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La gestion des risques spécifiques des banques islamiques The specific risk management for islamic banking

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Academic year: 2022

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La gestion des risques spécifiques des banques islamiques The specific risk management for islamic banking

Abdenbi EL MARZOUKI

Enseignant chercheur à l’Université Mohammed V, FSJES Agdal, Rabat - Maroc

elmarzouki.a@gmail.com Yousra EL HAJEL

Doctorante à l’Université Mohammed V, FSJES Agdal, Rabat - Maroc elhajelyousra2017@gmail.com

Abstract

The banking environment has become very volatile and very vulnerable to the various fluctuations in the monetary sphere. Faced with these disruptions, banks are increasingly threatened by a variety of risks to their business and their position in the financial market. As such, Islamic banks incur the same risks as conventional banks and they are exposed in addition to other types of risks more acutely. Thus, the purpose of this paper is to analyze the specific risk management methods within Islamic banks. First of all, it is necessary to identify the main risks, then to treat the modalities of application of the Basel agreements to Islamic banks, and finally to analyze the management approach of these risks through example of "Al Baraka Bank" in its management of traded commercial risk and rate of return risk.

Keywords: Risk Management; Traded commercial risk; Rate of return risk; bank islamic; Al baraka bank

Résumé

L'environnement bancaire est devenu très instable et très vulnérable face aux différentes fluctuations de la sphère monétaire. Face à ces perturbations, les banques sont de plus en plus menacées par une diversité de risques nuisant à leur activité et à leur position sur le marché financier. A ce titre, les banques islamiques encourent les mêmes risques que les banques conventionnelles etelles sont, tout de même, exposées en plus à d’autres types de risques avec plus d’acuité. Ainsi, l’objet de ce papier est d’analyser les modalités de gestion des risques spécifiques au sein des banques islamiques. Il s’agit, tout d’abord,d’identifier les principaux d’entre ces riques, de traiter, ensuite,les modalités d’application des accords de Bâle aux banques islamiques, pour, enfin, analyser l’approche de gestion desrisques à traversl’exemple de « Al Baraka Bank » dans sa gestion du risque commercial translaté et le risque du taux de rendement.

Mots clés : Gestion des risques ; Risque commercial translaté ; Risque de taux de rendement ; Banques islamiques ; Al Baraka Bank

Introduction

Les banques sont confrontées à des risques diversifiés qui nécessitent une gestion optimale et intelligente. La crise financière de 2008 a renforcé cette orientation vers une vigilance et un suivi accru, voire davantage de mesures prudentielles et réglementaires. Toutes les institutions financières doivent améliorer leurs méthodes de détection et de gestion des risques. Les institutions financières islamiques (IFI) qui sont sous l’influence d’une variété de risques, doivent faire de la gestion des risques leur priorité afin de gagner le chalenge et de relever les

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défis rencontrés dans un système financier international en plein mouvement. Les IFI doivent non seulement faire face aux risques bancaires traditionnels, mais aussi à des risques spécifiques en raison de leur mode de fonctionnement particulier.

Ainsi, les IFI encourent deux types de risques. Le premier type, partagé avec les banques traditionnelles en tant qu’intermédiaires financiers, concerne les risques de crédit, les risques de marché, les risques d’illiquidité et les risques d’exploitation1. Mais eu égard à la règle de conformité à la Charia, la nature de ces risques change. Le deuxième type concerne les risques nouveaux et uniques auxquels les banques islamiques auront à faire face à cause de leurs structures d’actif et de passif spécifiques. Par conséquent, en raison de leur nature unique, les institutions islamiques sont appelées à développer des systèmes plus rigoureux en matière d’identification et de gestion des risques.

Les questions qui se posent sur les risques en finance islamique sont donc plus que centrales, puisque, d'une part certains risques lui sont propres, et d'autre part, elle pourrait confronter les mêmes categories de risques que la finance conventionnelle.

Ceci dit, l’objectif principal du présent papier est d’essayer de répondre à la question centrale suivante : Comment pouvons-nous évaluer et gérer les risques spécifiques au sein des banques islamiques, notamment le risque commercial translaté et le risque de taux de rendement?

A l’instar de la question centrale, il en existe d’autres de type auxiliaire, pour lesquelles nous allons essayer d’apporter des éléments de réponses ; il s’agit des interrogations suivantes :

- Les banques islamiques sont-elles exposées aux mêmes risques ou à plus de risques que les banques conventionnelles ?

- Quels sont les risques spécifiques à la finance islamique ?

- Quelles sont les techniques utilisées ou à explorer pour une gestion optimale des risques rencontrés par les IFI?

Dans le but de répondre à ces questions, nous allons adopter une analyse descriptive susceptible d’identifier les principaux risques liés à la finance islamique pour en chercher, par la suite, les modalités de gestion. Il s’agit, tout d’abord, de faire un panorama des risques constatés dans les IFI d’ici et d’aillaurs; c’est-à-dire identifier les risques communs entre les banques islamiques et conventionnelles et les risques spécifiques à la finance islamique, tout en mettant principelement l’accent sur deux, à savoir le risque commercial translaté et le risque de taux de rendement (I). Par la suite, nous allons essayer de voir de quelle manière les accords de Bâlepeuvent s’appliquer aux banques islamiques. En l’occurrence, nous évaluons l’impact des spécificités de ces dernières sous forme de différents ratios de solvabilité et de liquidité préconisés par Bâle (II). Le troisième point sera consacré, enfin, à l’approche de gestion des risques spécifiques en prenant comme exemple celui de « Al Baraka Banking Group» dans sa gestion du risque commercial translaté et le risque du taux de rendement (III).

1. Les risques dans les banques islamiques

Les banques islamiques encourent les mêmes risques que les banques conventionnelles et sont exposées parfois avec plus d’intensité en tant qu’investisseur en capital. Dans un premier lieu, nous allons présenter les différents risques spécifiques aux banques islamiques tels que les risques liés au stock, risque d’abandon des opérations de financement, risque de concentration, risque de charia arbitrage (arbitrage chariatique). Le deuxième point sera consacréaux deux principaux risques : le risque commercial translaté et le risque de taux de rendement.

1 Appelés aussi risques opérationnels

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1.1. Les risques spécifiques dans les banques islamiques

Les risques spécifiques aux banques islamiques sont de divers types, allant du risque lié au stock, au risque d’abandon des opérations, au risque de concentration, au risque chariatique.

1.1.1 Risques liés au stock

Ce risque émane de la spécificité du mode de financement des banques islamiques, mode qui repose sur des opérations d’achat/vente sous forme d’un mode de financement type Mourabaha, de location sous forme d’une Ijara, afin de pouvoir réaliser des gains, alors que tout surplus ou gain issus d’une opération de prêts classiques, est considéré comme illicite. Ce qui implique la constitution d’un stock de biens pour les banques, qui va servir par la suite aux opérations de Mourabaha pour la vente, ou d’Ijara pour la location. La constitution de ce stock serait bien évidemment accompagnée d’un risque de gestion, un risque de perte des produits stockés, un risque de livraison pour les clients, ou même un risque de non-conformité par rapport aux besoins exprimés initialement par le client2.

1.1.2. Risque d’abandon des opérations de financement

Le risque d’abandon des opérations de financement est un autre exemple des spécificités du mode de financement des banques participatives, notamment via les produits Mourabaha et Ijara. En effet, les banques, et afin de réduire les autres risques, notamment liés au stock, privilégient l’achat du bien objet de financement, sur demande du client. Cependant, si le client décide d’abandonner l’opération après que le bien soit acheté par la banque, cette dernière devra trouver un autre acheteur pour le bien, au risque de le vendre à un prix inférieur à son coût.

1.1.3. Risque de concentration

Le risque de concentration dans le cas des banques islamiques est spécifique dans la mesure où, pour l’instant, les emplois bancaires destinés à gérer les liquidités sont peu variées et les grandes entreprises qui s’orientent vers le placement des investissements respectant les critères islamiques sont peu nombreuses. De même, du côté du passif, le nombre de contre parties institutionnelles est peu élevé. Ces éléments laissent les banques islamiques dépendantes à de faibles emplois de leurs ressources.

Afin de garantir la stabilité du système bancaire, qui s’inscrit dans le cœur de l’activité économique contemporaine, des organismes internationaux ont été créés avec comme principal rôle, d’instaurer des règles et des recommandations dans le domaine de la supervision bancaire, en définissant notamment les principaux risques financiers et les mécanismes pour s’en prémunir. L’organisme le plus connu dans le monde de la finance est celui du comité de Bâle.

1.1.4. Risque charia arbitrage (arbitrage chariatique)

La multiplicité, la différence et la non standardisation des contrats financiers utilisés par les banques islamiques créent divers obstacles entravant le bon fonctionnement du système financier islamique. En effet, chaque banque islamique définit, indépendamment des autres, ses propres instruments selon sa propre compréhension de la Charia, ses règlements internes, et ses besoins.

Les banques conventionnelles sont caractérisées par une double concurrence : l’une à l’actif, l’autre au passif. Quant aux banques islamiques, il faut rajouter une concurrence dans l’application des principes religieux, et une banque peut se prévaloir d’être «plus islamique»

2 https://ribh.files.wordpress.com/2007/09/la-gestion-des-risques-en-finance-islamique-bid.pdf.

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qu’une autre. Une telle situation peut affaiblir les incitations à l’innovation financières3. Par ailleurs, le manque de contrats standardisés, l’absence d’un système juridique pour intervenir dans le cas d’un litige, et l’absence de surveillance du bon fonctionnement du système augmentent le risque légal lié aux contrats islamiques. Enfin, il faut une standardisation des normes et des pratiques, préalable nécessaire à la globalisation de cette industrie en pleine croissance4.

1.2. Le risque commercial translaté et le risque de taux de rendement

Dans ce paragraphe l’accent sera mis principalement sur les deux principaux risques qui feront l’objet de notre analyse à travers un exemple, à savoir le risque commercial translaté et le risque de taux de rendement.

1.2.1. Le risque commercial translaté

Le risque commercial déplacé ou translaté est un nouveau terme dans la littérature des risques bancaires. Il résulte principalement du risque encouru par les banques islamiques du côté du passif à la suite de la mobilisation des dépôts qui sont sur la base du contrat Moudaraba.

IFSBI5 a défini le risque commercial translate comme étant un risque résultant d'actifs gérés pour le compte de titulaires de comptes d'investissement. Ce risque est effectivement transféré au capital propre des institutions financières islamiques du fait que l'institution renonce à une partie ou à la totalité de sa quote-part (bénéfice) de ce fonds, lorsqu'il le considère nécessaire.

Une telle situation est la conséquence de la pression commerciale due à l’augmentation du rendement qui serait par ailleurs payable aux détenteurs de comptes de placement6.

Ce risque apparait quand une banque islamique est sous pression pour payer son investisseur- déposant, avec un taux de rendement plus élevé que ce qui devrait être payé en vertu du terme réel du contrat d'investissement.

Le risque commercial translaté émane alors du fait que la banque islamique, sous l’effet de la concurrence en matière de placement, de la part notamment des banques classiques avec des fenêtres islamiques et d’autres banques islamiques, s'efforce d'offrir des taux de rentabilité compétitifs à ses déposants au détriment de ses actionnaires dont les bénéfices seront ponctionnés. En d'autres termes, le risque commercial déplacé fait référence au risque de perte qui est absorbé par les banques islamiques pour s'assurer que les titulaires de compte de placement (dépôt d’investissement) sont payés par le même prix offert par les banques conventionnelles. L’AAOIFI7, (AAOIFI, 1999) considère ce risque comme un taux de rendement équivalent à la volatilité du taux de rentabilité, et du taux de risque de contrepartie qui est généré par les actifs financiers, les comptes de placement.

Le risque commercial déplacé, causé par la volatilité des revenus, est à supporter par les actionnaires ou la banque islamique elle-même (IFSB, 2011). Il s’agit, en fait du profit transféré des actionnaires et/ou de la banque sous forme d’une donation aux détenteurs des comptes d’investissement, dans l’objectif de renforcer les profits engendrés par ces comptes si il y a une forte concurrence de la part des banques conventionnelles.

1.2.2. Le risque de taux de rendement

Il s'agit du risque lié à une évolution défavorable des facteurs de marché affectant le taux de rendement des actifs(ROA) de la banque islamique, en comparaison avec le taux de

3 Anouar HASSOUNE, Les fonds propres des banques islamiques face aux exigences réglementaires' Moody`s Investors Service, Paris, Janvier 2012, p. 29.

4 www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2519p055-057.xml2/ (Interview avec Anouar HASSOUNE Vice- président du cabinet de notation Moody’s).

5Islamic Financial Services Board

6 IFSB, 2005, Rapport sur les institutions financières islamiques, Norme 76.

7 Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institution.

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rendement attendu par les détenteurs de comptes d'investissement. Dans l'accord entre les actionnaires et les titulaires de comptes d'investissement, il pourrait y avoir des clauses relatives à ce type de risque et comment il faut y remédier ou tout simplement atténuer ses effets.

Pour fidéliser la clientèle des investisseurs, les banques islamiques pourraient adopter trois techniques pour lutter contre le risque commercial inapproprié et le risque de rendement.

L'objectif révélé est d'améliorer le retour sur investissement des comptes de placement tout en les rendant plus attractifs que ce qu'offrent les banques classiques :

• la première technique est celle appelée la réserve de lissage du profit, ou provisions pour égalisation des bénéfices (PER)8, qui consiste à mettre de côté une partie des profits générés par les projets d’investissement. Le reste des revenus sera réparti entre les détenteurs des comptes d’investissement et les actionnaires de la banque. Ainsi, nous pouvons dire que le PER a pour but l’amélioration du taux de rendement des comptes d’investissement ;

• la deuxième technique est une réserve conçue pour faire face au risque d’investissement ou provisions pour risques liés aux investissements (IRR)9, quand les comptes d’investissement enregistrent des pertes, IRR alimente les comptes d’investissement en puisant une partie des réserves nourries des profits antérieurs ;

• la troisième technique est une simple donation (hiba) d’une partie des profits de la banque et des actionnaires au profit des détenteurs des comptes d’investissement dans un objectif révélé d’amélioration du taux de rendement des comptes d’investissement.

Toutefois, et sur la base du principe de la participation aussi bien aux bénéfices qu’aux pertes, le capital investi dans ces comptes d'investissement ne devrait pas être garanti par la banque islamique. En réalité et en cas de perte, tous les intervenants de l'investissement devront en supporter les conséquences

2. Les Accords de Bâle et les risques des banques islamiques

En exigeant des ratios de solvabilité et de bonne gouvernance, les accords de Bâle ont eu pour objectifs la limitation des risques que pourraient rencontrer les banques.

Conçus pour les banques classiques, la question se pose quant à leur adéquation avec les spécificités des banques islamiques. Ainsi, dans cette section nous allons traiter les accords de Bâle et la relation entre Bâle et les banques islamiques (II.1) avant d’analyser l’applicabilité des principes de Bâle II aux spécificités des banques islamiques (II.2) et de Bâle III en adéquation avec les solutions de l’IFSB et l’AAOIFI dans un contexte bancaire islamique (II.3).

2.1. Les règles du Comité de Bâle

Un premier ratio a été créé en 1988, appelé ratio de Bâle I (ou ratio Cooke) : Ce ratio a été mesuré en comparant le niveau des engagements d'une banque (prêts, placements et autres investissements) au montant de ses fonds propres (fonds propres apportés par les actionnaires et bénéfices bancaires). Ce ratio doit être égal ou supérieur à 8 %. Ainsi, une banque est considérée comme solvable, si elle dispose d’au moins 8 millions de dirhams de fonds propres pour un total de prêt n’excédant pas 100 millions de dirhams.

Les accords dits de Bâle II ont permis de mettre en place à partir de 2006 un ratio de solvabilité fondé sur le même principe du rapport entre les fonds propres et le montant des prêts distribués pondéré par les risques associés. Toutefois, la nature des risques pris en compte a été améliorée (prise en compte du risque marché, du risque crédit et du risque opérationnel) et les méthodes de calcul des risques ont été améliorées.

8Profit Equalization Reserve (PER) réserve pour égalisation du profit.

9Investment Risk Reserve (IRR) la réserve du risque d’investissement.

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Le ratio global était notamment décomposé en deux parties : un ratio dit «Tier 1 » de 4 % où le capital était supposé être du « vrai » capital (c’est-à-dire sans risque) ; et un autre ratio de 4 % « Tier 2 » pour lequel les contraintes étaient moins fortes. Le Tier 1 lui-même a été décomposé aussi en deux : le CoreTier 1 de 2 % pour lequel étaient pris en compte seulement les actions et les profits de la banque réinvestis et l’autre partie du Tier 1 où des titres hybrides (comme les obligations convertibles) étaient considérés comme des fonds propres10. La crise de 2007/2008 a montré les insuffisances des règles concernant les ratios de solvabilité. D’une part ils ont été contournés par les banques dans le cadre de la titrisation11 . D’autre part ils se sont avérés insuffisants pour limiter l’effet de levier des banques et des prises de risques excessives de leur part12.

Le Comité de Bâle, a adopté le 12 septembre 2010 des règles concernant les fonds propres des banques (règles dites de Bale III). L’accord a été cautionné par les chefs d’Etat et de gouvernement lors de la réunion du G20 à Séoul, les 11 et 12 novembre 2010.

2.2. Application de Bâle II aux spécificités des banques islamiques

Depuis 2010, les banques islamiques de la Malaisie et des pays du Golfe obéissaient volontairement aux règles de Bâle13 ; bien que leur fonctionnement soit différent de celui des banques classiques. La proscription de l'intérêt usuraire14 les oblige à adopter une ingénierie financière spéciale, pour mobiliser et utiliser les fonds dont elles disposent. Leur rôle ne se limite pas à l'intermédiation financière, elles intègrent un volet, investissement, inséparable du commercial contrairement aux banques classiques qui séparent l'investissement des autres produits bancaires.

Ainsi, les fonds sont majoritairement mobilisés pour des contrats incluant le principe de la participation aussi bien dans les pertes que dans les profits comme la Moucharaka et la Moudaraba inscrits au passif en CIP15. Ce ne sont ni des dettes externes ni des capitaux propres et la vision classique de l'intermédiation bancaire entre dépôts et crédits, est inapproprié car les actifs des banques islamiques sont formés de participations à des projets (Moucharaka er Moudaraba) ou de prêts avec profit pour des projets économiques (Moudaraba, Ijara etc.). Cette structuration particulière du bilan implique des calculs différents pour les exigences en fonds propres.

2.3. Le dispositif Bâle III

À la suite de la crise des subprimes de 2007, les accords de Bâle III ont été conclus en 2010 afin de faire évoluer la réglementation internationale via les accords de Bâle II de 2004 en vue d'améliorer la stabilité du secteur bancaire. Cette réforme réglementaire se traduit notamment par l'instauration de normes de liquidité, la création d'un ratio de levier, ainsi que de nouvelles exigences en matière de ratio d'adéquation des fonds propres.

En effet, malgré le développement spectaculaire des banques islamiques, la réglementation internationale n’a pas prévu des traitements particuliers pour les institutions financières et

10 https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/fonctionnement-du-marche/ratio-de- solvabilite-bancaire/

11 La titrisation (securitization en anglais) est une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels que des créances (par exemple des factures émises non soldées, ou des prêts en cours), en transformant ces créances, par le passage à travers une société ad hoc, en titres financiers émis sur le marché des capitaux.

12 https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/fonctionnement-du-marche/ratio-de- solvabilite-bancaire/

13LEVY ALDO Gualino, Finance islamique : opérations financières autorisées et prohibées - vers une finance humaniste, 2012.

14Verset 278 du Coran.

15 Compte d’Investissement Participatif (Profit Sharing Investment Accounts : PSIA).

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bancaires islamiques.

Par ailleurs, les accords de Bâle III (2010) ont introduit les changements suivants que nous traitons en détail par la suite :

- une redéfinition des fonds propres ;

- l’instauration de deux nouveaux ratios de liquidité : le LCR (liquidity coverage ratio) et le NSFR (net stable funding ratio) ;

- l’introduction d’un ratio traitant de l’effet de levier, etc.

2.3.1. Application de Bâle III et les solutions de l’IFSB et L’AAOIFI dans les banques islamiques

Les banques islamiques doivent-elles appliquer à la lettre les principes de Bâle III, ou au contraires, il fallait y apporter des ajustements, des modifications ? Le point suivant traitera l’applicabilité des principes de Bâle III dans le contexte de la finance islamique et dans un deuxième point la réflexion s’orientera vers l’utilisation des ratios selon les instances financières islamiques IFSB et AAOIFI.

La crise financière déclenchée par le système bancaire, a imposé de nouvelles réflexions sur les dispositions prudentielles des banques classiques, portant essentiellement sur le renforcement des fonds propres et sur une bonne gouvernance des risques. Parmi ces dispositions nous pouvons citer l’amélioration de la qualité des fonds propres et l’introduction des ratios de liquidité minimale.

Amélioration de la qualité des fonds propres et renforcement des minimas

Avec ce renforcement, la transparence de la structure du capital s'améliore. De même, les critères d'éligibilité sont renforcés dans le Tier 1 du capital. Par exemple, certains instruments de capitaux hybrides comme les "step-up"16, actuellement limités à 15 % du Tiers 1, seront progressivement éliminés du calcul de cette composante du capital. Les instruments de Tiers 2 homogénéisés, alors que le Tiers 3 est éliminé de Bâle III.

Ces recommandations n’ont pas eu de réels impacts sur les banques islamiques car la structure du capital de celles-ci est simplifiée17 ; mais peuvent converger vers la finance islamique en réduisant l'impact des capitaux purement spéculatifs et en redonnant aux fonds propres classiques la première place. L'élimination du Tiers 3, déjà inexistant dans les banques islamiques, va dans le sens du renforcement du rôle des capitaux de base.

L'IFSB a des recommandations de fonds propres plus strictes que Bâle III mais qui convergent avec un minimal de 8% pour le Tiers 1 et de 12% pour la totalité des fonds propres.

Introduction de ratios de liquidité minimale : Les banques classiques ont fait face à une grave crise de liquidité malgré un niveau de fonds propres adéquat. Bâle III a alors développé deux ratios de liquidité qui essayent de répondre à deux objectifs séparés mais complémentaires :

- le Liquidity Coverage Ratio18 (LCR) pour une résistance bancaire de court terme face aux crises de liquidité aiguës d'un mois. Selon ce principe, le stock d'actifs liquides doit permettre une survie de 30 jours face à un retrait massif consécutive à une crise de liquidité. La formule est donc la suivante :

=

é

é > 1

16Dans une émission de dettes (obligations ou crédit bancaire),il se peut que l’intérêt payé augmente en fonction de l’évolution du rating, des ratios financiers ou simplement en fonction du temps, ce qui incite l'entreprise à rembourser par anticipation si le cout de cette dette devient prohibitif.

17Du fait de l’absence de capitaux purement spéculatifs ou d'instruments hybrides toxiques.

18 Le LCR devait être appliqué par les banques européennes depuis 2005.

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- le Net Stable Funding Ratio (NSFR) promeut une résistance bancaire d'un an face au risque d’illiquidité, en encourageant le développement d’une structure d’actifs liquide durable. Le NSFR vise à limiter durablement la dépendance au recours aux fonds de court terme. Son principe est le suivant : le montant des besoins en ressources stables doit être inférieur au montant des ressources stables :

=

!

- ce risque de liquidité est très important dans les banques islamiques19 à cause notamment du faible développement d'instruments islamiques de Gestion Actifs Passifs (GAP). Bâle III en termes de liquidité devrait répondre à une partie des difficultés des banques islamiques surtout que l'IFSB n'apporte pas de ratios spécifiques pour prendre en compte le risque de liquidité de ces banques.

2.3.2. Les solutions de L’IFSB et L’AAOIFI

AAOIFI et IFSB ont essayé de remédier aux insuffisances de Bâle II afin de tenir en compte les spécificités des banques islamiques.

L’AAOIFI a émis en 1999 une norme qui vise à réajuster le ratio de solvabilité pour tenir compte des dépôts d’investissement participatifs20. L'IFBS a édicté en 2005, une norme pour un traitement prudentiel spécifique aux banques islamiques qui proposent des solutions adéquates étant donné les spécificités de ces banques.

L'IFSB basée en Malaisie (2002) est un organisme international qui édicte des normes et des notes techniques pour la régulation et la supervision de la finance islamique. Cet organisme vise à promouvoir une meilleure standardisation des pratiques des institutions financières islamiques.

L'IFSB a édicté en 200521 une norme pour un traitement prudentiel spécifique aux banques islamiques22 . Cette norme vient compléter les propositions de l'accord de Bâle II qui consistent à détenir un montant de fonds propre égal à 8 % des actifs pondérés aux risques.

L’IFSB n’a pas proposé des mesures de risques sophistiqués pour la raison du non disponibilité des données historiques sur les institutions financières islamiques. D’autres observateurs ajoutent que même le calcul du capital réglementaire ne se base que sur l'approche standard et non sur des approches avancées en relation avec la mesure des risques23.

Traitement des chevauchements24et transformations des risques

L’IFSB (2005) reconnaît bien évidemment les principaux instruments bancaires islamiques (Sukuks, Mourabaha, Ijara, etc.) et identifie les risques associés à chacun de ces instruments.

19 Dans une étude menée en 2002 par la banque islamique de développement (BID) sur la perception des risques par les banquiers islamiques, le risque de liquidité est perçu comme le plus important comparativement aux autres risques, surtout le risque de crédit ou de marché.

20 AAOIFI (1999), Statement on the Purpose and Calculation of the Capital Adequacy Ratio for Islamic Banks.

21 Les standards IFSB(2005) sont fondés sur les piliers 1 de l’accord de Bâle II, mais ne s’adressent pas aux piliers Ces deux piliers ont fait l’objet de deux autres publications par l’IFSB en 2007.

22 Standards IFSB-2: capital adequacy standard for institutions (other than insurance institutions) offering only Islamic financial services, December 2005. www.ifsb.org/published.php).

23 Kaouther Tourni (2010), L’impact des comptes d'investissement participatifs sur le ratio prudentiel des banques islamiques, Les cahiers de la finance islamiques, n° 2, Décembre, p.43

24 Il s’explique par le fait que de nombreuses transactions sont tripartites. Ces contrats lient le client, la banque et le fournisseur de bien.

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Le dispositif de l’IFSB (2005) reconnait également la transformation et la combinaison des risques de marché et de crédit auxquels la banque islamique est exposée en adoptant certains de ces instruments islamiques et propose une approche matricielle qui affecte les pondérations aux risques crédit et risque marché, suivant la nature du produit financier et sa phase d'exécution. Le tableau suivant contient les différents produits financiers participatifs et les taux de pondération aux risques crédit et marché correspondants :

Tableau n°1. Affectation des pondérations aux risques crédit et risque marché

Phase du contrat Risque de crédit Risque du marché

Mourabaha

Actif prêt pour la vente. Non applicable 15% de fonds propres Actif vendu et remis au

client (prix de vente non recouvert).

8% de fonds propres. Non applicable

-Maturité du contrat ou recouvrement total des créances sur le contrat.

Non applicable. Non applicable

Ijara et Istisnaâ

Actif prêt pour l’Ijara (avant la signature de contrat de leasing)

8% de fonds propres sur la valeur de location.

15% de fonds propres jusqu’à ce que le preneur prenne possession du bien.

Durant le contrat (les loyers sont dus par le preneur).

8% de fonds propres sur la valeur de location (moins les sommes déjà recouverts).

Maturité du contrat et transfert de la propriété au preneur.

Non applicable -Non applicable

Salam

Paiement du prix d’achat au vendeur.

8% de fonds propres sur le prix d’achat.

15 % sur une position à long terme.

réception de l’objet d’achat par la banque.

non applicable. 15 % sur une position à long terme.

-Revente de l’objet à l’acheteur.

non applicable. non applicable.

Moudaraba

32% de fonds propres d’investissement, moins toutes les provisions spécifiques.

Non applicable.

Source : Levy Aldo (2012), Finance islamique : opérations financières autorisées et prohibées-vers une finance humaniste, Gualino, p.224.

Traitement des comptes d’investissement participatifs25

L'IFSB propose un ratio d’adéquation de Bâle qui prend en considération les comptes d'investissement participatifs (CIP) et privilégie le 2ème scénario là où les actifs financés par les comptes d’investissements participatifs sont soustraits des actifs pondérées du ratio de Bâle.

L'IFSB, en outre, considère que les actifs basés sur les comptes d'investissements participatifs sont des absorbeurs de risque crédit et risque marché, car ces risques sont supportés par les détenteurs des comptes d'investissement participatifs ; donc, les actifs financés par les

25Kaouther Tourni, (2010), L'impact des comptes d'investissement participatifs sur le ratio prudentiel des banques islamiques, Les cahiers de la finance islamiques, p. 46.

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comptes d'investissements participatifs n’exigeraient pas la constitution de fonds propres minimums et l’IFSB suppose que 100% du :

- risque crédit et risque marché des actifs financés par les comptes d'investissements participatifs sont supportés par les détenteurs des CIP ;

- risque opérationnel, pour la gestion de ces actifs, sont supportés par la banque.

Le ratio d'adéquation des fonds propres (capital Adequacy Requirements : CAR) est donné par :

) 100 (

) (

tiers2) +

tiers1

( ×

+

×

− + +

= ×

RM RC AFCIP RO

RC RM AT CAR FP

Avec :

FP : Fonds propres ; AT : Actifs Totaux ; RM : Risque Marché ; RC : Risque Crédit ; RO : Risque Opérationnel ;

AFCIP : Actifs Financés par les Comptes d’Investissement Participatif.

Dans la pratique, les banques doivent affecter un capital minimum afin de couvrir le risque commercial déplacé. L'IFSB (2005) a développé une formule alternative qui permet d'inclure une partie des actifs financés par les CIP au dénominateur.

Ainsi, la formule devient, avec un numérateur inchangé et un dénominateur minoré :

)]

( ) (

[ ] )

1 [(

)]

( [

) (

tiers2) + tiers1 (

RM RC ABIRR ABPER

ABCIPNR RM

RC ABCIPR RO

RC RM AT

propres Fonds

CAR= × + + × + × + × +

α α

Avec :

ABCIPR ∶ Actifs Basés sur Comptes dInvestissement limités ou Restrectifs ;

ABCIPNR ∶ Actifs Basés sur Comptes dInvestissement illimités ou Non Restrectifs;

ABPER : Actifs Basés sur Réserve de Péréquation des profits ; ABIRR : Actifs Basés sur Réserve de Risque d’Investissement

Cette formule suppose qu'une proportion α des risques crédit, et risque marché d'actifs financés par CIP, est supportée par la banque. Plus «α » est grand, plus la banque assume un risque normalement supporté par le détenteur du CIP.

Si la valeur de « α » est nulle, les fonds d'investissements sont équivalents à des capitaux propres et les titulaires des CIP subissent des pertes. Par conséquent, les risques des actifs financés par les fonds d'investissement ne font pas l'objet d’exigences minimales en capital.

Si la valeur de « α » est égale à l'unité, les fonds d'investissement sont assimilables à des dépôts conventionnels. Ainsi, le principal et le rendement sont implicitement garantis et la banque islamique supporte par conséquent la totalité des pertes. Les risques pondérés des actifs financés par les fonds d'investissement doivent alors inclure le dénominateur du ratio.

En pratique, la valeur de « α » est généralement supérieure à zéro. Une relation positive existe entre la valeur de « α » et le risque commercial déplacé. Plus le risque et faible (respectivement élevé), plus la valeur de « α » est faible (respectivement élevée). L'IFSB (2005) laisse la détermination de la valeur de « α » à la discrétion des autorités de supervision nationale. La majorité des banques centrales fixent arbitrairement la valeur de« α » à un certain niveau. Les autorités de contrôle à Bahreïn et de Dubaï par exemple, exigent des valeurs comprises entre 30% et 35%. En d'autres termes, les banques islamiques supportent

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30% à 35% des risques pondérés (crédit et marché) des actifs financés par les fonds d’investissement actifs pour atténuer l’effet du risque commercial déplacé. Les risques restants seront supportés par les détenteurs des CIP.

L'étude d'une vingtaine de banques islamiques du Golfe a montré qu'en 2010, toutes ses banques islamiques appliquent les recommandations de Bâle II mais pas celles de l'IFSB pour le calcul du ratio d'adéquation des capitaux propres.

3. La gestion du risque commercial translaté et de taux de rendement

Même si les banques islamiques ne sont pas encore de taille systémique, elles concentrent elles aussi un certain nombre de risques et leur probabilité de défaillance doit être limitée,sinon une telle situation perturberait de manière certaine le financement de l’économie et le fonctionnement du système de paiement. Dans le point suivant, nous allons essayer de calculer le risque commercial translaté et le risque de taux de rendement, grâce à la base de données du rapport annuel de la banque Al Baraka26, sur la période allant de 2011 à 2014.

3.1. La gestion des risques dans les banques islamiques

Dans le système bancaire, la gestion des risques occupe une place d’une importance particulière. Cette importance est encore accentuée par l'interdépendance entre les différentes institutions financières. La faillite d’une banque, même d’une petitetaille, pourrait affecter la stabilité de l’ensemble du systéme de paiement. D'où l'importance d'un contrôle efficace de la gestion des risques du système bancaire. La réalisation de cet objectif nécessite le développement d'une culture de gestion des risques par les autorités de réglementation et de surveillance, mais aussi la compréhension de la nature de ces risques et la promotion de leur gestion efficace par le biais des contrôles internes externes des institutions financières.

3.1.1. Régulation et contrôle des banques islamiques

Il ne peut y avoir d'opposition à l'idée que les systèmes de gestion des risques des banques islamiques doivent remplir les conditions exigées des normes internationales. Cependant, nous avons vu que les banques islamiques font face à des risques encore plus grands que leurs homologues traditionnelles. En conséquence, certaines normes sont exclusivement destinées aux banques islamiques.

En effet, une supervision adéquate des banques islamiques nécessite une étude préalable des risques encourus par ces banques, avant de formuler des lignes directives pour une supervision judicieuse des institutions financières islamiques. Plusieurs auteurs ont tenté de proposer des procédures pour la réglementation et la supervision des institutions financières islamiques, en particulier les banques islamiques. Chapra et Khan (2000), entre autres, ont mené des études sur la question et proposé des recommandations pertinentes pour une bonne gestion des risques au sein des banques islamiques.

3.1.2. Les normes internationales et les banques islamiques

Les principes fondamentaux du Comité de Bâle constituent des conditions préalables à un contrôle bancaire efficace. En plus de ces conditions préalables, d'autres exigences spécifiques ont été posées pour une supervision adéquate des banques islamiques. Certaines de ces clauses préalables doivent être remplies par les organes de régulation et de supervision des banques, notamment l'instauration d'un environnement propice à une concurrence loyale, l'octroi de licences, le mécanisme du prêteur en dernier ressort compatible avec la spécificité des banques islamiques, un cadre juridique favorable, un audit légal de la charia, un marché interbancaire avec des instruments conformes à la charia, etc. Par ailleurs, des formalités

26 Normalement cette banque du Bahraën est un groupe qui a plusieurs filiales dans plsieurs pays, il s’agit en fait d’Al Baraka Banking Group.

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préalables doivent être remplies par les banques islamiques elles-mêmes. Il s'agit notamment, de la constitution du comité Charia interne ayant pour mission la supervision chariatique de chaque opération financière réalisée par la banque islamique, de l’installation des systèmes adéquats aussi bien de contrôle interne, que de contrôle de gestion, que de gestion des risques, une telle installation aura vraisemblablement des retombées positives en termes de performance et de réalisation des objectifs.

Concernant les principes fondamentaux requis pour une bonne surveillance des banques, les exigences de divulgation et de transparence s’appliquent également aux banques islamiques.

En raison de leur participation aux bénéfices, les banques islamiques ont besoin de développer des systèmes de contrôle et de transparence beaucoup plus performants.

La difficulté d'appliquer les normes internationales aux banques islamiques réside dans l'application des normes d'adéquation des fonds propres. Premièrement, en raison du système de participation aux bénéfices, les banques islamiques ont besoin de beaucoup plus de capitaux propres que leurs rivales capitalistes. Deuxièmement, la nécessité d'adapter les normes internationales aux banques islamiques accélère les efforts visant à créer le Conseil de surveillance des services financiers islamiques.

Enfin, les systèmes d'évaluation des risques comme CAMELS27 intéressent les banques islamiques car ces systèmes peuvent être adaptés sans grandes difficultés.

Un certain nombre d'avantages de l'approche Banking Risk Management IRB, pourraient être utiles pour une bonne gestion des risques au sein des banques islamiques. Premièrement, l'approche met en exergue le profil de risque de chaque élément d'actif individuellement.

Sachant que les modes de financement islamiques sont diversifiés, l'approche IRB convient à ces modes beaucoup mieux que l'approche standard. Deuxièmement, l'approche IRB fait le lien entre l'exposition actuelle des banques aux risques avec les conditions requises de capital propre ; elle s'applique donc parfaitement aux banques islamiques. Troisièmement, l'approche IRB vise à inciter les banques à développer la culture de gestion des risques, ce qui contribue à réduire les risques dans l'industrie bancaire et à renforcer la stabilité et l'efficacité du système financier. Quatrièmement, il est évident que cette approche va permettre de gérer une information fiable tout en renforçant la transparence et la discipline du marché.

Cinquièmement, en utilisant l'évaluation externe des crédits comme référence, elle acquiert vraiment plus de fiabilité interne et externe. Cela est très important, car une évaluation externe des crédits peut ne pas avoir la bonne information que celle recueillie par le système de rating interne, alors que ce dernier peut manquer d'objectivité manifestée par les organes de rating externes. Cette information, utilisée en harmonie avec les incitations à la gestion rigoureuse des risques, peut être précieuse dans le processus de contrôle de l'aléa moral et de l'arbitrage du capital.

3.2. L’approche de gestion des risques selon Al baraka Bank Groupe ABG

Al Baraka Bank se trouve dans plus de 15pays, au Pakistan, en Tunisie, au Bahreïn, en Algérie, au Liban, en Afrique du Sud, etc.

Au Maroc, Al Baraka Banking Group Bahreïn, en partenariat avec la Banque Marocaine du Commerce Extérieur (BMCE) ont créé la banque participative, Bank Al Tamwil wal Inmaa.

Dans ce qui suit, nous allons mettre le point sur la gestion des risques au sein de cette grande institution financière islamique28.

27 le système de rating CAMELS se réfère au Capital Adequacy, Assets quality, Management quality, Earnings, Liquidity & Sensitivity to risk markets,

28 C’est un leader mondial dans la commercialisation des produits de la finance islamique. En 2012 et 2013, le groupe Al Baraka Bank a obtenu le prix de « The Best Islamic Financial Institution » par le magazine new- yorkais Global Finance (magazine).

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3.2.1. Al Baraka Banking Group et son approche de gestion des risques

Le groupe d’Albaraka Bank s'est engagé à respecter les principes internationaux reconnus et des politiques en matière de gestion des risques. En particulier, le groupe souscrit pleinement aux principes directeurs de la gestion des risques adoptés parle conseil des services financiers islamiques établis par la Commission des services financiers islamiques (IFS).

Ce groupe international adopte une gestion des risques rigoureuse, au niveau de toutes ses filiales, s’appuyant sur le respect des exigences de Bâle II et Bâle III. Des rapports périodiques sont réalisés au profit de la direction, mettent de la lumière sur le taux de rendement du groupe en fonction du niveau des risques confrontés.

La gestion des risques du groupe a pour objectifs :

 de permettre au groupe le calcul du rendement ajusté en fonction des risques sur le capital;

 d’instaurer une culture de gestion du risque professionnel dans l'ensemble du groupe avec une approche disciplinée et prudente fondée sur l'approche globale;

 d’avoir des équipes professionnelles qualifiées et d’adopter une politique de formation continue récurrente ;

 d’investir dans la technologie et les systèmes permettant la possession et l’intégration des best practices dans le domaine de la gestion des risques ;

 de respecter toutes les normes chariatique et les exigences juridiques et réglementaires, etc.

3.2.2. L’évolution des indicateurs financiers d’Al Baraka Banking Group ABG

Cette institution financière internationale de grande envergure réalise des performances grâce à une gestion efficace des risques que ce soit ceux liés au marché, au crédit et chariatique.

Le tableau ci-dessous rassemble les principaux indicateurs financiers d’Al Baraka Banking Group (ABG) de l’année 2010 jusqu’à l’année 2014 :

Tableau n°2. Indicateurs financiers d’Al Baraka Banking Group (ABG)

Valeur en Millions USD 2010 2011 2012 2013 2014

Actif total 1347 1598 1418 1631 1835

Financement et investissement 883 1035 1041 1008 1339

Dépôts totaux 1135 1284 1216 1416 1592

Capital total 183,95 178,83 168,76 164,80 169,88

Profit annuel 4,6 2,6 -10,6 0,9 e2,1

Ratio cours sur bénéfices (PER) 3,79 2,12 -8,67 0,7 1,7 Source : Fait par nos soins sur la base des rapports annuels d’ABG (2010, 2011, 2012, 2013 et 2014).

A la lecture de ce tableau, un certain nombre de résultats significatifs attirent notre attention.

Ainsi, AlBaraka Banking a enregistré une baisse de profit annuel de 10,6 Millions USD en 2012. En effet, cette situation a eu comme impact direct la baisse d Price-Earning Ratio PER de 8,67. Cela signifie qu’en 2012, le Groupe Al Barak a réalisé systématiquement des résultats négatifs. Mais, généralement sur la période 2010-2014, ABG a réalisé une croissance accélérée en mettant l’accent sur la constitution d’actifs de haute qualité reposant sur une base de passif stable et bien diversifiée vis-à-vis de la volatilité des dépôts remarquée sur le marché. Cette croissance remarquable a été maintenue, par le groupe Al Baraka, en consolidant sa position financière de 1835 millions USD au 31 décembre 2014 contre 1347 millions USD au 31 décembre 2010, soit un taux de croissance annuel de presque 8% sur toute la période.

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3.2.3. La gestion du risque commercial translaté et du taux de rendement à Al baraka Bank Pour gérer le risque de taux de rendement et le risque commercial translaté, le groupe Al Baraka Islamic Bank de Bahreïn a procédé à la technique des réserves. Nous distinguons entre deux types réserves : Profit Equalisation Reserve (PER) et Investment Risk Reserve (IRR). Le tableau suivant résume la politique de gestion des risques poursuivie par le groupe Albaraka Bank sur la période de 2011-2014.

Tableau n°3. La politique de gestion des risques spécifiques par Al Baraka Bank Compte d’investissement non -

restrictif (CINR)

2011 2012 2013 2014

PER 524542 544632 573411 574489

Bilan au 1ierJanvier 965311 524542 544632 573411 Montant réparti de revenu attribuable

aux détenteurs des CINR

19331 20090 20738 23174

Tier 2 (31 Décembre) 524542 544632 573411 574489

IRR 2737120 2604947 2418610 2338207

Bilan au 1ierJanvier 1156962 2737120 2604947 2418610 Montant réparti de revenu attribuable

aux détenteurs des CINR

240301 214 476 (1097)

Tier 2 (31 Décembre) 2737120 2604947 2418610 2338207

Source : Tableau fait par nos soins sur la base des rapports annuels d’ABG

La Banque Centrale à l’instar des institutions financières islamiques l’IFSB et l'AAOIFI, reconnaisse l'exposition des banques islamiques au risque commercial translaté, ce qui rend obligatoire le respect de certaines réserves prudentielles. Deux types de réserves sont retenus : le premier est le Profit Equalization Reserve (PER), qui est une réserve de péréquation des rendements retenue à partir du revenu brut de la banque avant l'allocation des profits entre les actionnaires et les titulaires des comptes d'investissement. Ceci permet de garder un certain niveau de profit pour les comptes d'investissement. Le deuxième est l'Investment Risk Reserve (IRR), qui est une réserve pour risque d'investissement permettant de prémunir les titulaires des comptes d'investissement contre d'éventuelles pertes. En se basant sur le tableau ci-dessus, nous pouvons avancer que le montant d'IRR a connu un rythme d’évolution descendant sur toute la période avec en moyenne un taux de décroissance annuel d’environ 5,12%. Par contre, le PER a enregistré un taux de croissance annuel de presque 2,3% sur toute la période. Cependant, en terme absolu les montants de la réserve PER sont moins importants que ceux de la réserve IRR.

Ainsi, nous pouvons conclure cette partie empirique en disant que pour ce groupe, le taux de rendement des comptes d’investissement s’est amélioré au fil du temps alors que le risque de perte des détenteurs de ces mêmes comptes s’est nettement diminué au cours de la période considérée.

Conclusion

Les banques islamiques qui rencontrent des risques au même titre que les banques conventionnelles, sont confrontées en plus à d’autres types de risques spécifiques comme le risque commercial déplacé et le risque du taux de rendement. Ces deux derniers existent dans les banques participatives du fait qu’elles gèrent les comptes d’investissement (Profit Sharing Investissment Account) donnant l’occasion au partage des pertes et des profits entre la banque et les titulaires de ces comptes.

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Dans ce papier, nous avons discuté la gestion du risque au sein d’une banque islamique. Aussi nous avons présenté un certain nombre de ratios proposés dans le cadre des accords de Bâle et la possibilité de les adapter au contexte de la finance islamique. Dans l’étude empirique nous avons essayé de voir le comportement de la banque Al Barak de Bahreïn vis-à-vis de la gestion du risque commercial déplacé et celui du taux de rendement en recourant à la constitution des réserves type RER et IRR dans l’objectif d’améliorer le taux de rendement des comptes d’investissement. Nous avons constaté que le groupe financier, sujet de l’étude, a enregistré des taux de croissance annuel positif (2,3%) du PER et des taux de croissance négatifs (-8%) d’IRR. Cela nous amené à conclure que le groupe a réussi à gagner le défi de croitre le rendement et de diminuer le risque d’investissement.

Au Maroc, les banques participatives ont commencé leurs activités en 2017 et l’arsenal juridique, réglementaire et fiscal de cette jeune industrie financière est en cours de construction. Ces nouvelles banques marocaines ont tout l’intérêt à prendre en considération les expériences des banques islamiques, qui ont débuté leurs activités il y a maintenant des décennies, dans le domaine de la gestion et de la couverture contre les risques.

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Références

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