• Aucun résultat trouvé

La métamorphose du théâtre aristotélicien : Lope de Vega et Pierre Corneille

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La métamorphose du théâtre aristotélicien : Lope de Vega et Pierre Corneille"

Copied!
130
0
0

Texte intégral

(1)

University of Calgary

PRISM: University of Calgary's Digital Repository

Graduate Studies The Vault: Electronic Theses and Dissertations

2014-07-07

La métamorphose du théâtre aristotélicien : Lope de Vega et Pierre Corneille

Toews, Sarah

Toews, S. (2014). La métamorphose du théâtre aristotélicien : Lope de Vega et Pierre Corneille (Unpublished master's thesis). University of Calgary, Calgary, AB. doi:10.11575/PRISM/26715 http://hdl.handle.net/11023/1605

master thesis

University of Calgary graduate students retain copyright ownership and moral rights for their thesis. You may use this material in any way that is permitted by the Copyright Act or through licensing that has been assigned to the document. For uses that are not allowable under copyright legislation or licensing, you are required to seek permission.

Downloaded from PRISM: https://prism.ucalgary.ca

(2)

i UNIVERSITY OF CALGARY

La métamorphose du théâtre aristotélicien : Lope de Vega et Pierre Corneille

by

Sarah Anne Toews

A THESIS

SUBMITTED TO THE FACULTY OF GRADUATE STUDIES IN PARTIAL FULFILMENT OF THE REQUIREMENTS FOR THE

DEGREE OF MASTER OF ARTS

GRADUATE PROGRAM IN FRENCH, ITALIAN AND SPANISH

CALGARY, ALBERTA

JULY, 2014

© Sarah Anne Toews 2014

(3)

i Table des matières

Table des matières ……… i

Résumé ………..……….………... ii

Introduction ... 1

1. La théorie dramatique d’Aristote et de Robortello ..……….. 5

2. La teoría dramática de Lope de Vega ……….……… 20

3. La théorie dramatique de Pierre Corneille ……….……… 37

4. Les trois unités ……….……….………. 59

5. Las obras dramáticas de Lope de Vega Análisis de Fuenteovejuna ……….……… 66

Análisis de Los Melindres de Belisa ……….……… 77

6. Les œuvres dramatiques de Pierre Corneille Analyse d’Horace ……….……… 89

Analyse du Cid ……….………... 98

Conclusion ……..………..………..… 118

Travaux cités et consultés ………. 122

(4)

ii Résumé

Lope de Vega et Pierre Corneille sont deux dramaturges célèbres du dix-septième siècle, l’un de l’Espagne et l’autre de la France, respectivement. Ce travail examine les différences et les

ressemblances entre leurs théories dramatiques et la pratique de ces théories. Pour être plus précis, l‘étude se concentre sur le texte fondateur de leurs théories dramatiques : la Poétique d’Aristote mais vue à travers les travaux de Francesco Robortello, un humaniste italien du seizième siècle. Étant donné qu’Aristote était considéré l’autorité dramatique des seizième et dix-septième siècles, ce n’est pas surprenant que ses idées dominaient la théorie à l’époque. Pourtant, le texte de Robortello n’est pas une traduction directe d’Aristote ; c’était une traduction accompagnée de commentaires et

d’extrapolations. Par conséquent, à travers l’analyse de l’influence de l’œuvre de Robortello sur les textes de Lope et de Corneille, aussi bien que les modifications faites par Robortello aux idées originelles d’Aristote dans la Poétique, cette thèse cherche une métamorphose possible du théâtre aristotélicien.

Abstract

Lope de Vega and Pierre Corneille are both famous playwrights from the seventeenth-century, one from Spain and the other from France, respectively. This work looks at the differences and similarities in their dramatic theories and the applications of those theories. More specifically, it concentrates on the foundation of their dramatic theories: Aristotle’s Poetics as presented through the work of Francesco Robortello, a sixteenth-century Italian humanist. Since Aristotle was seen as the dramatic authority of the sixteenth and seventeenth century, it is not surprising that his ideas

dominated the dramatic theory of the period. However, Robortello’s text was not a direct translation of Aristotle; it was a translation accompanied by commentaries and extrapolations. Therefore, by

analyzing the influence of Robortello’s work in the texts of Lope and Corneille, in addition to the

modifications Robortello made to the original Aristotelian ideas found in the Poetics, this thesis seeks to find a possible metamorphosis of Aristotelian theatre.

(5)

1 L’introduction

Felix Arturo Lope de Vega y Carpio (1562-1635), en Espagne et Pierre Corneille (1606-1684), en France, étaient non seulement des dramaturges célèbres du dix-septième siècle, mais aussi des

théoriciens du théâtre qui ont concrétisé leurs théories dans leurs pièces. On trouve dans les textes théoriques audacieux de Lope de Vega et de Pierre Corneille de multiples allusions à Aristote, voire des citations plus ou moins précises. Celles-ci pourraient faire croire à un retour à la pensée antique si, dans leurs textes théoriques, de Vega et Corneille ne s’écartaient pas parfois de manière assez spectaculaire des principes aristotéliciens de l’art du théâtre. Sous le nom d’Aristote, autorité distinguée pour le monde du théâtre au seizième siècle finissant et au début du dix-septième, il paraît que Pierre Corneille et Lope de Vega se sont plutôt adonnés à leurs propres définitions et pratiques théâtrales. Ainsi, on se demande s’ils ont fait une espèce de « namedropping » afin d’ajouter de l’autorité à leurs propres théories, ou s’ils ont tout simplement mal lu La Poétique ? Dans le cas de Lope de Vega, il n’aurait jamais pu lire Aristote en espagnol avant de rédiger son Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo (1609) : la première traduction espagnole n’apparaît pas en effet avant 1623 (Cooper, Gudeman, p. 31)1. Quant à Corneille, la première traduction française de La Poétique a paru vers 1670, avec les Fragments de la Poétique d’Aristote par Jean Racine, c’est-à-dire dix bonnes années après Les Trois Discours de Pierre Corneille (Cooper, Gudeman, p. 32)2. En outre, aucun des deux hommes de théâtre ne pratiquait le grec : ils ont dû puiser dans les commentaires, rédigés en latin, d’un grand humaniste à l’époque de la Renaissance italienne, Robortello d’Udine (1516-1567). Fitzmaurice-Kelly indique ainsi : « Lope makes a show of quoting Aristotle but all of his learning is derived from Donatus and from Robortello d’Udine, the latter of whom was studied later by Corneille » (p. 37)3. D’une part, on peut demander si les lectures idiosyncrasiques de l’un et de l’autre ont pour source les traductions en tant que telles ; de l’autre, il faudrait savoir dans quelle mesure nos deux hommes de théâtre ne sont que les porte-paroles de leurs milieux respectifs et des lectures qu’ils ont faites du texte de Robortello. Autrement dit, quelles étaient les motivations qui ont conduit Lope de Vega et Pierre Corneille à se rebeller contre les lois dites

1 Nous abrégeons Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo dans la suite du travail à Arte nuevo.

2 Les Trois Discours sont le Discours de l’utilité du poème dramatique, Discours de la tragédie, Discours des trois unités. Nous utilisons les abbréviations suivantes: DPD., DT., et 3U., respectivement.

3 Quant à Lope de Vega, il encourage ses auditeurs/ses lecteurs à lire l’humaniste italien dans son Arte nuevo :

« [s]i pedís arte, yo os suplico, ingenios/que leáis al doctísimo utinense/Robortelio, y veréis sobre Aristóteles » (v.

141-143). Quant à Pierre Corneille, il évoque les commentaires de Robortello lorsqu’il parle de la catharsis dans son Discours tragique : « [u]n des interprètes d’Aristote […] pour la produire il faut les conditions qu’il demande, elles se rencontrent si rarement, que Robortel ne les trouve que dans le seul Œdipe » (DT., p. 146).

(6)

2 classiques du théâtre à une époque où, au contraire, les critiques s’attendaient au respect de leurs multiples contraintes ?

Afin de schématiser les changements ou les rejets faits aux règles classiques par les dramaturges du dix-septième siècle, il faut commencer avec le texte ancien qui les a introduites : La Poétique

d’Aristote. Une juxtaposition de la théorie aristotélicienne avec l’interprétation de ce texte faite par Robortello dans son Commentary on Aristotle’s Poetics nous montrera les explications fidèles ou contradictoires de l’humaniste italien qui pouvaient influencer les théories du dix-septième siècle4. De plus, il faudra examiner son traité, On Comedy, qui est effectivement une extrapolation de la théorie tragique d’Aristote, afin de recréer ce que le philosophe grec aurait dû dire à propos de la comédie. Par la suite, il s’agira d’une comparaison entre la théorie aristotélicienne et la théorie de Lope de Vega (Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo) et la théorie de Pierre Corneille (surtout Les trois discours et les examens qu’il a faits de ses propres pièces). Ensuite, nous exécuterons une analyse des pratiques expliquées dans leurs textes théoriques ; c’est-à-dire, une analyse des pièces de théâtre, celles-ci étudiées selon le prisme des règles classiques. Les pièces choisies pour une analyse détaillée sont au nombre de quatre : une comédie et une tragédie de Lope de Vega (Fuenteovejuna et Los melindres de Belisa, respectivement) et une tragédie et une tragicomédie de Pierre Corneille (Horace et Le Cid, respectivement). En révélant les écarts par rapport aux « lois » aristotéliciennes, nous mesurerons l’envergure de leurs modifications : l’on découvrira des fois un véritable rejet ou d’autres fois un précepte classique gardé tout comme Aristote l’a introduit. Donc, peut-on voir un abandon des règles classiques, ou plutôt une métamorphose du théâtre aristotélicien ?

Une comparaison entre Lope de Vega et Pierre Corneille n’est pas une idée nouvelle et de nombreuses études ont souligné les liens : Le Masque et le visage : du baroque espagnol au classicisme français (Cioranescu, 1983), « Corneille traducteur de Lope de Vega : le cas de La Suite du Menteur » (Couderc, 2011), Du gracioso au valet comique : contribution à la comparaison de deux dramaturgies (Dumas, 2004), et deux travaux de Lilliane Picciola ; Corneille et la Dramaturgie espagnole (2002) et « Hispanités de Corneille » (2005), parmi d’autres. Par conséquent, le but du présent travail ne consiste pas à présenter les ressemblances entre les deux dramaturges, mais plutôt à élucider leurs lectures

4 En fait, il est très difficile de trouver les textes de Robortello dans les langues modernes. Puisque

malheureusement nous ne lisons pas le latin, nous avons dû consulter des extraits traduits de son Commentary (abrégé à C. dans ce travail) dans une anthologie des théories dramatiques, Sources of Dramatic Theory 1 : Plato to Congreve (1991), éditée par Michael J. Sidnell et le traité de Robortello, On Comedy (abrégé à OC.), traduit dans une étude par Marvin T. Herrick, Comedy in the Sixteenth Century (1950). Cela explique pourquoi les citations de Robortello seront présentées en anglais dans ce travail.

(7)

3 respectives d’Aristote, accomplies à travers les commentaires de Robortello. De cette manière, nous indiquerons les similarités théoriques afin de voir si les deux dramaturges, souvent comparés, étaient influencés semblablement par leurs lectures de Robortello. Si les similarités ne peuvent pas être expliquées par Robortello, subissaient-ils d’autres influences ?

Étant donné que Robortello n’est pas largement étudié, ce travail s’effectuera à l’aide de deux articles fondateurs de Bernard Weinberg : « From Aristotle to Pseudo-Aristotle » (1953) et « Robortello on the Poetics » (1954). En fait, Weinberg a étudié Robortello et sa connexion à Aristote ainsi que les doctrines poétiques de la Renaissance. Nous profiterons aussi de quelques critiques et écrivains contemporains de nos deux dramaturges, afin de montrer l’acceptation ou l’appréhension à l’époque des éléments dramatiques discutés. Quant à Lope de Vega, nous évoquerons el Pinciano, Francisco de Cascales et Miguel de Cervantes. Quant à Pierre Corneille, nous rappellerons surtout l’Académie

française et son enquêteur Georges de Scudéry5, ainsi que dans une moindre mesure, l’Abbé d’Aubignac et Molière. En outre, ce travail réfère aussi aux critiques modernes : Deborah Blocker, « Élucider et équivoquer : Francesco Robortello (ré)invente la “catharsis” » (2004), Gail Bradbury, « Tragedy and Tragicomedy in the Theatre of Lope de Vega » (1981), Florence Dupont, Aristote, ou, le vampire du théâtre occidental (2007), David Javitch, « The Assimilation of Aristotle’s Poetics in Sixteenth-century Italy » (1999), et Antonio Sánchez Jiménez, « Vulgo, imitación y natural en el Arte Nuevo de hacer comedias (1609) » (2011), parmi d’autres. De plus, nous nous tournons à un article utile de Margaret R.

Greer, « A Tale of Three Cities : The Place of the Theatre in Early Modern Madrid, Paris and London » (2000), pour avoir une meilleure idée de l’atmosphère du théâtre et des personnes impliquées dans les deux villes différentes où Lope et Corneille travaillaient et où leurs pièces étaient représentées.

Finalement, nous profitons des commentaires et notes très utiles de Juana de José Prades et de Georges Couton, les éditeurs des éditions modernes de Lope de Vega et de Pierre Corneille.

Enfin, la conclusion répondra à la question suivante : qui est la véritable autorité du théâtre ? Est-ce que c’est Aristote comme tout le monde le croit ou est-ce que le philosophe grec a perdu son pouvoir ou son influence peu à peu ? Autrement dit, est-ce que les « lois » classiques d’Aristote sont véritablement des lois immuables, ou sont-elles malléables d’après le siècle et le milieu social où l’on se trouve ? Ou bien, jusqu’à quel point les écrivains dramatiques pouvaient-ils repousser les limites présentées dans La Poétique avant d’être appelé « barbares » (le mot que Lope de Vega a utilisé en se décrivant lui-même) ou d’effectuer des « hérésies » (le mot choisi par Pierre Corneille qui décrit ses

5 Étant donné que Scudéry participe aussi à L’Académie, on trouvera parfois des commentaires similaires.

(8)

4 pièces) ? En tout, ce travail tentera de dégager de nouvelles perspectives au sujet du classicisme douteux de Lope de Vega et de Pierre Corneille.

(9)

5 1. La théorie dramatique d’Aristote et de Robortello

La Poétique, écrite originellement en grec, mais traduite dans maintes langues au cours des siècles, explique comment l’écrivain poétique peut réussir son art. La doctrine serait divisée en deux parties : la première, le texte que nous possédons, qui développe l’épopée et la tragédie et la deuxième qui devait examiner la comédie et la représentation en hexamètres6. Malheureusement, cette

deuxième partie, si elle a jamais été réalisée, est perdue. Alors qu’Aristote n’avait proposé aucune définition explicite de la comédie qui a survécu au-delà de l’Antiquité, néanmoins, « [t]his did not prevent Robortello, or Giraldi, or Trissino or, later, Riccoboni from projecting, each in a different way, what they imagined the fuller Aristotelian definition might be » (Javitch, p. 61). Effectivement,

Robortello7, comme les autres exégètes, a extrapolé sur ce que la première partie contenait à propos de la tragédie, afin de recréer la partie perdue, vu que les mots d’Aristote étaient considérés trop cruciaux pour être oubliés. D’ailleurs, La Poétique formait la base de plusieurs théories dramatiques du siècle et continue d’être une œuvre fréquemment étudiée aux temps moderns8. Ainsi, Bernard Weinberg, dans son article « Robortello on the Poetics » suggère que le texte de Robortello était le premier qui essayait d’interpréter la doctrine ancienne et qu’en fait, après la publication en 1548 de son Commentaire sur la Poétique et son traité Sur la comédie, plusieurs autres commentaires apparurent9. De plus, il souligne l’importance de Robortello pour les critiques européens : « if Aristotle’s work, through its

transformations and deformations, is at the basis of the classical doctrine in European criticism, Robortello’s lengthy interpretation of the work is the first step in the formation of that doctrine » (Weinberg, p. 319). Par conséquent, il est probable que les textes de Robortello ont beaucoup influencé les études sur Aristote au cours des siècles, à démarrer avec les critiques de la Renaissance italienne.

6 Dans le sixième chapitre de La Poétique (nous abrégeons dans les références à P.), qui traite de la tragédie et de sa définition, Aristote informe ses lecteurs que « [n]ous parlerons plus tard de l’art de représenter en hexamètres et de la comédie » (P., ch. 6, p. 53). À la fin de la version de La Poétique qui survit à nos jours, il affirme que : « [e]n voilà donc assez au sujet de la tragédie et de la représentation par l’action » qui indique la terminaison d’un sujet et le changement attendu à un autre (ch. 22, p. 117). Cependant, la partie suivante n’existe plus.

7 Nous avons choisi d’utiliser son nom italien, Robortello, afin de garder la cohérence entre les parties différentes de ce travail. Pourtant, il faut être conscient que les textes français emploient généralement son nom français, Robortel, et les textes espagnols utilisent parfois le nom espagnol, Robortelio.

8 Par exemple, nous pouvons évoquer la traité de Longinus, intitulée On the Sublime, rédigée dans l’Antiquité, Horace dans l’Antiquité a écrit sa Poétique vers 14 av. J.-C., Alonso López Pinciano, un humaniste espagnol a rédigé sa Philosophia antigua poética, en 1596, La pratique du théâtre de François Hédelin, abbé d’Aubignac a paru en 1657 et L’art poétique de Boileau a été publié en 1674. Tous ces textes sont basés sur le texte aristotélicien, La Poétique de l’Antiquité.

9 « In none of these or in the other texts or translations had any attempt been made to expound the meaning of the document. After Robortello, however, major commentaries on the Poetics abound. […] What these later commentators had to say about the text was closely related to Robortello’s statements, either by acceptance or by rejection, and his name constantly recurs on their pages » (Weinberg, p. 319).

(10)

6 Donc, nous devons savoir de quelle manière l’humaniste italien interprète la Poétique ; c’est-à-dire, reste-t-il fidèle aux concepts aristotéliciens ? D’après Weinberg, dans un autre article, « From Aristotle to Pseudo-Aristotle », Robortello est le premier pseudo-aristotélicien qui avait mal interprété la Poétique parce qu’il était influencé par les textes autour de lui10. Nous posons la question : est-ce une mauvaise interprétation si on utilise ce qu’on sait pour lire un texte, ou est-ce une tentative d’expliquer un texte avec les concepts qu’on comprend à un moment donné, pour que le texte soit plus accessible ? De ce fait, on verra les différences entre la théorie aristotélicienne et la théorie de Robortello afin de trouver les modifications faites par l’humaniste et son raisonnement pour les avoir faites.

La raison d’être du poème dramatique

Le premier élément du théâtre à considérer est sa création et sa raison d’être ; qu’est-ce que le théâtre désire accomplir ? Aristote nous enseigne que l’art poétique « paraît devoir sa naissance à deux causes, toutes deux naturelles » (P., ch. 4, p. 43). Il pense que la nature de l’homme a une tendance à représenter ce qu’il voit, aussi bien qu’une tendance à s’amuser en apprenant quand il voit les

représentations (Aristote, P., ch. 4, p. 43). Conséquemment, les personnes les mieux disposées à ces tendances naturelles improvisaient et donnaient naissance à la poésie. De cette manière, les auteurs

« graves » écrivaient des tragédies et les auteurs « légers » écrivaient des comédies (Aristote, P., ch. 4, p.

44-45). En conséquence, la pièce théâtrale est une représentation, une imitation de ce qu’on voit dans la vie réelle qui donne plaisir aux spectateurs parce qu’ils aiment naturellement voir une imitation.

Robortello, en interprétant la pensée d’Aristote, explique succinctement ce but de l’art poétique :

« poetry has a double end as its goal, and one is prior to the other. Imitation comes first and pleasure is second » (C., p. 88). C’est-à-dire, le poète devrait faire une imitation, et cette imitation donnerait plaisir11. La différence entre les deux hommes se trouve dans le deuxième but de l’humaniste italien.

D’après Aristote, le plaisir est une conséquence de l’imitation, mais d’après Robortello, le plaisir est un but secondaire. Par conséquent, il nous semble que le plaisir devient plus important chez Robortello, même s’il conserve le premier but aristotélicien d’imiter.

10 « Thus he finds numerous points of contact between Horace and Aristotle, and interprets passages from the Poetics as if they came from the Ars poetica. And, especially, he relates the text to the large number of rhetorical treatises which had long been the subject of study and elucidation. […] It is not surprising then, that this first commentary on the Poetics should also be a first step in the direction of a pseudo-Aristotelean theory » (Weinberg, p. 100).

11 Aussi, Robortello parle du plaisir trouvé dans les sculptures et les peintures avant de dire : “[w]hat other end, then, shall we say the poetic mode has than to give delight by representation, description, and imitation of all human actions, every emotion, and every thing, living or inanimate ?” (C., p. 86).

(11)

7 Les trois unités

En dépit du fait que les trois unités sont parmi les règles classiques les plus connues de nos jours, ce terme n’apparaît pas au seizième siècle dans les textes de Robortello ; il s’agit essentiellement d’une invention du dix-septième siècle français. Aristote n’introduit pas explicitement ces unités, malgré que ces unités soient parfois incorrectement appelées aussi les unités aristotéliciennes12. Le philosophe grec ne discute en détail que ce que nous appelons l’unité d’action. Nous réservons la discussion des unités pour plus tard, où nous pouvons voir leur développement et application13. Le nécessaire et le vraisemblable

D’après Aristote, tout dans le poème dramatique doit être vraisemblable ou nécessaire. Ces mots, nécessaire et vraisemblable, reviennent à plusieurs reprises dans le texte (nous soulignons):

« [U]ne série d’événements enchaînés selon le vraisemblable ou le nécessaire fournit une délimitation satisfaisante de la longueur » (Aristote, P., ch. 7, p. 61).

« Il faut aussi dans les caractères, comme dans l’agencement systématique des faits, chercher toujours le nécessaire ou le vraisemblable : qu’il soit nécessaire ou

vraisemblable que tel homme dise ou fasse telle chose, nécessaire ou vraisemblable que ceci se produise après cela » (Aristote, P., ch. 15, p. 85).

« Le coup de théâtre est, comme on l’a dit, le renversement qui inverse l’effet des actions, et ce, suivant notre formule, vraisemblablement ou nécessairement » (Aristote, P., ch. 10, p. 71).

« [Le déroulement de l’action] doit découler de l’agencement systématique même de l’histoire, c’est-à-dire survenir comme conséquence des événements antérieurs, et se produire par nécessité ou selon la vraisemblance » (Aristote, P., ch. 10, p. 69).

En effet, il donne la liberté de choix aux dramaturges en employant le mot « ou » entre les deux options.

Si le Grec insiste sur ce choix plusieurs fois tout au long de sa Poétique, le problème est qu’il ne définit pas ce qu’on doit entendre comme le vraisemblable ou le nécessaire. Robortello semble accepter l’alternative nécessaire ou vraisemblable, mais soulève un problème. Si le poète invente l’action

[H]e must invent according to the possible (I may so render to dynaton) or necessary, or the probable and the verisimilar… But at this point there arises another question.

When Aristotle states that a poet departs from the truth on the condition that he invents nothing contrary to the possible, the necessary, or the verisimilar, his

12 Par exemple, Irving P. Rothberg, dans son article « Lope de Vega and the Aristotelian Elements of Comedy », utilise le terme « Aristotelian unities » (p. 1).

13 Voir le quatrième chapitre à propos des trois unités classiques.

(12)

8 statement does not seem to be true and it can be shown by many arguments and

examples (Robortello, C., p. 91-92).

Il continue en démontrant plusieurs exemples des événements irréels qu’on trouve et qu’on accepte dans les poèmes anciens. Il explique qu’on accepte ces événements parce qu’ils sont déjà accueillis par les hommes. Nonobstant, puisque la tragédie et la comédie sont des imitations, elles ne permettent aucune fiction de ce type, comme il est permis dans l’épopée. Robortello l’explique en notant que les événements merveilleux peuvent être racontés dans la narration épique, mais ils ne peuvent pas être représentés par les acteurs. Donc, il paraît que l’Italien n’accepte pas les événements irréels dans le poème dramatique, pourtant il laisse un moyen de le faire avec les mots suivants : « [t]hus the same situation [mentioned above] prevails in comedy, although comedy does not admit even the incidents that tragedy does, like conversations with gods, whether conducted from a machine or other ways » (Robortello, C., p. 92). Robortello désire protéger la comédie de ces événements, mais les mots « or other ways » indiquent qu’il est possible de mettre le merveilleux dans la tragédie en dépit du fait qu’on ne peut pas le représenter sur scène. Lorsqu’il déclare que la narration (dans l’épique) admet l’irréel, peut-être les dramaturges peuvent-ils faire raconter par leurs personnages ces types

d’événements plutôt que de les exclure totalement ? Il est intéressant qu’Aristote semble appuyer l’usage de la narration pour les événements irrationnels aussi, comme la machine qui ne doit pas être utilisée en dehors de la tragédie ; soit avant, soit après14. Autrement dit, s’il faut employer un

événement irréel, l’évènement doit être déjà accepté par les spectateurs et il faut le raconter par la narration au lieu de le représenter.

Donc, si Robortello accepte difficilement les événements irréels, accepte-t-il mieux les événements réels ?

[P]oetry takes as its matter fictional and mythical discourse, clearly poetry’s province is to shape myth and fiction in a suitable manner and no other art more properly devises fiction than poetry… To speak briefly : in poetic fictions false principles are taken up as true and from them are drawn true conclusions. There is no reason for anyone to think that all stories relate to poetry. For poetry speaks only of those things which are or could be or what long-standing opinion among men holds to exist.

But it does not fabricate or name particular things which do not in fact exist, for since

14 « Il est donc évident que le dénouement de chaque histoire doit aussi résulter de l’histoire elle-même, et non d’un recours à la machine […] : la machine ne doit être utilisée que pour les événements extérieurs à la pièce, ceux qui sont arrivés précédemment et dont l’homme ne peut avoir connaissance, ou ceux qui arriveront plus tard et qui exigent une prédiction annoncée par quelqu’un : car nous reconnaissons aux dieux le don de tout voir. Mais il ne doit y avoir rien d’irrationnel dans les faits ; ou, si c’est le cas, que ce soit en dehors de la tragédie » (Aristote, P., ch. 15, p. 87). Nous reviendrons à la notion de machine dans notre analyse de Corneille au chapitre trois.

(13)

9 poetry strives above all to imitate, it can only imitate what exists and what performs

some action (Robortello, C., p. 85).

C’est-à-dire, le poète imite le réel en inventant les actions pour ses pièces ; il écrit la fiction basée sur ce qui existe ou ce qui est connu. Il est vrai que Robortello admet l’usage de « those things which are », tout comme les choses acceptées par les hommes, mais il penche pour les inventions tirées à partir de la réalité. De ce fait, Bernard Weinberg explique comment Robortello interprète le nécessaire et le

vraisemblable : « “true actions”, as they should be or seemed to be […], fall into the category of the necessary ; “invented” actions into that of the probable or verisimilar » (« Robortello on the Poetics », p.

333). Par conséquent, nous pouvons affirmer que Robortello penche pour le vraisemblable ; les événements qui semblent réels.

La division de l’histoire dramatique : le nœud et le dénouement

Le philosophe grec introduit un clivage dans l’histoire du poème qui le divise en deux : le nœud et le dénouement. Il explique que le nœud est « ce qui va du début jusqu’à la partie qui précède

immédiatement le renversement qui conduit au bonheur ou au malheur, [et le] dénouement [est] ce qui va du début de ce renversement jusqu’à la fin » (Aristote, P., ch. 18, p. 97). Autrement dit, le

dénouement marque le point dans l’histoire où il y a le grand changement qui amène l’histoire à sa fin.

Pour sa part, le commentateur italien considère que tout ce qui se passe du début au changement est le nœud et que tout ce qui va de ce changement à la fin est le dénouement15. Robortello reste donc fidèle à Aristote dans cet élément.

Quatre réquisits des personnages

Avant de regarder la division des genres dramatiques, il faut parler d’un autre élément qui concerne tous les deux genres : les réquisits aristotéliciens du caractère pour les personnages. Aristote nous enseigne qu’« il y a quatre buts qu’il faut viser [en matière de caractères] » (P., ch. 15, p. 85).

Robortello suggère aussi que « [f]our things should be considered in Characters » (OC., p. 234). De ce fait, nous comparons les quatre buts de chaque homme pour voir les similarités ou différences dans ce qu’ils considèrent favorables pour les caractères.

15 « In the art of writing Comedy it is important to recognize that its duration is limited by two goals, namely dénouement and complication. All that extends from the beginning of the play to the point where the bustle of affairs turns and a change takes place is called the complication, as I have related above. That part which extends from the beginning of the change to the end of the play is called the dénouement. He who will keep these things before his eyes will both readily judge the writings of the ancient poets and will himself write Comedy in an easier fashion » (Robortello, OC., p. 234).

(14)

10 Le premier but aristotélicien « c’est qu’ils soient de qualité », autrement dit, que les choix des paroles et des actions sont de qualité16. L’Italien explique que « one should see to it that goodness and badness are presented in the several kinds of people. If somebody is good, then the character assigned him should be good. Character is expressed by speech and by action, for we know from his speech and action whether someone is good or bad » (Robortello, OC., p. 234). Il semble que les commentaires de Robortello sont une extrapolation de la citation aristotélicienne : il interprète la qualité comme la représentation du caractère mauvais ou bon.

Le deuxième but est « la convenance : un caractère peut être viril, mais il ne convient pas qu’une femme soit virile ou éloquente » (Aristote, P., ch. 15, p. 85). Selon Robortello, « what is requisite in Character is “appropriateness” » (OC., p. 235). Les deux hommes pensent que le caractère doit convenir ce à quoi les spectateurs s’attendent. Puisque le philosophe grec nous donne l’exemple d’une femme virile ou éloquente qui ne convient pas, nous savons que le concept de convenance dépend des spectateurs.

Le troisième but est « la ressemblance » (Aristote, P., ch. 15, p. 85). Cependant, la seule explication que le Grec nous donne est « ce qui est autre chose que de faire un caractère qui a qualité ou convenance au sens que j’ai dit » (Aristote, P., ch. 15, p. 85). Quant à l’humaniste italien :

« Character ought to be what Aristotle, in the Poetics, calls “like the reality” ; that is to say, the imitation of character in any role should be expressed according to his traditional reputation and the common opinion of mankind » (Robortello, OC., p. 235). Donc, Robortello explique que la ressemblance veut dire comme la réalité ; ce qui nous mène vers le concept de vraisemblance.

Le quatrième but est « la constance » (Aristote, P., ch. 15, p. 85). Robortello est en accord : « it is necessary to make Character « consistent » ; characters should be consistent throughout the poem » (OC., p. 235). Pour en conclure, Aristote et Robortello proposent les mêmes quatre réquisits du

caractère. La seule différence est que l’humaniste italien extrapole un peu sur ce que le philosophe grec dit à propos de la qualité.

La comédie et la tragédie

La doctrine aristotélicienne manifeste une distinction claire et rigide entre la comédie et la tragédie en déclarant que « l’une veut représenter des personnages pires, l’autre des personnages

16 « [I]l y aura caractère si les paroles ou l’action révèlent un choix déterminé : le caractère aura de la qualité si ce choix est de qualité » (Aristote, P., ch. 15, p. 85).

(15)

11 meilleurs que les hommes actuels »17. Autrement dit, la comédie représente les hommes bas et leurs actions basses et la tragédie représente les hommes nobles et leurs actions nobles. Ce qui rend l’étude plus compliquée est le fait que la deuxième partie de La Poétique, où Aristote aurait développé sa théorie comique, est perdue entre l’Antiquité et la Renaissance européenne. Par conséquent, ce que nous savons sans aucun doute sur ses idées comiques se trouve dans les commentaires par-ci par-là qui comparent la tragédie et la comédie tout au long de sa doctrine tragique, ce qui montre clairement qu’Aristote voit une différence stricte entre les deux genres. Robortello établit la même distinction entre les deux genres en examinant leurs sujets et personnages : la tragédie représente les désastres et les douleurs d’un roi ou d’un grand héros, donc il met en scène les hommes exceptionnels, alors que la comédie représente les actions assez insignifiantes et triviales des hommes sans valeur18. Par

conséquent, il est évident qu’Aristote et Robortello classifient les poèmes dramatiques selon le niveau social de leurs personnages.

La catharsis tragique : la pitié et la frayeur

Le philosophe grec considère que la tragédie est une représentation d’une action noble qui, en représentant la pitié et la frayeur, réalise une épuration de ce genre d’émotions 19. Cet effet est

controversé pour le lecteur parce qu’Aristote ne définit pas le dernier élément de la phrase : « épuration de ce genre d’émotions »20. On appelle cet effet « catharsis », qui vient du mot grec katharsis qui est traduit dans la citation précédente par « épuration ». En fait, à son origine grecque, le mot « catharsis »

17« Puisque ceux qui représentent représentent des personnages en action, et que nécessairement ces personnages sont nobles ou bas (les caractères relèvent presque toujours de ces deux seuls types puisque, en matière de caractère, c’est la bassesse et la noblesse qui pour tout le monde fondent les différences), c’est-à-dire soit meilleurs, soit pires que nous, soit semblables […]. C’est sur cette différence même que repose la distinction de la tragédie et de la comédie : l’une veut représenter des personnages pires, l’autre des personnages meilleurs que les hommes actuels » (Aristote, P., ch. 2, p. 37).

18 « What differentiates tragedy and comedy arises from their subject matter. For since tragedy is engaged in the imitation and representation of the disasters and miseries of a king or some hero, it imitates above all men of outstanding type. By choice it unfolds the predicament of prominent people, since a greater degree of compassion is excited from their character than if the catastrophe of obscure and lowly people were passed in review. Comedy represents the somewhat insignificant and trivial actions of men… » (Robortello, C., p. 87). Plus tard il ajoute que

« comedy imitates “worthless people” […and] tragedy imitates more outstanding people » (Robortello, C., p. 96).

19 « La tragédie est la représentation d’une action noble, menée jusqu’à son terme et ayant une certaine étendue, au moyen d’un langage relevé d’assaisonnements d’espèces variées, utilisé séparément selon les parties de l’œuvre ; la représentation est mise en œuvre par les personnages du drame et n’a pas recours à la narration ; et, en représentant la pitié et la frayeur, elle réalise une épuration de ce genre d’émotions » (Aristote, P., ch. 6, p. 53).

20 Voir ce que Dupont-Roc et Lallot, les éditeurs de La Poétique, disent à propos de cette phrase : « C’est la question, fameuse et toujours controversée, de la katharsis. Fameuse en raison du lien qui a été établi dès la Renaissance entre la notion de katharsis et le grand problème de la moralité du théâtre. Controversée, parce que ce dernier élément de la définition, n’étant ni repris des chapitres précédents, ni explicité dans la suite, pose une véritable énigme au lecteur de la Poétique » (Aristote, note de Dupont-Roc et Lallot, P., ch. 6, p. 188).

(16)

12 ne réfère qu’à la purgation ou épuration. La définition que nous avons aujourd’hui est d’origine

aristotélicienne, probablement du sixième chapitre de La Poétique que nous venons de citer. Toutefois, cette catharsis peut avoir plusieurs interprétations qui compliquent l’étude. Dans son livre, Catharsis in Literature, Adnan Abdulla discute les nombreuses interprétations puis se concentre sur les trois les plus communes : « purgation, purification, [et] clarification » (p. 23). Il explique :

The term “catharsis” has been translated as “purgation”, or “purification”, or

“clarification”, with medical, religious, moral, psychological, or aesthetic

connotations, and any critic’s particular interpretation of catharsis reflects a frame of reference and priorities (Abdulla, p. 13).

C’est-à-dire, l’interprétation qu’un critique fait du mot « catharsis » dépend de son système de

référence. Par conséquent, on ne peut pas s’attendre à ce que les dramaturges du dix-septième siècle interprètent cet effet de la même manière que les critiques de nos jours. De ce fait, Jonathan Lear, dans son article, « Katharsis », examine et réfute les modèles de purgations des émotions, purification des émotions et éducation éthique de la catharsis afin d’arriver à une meilleure interprétation (p. 299-309).

Nous allons regarder l’interprétation de Robortello afin de dégager la signification de la « catharsis » pour un poète dramatique du seizième siècle.

Pour bien comprendre les commentaires d’Aristote sur la catharsis, il faut d’abord considérer les définitions aristotéliciennes de frayeur et de pitié. On doit à ce propos évoquer le cinquième chapitre du deuxième livre de La Rhétorique qui définit la peur et ses causes, car les définitions données dans La Poétique ne sont pas assez développées21. « Définissons la peur (phobos) comme une souffrance (lupè) et une perturbation (tarakhè) issues de la représentation (phantasia) d’un mal à venir susceptible de causer destruction ou souffrance » (Aristote, R., II, ch. 5, p. 288). Le huitième chapitre du même livre discute la pitié et ouvre avec la définition suivante : « [d]éfinissons la pitié (eleos) comme une souffrance (lupè) provoquée par le spectacle, à proximité immédiate, d’un mal susceptible de détruire ou de faire souffrir quelqu’un sans raison, et dont on pourrait être menacé, soi-même ou l’un des siens » (Aristote, R., II, ch. 8, p. 309). C’est-à-dire, la tragédie doit être tragique, elle doit faire sentir à ses spectateurs les souffrances de cette sorte. Cependant, le philosophe n’explique pas comment les souffrances de la pitié et la frayeur mènent les spectateurs à épurer des émotions semblables.

21 Le chapitre commence : « Définition de la peur. Ses causes » (Aristote, R., II, ch. 5, p. 288). Quant à La Poétique, dans le treizième chapitre où il introduit « les moyens de produire l’effet propre de la tragédie », il parle des deux :

« l’une – la pitié – s’adresse à l’homme qui n’a pas mérité son malheur, l’autre – la frayeur – au malheur d’un semblable » (Aristote, p. 77). Nous abrégons La Rhétorique à R. dans la suite du travail.

(17)

13 Pour que nous puissions mieux comprendre l’interprétation de notre humaniste italien, nous regardons brièvement une idée commune de son époque : la moralité de la catharsis. D’après Abdulla, la signification morale ou éthique de la catharsis est issue de la Renaissance et subséquemment a dominé les critiques italiennes et européennes jusqu’au dix-neuvième siècle22. Il explique que le but de cette signification était de défendre la littérature des attaques contre son immoralité et irresponsabilité (Abdulla, p. 17)23. Puisque la moralité était fortement estimée dans la Renaissance, il n’était pas surprenant que les lecteurs de cette époque cherchassent une explication morale dans la catharsis.

Dans son article, « The Assimilation of Aristotle’s Poetics in Sixteenth-century Italy », Daniel Javitch indique que : « [c]atharsis did serve to corroborate that, for Aristotle, as for many of his sixteenth- century readers, the end of poetry was to persuade its readers to behave, or avoid behaving, in certain ways » (p. 58). Pourtant, est-ce que Robortello penche pour une fonction morale du poème

dramatique ?

Selon Robortello, les émotions sont purgées quand les spectateurs regardent la représentation, parce que les actions tragiques représentées méritent la pitié et la crainte de tout le monde, nous

réagissons avec moins de souffrance quand nous avons une expérience tragique dans nos propres vies24. Puisque le Grec n’avait pas expliqué comment la purgation fonctionne, ainsi l’Italien semble proposer l’hypothèse que l’effet de la catharsis produit par la représentation tragique fait que

Finally the audience and the spectators receive from tragedy the supreme benefit that, since all people are subject to the same fate and nobody is immune from disasters, men endure with greater ease any misfortune that happens to them and support themselves with the very powerful consolation of recalling that the same disaster has occurred to others… (Robortello, C., p. 90).

Stephen Halliwell appelle cette interprétation « emotional fortitude » : « [i]n principle separable from the moralistic interpretation, though in practise often overlapping with it, is the notion of katharsis as the acquisition of EMOTIONAL FORTITUDE : through exposure to others’ greater sufferings, our

22 « A second significant meaning of catharsis has been moral, or ethical, a meaning that originated in the Renaissance and subsequently dominated Italian criticism and criticism elsewhere in Europe up to the end of the eighteenth century » (Abdulla, p. 17).

23 « Such meaning was defensive, an attempt to defend literature from attacks against its immorality and irresponsibility » (Abdulla, p. 17).

24« If anyone asks the nature of Aristotle’s opinion about tragedy, my answer is that he thinks that the two emotions of pity and fear are purged when it is performed and seen. For when men are present at performances and they hear and see actors speaking and performing those things which closely approximate truth itself, they generally feel pain, fear, and compassion. The result is that when they themselves experience what all men must, they suffer less pain and fear » (Robortello, C., p. 90).

(18)

14 susceptibillity to pity and fear in our own lives is lessened » (Halliwell, p. 351). Par conséquent, il paraît que l’interprétation de la catharsis de Robortello est influencée par son système de référence : la force morale dans la Renaissance. Dans son article, « Robortello on the Poetics », Bernard Weinberg soutient cette idée :

The utility is then an ethical one, achieved through rhetorical means; men discover through poetry man’s common fate, they learn what characters and events are worthy of dread and of commiseration, they achieve a capacity to moderate their own passions when adversity strikes (p. 323).

Donc, il est évident que la purgation des émotions par la pitié et la crainte, développée par Robortello, a un but moral, mais par quels moyens est-ce que le dramaturge l’amène ?

Aristote nous enseigne « qu’on ne doit pas avoir des justes passer du bonheur au malheur […] ; ni des méchants passer du malheur au bonheur […] ; il ne faut pas non plus qu’un homme foncièrement méchant tombe du bonheur dans le malheur » parce que ces situations n’éveillent ni la crainte ni la pitié (P., ch. 13, p. 77). Selon le Grec, l’histoire qui suscite la purgation de la pitié et la crainte est « celle d’un homme qui, sans atteindre à l’excellence dans l’ordre de la vertu et de la justice, doit, non au vice et à la méchanceté, mais à quelque faute, de tomber dans le malheur »25. De ce fait, l’homme suscite de la peur parce qu’on voit qu’un mal qui cause des souffrances va venir bientôt et peut nous arriver, ainsi qu’il suscite de la pitié, car il est conduit vers le mal par une faute plutôt qu’une méchanceté qu’on peut condamner. Aussi, Robortello nous donne-t-il les trois mêmes personnages inacceptables que le philosophe grec condamne dans La Poétique26. Tout comme Aristote, Robortello cherche un cas

intermédiaire. L’Italien explique qu’une offense commise dans l’ignorance est une action entre les deux extrêmes du mauvais et du bon27. Il ajoute que l’offense commise doit être si grande que le personnage tombe de la hauteur du bonheur jusqu’à la misère profonde, afin de susciter l’effet le plus grand sur les spectateurs28.

25 Pour citer des exemples : « – un homme parmi ceux qui jouissent d’un grand renom et d’un grand bonheur, tels Œdipe, Thyeste et les membres illustres de familles de ce genre » (Aristote, P., ch. 13, p. 77).

26 « In my view, it might be best to group the three types of actions unsuitable for tragedy. Firstly, the fall of a good man into unhappiness, then the attainment of happiness by a man of evil and dishonest character, and finally a reprobate’s descent into misery … » (Robortello, C., p. 95).

27 « It remains that only one way of creating a tragedy is permissible, namely one that arises from the fate and action of some wretch who lies midway between the extremes of the good and bad… Clearly, a man who commits an offense, yet does so in ignorance, has to be placed at a point midway between the good and the bad… » (Robortello, C., p. 95).

28 « [T]he offense should be great and detestable and the character should fall from the pinnacle of happiness to the deepest misery. For if the offense is negligible or the unhappiness not great enough, it will inevitably follow

(19)

15 En outre, il est important de noter le « et » dans la phrase aristotélicienne « en représentant la frayeur et la pitié », car au contraire de la phrase déjà étudiée « le vraisemblable ou le nécessaire », qui utilise un « ou », cette phrase contient un « et ». On peut considérer que le « et » indique que le dramaturge n’a pas le choix donné par le « ou » où il peut choisir l’une ou l’autre émotion, mais qu’il doit susciter les deux : la frayeur et la pitié. La question qui en découle est celle-ci : doit-on produire les deux émotions en même temps ou produire les deux à des moments différents tout au long du poème dramatique ? Afin de répondre à cette question, nous regardons la citation clé : « la tragédie doit représenter des faits qui éveillent la frayeur et la pitié » (Aristote, P., ch. 13, p. 77). Aristote ne dit pas explicitement que les mêmes faits doivent éveiller la frayeur et la pitié, mais simplement que la tragédie doit avoir des faits qui éveillent les deux émotions. Ainsi, la doctrine aristotélicienne semble permettre que les deux puissent être produits à des moments différents, pourvu que les deux apparaissent dans le poème dramatique. De plus, le commentateur italien semble appuyer cette liberté dramatique de diviser les deux passions. Malgré que Robortello soutienne qu’une action tragique doit entraîner toutes deux, la pitié et la crainte, il admet que les deux émotions n’existent pas toujours ensemble dans la même matière ; qu’elles peuvent être séparées29. Une raison qu’elles peuvent apparaître

indépendamment se trouve ailleurs chez Aristote dans La Rhétorique où il explique qu’un événement effrayant est différent d’un événement pitoyable, car l’un est capable de chasser l’autre, parce qu’on n’éprouve plus la pitié lorsque l’événement effrayant est si proche de soi qu’on passe à une émotion encore plus forte30. Chez Aristote et Robortello, il semble que le poète peut créer des actions qui suscitent la pitié séparément des actions qui suscitent la peur, ou vice-versa, quoi qu’il en soit, les deux doivent être éveillées par la représentation.

Le vice comique : une douleur qui suscite le rire

that the compassion aroused is also inconsiderable. But the element of compassion must be the greatest possible in order that it may have a greater effect and arousal on the minds of the audience…» (Robortello, C., p. 95).

29 « A tragic action must entail compassion and terror. This follows from our previous statement that in the performance of tragedies two of the mind’s greatest emotions, pity and fear, are purged. In this text, Aristotle, then, sets out two points, first the precept I have set out, then how each one is produced separately, so that pity is properly evoked and fear inspired… Both emotions cannot always coexist in a single matter but sometimes one of the two is separated […]. Both pity and fear must be present in tragedy » (Robortello, C., p. 93).

30 « Nous prenons en pitié ceux qui sont connus de nous, sous réserve que la relation ne soit pas très étroite. Car dans ce cas, on se comporte comme si l’on était soi-même menacé. C’est la raison pour laquelle Amasis, lorsqu’on emmena son fils à la mort, ne fondit pas en larmes, dit-on – alors qu’il le fit en voyant un ami réduit à la mendicité : cela, c’était une chose pitoyable, alors que la mort de son fils était une chose épouvantable, car l’épouvantable est différent du pitoyable, capable de chasser la pitié, et souvent utile à la partie adverse, car on n’éprouve plus la pitié quand la chose terrible est proche de soi » (Aristote, R., II, ch. 8, p. 312).

(20)

16 Étant donné que la deuxième partie de La Poétique qui contient l’examen de la comédie est perdue, nous possédons moins de matière aristotélicienne sur la comédie. Néanmoins, il nous reste quelques commentaires du philosophe grec qui compare la comédie à la tragédie. Pourtant, il est important de rappeler que la comédie est un poème dramatique qui imite la nature tout comme la tragédie et, par conséquent, elle doit respecter l’unité d’action et les autres règles classiques déjà examinées ci-dessus. Robortello indique dans son texte théorique que la façon d’imiter dans la tragédie et la comédie est la même31. Donc, ce qui nous intéresse ici sont les éléments propres à la comédie, qui diffèrent de ceux de la tragédie.

Comme nous avons déjà dit, la comédie diffère de la tragédie dans son sujet, parce qu’elle représente des hommes bas et inférieurs, tandis que la tragédie représente des hommes nobles.

Cependant, Aristote nous enseigne que la comédie n’imite pas tout ce qui est bas, mais seulement une partie de la bassesse. Il propose que « [l]a comédie est, comme nous l’avons dit, la représentation d’hommes bas ; cependant elle ne couvre pas toute bassesse : le comique n’est qu’une partie du laid ; en effet le comique consiste en un défaut ou une laideur qui ne causent ni douleur ni destruction » (Aristote, P., ch. 5, p. 49). L’humaniste suggère que « [e]ven though comedy, then, has wickedness as its subject matter, that is man’s vice, yet it does not include all vice but that aspect of it which is so

unseemly that it provokes laughter rather than outrage or sympathy »32. De ce fait, Robortello sépare la bassesse ou les vices dans deux catégories et cherche les deux catégories dans La Rhétorique : le

destructif et le non destructif. Le destructif d’après Aristote comporte : « la mort, les traitements dégradants, les sévices physiques, la vieillesse, les maladies et le manque de nourriture » (R., II, ch. 8, p.

311)33. Ces événements sont douloureux pour le personnage et suscitent la pitié du spectateur, donc ce sont les événements propres à la tragédie. Robortello propose que les événements qui sont laids, mais sans douleur, apportent la honte et la gêne au personnage. D’après Aristote, la honte est

[U]ne souffrance (lupè) et une perturbation (tarakhè) concernant ceux des maux qui paraissent conduire à la perte de sa réputation (adoxia). […] On a honte –

31 « COMEDY has the same purpose that all other kinds of poems have, to imitate the characters and actions of men » (OC., p. 227). Il dit aussi que « [m]y remarks about tragedy should also be applied in every way to comedy;

for it completes its imitation in the same time as tragedy » (Robortello, C., p. 90).

32 « He [Aristote] states that therefore comedy is an imitation of persons who are inferior… Men are called wicked because of their vices. But not all vices and faults are equal; some are rather trivial, others more serious. Even though comedy, then, has wickedness as its subject matter, that is man’s vice, yet it does not include all vice but that aspect of it which is so unseemly that it provokes laughter rather than outrage or sympathy » (Robortello, C., p. 88-89).

33 La section dans La Rhétorique où on trouve cette explication est le chapitre à propos de la pitié, dans une section intitulée ce qui provoque la pitié (Aristote, II, ch. 8, p. 311).

(21)

17 nécessairement – en raison du genre de maux qui passent pour honteux, que ce soit

à ses propres yeux, ou aux yeux de ceux dont on se soucie. Ce sont tous les actes qui sont l’effet d’un vice, par exemple « lâcher son bouclier ou prendre la fuite »

(Aristote, R., II, ch. 6, p. 297).

Nous pouvons voir que le Grec affirme comment un vice qui doit être non-destructif peut causer de la honte. Par conséquent, c’est ce type de vices que le dramaturge comique doit chercher pour le caractère de ses personnages afin de faire rire ses spectateurs. Il faut être conscient qu’un vice destructif et douloureux évoque la pitié et donc doit être réservé pour la tragédie, mais un vice non destructif et honteux suscite le rire et donc est le vice propre de la comédie.

Le personnage comique

Alors, nous savons que le personnage comique doit avoir un vice non destructif dans son caractère, mais quels autres éléments sont acceptables dans le personnage comique ? Selon Aristote et Robortello, comme nous avons vu, la différence entre les personnages d’une tragédie et d’une comédie est basée sur leur niveau social : la comédie représente des hommes bas et la tragédie représente des hommes nobles34. Puisque Robortello maintient la même distinction de genre qu’Aristote et il ne mélange pas les actions traditionnellement tragiques avec les actions comiques, nous pouvons assumer que la clarification des actions comiques que Robortello nous offre est cohérente avec la théorie d’Aristote.

En outre, on peut parler des noms des personnages, car il existe une différence entre les noms employés pour les personnages comiques et les personnages tragiques. Aristote explique qu’ « [e]n ce qui concerne la comédie, la chose est d’emblée évidente : les poètes construisent leur histoire à l’aide des faits vraisemblables, puis ils lui donnent pour supports des noms pris au hasard » (Aristote, P., ch. 9, p. 65). Au contraire, « [l]es tragiques […] s’en tiennent aux noms d’hommes réellement attestés » (Aristote, P., ch. 9, p. 65). Robortello continue avec la même pensée quand il déclare que « the names of all comic characters should be fictitious […because] Comedy […] feigns in a verisimilar manner [… but]

Tragedy uses stories of the more pitiful events that have befallen certain well-known people, whose names must be declared » (OC., p. 232). C’est-à-dire, le poète comique doit créer ses personnages et leur donner des noms vraisemblables, pendant que le poète tragique doit choisir ses personnages de l’histoire réelle. Encore une fois, le Grec et l’Italien semblent être d’accord sur les personnages des genres différents.

34 Voir plus tôt dans ce chapitre où nous discutons la tragédie et la comédie.

(22)

18 Le langage comique

Une autre différence entre la tragédie est le langage ou le style employé par le dramaturge pour représenter l’histoire. Selon Aristote, la tragédie est la représentation d’une action noble « au moyen d’un langage relevé d’assaisonnement d’espèces variées » (P., ch. 6, p. 53). Il nous enseigne que le langage relevé est « celui qui comporte rythme, mélodie et chant, par « espèces variées utilisées séparément » le fait que certaines parties sont exécutées en mètres seulement, d’autres au contraire

« à l’aide du chant » (Aristote, P., ch. 6, p. 53). De plus, il faut être clair sans descendre jusqu’à être banal (Aristote, P., ch. 22, p. 113). D’après le philosophe grec, l’expression sort de l’ordinaire quand elle utilise « l’emprunt, la métaphore, l’allongement, enfin tout ce qui s’écarte de l’usage courant » (Aristote, P., ch. 22, p. 113). Néanmoins, il déconseille l’usage trop voyant des figures de rhétorique, qui peuvent créer un effet comique involontaire35. Quant à Robortello, il explique que le langage dans une comédie

« ought to be simple, easy, open, clear, familiar, and finally, taken from common usage » (OC., p. 237).

Par contre, le langage d’une tragédie est beaucoup plus soutenu, décoré et figuré, pendant que le langage comique est simple, facile et pris de l’usage commun.

La théorie comique d’Aristote et de Robortello

En guise de conclusion, nous soulignons que la théorie comique de Robortello paraît rester fidèle à ce que dit Aristote à propos de la comédie. Quant au sujet comique, au personnage comique et au langage comique, l’humaniste italien semble respecter les principes aristotéliciens quand il les développe. Toutefois, il remarque une différence entre le prestige du genre comique chez Aristote et chez lui. C’est-à-dire, il semble approuver la comédie plus que le philosophe grec :

At the beginning, Comedy was crude, trifling, and undevelopped […]. Nevertheless, Aristotle seems to doubt whether or not Comedy in his day was yet fully formed; I think because he did not quite approve the form of Comedy then in use, what we call Old Comedy. […] Therefore, since New Comedy, I fancy, did not yet exist in his day, Aristotle intimated in his Poetics what we have pointed out in our explications, that Comedy did not seem to have reached the high level of decorum it later attained (Robortello, OC., p. 228-229).

De plus, l’humaniste italien indique qu’il y a une distinction entre la Vieille Comédie de l’époque aristotélicienne et la Nouvelle Comédie de son époque, laquelle est plus développée et moins brute.

35 « Un usage trop voyant de cette façon de faire est comique, et la mesure est règle commune pour toutes les parties de l’expression : de fait, on emploierait mal à propos métaphores, emprunts et autres espèces de noms en visant exprès des effets comiques qu’on n’aboutirait pas un à autre résultat » (Aristote, P., ch. 22, p. 115).

(23)

19 Donc, on pourrait déclarer qu’il existe une différence dans la comédie des deux époques, mais elle n’est pas assez grande pour changer les éléments clés qui distinguent la comédie de la tragédie. La question en demeure : ce développement comique, marqué par Robortello, continue-t-il au siècle suivant avec les dramaturges du dix-septième ? Autrement dit, verrons-nous encore des différences entre la comédie telle qu’Aristote l’a conçue et ensuite modifiée par Robortello et les comédies de Lope de Vega et de Pierre Corneille ?

(24)

20 2. La teoría dramática de Lope de Vega

Lope de Vega es uno de los autores más célebres del siglo de oro en España. Se le atribuyen miles de obras escritas que incluían poemas, novelas y comedias. Por eso, uno de sus rivales, Miguel de Cervantes le llamó el “monstruo de naturaleza”36. Aparte de la cantidad inmensa de obras producidas por Lope, es conocido por su conceptuación innovadora de la obra de teatro en tres actos, la cual cambió la idea de la comedia en su época. Se encuentra esa fórmula en el tratado que presentó a la Academia de Madrid en 1609, el que se conoce por el título del Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo. El dramaturgo español comienza con las siguientes palabras: “[m]ándanme, ingenios nobles, flor de España,/[…]que un arte de comedias os escriba” (de Vega, v. 1-9)37. Entonces, se puede suponer que la persona o las personas asociadas con la Academia que pidieron una explicación de la obra

dramática en España en la época, se daban cuenta de las innovaciones inherentes en la nueva comedia y ejemplificadas en la obra de Lope de Vega, pues ellos requerían una explicación manifiesta de su

doctrina38.

En lugar de seguir al pie de la letra las leyes clásicas al escribir sus obras teatrales, nuestro dramaturgo español declara: “cuando he de escribir una comedia,/encierro los preceptos con seis llaves” (de Vega, v. 40-41). Sin embargo, aunque Lope insiste que él mismo no sigue los preceptos clásicos, muestra conocimiento y respecto por los antiguos a lo largo de su tratado. Por ejemplo, demuestra su conocimiento de los preceptos cuando habla de Aristóteles y Terencio, dos antiguos pensadores. En efecto, cita a Donato, un comentarista de Terencio, y cita a Robortello, el comentarista aristotélico y el mentor de Lope39. También, indica que ha escrito “algunas veces/siguiendo el arte que conocen pocos” de la misma manera que explica cómo conocía los preceptos a los diez años40. En

36 Cervantes lo dice en su “Prólogo al lector” de su Ocho comedias y ocho entremeses nuevos.

37 También, más adelante en su tratado, dice: “me pedís que escriba/Arte de hacer comedias en España” (de Vega, v. 133-134).

38Juana de José Prades, en su estudio sobre el Arte nuevo, dice que: “Lope no escribió espontáneamente obra tan comprometida para él, sino que lo hizo obligado por la insistencia de alguna persona con suficiente ascendiente sobre nuestro dramaturgo; y acaso presionado también por unas circunstancias de opinión pública y crítica, en torno a las representaciones dramáticas, que hacían necesaria una declaración doctrinal del autor más representativo del nuevo y discutido teatro” (p. 1-2).

39 En el estudio de Prades, habla de Lope de Vega y “[su] mentor Robortello” (p. 78). Además, Lope anima a su audiencia a leer la obra de éste Robortello: “Si pedís arte, yo os suplico, ingenios/que leáis al doctísimo

utinense/Robortello, y veréis sobre Aristóteles,/y, aparte en lo que escribe De Comedia” (v. 141-144).

40 “Verdad es que yo he escrito algunas veces/siguiendo el arte que conocen pocos” (de Vega, v. 33-34).

“No porque yo ignorase los preceptos,/gracias a Dios, que ya, tirón gramático,/pasé los libros que trataban de esto/antes que hubiese visto al sol diez veces/discurrir desde el Aries a los Peces” (de Vega, v. 17-21).

(25)

21 cuanto al respecto que tenía Lope hacia los preceptos, podemos ver la diferencia en las palabras que emplea para describir la comedia antigua y la comedia nueva. Los preceptistas tratan de la “comedia verdadera” (v. 49); “lo justo” (v. 375) que es “el arte” (v. 34) en comparación con la comedia nueva que es “un arte de comedias” (v. 9), “sin el arte” (v. 16); un “hábito bárbaro” (v. 39), un “vil quimera” (v.

150) y un “monstruo cómico” (v. 150). Es fácil de ver que Lope describe los preceptos clásicos con palabras positivas, mientras que emplea palabras peyorativas para referir a la comedia nueva. Es decir, la comedia nueva es “un arte” bárbaro y monstruoso y la comedia antigua es “el arte” justo41. Es más, el Fénix describe “el arte” antiguo con el artículo definido mientras que describe “un arte” de la comedia nueva con el artículo indefinido. Parece que quiere decir que “el arte” antiguo es el arte que subyace todos los otros artes mientras que “un arte” de escribir comedias es solamente un arte entre otros.

Debido a que Lope admite que escribir comedias en España en este tiempo transgrede “contra el arte”, preguntamos hasta cuál punto nuestro dramaturgo español pasa por alto los preceptos clásicos a favor de su propia teoría42. O sea, ¿es su teoría dramática, tal como está presentada en el Arte nuevo, un rechazo ignorante de las reglas antiguas o una modificación sabia de ellas, dictadas por la autoridad teatral, de Aristóteles, tal como se presenta en su Poética?

¿Qué es la “comedia”?

Antes de lanzarnos en el análisis del Arte nuevo, es necesario responder a la pregunta: ¿qué es la comedia? Puesto que la palabra comedia quería decir en la antigüedad el género cómico de obra poética, el opuesto del género trágico, uno debe comprender que el término no tenía el mismo sentido en la época de Lope de Vega. Es decir, en la antigüedad, había una división distinta de los géneros dramáticos: la comedia y la tragedia. Según Aristóteles, la distinción entre las dos está basada en los personajes representados en las obras: “l’une veut représenter des personnages pires, l’autre des personnages meilleurs que les hommes actuels”43. Además, el filósofo griego declara que la comedia

41 Se puede argumentar que el uso del término “justo” por Lope de Vega es irónico, pero se debe considerar que hay muchos versos que muestran su respecto de los preceptos. Por ejemplo, cuando el dramaturgo español proclama: “encierro los preceptos con seis llaves” (v. 41), es una demostración de su respecto. Aunque no usa los preceptos en la redacción de las comedias, los encierra y los guarda, como algo que es querido. O se puede argumentar que la citación precedente quiere decir guardar los preceptos sin usarlos, pero será evidente a los fines de este estudio que la teoría lopesca contiene algunos de éstos preceptos.

42 “[E]scriba/Arte de hacer comedias en España,/donde cuanto se escribe es contra el arte” (de Vega, v. 133-135).

43« C’est sur cette différence même que repose la distinction de la tragédie et de la comédie : l’une veut

représenter des personnages pires, l’autre des personnages meilleurs que les hommes actuels » (Aristote, P., ch. 2, p. 37). A ver el capítulo teórico sobre Aristóteles y Robortello.

Références

Documents relatifs

[r]

Les deux récits analysés comportent une tension évidente entre la fiction et l’histoire, entre événements inventés et événements historiquement réels. Même s’il est

De plus, nous vous invitons à suivre notre page Facebook Municipalité d’East Broughton pour être averti des évènements à venir.. La municipalité d’East

Mais cette condition est plus l’expression du degré d’institutionnalisation et de monopolisation de cette activité par une institution (l’Opéra pour les danseurs classiques,

Pour nous, comme pour de nombreuses organisations, la dénonciation de la guerre impérialiste va de pair avec l’exigence de répondre positivement à toutes celles et ceux

Cet article compare la façon dont les liens entre politique et statistique sont problématisés, gérés et articulés « d’ordinaire » pour la plupart des pays européens (depuis

Cependant, il modernise la France et crée les préfets dans les départements, la Banque de France, le franc, les lycées, le Code civil, la Légion d’honneur….. De 1805

Il s’est rendu après le siège d’Alésia et a été fait prisonnier par les Romains. Le devenir de son bouclier est une invention