Y.
BARRIÈRE,
J.-C.ÉMILE,
R. TRAINEAU, Y. HÉBERT
INRA Station d Amélioration des Plantes
Fourragères
86600
Lusignan
Variabilité génétique
de la digestibilité
du maïs ensilage
mesurée sur des
moutons standards
Les rations
avecdes ensilages de maïs sont à la base de l’alimentation des ruminants à haut potentiel. A partir d’une synthèse de 918
mesuresde digestibilité
avecdes moutons standards, l’importance du choix de l’hybride
de maïs
surla digestibilité et la valeur UFL
ouUFV de l’ensilage est
clairement établi.
Il y a actuellement 3 400 000 ha de maïs ensilés dans la
CEE,
dont 1 600 000 ha enFrance. Avec
l’ensilage
de maïs, dont la faible teneur en azote est facilementcorrigée
par des tourteaux, les éleveursdisposent
d’une rationde base à forte valeur
énergétique, comprise,
sil’on se réfère aux
tables,
entre0,90
et0,96
UFL (soit de
0,80
à0,87
UFV) selon le niveau de maturité et la teneur engrain
(Andrieu etal 1988). Les valeurs
énergétiques
données parces tables ont été établies à
partir
de mesuresdes coefficients d’utilisation
digestive
(CUD)de la matière
organique
faites avec des mou-tons maintenus en cage à
digestibilité.
Cesmesures ont été réalisées avec un nombre limi- té
d’hybrides précoces (Funk245, Dekalb204, Inra258, LG11...), (Andrieu,
communicationpersonnelle),
dont la basegénétique
est étroiteet
qui
ne sontpratiquement plus
utilisés par leséleveurs,
nireprésentatifs
du matérielgénétique
effectivementdisponible.
Actuel-lement,
les variétés de maïs inscrites aux dif- férentscatalogues européens
sont soit desvariétés issues d’une stricte sélection
"grain",
soit des variétés issues d’une sélection
"grain"
avec un tri final des
hybrides
lesplus adaptés
à une utilisation mixte
"grain"
et"ensilage",
soit enfin des variétés issues d’une sélection pour l’utilisation en
ensilage
àpartir
d’unmatériel
génétique
d’autant moinsmarqué
par des décennies de sélection"grain"
quel’objectif
de recherche des
entreprises
estplus spécifi- quement
ciblé sur cetaspect ensilage.
A
partir
d’unesynthèse
des données obte-nues au cours de 22 années
d’expérimentations
avec des moutons standards à la station INRA d’amélioration des
plantes fourragères
deLusignan
(Barrière et al1992), l’objectif
de cetravail était donc
d’étudier,
chez deshybrides
de maïs
ensilés,
la variabilitégénétique
de ladigestibilité
in vivo de la matièreorganique,
dela
cellulose,
et celle de critèreschimiques
ouagronomiques auxquels
ellespouvaient
êtrereliées,
en faisant iciplus particulièrement
lelien avec celle de la valeur
énergétique,
et encomparant
leshybrides
actuellementdispo-
nibles pour les
éleveurs,
aux anciennes varié-Résumé
——————————————————————————918 mesures de
digestibilité d’ensilages
de maïs par des moutons standards,qui
por- taient sur 175génotypes,
ont étérécapitulées après
desexpérimentations
réaliséesentre 1969 et 1990 à l’INRA de
Lusignan.
Lesanalyses
de variance montrent que les effets liés augénotype
sonttoujours
trèssignificatifs,
même en prenant en compte laprécocité
deshybrides
et en excluant le matériel brown-midrib. Le CUD moyen de la matièreorganique
mesuré (70,8 %) et les valeursénergétiques
moyennesqui
en sontdéduites (0,90 UFL et 0,84 UFV) confirment les valeurs données par les
tables,
mais cesmesures montrent aussi que des différences
importantes
existent entregénotypes.
L’effet du groupe de
précocité
du matérielgénétique
est net, leshybrides
tardifs ayantune
digestibilité
de 2,5points
inférieure et une valeur UFL moyenneplus
faible de 0,05UF. Entre
hybrides précoces inscrits,
les différences sont couramment voisines de 4points
pour le CUD de la matièreorganique,
soit 0,07 UF et peuvent atteindre 8points,
soit 0,15 UF. La valeur
énergétique
desensilages
n’est pas liée à leur teneur engrain,
des
ensilages
à 0,90 UFL ayant ainsi des teneurs engrain comprises
entre 20 et 60 %, etréciproquement
desensilages
à 48% degrains
ayant des valeurs UFLcomprises
entre 0,78 et 1,05. Les corrélations entreproductivité
etdigestibilités
ou valeurénergétique
sont faibles. Les différences de
digestibilité
peuvent enpartie
être reliées aux efforts de sélection pour l’amélioration de la résistancemécanique
desplantes
à la verse et à lacasse.
L’intégration
d’un critère de sélectionprédictif
de ladigestibilité
devrait per- mettre de maîtriser cette dérive en choisissant lesgénotypes
réalisant un bon compro- mis entre résistance à la verse et valeurénergétique.
tés
ayant
servi à établir les valeurs UFL ouUFV de référence. En raison du très
grand
nombre de variétés de maïs inscrites en
Europe,
il n’était pasenvisageable
de testerl’ensemble des
hybrides
descatalogues
des dif-férents pays. Le choix des
hybrides
étudiés aété réalisé en tentant de couvrir une gamme de variabilité
génétique
aussilarge
quepossible,
en
dépit
du caractère confidentiel des formuleshybrides.
Pourcela,
ont été utilisées des varié- tésprovenant
de différentsobtenteurs,
ins- crites surtout en France avec ou sans la men-tion
ensilage,
mais aussi cultivées ou inscritesen
Europe
du Nord avecprise
encompte
ounon de critères de valeur alimentaire. Des
hybrides expérimentaux
ontélargi
cette basegénétique
avec l’utilisation delignées qui
nesont pas
présentes
dans leshybrides
inscrits.Des
hybrides
demi-tardifs et tardifs ont aussi étéinclus,
enparticulier
parce que les mesuresde référence avaient été réalisées
uniquement
avec des
hybrides précoces. Enfin,
deshybrides
à nervures brunes (brown-midrib) ont
permis d’ajouter
une sourceparticulière
devariation,
les
gènes
récessifs bml ou bm3 modifiant le métabolisme desphénols,
conduisant à unediminution de la teneur en
lignine,
une modifi-cation de la
composition chimique
de laligni-
ne, avec une
augmentation
de ladigestibilité
de la cellulose et à une amélioration des per- formances
zootechniques
(Rook et al1977,
Sommerfeldt et al1979,
Hoden et al1985,
Malterre et al 1985)1 / Principales conditions
expérimentales
Les
expérimentations
ont été réalisées entre1969 et 1990 à
Lusignan
(Vienne) dans unmilieu
qui
se caractérise souvent par desprin- temps
frais suivis d’étés chauds et relative- ment secs, avec uneirrigation d’appoint
à par- tir de 1975. Les maïs ont été cultivés à unedensité
qui
variait de 75 à 95 000plantes
par hectare en fonction de laprécocité
deshybrides.
L’unité de culture pour une mesureétait constituée de deux
(quelquefois
une) par- celles de 150 m2 ensilées en mini-silosexpéri-
mentaux (Traineau 1991) à un stade de matu- rité tel que les teneurs en matière sèche des
ensilages
soientcomprises
entre 30 et 35%,
valeurs
qui
n’étaientparfois
pas atteintes pour certainshybrides tardifs,
ou au contrairedépassées
par certainshybrides
trèsprécoces.
La teneur en azote de la ration était
équilibrée
par addition d’urée. Les pertes de
produits
volatils durant
l’étuvage
ont été estimées àpartir
des méthodesproposées
parDulphy
etal (1975 et 1981).
Les mesures de valeur alimentaire ont été réalisées dans les conditions standards sur des moutons Texel en cages à
digestibilité,
alimen-tés ad libitum. Elles ont
porté
sur lesquanti-
tés
ingérées
et les CUD de la matière orga-nique
et de la cellulose brute. Les valeurs UFL et UFV ont été calculées àpartir
desrégres-
sions établies par Andrieu etDemarquilly
(1987) ;
les valeurs UFV données sont à dimi-nuer de 5 % pour
prendre
encompte
les inter-actions
digestives négatives
entrefourrage
etconcentrés chez les bovins à
l’engrais
(Andrieuet al 1988). Bien
évidemment,
il y a par construction une très forte liaison entre cesvaleurs
énergétiques
et le CUD de la matièreorganique,
cequi
se retrouve au niveau descorrélations
(tableau
3). La teneur en cellulosebrute,
la teneur en matières azotées et lesquantités ingérées
entrentégalement
dans lesrégressions,
avec despondérations plus
oumoins
importantes.
Des mesures dedigestibili-
té in vitro ont été réalisées avec la méthode
enzymatique
APC de Lila et al (1986) sur laplupart
deshybrides
étudiés àpartir
de 1981 (solubilisations successives de l’échantillon parune
amylase,
unepepsine
et unmélange
stan-dard de cellulases et d’hémicellulases).
918 mesures de
digestibilités
ont ainsi étérécapitulées, correspondant
à l’étude de 175hybrides
dont 90 variétés inscrites au cata-logue français
ou à uncatalogue européen,
67hybrides expérimentaux
et 18hybrides
à ner-vures brunes (15 bm3 et 3 bml). Ces
hybrides
se
répartissaient
dans les 6 groupes deprécoci-
té du
catalogue français.
Dans les discussionsultérieures,
leshybrides
trèsprécoces, pré-
coces et
demi-précoces
cornés*dentés ont étérassemblés sous le terme
&dquo;précoces&dquo;,
les autresétant dénommés &dquo;tardifs&dquo;. Dans les tableaux de
résultats,
leshybrides
inscrits récemmentont été codés Rh pour des raisons de confiden-
tialité ;
leshybrides expérimentaux
ont étécodés Ex.
Les
analyses
de variance ont été réalisées selon des modèlesclassiques
à effets fixes enprenant
en compte un effetannée,
un effet silo dansannée,
un effetgénotype
hiérarchisé ou non au groupe deprécocité,
et en excluant ounon les
génotypes
brown-midrib (Barrière et al1992 ; logiciels
INRA Amance et Modli). Outre l’observationrépétée
de certainsgénotypes plusieurs années,
4hybrides régulièrement
étudiés
(LG11, Inra260,
Inra258 et Dea) ont réalisé la connectionstatistique
entre annéeset
permis
les estimations de moyennes.2 / Résultats
2.i / Une importante variabilité liée à l’hybride de maïs
Les moyennes,
écarts-types
et valeurs des F de Fisher pour lesprincipaux
caractères étu- diés sont donnés dans le tableau 1. Les effets liés auxgénotypes
sonttoujours significatifs,
même
quand
l’effetprécocité
estpris
en comp- te. La variation entregénotypes
pour la teneuren cellulose brute est apparue relativement
faible,
alors que la variabilité de sadigestibili-
té était très élevée.
L’écart-type génotypique
du CUD de la cellulose brute est ainsi
plus
dedeux fois
plus
élevé que celui du CUD de la matièreorganique,
lié à une dilution de la cel- lulose au sein decomposés
dont ladigestibilité
est élevée
(amidon, glucides solubles,
pro-téines, lipides
...). Le critèredigestibilité
de lacellulose semble donc
plus important
que le critèrequantité
de cellulose tant pour le sélec- tionneur que pour l’utilisateur de maïs ensila- ge. Les valeurs moyennes obtenues ici pour le CUD de la matièreorganique
et les valeursénergétiques
UFL et UFVcorrespondent
exac-tement à celles données par les tables pour un
ensilage
de maïsayant
subi des conditions devégétation
normales. Enrevanche,
le CUD dela cellulose brute des tables est
supérieur
de 5points
à la valeur obtenue ici pour nos ensi-lages.
Les
histogrammes
defréquence
deshybrides
dans chacune des classes de valeurs UFL entre0,75
et1,00
sont rassemblés dans lafigure
1. Les valeurs moyennes et intervalles de confiance pour les CUD de la matière orga-nique
et les valeurs UFL et UFV dequelques hybrides inscrits, expérimentaux
ou brown-midrib sont données à titre d’illustration dans le tableau 2. L’observation de l’ensemble des données met tout d’abord en évidence une
grande
variabilité entrehybrides
pour ladigestibilité
de la matièreorganique
et lavaleur
énergétique,
avec un effet moyen net du niveau deprécocité.
Leshybrides
tardifs ontainsi un CUD de la matière
organique
et unevaleur
énergétique
moyennerespectivement
inférieures de
2,5 points
et0,05
UFL à ceux deshybrides précoces
(brown-midrib exclus).Cela est autant lié à des
qualités
de lapartie non-grain
del’ensilage différentes,
avec ainsi3,0 points
d’écarts entre les CUD de la cellulo-se brute des
précoces
et destardifs, qu’à
uneffet de teneurs en
grain,
en moyenneplus
faibles de
2,7 points
chez les tardifs. Les écarts maximum observés entrehybrides
inscrits deprécocité comparable
sont engénéral
voisinsde 4 et 17
points
pourrespectivement
les CUDde la matière
organique
et de la cellulosebrute ;
mais ilspeuvent
atteindrerespectivement
8 et23
points.
En terme de valeurénergétique,
cela conduit à des écarts courants de
0,07 UFL, qui peuvent
atteindre0,15
UFL entre des variétésprécoces.
57 % deshybrides pré-
coces inscrits étudiés ont une
digestibilité
de lamatière
organique comprise
entre 69 et 72%,
15 % sont en dessous de cet intervalle et 28 %
au dessus. En terme de valeur
énergétique
61 % des
hybrides
se situent entre0,87
et0,92 UFL,
16 % se situent en-dessous et 23 % au- dessus. Leshybrides
inscrits récemment sontprésents
dans toutes les classes dedigestibilité
La
digestibilité
dela matière
organique
est enmoyenne de
70,8
%pour les 918 échantillons.
Les valeurs obtenues sont en
moyenne
plus faible
pour les
hybrides
tardi fs.
de la matière
organique
ou de valeurénergé- tique (figure 2),
certains d’entre eux ayant tou- tefois une valeurénergétique particulièrement
faible. Les valeurs
énergétiques
des ancienstémoins
(LG11, Inra258,
Funk245) sontlégère-
ment
supérieures
à la moyenne, avec0,92
UFL. Les bonnes ou moins bonnesdigestibili-
tés ou valeurs
énergétiques
de certainshybrides
confirment la connaissance que l’onpouvait
avoir de cesgénotypes,
avec, parexemple,
laplutôt
faible valeur de Ascot etHelga,
et au contraire la bonne valeur de Lixis.Toutefois,
la valeur obtenue pour Brutus estplutôt
inférieure à ce que l’onpouvait
attendreaprès
les mesures in vitro dedigestibilité
deparois
faites auxPays-Bas
sur cethybride.
2.
2 / Des critères classiques
peuliés à la valeur énergétique
Les corrélations
phénotypiques
entre lesCUD de la matière
organique,
les valeurs éner-gétiques
UFL ou UFV et lesprincipaux
carac-tères mesurés sont données dans le tableau
3 ;
l’étude des corrélationsgénétiques
a étépré-
sentée par Barrière et al (1992). Comme cela avait
déjà
été observé avec des récoltes à diffé- rents stades de maturité (Andrieu etDemarquilly 1974,
Barrière et al1991),
iln’y
apas d’effets de la teneur en matière sèche sur
la valeur
énergétique
du maïsensilage
(à par- tir de 25%) ;
il y a en revanche un effet bienconnu sur les
quantités ingérées.
La liaison entre les teneurs en
grain
et leCUD de la matière
organique
ou la valeurénergétique apparaît
iciparticulièrement faible,
surtout pour leshybrides précoces,
avec des corrélations
proches
de zéro.Contrairement à une idée
largement répan- due,
ce n’est pas, ou passeulement,
sa teneuren
grain qui
fait la bonne ou moins bonnevaleur
énergétique
d’unensilage
de maïs. Lafigure
3 montre ainsi que la valeurénergé- tique
d’unensilage
de maïs à 50 % degrain
varie entre
0,80
et1,05 UFL,
et que,récipro- quement,
desensilages
de maïs à0,90
UFL ontune teneur en
grain comprise
entre 20 etprès
de 60 %. Des
ensilages
de maïs relativement pauvres engrain
(35-40 %) ont une valeurénergétique qui
varie entre0,70
et1,05 UFL,
avec une moyenne de
0,88
UFL (ou0,82
UFV).En
revanche,
lesensilages ayant
une teneuren
grain supérieure
ouégale respectivement
à45 et 50 % ont une valeur
énergétique
moyen-ne
qui
n’atteintrespectivement
que0,92
et0,93
UFL(0,86
et0,87 UFV),
alors que la valeur donnée dans les tables pour des ensi-lages
très riches engrain
est de0,96
UFL(0,91
UFV).Parmi les caractères
étudiés,
la teneur encellulose brute et le CUD de cette même cellu-
lose,
sont ceuxqui
sont le mieux liés au CUDde la matière
organique,
et defaçon
relative-ment
indépendante puisque
la liaison entre cesdeux
caractéristiques
est relativementfaible,
avec une corrélation de
-0,36
(en se limitantaux
hybrides précoces).
Le CUD de la cellulose bruteexplique près
des deux tiers de la varia- tion observée pour le CUD de la matière orga-nique
et un peuplus
de la moitié de la varia- tion pour la valeurénergétique ;
la teneur encellulose brute
explique
moins de la moitié de la variation observée pour ladigestibilité
et lavaleur
énergétique,
endépit
de laprise
encompte
de ce facteur dans lesrégressions.
Lesliaisons
négatives
entre rendement etdigesti-
bilité ou valeurs UF sont
également
assezfaibles, permettant
de choisir deshybrides
à lafois
productifs
et à bonnesdigestibilités
ouvaleurs
énergétiques.
Parailleurs,
les liaisons entrequantités ingérées
etdigestibilités
ouLa valeur
énergétique
del’ensilage
semblepeu liée à sa teneur
en
grain.
même valeurs UF sont
pratiquement
nulles (tableau 3). Au niveauintra-spécifique
maïsavec des moutons
standards,
lesquantités ingérées
seraient donc sans effet sur la valeurénergétique.
Sachant par ailleursqu’il
sembleexclu de
prédire
desquantités ingérées
autre-ment
qu’au
sein d’uneespèce
animale donnée et à un stadephysiologique
donné (Chesnot et Martin-Rosset1985,
Moran et al1988),
l’inté-rêt de cette mesure de
quantité ingérée
par les moutons standardsapparait
donc limité dans le cas du maïsensilage.
En raison des relative- ment faibles liaisons entre les valeurs UF et les teneurs engrain
ou en cellulosebrute,
iln’est sans doute pas raisonnable de calculer à
partir
de ces données deséquations
deprédic-
tion des valeurs
énergétiques, qui
seraientalors peu
performantes.
3 / Discussion
3.
1 / Des conséquences
pourles valeurs énergétiques
pourdes
gros ruminants
Ces résultats ont été obtenus avec des mou-
tons standards alimentés à des niveaux voisins des besoins
d’entretien,
et il convient de s’in-terroger
pour savoir dansquelle
mesure ilssont
transposables
aux vaches laitières ou auxbovins en croissance. Tout
d’abord,
il faut rap-peler
que, d’unepart
ces conditions de mesures sur moutons standards ont été établies pourprédire
la valeurénergétique
de référence des aliments consommés par des grosruminants,
et que, d’autre
part,
il y a, parconstruction,
une très forte liaison entre la
digestibilité
de lamatière
organique
mesurée par les moutons standards et la valeurénergétique.
Un certainnombre de travaux avec différents
végétaux
ont d’ailleurs montré que les classements de
digestibilité
de la matièreorganique
étaientsemblables pour les moutons et les
bovins,
avec toutefois une
digestibilité supérieure
de 2à 6 % chez les bovins (Chenost et Martin- Rosset
1985,
Aerts et al1986,
Moran et al 1988). Uneexpérimentation
réalisée survaches laitières à
Lusignan,
avec desensilages
de maïs, a toutefois mis en évidence une valo- risation
énergétique supérieure
à la valeurUFL estimée à
partir
de ladigestibilité
mesu-rée sur des moutons pour un
hybride
dont ladigestibilité
de la cellulose était élevée (Barrière et Emile 1990). Ce résultat devrait être confirmé par d’autres mesures sur maïs, mais il est en accord avec les observations de Chenost et Martin-Rosset (1985)qui
avaientobtenu,
avec desfourrages
pauvres enamidon,
desdigestibilités
de la cellulose brutesupé-
rieures de 9 % en moyenne chez les bovins
comparés
aux ovins. Pour cequi
est des effetsde la teneur en
grain
pour des vacheslaitières,
la réduction de la teneur engrain d’ensilages
de maïs de 48 à 41 % ne modifie ni les
produc-
tions
laitières,
ni laqualité
du laitproduit,
mais conduit au contraire à une meilleure valorisation
énergétique
desensilages
appau-vris en
grain
(Emile et Barrière 1992). Descomparaisons d’ensilage
de variétés de maïs dont les CUD et valeurs UF sont nettement différents sont en cours sur vaches laitières et taurillons. Ilspermettront
depréciser
desécarts éventuels de
comportement
entre gros bovins et moutons, et de mesurer dequelle façon
des écarts de0,15
UFL obtenus àpartir
de mesures de
digestibilité
sur moutons sonttransposables
aux gros ruminants. En atten-dant,
il est sans doute raisonnable de considé-rer que les différentes valeurs UFL obtenues
avec les moutons sont de bons
prédicteurs
desvaleurs de valorisation par les gros bovins. Les corrections éventuelles
pourraient porter
surune
possible
meilleure valorisation des cellu- loses de bonnequalité,
au moins par les vacheslaitières. Dans ces
conditions,
et en fonctiondes écarts mis en évidence entre variétés de maïs, des différences de
0,07
ou0,15
UFL cor-respondent respectivement
à des différencesd’apports journaliers
de1,05
et2,25
UFL pourune vache laitière
ingérant journellement
15kg
de MSd’ensilage
de maïs, soitl’énergie
nécessaire à la
production
de2,4
et5,1 kg
delait standard à
apporter,
ou non, sous forme de concentrés deproduction.
3.
2 / De possibles liaisons négatives
entre
digestibilités
et tenuesde plantes
La variabilité
génotypique
observée entrehybrides peut
d’abord être reliée au fondgéné- tique
del’hybride
engénéral,
certaineslignées
conduisant en moyenne à des
hybrides
à forteou faible
digestibilité.
En l’absence de sélection pour la valeuralimentaire,
ces différencespourraient
être soitaléatoires,
soit résulterd’une dérive vers un
type génétique
ou unautre sous la
pression
de sélection pour les autres caractèresagronomiques.
Les corréla-tions
génétiques
entre laproductivité
en bio-masse et les CUD de la matière
organique
oude la cellulose brute étant
pratiquement
nulles (Barrière et al1992),
les différences entrehybrides peuvent s’expliquer
enpartie
par lesefforts de sélection
plus
ou moins intenses réa- lisés sur descaractéristiques
liées à la tenuedes
plantes.
La résistance à la verse envégéta- tion, qualité indispensable
aux maïs cultivéspour le
grain
oul’ensilage,
est liée à un bondéveloppement
racinaire et à une bonne résis- tancemécanique
des racines à l’arrachement.Objectif
de sélectionimportant
surtout pour des variétés utilisées comme maïsgrain,
larésistance à la verse ou à la casse à maturité et à surmaturité se fonde sur deux caractéris-
tiques,
d’une part le maintien de laturgescen-
ce des tissus au cours de la
maturation,
et d’autrepart
une meilleure résistance méca-nique
de latige.
Si lesaspects
de croissance racinaire sontprobablement indépendants
desfacteurs liés à la
digestibilité
desparois
et siun meilleur maintien de
l’aspect
vert est sansdoute
favorable,
en revanche une meilleurerésistance
mécanique
des tissuspeut
conduireà une
plus
faibledigestibilité
desparois
de laplante.
Onpeut
sans doute ainsi relier la faibledigestibilité
de certainshybrides
au pro-grès génétique
net pour la résistance à la verseà maturité
enregistré
au cours des dernières décennies (Derieux et al 1987). Deshybrides
de bonne
digestibilité
comme Inra258 ontaussi de faibles
qualités
detiges,
alors que deshybrides
comme Rh161 et Rh162 sont aucontraire résistants aux verses. Mais ces liai-
sons ne sont pas
absolues,
et il serapossible
deprogresser à la fois en
qualité
detiges
et envaleur
alimentaire,
à condition dedisposer
d’un test pour
prédire
lesdigestibilités
sur ungrand
nombred’échantillons,
et sans douted’accepter
une résistancemécanique
desplantes
relativement moindre ou différente.D’un
point
de vuebiochimique,
des différences de teneursrespectives
en acidesphénoliques
monomères de la
lignine
ont été mises en évi-dence entre
hybrides
normaux etbm3, qui
devront être confirmées entre
hybrides
nor-maux différant pour la
digestibilité
de la cellu- lose.3.
3
/ Des possibilités de prédiction
enroutine de la digestibilité
etde
la valeur UF
Les corrélations entre teneur en
grain
etvaleur
énergétique
sont insuffisantes pourpré-
dire de
façon
satisfaisante cette valeurénergé- tique.
Enrevanche,
la liaisonapparait plus élevée,
etnégative,
entre la teneur en cellulosebrute et la valeur
énergétique
(tableau 3). Parailleurs,
à condition d’estimer les moyennesgénotypiques
au travers d’undispositif expéri-
mental
comprenant
des mesuresrépétées (figure 4),
les valeurs APCpermettent
aumoins de trier des
génotypes
àdigestibilité
ouvaleur UF
plus élevées,
et d’éliminer desgéno-
La
faible digestibilité
decertains
hybrides peut
être liée à unemeilleure résistance à la
verse à
maturité,
critère
important
de sélection pour les variétés de maïs
grain.
types
à faibles valeurs. Deplus,
les résultats du &dquo;Clubdigestibilité&dquo;
(Dardenne et al 1992)ont montré que la
prédiction
des valeurs de CUD de la matièreorganique,
et donc lesvaleurs
UF, pouvait
être encore améliorée enutilisant une
régression
multicaractèrequi ajoute
à une mesure de solubilitéenzymatique
telle que LG-Ensitec (Ronsin et Femenias 1990) différents critères de
composition
chi-mique
(cellulosebrute,
matières azotées...),
conduisant à une corrélation voisine de0,7
entre valeurs
prédites
et valeurs mesurées.Avec ce
type d’équation,
il estpossible
d’envi-sager une
prédiction
en routine des valeurs de CUD ou des valeurs UF desensilages
de maïs, d’autant que lesparamètres
entrant dans lesrégressions peuvent
êtreprédits
dans de trèsbonnes conditions en
spectrométrie
de réflec-tance dans le
proche infra-rouge
(NIRS). Laprincipale
limite à l’utilisation de ceséqua- tions,
outre leur relativeimprécision,
est laqualité
del’échantillonnage
dans les remor-ques ou les
silos,
les résultats lesplus
satisfai-sants étant obtenus dans des
dispositifs
struc-turés
permettant
uneinterprétation
statis-tique
desdonnées,
cequi
est le cas au coursdes programmes de sélection. Les résultats du
&dquo;Club
digestibilité&dquo;
ont aussi montréqu’il
étaitpossible
deprédire
directement les valeurs de CUD de la matièreorganique
et les valeurs UF par NIRS. Mais l’utilisation en routine de cette méthode suppose d’abord l’obtention de réfé-rences
supplémentaires
avec des moutonsstandards afin d’assurer la
pertinence
del’équation
decalibration, puis, pendant
uncertain nombre d’années au
moins,
la réalisa- tionrégulière
de mesures sur animaux pourpren-dre
encompte
defaçon
convenable les effets années. Laprédiction
du CUD de la cel- lulose brutepourrait
être réalisée simultané- ment. Dans ce caségalement,
laqualité
desrésultats sera à la mesure de la
qualité
del’échantillonnage
et de celle dudispositif
sta-tistique.
Conclusion
Pour un
éleveur,
différentes conclusions découlent de ces essais. Toutd’abord, le
choix de la variété de maïs est un élémentimportant
à
prendre
encompte
dans la mise en oeuvred’une ration à base de maïs
ensilage.
Mesuréesur les moutons dans les conditions de référen- ce, des différences notables de CUD et de valeur
énergétique
entre variétés ont été misesen
évidence, qui peuvent
avoir une incidenceimportante
sur la rentabilitééconomique
del’élevage.
Le choix degénotypes
à bonne valeurénergétique
doit ainsipermettre
de calculer les rations sur la base de0,95
UFL(0,86
UFV) pour des maïs en conditions devégétation
nor-males au lieu de la valeur
0,90
UFL habituel- lement utilisée(0,80
UFV).Réciproquement,
ce choix variétal doit
permettre
d’éviter des variétés dont la valeur alimentaire se situe trèsprobablement
au-dessous des valeursénergétiques
de référence. Il faut noter, d’autrepart,
la faibleimportance
des teneursen
grain,
unhybride plus
pauvre engrain
pou- vant avoir une valeurénergétique plus
élevéeque celle d’un
hybride
riche. Cetaspect
estparticulièrement
intéressant àprendre
encompte
au niveau d’une ration où lacomplé-
mentation conduit à
augmenter
encore lateneur en
amidon,
contribuant donc à augmen- ter les interactionsdigestives négatives
auniveau du rumen (El
Shazy
et al1961,
Faverdin et al 1987). Dans un contextegénéral
de
politique agricole
restrictive sur lesprix
etsur les
quantités
desproductions animales,
ilne faudra en aucune manière
négliger
des pos- sibilités d’améliorer les marges desexploita-
tions par ce
simple
choix del’hybride
de maïscultivé,
conduisant à une économie de concen-trés pour un niveau constant de
production
animale.
Remerciements
Nous remercions l’ensemble des personnes qui ont participé
directement ou par leurs conseils à ce travail, en particulier
L. Huguet, A. Gallais, G. Bertin, M. Lila, V. Furstoss, C. Demarquilly, J. Andrieu, M. Largeaud, S. Allerit,
M. Bucher, J.L. Doux, C. Pradeau et J. Moinet.
Références bibliographiques
Aerts J.V., 1986. Use of sheep as pilot animals for predicting digestibility of feeds to be fed to dairy cows. IDF Bulletin 196 : 22-24.
Andrieu J., Demarquilly C., 1974. Valeur alimentaire du maïs
fourrage. II. Influence du stade de végétation, de la variété, du peuplement, de l’enrichissement en épis et de l’addition d’urée
sur la digestibilité et l’ingestibilité de l’ensilage de maïs. Ann.
Zootech., 23 : 1-25.
Andrieu J., Demarquilly C., 1987. Valeur nutritive des four- rages : tables et prévision. Bull. Techn. CRZV Theix, INRA, 70 :
61-73
Andrieu J., Demarquilly C., Sauvant D., 1988. Tables de la valeur nutritive des aliments. In Alimentation des bovins, ovins
et caprins, sous la direction de R. Jarrige, INRA éditeur pages 351-464.