloux et J. Filloux, D. Hameline, M.J. Dardelin, A.S. Neill découvrent le politique à partir du pédagogique. Quel déroulement historique suit la concep-

tion de chacun ? Quels en sont les principales phases et les déterminants essentiels ? De quels facteurs, l'interaction nous permet de rendre opératoire une évolution pédagogico-politique

des non-marxiens ?

(32)

1 - Olivier Giscard d'Estaing s

Après avoir étudié, en 1966, le problème de la décentra- lisation des pouvoirs dans l'entreprise, O.G.E. donne en 1971 la conception d'une "révolution" (l) libérale de l'enseignement en France. Il conçoit en effet un modèle de Société libérale capable de débloquer le phénomène bureaucratique. Le chapeautant d'une tradition humaniste, ce projet combat "le monopole d'Etat" (2).

Dans le sens d'une décentralisation, il montre une conception fonctionnelle des rapports entre l'Etat libéral et capitaliste et la société. Ainsi, dans une société jacobine, O.G.E. fait fi- gure de novateur pédagogico-politique. Il critique le centralisme de l'Etat français et ses effets statiques et conservateurs. En revanche, il propose une dynamique institutionnelle où "des éta-

blissements autonomes" (3) favoriseront "l'innovation pédagogique...

(des)méthodes et (du) contenu" (k). L'influence de l'enseignant renforcée pourra "rendre capable toute personne de devenir un agent de changement" (5). Dans le cadre d'un "libéralisme" (6) économique et politique, O.G.E. propose, à partir d'une vision expansionniste de la non-directivité, un projet pédagogico- politique de déblocage de la société française. Ce que disent rechercher les écrits, les discours à tendance libérale et réfor- miste de Valéry Giscard d'Estaing (7) et de son ministre de

l'Education R. Haby (8), depuis l'élection présidentielle de 1974.

Dans la mesure où elle est opérationnelle, ils traduisent la ré- volution libérale de O.G-E.(9)d'une manière pragmatique et conjonc- turelle.

I • • • • • • H l . . I I I . . 1 II III - •• • " • — - " I - ~ •• ' • ' — '

(1) 0 . GISCARD D'ESTAING - i n E d u c a t i o n e t C i v i l i s a t i o n , p . 1 1 . ( 2 ) i d , - p p . 67 à 99-

( 3 ) i d . - p p . 123 à 136, U ) i d . - p . 1 7 2 .

( 5 ) i d . - p . 2 2 6 . ( 6 ) i d . - p . 2 2 3 .

(7) V. GISCARD D'ESTAING - i n Démocratie f r a n ç a i s e , 175 p . ( 8 ) R. HABY - i n l e C o u r r i e r de l ' E d u c a t i o n , 1975-1978.

( 9 ) A c t u e l l e m e n t , nous nous demandons s i l a p e n s é e l i b é r a l e de O.G.E.

s ' a p p a r e n t e ou e s t i d e n t i q u e à c e l l e s de l a Revue N o u v e l l e E c o l e (1967)» du G.E.N.E. (1976) (Groupe d ' E t u d e pour une N o u v e l l e Edu- c a t i o n ) c r é é s p a r l e G.R.E.C.E. (né en 1967) (Groupement de Recher- c h e s e t d ' E t u d e s pour l a C i v i l i s a t i o n Européenne) q u i r a s s e m b l e d e s c i t o y e n s de d r o i t e ou d ' e x t r ê m e - d r o i t e ) .

(33)

En 1977» sa conception du s o c i a l - c a p i t a l i s m e semble confirmer l e s o b j e c t i f s p o l i t i q u e s d é f i n i s en 197^ en l e s élargis- sant à l ' é c h e l l e mondiale. En e f f e t , i l prend p o s i t i o n contre

" l e p a r i a v e n t u r e u x . . . (qui v i s e r a i t ) à l a transformation r a d i - c a l e et i n t e r n a t i o n a l e de l ' o r d r e politico-économique" ( 1 ) . Au c o n t r a i r e , a l o r s q u ' i l f a u t , selon l u i s a t i s f a i r e c e r t a i n e s a s - p i r a t i o n s l é g i t i m e s des t r a v a i l l e u r s , O.G.E. trouve fécond un nouveau type d ' o r g a n i s a t i o n du t r a v a i l , " c e l u i des équipes a u t o - nomes d ' e n t r e p r i s e . . . ( i s s u ) des formes de t r a v a i l en groupe" ( 2 ) , Ainsi " l ' a u t o n o m i e . . . , une l i b e r t é l i m i t é e " (3) ne m e t - e l l e pas en danger l ' e n t r e p r i s e c a p i t a l i s t e mais f a v o r i s e - t - e l l e " ( l ' ) é l a r - gissement e t enrichissement des t â c h e s , ( l e s ) c o n c e r t a t i o n s d i - v e r s e s , ( l a ) p a r t i c i p a t i o n à l a décision" (k). Malgré l ' e m p r i s e de l ' E t a t , O.G.E. continue de penser à une e n t r e p r i s e de p a r t i c i p a - t i o n , une v i s i o n nouvelle de l ' e n t r e p r i s e p r o d u c t i v e , où " l a citoyenneté de l ' a c t i o n n a i r e e t du s a l a r i é ( c o n s t i t u e r a i t ) l e p r i n c i p e de souveraineté" ( 5 ) . La p a r t i c i p a t i o n i m p l i q u e r a i t donc un changement... des comportements et non des s t r u c t u r e s " (6)

avec lequel l a d é s é t a t i s a t i o n a u r a i t pour fonction de r é t a b l i r

" l e consensus s o c i a l " ( 7 ) . L ' o b j e c t i f p o l i t i q u e r e s t e , d i t - i l , de supplanter l ' e s p r i t de l u t t e de c l a s s e pour a t t e i n d r e l ' o b j e c t i f économique de " l a p r o s p é r i t é mondiale" ( 8 ) . Le f a c t e u r p o l i t i q u e , i n d i s s o c i a b l e du f a c t e u r économique, l u i e s t en d e r n i e r r e s s o r t subordonné. La pensée d'O.G.E. semble a i n s i g l o b a l i s e r l e s d i f f é - r e n t s o b j e c t i f s pédagogico-politiques d'une s o c i é t é , mais en maintenant t o u t e f o i s une h i é r a r c h i e e n t r e eux. L'approche des é l e c t i o n s de mars 1978 semblerait l e déterminant h i s t o r i q u e essen- t i e l qui oblige O.G.E. à p r i v i l é g i e r l e f a c t e u r i n t a n g i b l e , l a v a r i a b l e indépendante du c a p i t a l i s m e , l'économique.

0. GISCARD D'ESTAING - i n Le s o c i a l - c a p i t a l i s m e , p . 201

( i : ( 2 ; ( 3 : (*»:

( 5 , ( 6 ( 7 ( 8

0 . GISCARD D»

I i d . - p . 1 8 7 . i d . - p . 1 8 7 . i d . - p . 1 8 7 . x d . - p . 25 . ) i d . - p . 3 1 9 .

| i d . - p . 2 5 0 . ) i d . - p . 2 5 0 .

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