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Poitiers : l’épigraphie comme source pour la liturgie. Épigraphie et liturgie

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Academic year: 2022

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Submitted on 13 Jul 2021

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Poitiers : l’épigraphie comme source pour la liturgie.

Épigraphie et liturgie

Robert Favreau

To cite this version:

Robert Favreau. Poitiers : l’épigraphie comme source pour la liturgie. Épigraphie et liturgie. R.

Neumüllers-Klause. Vom Quellenwert der Inschriften, Vorträge und berichte der Factagung Esslingen, Carl Winter Universitâtverlag, pp.65-137, 1992. �halshs-03285404�

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Poitiers

L’épigraphie comme source pour la liturgie Épigraphie et liturgie

Robert FAVREAU

Les médiévistes ne peuvent se dispenser de s’intéresser à la liturgie, car elle est au cœur de la culture des clercs, qui du Haut Moyen Âge au XIIe siècle, ont le quasi-monopole de l’enseignement et de l’écrit. Mais l’étude de la liturgie pose de multiples problèmes.

D’abord parce qu’il n’y a que fort peu d’historiens de la liturgie, et pas ou guère d’enseignement de la liturgie à l’intention des historiens ou des historiens de l’art. Ensuite parce que les sources sont exceptionnellement abondantes : les meilleurs connaisseurs estiment que les manuscrits liturgiques représentent 10 % de tous les manuscrits conservés, ce qui en fait la catégorie la mieux représentée1 et Ulysse Chevalier a répertorié plus de 42 000 hymnes. L’étude de Cyrille Vogel sur les documents liturgiques proprement dits, c’est-à-dire ceux qui ont servi à la célébration du culte, dans l’Occident médiéval, est une indispensable « introduction aux sources »2, mais bien peu de bibliothèques probablement réunissent ces publications d’ordines romani, de pontificaux, de sacramentaires, d’ordinaires, de lectionnaires, etc., qui, de Muratori, Mabillon et Martène à M. Pérotin, P.

Salmon, M. Andrieu ou à la série du Spicilegium Friburgense ont progressivement été mises à notre disposition. Les études de l’abbé Victor Leroquais sur les sacramentaires, pontificaux, psautiers, livres d’heures, bréviaires méritent une mention spéciale pour l’utilisation des manuscrits des bibliothèques publiques de France, et comportent de riches introductions sur les différentes catégories de livres liturgiques3. Le très précieux Corpus antiphonalium officii est maintenant achevé4 tandis que se poursuit la publication du Corpus troporum de Stockholm. Devant cette masse documentaire le médiéviste, peu préparé à ce type de recherche, se sent quelque peu désemparé. Il lui manque pourtant encore bien des éditions modernes qui lui seraient indispensables, par exemple pour les liturgistes du Moyen Âge, pour lesquels la Patrologie latine reste souvent le seul recours, ou pour cet auteur passionnant qu’est Guillaume Durand, dont le Rationale divinorum officiorum n’a pas l’édition scientifique qui conviendrait. Par ailleurs l’office n’avait pas

1 Cyrille VOGEL, Introduction aux sources de l’histoire du culte chrétien au Moyen Âge, Spolète, 1975, p. 1 (Biblioteca degli « Studi medievali »).

2Ibid. L’ouvrage reprend deux gros articles publiés dans les Studi medievali en 1962 et 1963, et y ajoute une troisième partie publiée pour la première fois.

3 V. LEROQUAIS, Les sacramentaires et les missels manuscrits des bibliothèques publiques de France, Paris, 1924, 4 vol. ; Les livres d’heures manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris, 1927, 3 vol., et un Supplément en 1943 ; Les bréviaires manuscrits des bibliothèques publiques de France, Paris, 1927, 4 vol. ; Les psautiers manuscrits latins des bibliothèques publiques de France, Paris, 1940-1941, 3 vol. Les répertoires bibliques, liturgiques et iconographiques du chanoine Leroquais sont conservés au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, nouv. acq. lat. 3157-3173.

4 Corpus antiphonalium officii, éd. René-Jean HESBERT et René PREVOST, Rome, 1963-1979, 6 vol. (Rerum ecclesiasticarum documenta, cura Pontificii Athenaei Sancti Anselmi de Urbe edita. Series Major. Fontes VII-XII).

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connu de variations fondamentales entre l’époque carolingienne et le concile de Vatican II.

Ce dernier modifie fondamentalement, notamment du fait de l’adoption des langues nationales, une ordonnance qui était restée stable pendant des siècles5. La familiarité avec l’office liturgique va devenir de plus en plus rare ; elle n’est pas du tout le fait des jeunes chercheurs, et la recherche dans un ensemble aussi complexe et riche n’en deviendra que plus difficile.

Toutes ces difficultés sont directement celles de l’épigraphiste lorsqu’il considère la liturgie comme source pour les inscriptions - comme les inscriptions en tant que source pour la liturgie. Il s’y ajoute encore le fait que la collecte des textes inscrits sur des objets liturgiques n’est pas des plus facile, dans la mesure où elle intéresse au premier chef trésors d’église et musées, ce qui impose généralement le recours aux inventaires les plus divers, ou à des catalogues d’expositions parfois difficiles à se procurer.

L’étude qui suit n’a donc aucune prétention à traiter dans sa totalité des rapports entre l’épigraphie et la liturgie. Elle voudrait simplement attirer l’attention sur l’importance de la liturgie pour l’étude des inscriptions, en présentant successivement des inscriptions qui se rapportent au cycle liturgique, puis aux sacrements et à la messe, à la liturgie des défunts, enfin à quelques uns des objets liturgiques.

I. Le cycle liturgique

Calendrier liturgique

La liturgie s’organise selon un calendrier annuel qui s’est formé au cours des premiers siècles chrétiens, et qui a laissé quelques traces dans l’épigraphie.

L’Église primitive ne célébrait qu’une seule fête, celle de la Résurrection, commémorée chaque dimanche, mais solennisée de façon très particulière chaque année au jour anniversaire de la Pâque du Seigneur. À partir de la fin du IIe siècle la Pâque tendit à être célébrée le dimanche qui suivait le 14e jour du mois de la lune pascale. Au IVe siècle on adopta définitivement le calcul pascal d’Alexandrie, c’est-à-dire la célébration le dimanche qui suivait la lune postérieure au 21 mars, date retenue pour l’équinoxe, ce qui avait déjà été préconisé par le concile de Nicée. Dès lors la fête de Pâques pourra varier entre le 22 mars et le 25 avril. Il importera au premier chef, pour la célébration de la liturgie, de pouvoir calculer aisément la date de Pâques. D’après Gaetano Marini on trouvait, dans le vestibule de la cathédrale de Ravenne, un calendrier pascal pour 532-626, ce qui correspond aux 95 ans de la table de Cyrille d’Alexandrie6. Toujours conservée, la table pascale de Périgueux constitue un document épigraphique de première importance. Elle

5 C. VOGEL, op. cit., p. XI.

6 Angelo MAI, Scriptorum veterum nova collectio, t. V, Rome, 1831, p. 69 (d’après les notes de Marini).

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avait été gravée sur marbre et placée dans le chœur de la cathédrale Saint-Étienne, à droite de l’autel7, donc à la disposition immédiate des clercs. Elle s’annonce comme indiquant le jour de Pâques en une table perpétuelle que l’on recommencerait à compter du début au bout de 91 années : HOC EST PASCHA, SINE TERMINO ET NUMERO8. CUM FINIERIT, A CAPITE REINCIPE. L’écriture conduit à la dater du XIe siècle et son point de départ se situe alors en 11639. Dans le cloître de l’abbaye de Stürzelbronn, au diocèse de Metz, se trouvait également une table du XIIe ou XIIIe siècle, qui représentait « une espèce de calendrier ou de clé pour fixer les fêtes mobiles, à commencer au dimanche de la Septuagésime »10.

À partir du IVe siècle on commencera à solenniser la naissance du Seigneur, avec l’intention évidente de combattre les fêtes païennes du solstice d’hiver célébrées à Rome le 25 décembre, et ce sera cette date même que l’on retiendra pour la Nativité du Christ. Peu à peu se fixera l’année liturgique, qui commencera avec l’Avent et la Nativité, tandis que le calendrier se remplira peu à peu avec les fêtes des saints reconnus par l’Église. Sur le fût de deux colonnes de marbre, près de l’église Sainte-Marie de Carmona, aux environs de Séville, on a trouvé gravé un calendrier liturgique qui remonte au début du VIe ou même à la fin du Ve siècle. Il commence par la Nativité, précieux témoignage sur l’établissement de l’« année liturgique », il dénote une influence romaine en indiquant la fête de saint Jean au 27 décembre, et non au 29 comme le font les autres documents de la liturgie wisigothique, et il fournit un état de saints fêtés par l’église locale11. Du martyrologe d’Italica en Bétique, du VIe au VIIe siècle, il ne reste qu’un fragment, mais qui confirme le début de l’année liturgique à la Nativité du Seigneur12.

On a trouvé en 1742, lors d’une restauration de l’église San Giovanni Maggiore de Naples, deux longues tables de marbre, mesurant au total 5m50, qui proviennent peut-être de l’architrave d’une iconostase, et que l’on date de 840-85013. Un calendrier complet y est gravé, et chaque jour de l’an - sauf trois - y a sa fête ; les jours sont données de 1 à 28, 30 ou 31, ce qui, si la datation est bien exacte, représente un exemple très précoce de l’emploi des quantièmes du mois à une époque où le calendrier romain règne encore en maître14. On

7 CIFM. 5. Dordogne, Gironde, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD, Poitiers, 1979, p. 28-31 et pl. VII. Elle est aujourd’hui placée sur le mur sud, à environ 2 mètres du sol, à hauteur de la dernière coupole.

8 L’expression signifie que l’auteur n’a pas voulu noter le « terme pascal », ni le « nombre d’or ».

9 A. CORDOLIANI, « La table pascale de Périgueux », dans Cahiers de civilisation médiévale, IV, 1961, p. 57-60, situe ce texte au VIIe, ce que ne permet pas de retenir la paléographie, et qui fausse la démonstration sur l’expansion en Gaule du calcul de Denys le Petit et du comput alexandrin.

10 F. X. KRAUS, qui la publie dans Die christlichen Inschriften der Rheinlande, II, Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1894, n° 326, p. 158-159, la situe dans l’entrée de l’église.

11 José VIVES, Inscripciones cristianas de la Espana romana y visigoda, Barcelone, 1969, n° 333, p. 113-114 ; H. LECLERQ, « Kalendaria », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. VIII-1, Paris, 1928, col. 640-642.

12 J. VIVES, op. cit., n° 334, p. 114.

13 Émile BERTAUX. L’art dans l’Italie méridionale de la fin de l’empire romain à la conquête de Charles d’Anjou, Rome, 1, 103, p. 76- 79 ; H. LECLERCQ, « Calendrier », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. 11-2, Paris, 1910, col.

1586-1592. Au-dessus du calendrier une inscription reproduit les versets 17 et 18 du psaume 139 (138).

14 Horace MARUCCHIO, Basiliques et églises de Rome, Paris et Rome, 1902, p. 459, indique un premier exemple de datation par le mois sans les calendes et les ides en 859. N. Gray, « The paleography of latin inscriptions in the Eight, Ninth ans Teenth Centuries in Italy », dans Papers of the British School at Rome, XVI, 1948, n° 101, p. 115, donne une croix gravée de 828 à la chapelle S. Giustina de Budrio, avec la datation par la quantième : die octavo mensis novembris. À Rome on a un exemple à

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a là une très curieuse représentation épigraphique de ces calendriers que l’on trouve en tête d’un si grand nombre de manuscrits liturgiques. Un calendrier était peint sur le mur du cloître du monastère Sainte-Marie de l’Aventin à Rome ; composé peu après la mort de Léon IX (1054), il était déjà, au XVIIe siècle, fort dégradé15. Du XIe siècle aussi seraient les deux tables, de saints d’une part, de saintes d’autre part, fixées respectivement sur le côté gauche et le côté droit du vestibule de S. Sylvestre in Capite à Rome : elles donnent les listes des corps transportés des cimetières suburbains en cette église au temps du pape Paul Ier (757-767), avec les jours de leurs fêtes16. Lors d’une restauration on a encore trouvé à Rome, un calendrier liturgique dans la partie droite de la nef de l’église des Saints-Quatre- Couronnés. Il en subsiste une grande partie de janvier, avril, juin, novembre, décembre, quelques éléments de février, mai, août, à peu près rien du reste. Il peut être attribué à la seconde moitié du XIIIe siècle17. On y voit fêté, au 29 décembre, un Thomas, évêque et martyr, c’est-à-dire Thomas Becket.

Au temps des persécutions religieuses, la prudence conseillait aux chrétiens de désigner les jours de la semaine comme les païens. Tertullien déclare sans importance cette pratique, contre laquelle au contraire s’élèvera Augustin. Une inscription du Ve siècle, on peut- être du IVe, à Chiusi, rapporte la mort du jeune Aurelius le « jour de Saturne », en « la nuit de Pâques », et sa sépulture « le jour du solei1 »18. Le « jour du Seigneur » apparaît dans les inscriptions à Rome en 404 ; à Trèves en 409, à Villeneuve-lès-Avignon en 586-587. A partir du Ve siècle les fêtes chrétiennes commencent à être utilisées comme indications chronologiques : la veille de Pâques à Lyon en 447, le jour de la Saint Martin à Briord aux VIe-

VIIe siècles, le jour de la chaire de saint Pierre (22 février) à Tarragone, cette dernière fête célébrée principalement en Espagne et en Gaule19. La multiplication des datations à partir des fêtes religieuses au XIIIe siècle souligne l’importance de la liturgie à ces mêmes dates.

Dans les inscriptions françaises du VIIIe siècle à 1300, si l’on écarte les datations par les années de l’Incarnation ou de la Passion, on peut en relever 252 exemples, dont 234 pour le XIIIe, la plupart d’ailleurs de la seconde moitié de ce siècle. Dans les inscriptions de consécration d’autel ou de dédicace d’églises à Rome, les datations par fête liturgique s’observent à partir de 1110 à San Matteo in Merulana : le vendredi de la 3ème semaine de Carême, et elles seront d’une grande diversité : au XIIe siècle le 3ème dimanche après l’octave de Pâques, le jour de la Saint Nicolas ou des saints Gordien et Epimaque, la veille de la Saint Luc, le dimanche où l’on chante Modicum, au XIIIe siècle des références presque toutes centrées sur le Carême, tels « le mercredi de la 4ème semaine de Carême où on lit l’évangile de l’aveugle-né », ou les stations liturgiques de Saint-Côme au milieu du Carême, de Saint-Vital (vendredi de la

Sainte-Praxède en 817-824, trois exemples en 981, 983, 984 et un nombre grandissant à partir du XIe siècle. En France les deux premiers exemples sont du Xe siècle.

15 L. GUERARD, « Un fragment de calendrier romain au Moyen Âge », dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, XIII, 1893, p. 153-175 ; H. LECLERCQ, « Kalendaria », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, VIII-1, col. 666.

16 H. MARUCCHI, Basiliques et églises de Rome, p. 398-399, datation : XIe s. ; A. SILVAGNI, Monumenta epigraphica christiana, I, Roma, Rome, 1943, pl. XXXVIII, n° 1 et 2.

17 Antonio MUNOZ, Il restaura della chiesa e del chiostro dei SS. Quattro Coronati, Rome, 1914, p. 130-133, fig. 176.

18 René AIGRAIN, Manuel d’épigraphie chrétienne, I, Paris, 1912, n° 225, p. 103.

19 J. VIVES, op. cit., n° 199, p. 63-64.

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2ème semaine de Carême), de Sainte-Prisque (mardi de la semaine sainte). Cette pratique de la « datation liturgique » sera encore très fréquente en Allemagne aux XIVe et XVe siècles.

* Dédicace d’église

Pour chaque église la dédicace est une fête solennelle, qui sera rappelée d’année en année au jour anniversaire. Au mur de la façade de la petite église de Septème en Dauphiné une inscription rappelle que l’église, avec son autel majeur, a été consacrée le 6 janvier 1496 et que le jour de la consécration devra être désormais célébré chaque année le 7 janvier,

COLITUR DIES HUJUS CONSECRATIONIAS SEPTIMA JANUARII IN PERPETUUM20. Ce jour est soigneusement inscrit dans le calendrier liturgique que l’on trouve en tête d’un très grand nombre de livres liturgiques. Les petites églises paroissiales, les simples chapelles n’avaient pas de calendrier propre, mais elles fêtaient naturellement chaque année le jour anniversaire de leur dédicace. Aussi il existe des dizaines d’inscriptions de dédicaces dans les plus modestes églises, avec au plus simple la date en la forme même des calendriers des livres liturgiques, par exemple III NONAS OCTOBRIS DEDICACIO ISTIUS ECCLESIE à l’église Notre-Dame et Saint-Christophe à Saint-Christol (Vaucluse), ou III IDUS JUNII DEDICACIO ECCLESIE à la chapelle Notre-Dame de Salagon à Mane (Alpes de Haute-Provence), ou le plus souvent la date et le patronage de l’église, sur le type VI KALENDAS DECEMBRIS DEDICATIO ECCLESIE VEATI SULPICII à Saint-Sulpice-de-Faleyrens (Gironde). Dans les textes plus élaborés on a l’année de l’Incarnation et le nom du prélat consécrateur.

Si ces inscriptions ont, à l’évidence, une fonction liturgique d’autres inscriptions sont directement dérivées de l’office liturgique de la dédicace, tel qu’il ressort des pontificaux. Il y avait une cérémonie préliminaire pour la bénédiction et la pose de la première pierre. Il fallait l’autorisation de l’évêque pour construire, et on devait ensuite fixer une croix et poser une première pierre, installer une croix en bois à l’emplacement de l’autel, enfin bénir la première pierre21. On a conservé un certain nombre d’inscriptions rappelant, à la manière des Annales, la pose de la première pierre22.

Dans les Asturies on rencontre plusieurs inscriptions portant le même texte : SIGNUM

SALUTIS PONE, DOMINE, IN DOMIBUS ISTIS, UT NON PERMITAS INTROIRE ANGELUM PERCUTIENTUM, sur la porte du château d’Oviedo en 87523, au Musée archéologique

20 A. DE TERRABasse, Inscriptions antiques et du Moyen Âge de Vienne en Dauphiné, Deuxième partie : Inscriptions du Moyen Âge antérieures au XVIIe siècle, Vienne, 1875, n° 516, p. 272-275. L’anniversaire a été reporté au 7 janvier pour ne pas coïncider avec la fête de l’Épiphanie.

21 Michel ANDRIEU, Le pontifical romain au Moyen Âge, t. III. Le pontifical de Guillaume Durand, Cité du Vatican, 1940, p.

451-455 (Studi e testi, 88).

22 Pour la France, Saint-Cybard-du-Peyrat (Charente) en 1065, Saint-Denis (Yonne) en 1142, La Couronne (Charente) en 1171, 1174, Saint-Amancet- Montmoure (Tarn) en 1311, Belpech (Aude) en 1312, Guebwiller (Haut-Rhin) en 1314, Perpignan (Pyrénées-Orientales) en 1324, Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) en 1344, Paris, les Grands Carmes et les Célestins en 1365, Viviers (Ardèche) en 1381, Thann (Haut-Rhin) en 1430.

23 Juan URIA RIU, « Cuestiones histàrico-arqueolàgicas relativas a la ciudad de Oviedo de los siglos VIII al X » Symposium sobre cultura asturiana de la alta edad media, Oviedo, 1967, p. 320-321, note 105 et fig. 19.

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provincial de la même ville, vers la même date, avec JANUIS au lieu de DOMIBUS24, dans l’abside de San Martin de Salas au Xe siècle, avec DOMO ISTO25, chaque fois autour d’une croix hampée portant l’alpha et l’oméga suspendus aux bras de la croix. On peut y joindre le sépulcre disparu du roi Alphonse III le Grand, mort en 912, qui se trouvait en la cathédrale d’Oviedo : avec la croix de la Victoire était gravé : INTROIRE ANGELUM PERCUTIENTEM26. Le texte évoque naturellement le chapitre X de la Genèse où les Juifs, esclaves en terre d’Égypte, marquent le linteau de leur porte du sang d’un agneau, afin que leurs maisons soient épargnées lorsque Dieu frappera tous les enfants premiers-nés d’Égypte - percussit Deus. Mais surtout le texte rapporté ainsi quatre fois dans les Asturies des IXe-Xe siècles a sa source directe dans la liturgie où il sert d’antienne chantée lors de la bénédiction de la première pierre27.

La cérémonie liturgique de la dédicace a elle-même inspiré de nombreuses inscriptions, même lorsque celles-ci ne comportent pas de mention particulière de la dédicace. Au linteau de la porte nord de la collégiale Saint-Pierre du Dorat, à la fin du XIe- début XIIe siècle, on lit toujours une prière au Seigneur et à ses anges pour qu’ils protègent l’église et ses fidèles :

DOMUM ISTAM TU PROTEGE, DOMINE, ET ANGELI TUI

CUSTODIANT MUROS EJUS ET OMNES ABITANTES ET OMNES IN EA,

ALLELUIA.

Le même texte, à la même date, figurait au linteau de la porte principale de l’ancienne église paroissiale Saint-Michel du Dorat, aujourd’hui encastré dans le mur du Carmel. On le retrouve, avec modification d’un mot, dans la galerie lapidaire du Musée de Limoges : AEDEM ISTAM TU PROTEGE, DOMINE, ET ANGELI TUI CUSTODIANT MUROS EJUS28. L’inscription carolingienne de la façade du massif occidental de Corvey, CIVITATEM ISTAM TU CIRCUMDA, DOMINE, ET ANGELI TUI CUSTODIANT EAM29 est très probablement inspirée de la même liturgie de la dédicace30.

À l’office de la dédicace31 appartient aussi une bénédiction qui a été gravée, sans changement autre que des déformations du latin dues au parler de la péninsule, dans le mur de l’église de Neila (Burgos) au XIe-XIIe siècles : BENEDIC, DOMINE, DOMUM ISTAM QUAM EDIFICABI NOMINI TUO ; BENIENTIUM IN LOCO ISTO EXAUDI PRECES IN EXCELSO SOLIO

24 Ibid., p. 317, note 105, fig. 17.

25 E. HUEBNER, Inscriptionum Hispaniae christianarum supplementum, Berlin, 1900, n° 501, p. 122 ; Ciriaco Miguel VIGIL, Asturias monumental epigràfica y diplomàtica, datas para la historia de la provincia, Oviedo, 1887, p. 509.

26 VIGIL, op. cit., p. 10, n° A 8.

27 Le Pontifical romain au Moyen Âge. t. III. Le Pontifical de Guillaume Durand, éd. Michel ANDRIEU, Cité du Vatican, 1940, p.

451 (Studi e Testi, 88) : « Signum salutis pane, Domine in loco isto, et non permittas introire angelum percutientem ».

28 CIFM. II. [4e. fasc. du Corpus) Limousin : Corrèze, Creuse, Haute-Vienne, éd. R. FAVREAU et J. MICHAUD, Poitiers, 1978, Haute-Vienne, n° 10, p. 103-105, n° 11, p. 105-106, n° 55, p. 159-160.

29 Edmund E. STENGEL, Abhandlungen und Untersuchungen zur mittelalterlichen Geschichte, Graz, 1960, p. 101 ; Felix Kreusch, Beobachtungen an der Westanlage der Klosterkirche zu Corvey ..., Graz, 1963, p. 33.

30 Corpus antiphonalium officii, III, éd. R.-J. HESBERT, Rome, 1968, p. 173 : « Domum istam protege, Domine, et angeli tui custodiant muras ejus ».

31 Corpus antiphonalium officii, III, éd. R.-J. HESBERT, p. 84, n° 1685.

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GLORIE TUE32 . Lorsque le prélat consécrateur entrait dans l’église, il disait : « Pax huic domui et omnibus habitantibus in ea »33 et la formule a été reprise au portail Saint-Martin de la cathédrale de Mayence34. Le plus souvent on inscrit seulement PAX HUIC DOMUI, ainsi au XIe siècle au portail ouest du prieuré de Merlande35, à la façade occidentale de la commanderie du Fouilloux, à Neuville-lès-Decize36, et au XIIIe siècle à la corniche du mur nord de Notre-Dame de Vaison-la-Romaine37. La relation avec la dédicace est clairement exprimée dans l’inscription gravée sur le cordon inférieur de l’abside de Nant : PAX IUC DOMUI VI° IDUS AGUSTAS DEDICATIO SANCTE ECCLESIE38. Ce texte a sa source dans une exhortation de Jésus aux 72 disciples : « In quam- cumque domum intraveritis, primum dicite : Pax huic domui » (Luc, X, 5), et c’est ce texte même qui a été gravé au linteau d’une maison de Moulins (Allier) au XVe s.39. C’est peut-être à ce texte seulement, et non à l’office de la dédicace, que renvoie le « Pax huic domui » peint dans l’église souterraine du Sacra Speco à Subiaco en 1228- 122940. Au moment de l’entrée après le « Pax huic domui » on chantait : « Pax eterna ab eterno Patre huic domui . .. »41. Ce texte se trouvait gravé à Saintes sur la porte de l’église abbatiale Notre-Dame qui donnait accès au cloître, et elle pouvait remonter à la dédicace même de 104742. Après avoir consacré l’autel l’évêque faisait trois fois le tour de l’église à l’intérieur, en aspergeant les murs chaque fois un peu plus haut, et on chantait : « Hec est domus Dominifirmiter edificata ; benefundata est suprafirmam petram »43, texte inspiré de l’Écriture mais d’expression liturgique. La première partie de ce chant est gravée à la porte de l’église romane de Civaux, et se retrouve aussi en l’église de Châteauneuf-sur-Charente au XVe siècle44. Elle inspire l’inscription gravée à gauche de la porte latérale de l’église priorale de San Frutos en Castille, en 1100 : HEC EST DOMUS DOMINI IN HONORE SANCTI FRUCTI EDIFICATA45. La seconde partie du chant figure à la façade de la commanderie du Fouilloux à Neubille-lès-Decize : BENE FUNDATA EST SUPRA FIRMAM PETRAM DOMUS DOMINI46. Un chapiteau du XIIe siècle dans le chœur de Saint-Étienne de Romorantin-Lanthenay a une inscription de même inspiration : ISTA BENE FONDATA EST SUPRA FIRMAM PETRAM47.

32 J. VIVES, op. cit., n° 560, p. 319.

33 Le Pontifical romain au Moyen Âge. III. Le Pontifical de Guillaume Durand, éd. M. ANDRIEU, p. 402.

34 KRAUS, op. cit., II, n° 238, p. 405 ; Die Inschriften der Stadt Mainz von frühmittel- alterlicher Zeit bis 1650, par Fritz Viktor ARENS et Konrad F. BAUER, Stuttgart, 1958, n° 27, p. 31 (Die deutschen Inschriften, 2).

35 À La Chapelle-Gonaguet (Dordogne), CIFM. 5. Dordogne, Gironde, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD, Poitiers, 1979, Dordogne, n° 10, p. 17.

36 SOULTRAIT (comte de), Répertoire archéologique du département de la Nièvre, Paris, 1875, col. 140 (Répertoire archéologique de la France).

37 CIFM. 13. Gard, Lozère, Vaucluse, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. MORA, Paris, 1988, p. 199.

38 Id., 9. Aveyron, lot, Tarn, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD, Paris, 1984, p. 64.

39 Maurice BAZIN, « La vie d’une cité : Moulins », dans Bull. Soc. d’émulation du Bourbonnais, t. 51, 1962, p. 96.

40 Wolfram VON DEN STEINEN, « Homo coelestis ». Das Wort der Kunst im Mittelalter, Berne et Munich, 1965 II, pl. 118.

41 Le Pontifical de Guillaume Durand, éd. M. ANDRIEU, p. 402.

42 CIFM. 3. Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, éd. R. FAVREAU et J. MICHAUD, Poitiers, 1977, p. 113-114.

43 Le Pontifical de Guillaume Durand, éd. M. ANDRIEU, p. 471.

44 CIFM. II. Département de la Vienne, éd. R. FAVREAU et J. MICHAUD, Paris et Poitiers, 1975, n° 23, p. 32-33.

45 Dom Marius PEROTIN, Histoire de l’abbaye de Silos, Paris, 1897, p. 218-223.

46 Cf. supra, note 36. Le texte liturgique s’inspire de Matthieu 7, 24, 25 et de Luc 6, 48.

47 Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale, Poitiers, Photothèque.

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Après la bénédiction des murs le prélat consécrateur aspergeait le pavement de l’église, en long et en large, en chantant : « Domus mea domus orationis vocabitur ... Non est hic aliud nisi domus Dei et porta celi »48. La première partie de ce texte est tiré d’Isaïe (LVI, 7) repris par Matthieu (XXI, 13) dans l’épisode de Jésus chassant les marchands du temple qui est l’évangile de la dédicace dans le Lectionnaire de Luxeuil (§ LXXIV). On la trouve en épigraphie dans une inscription chrétienne de Milan49, au portail roman de l’église de la Cambe à Montreuil-la-Cambe (Orne)50, à la cathédrale d’Oloron-Sainte-Marie au-dessus du portail ouest au XIIe siècle51, et sous une forme très proche à l’église de Dompeter à Avolsheim (Bas-Rhin)52, au XIe siècle, au Musée de Toulouse au XIe siècle53 et au tympan du transept nord de Saint-Servais de Maastricht au milieu du XIIe siècle54. On trouve la seconde partie du texte liturgique inspiré de Genèse XXVIII, 17 à Saint-Pierre- de-Genens, sur la commune de Montréal (Gers) : VERE NON EST HIC ALIUD NISI DOMUS DEI ET PORTA CELI55, et sous la seule forme HEC EST DOMUS DOMINI ET PORTA CAELI, qui est très proche de l’introït de la messe de dédicace, elle figure au XIe ou au XIIe siècle, à la façade occidentale ou au-dessus d’une porte latérale, à Saint-Pierre-de-l’Isle56, à Béguey57 ; à S.

Vicenzo de Galliano di Cantu58. Plusieurs autres inscriptions reprennent ce texte avec plus de liberté, tout en renvoyant vraisemblablement à la liturgie : HEC DOMUS DEI NOSTRI, à Mascula (Afrique), entre 379 et 38859, DEDICATA EST HAEC DOMUS DOMINI…, à Saint-André de Cologne en 97460, ECCE DOMUS DOMINI ET PORTE CAELI... à S. Marina de Valverde en 98661,

ECCE DOMUS DOMINI QUE ECCE QUE DUCIT AD ATRIA CELI ..., copié sur Eugène de Tolède, à Belcodène au IXe siècle62, ou HEC DOMUS DEI, à l’ermitage de San Miguel à Neila (Burgos) en 108763. On peut encore joindre au dossier des inscriptions qui ont leur source dans la liturgie de la dédicace d’une église, le texte gravé au linteau de San Bartolomé d’Aguilar de Codès en Navarre au XIe siècle : INTROIBO IN DOMUM TUAM, DOMINE.ADORABO AD TEMPLUM SANCTUM TUUM IN TIMORE TUO64 : il reproduit le verset 8 du psaume 5, mais aussi, pour sa seconde partie, le graduel de la messe de dédicace.

48 Le Pontifical de Guillaume Durand, éd. M. ANDRIEU, p. 472.

49 E. Diehl, Inscriptiones latinae christianae veteres, I, Berlin, 1925, n° 2438, p. 474 : domus mea domus orationis.

50 Comte Robert DU MESNIL DU BUISSON, « Une inscription carolingienne de l’église de la Cambe », Bull. Soc. Antiq.

France, 1965, p. 29-31.

51 CIFM. 6. Gers. Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD, Paris, 1981, p.

163.

52 Robert WILL, « Répertoire des inscriptions romanes de l’Alsace », Revue d’Alsace, t. 98, 1959, p. 61.

53 CIFM. 7. Ville de Toulouse, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD, Paris, 1982, n° 56, p. 97 : hec domus est orationis, hic deux oratur, domus ejus et ista vocatur.

54 Lisbeth TOLLENAERE, La sculpture sur pierre de l’ancien diocèse de Liège à l’époque romane, Gembloux, 1957, p. 277-278, pl. 26 B : hec domus orandi... ; Beat BRENK, « Die Werkstatten der Maastrichter Bauplastik des 12. Jahrhunderts », Wallraf- Richartz Jahrbuch, 38, 1976, p. 48.

55 CIFM. 6, Gers, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD, p. 59-60.

56 Ibid., 3. Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, éd. R. FAVREAU et J. MICHAUD, p. 110.

57 Ibid., 5. Dordogne, Gironde, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD, p. 86-87.

58 A. K. PORTER, Lombard Architecture, New Haven, Londres, Oxford, II, 1916, p. 440.

59 E. DIEHL, op. cit., n° 1830, p. 360. Mascula, Khenchela, dép. Batna (Algérie).

60 KRAUS, op. cit., II, p. 251, n° 535.

61 E. HÜBNER, Inscriptiones Hispaniae christianae, n° 240, p. 77.

62 CIFM. 14. Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var, Paris, 1989, p. 111-114 (Marseille, Musée Borély).

63 José Perez CARMONA, Arquitectura y escultura romànicas en la provincia de Burgos, Burgos, 1959, p. 37

64 Dom Luis-Maria DE LOJENDIO, Navarre romane, La Pierre-Qui-Vire, 1967, p. 38 (Zodiaque).

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Cycle de l’année liturgique

Étudier les inscriptions qui se sont inspirées de la liturgie des différentes fêtes de l’année liturgique demanderait une enquête particulière tant les emprunts sont variés et nombreux. Je me bornerai ici à quelques exemples significatifs.

L’Avent et Noël peuvent être cités en premier lieu puisqu’ils ouvrent l’année liturgique. En l’église Santa Maria Nova à Rome la mosaïque de l’abside, du milieu du XIIe

siècle, représente la Vierge à l’Enfant avec le texte : CONTINET IN GREMIO COELUM IN DOMO GENITRIX PROCERES COMITATUR ERILEM65, qui correspond à une antienne chantée aux offices de Noël, pendant la semaine qui suit et l’octave, ainsi que la veille de l’Épiphanie66. Au portail de la cathédrale de Vérone au XIIe siècle sont représentés dix prophètes, chacun avec une inscription, inspirée de leur œuvre : Malachie (3,1), David (Ps. 132 (131), 1), Jérémie (Baruch, 3, 36), Isaïe (7, 14), Daniel 9, 24), Habacuc (3, 2), Joël (2, 1), Aggée (2, 8), Zacharie (9, 9), Michée (5, 2). Six de ces textes se retrouvent dans la liturgie de l’Avent et de Noël, trois (Jérémie, Daniel, Habacuc) ne peuvent qu’avoir été tirés du Sermon contre les Juifs de Quodvultdeus qui a servi de point de départ à un drame liturgique représenté dans l’église au moment de la Nativité67. Ce même sermon de Quodvultdeus est d’ailleurs la source d’un grand nombre d’inscriptions. Le cas du portail de Vérone représente par l’accumulation des rapprochements, un bon exemple d’une inspiration liturgique qui aura guidé le programme et invite à méditer le mystère de l’Incarnation aussi directement que si le sculpteur avait représenté la Nativité. Les peintures murales de la petite chapelle de Saint-Martin de Fenollar, au début du XIIe siècle, offrent un exemple caractéristique d’un emprunt à la liturgie. Matthieu décrit l’adoration des mages en son chapitre 2, 2 : « Vidimus enim stellam ejus in Oriente, et venimus adorare eum », et 11 : « obtulerunt ei munera ».

Le peintre a accompagné la scène de : ET VENIMUS CUM MUNERIBUS ADORARE DOMINUM, qui s’inspire évidemment de Matthieu mais reproduit à la lettre l’antienne de communion de l’Épiphanie68.

La Semaine Sainte et le jour de Pâques représentent le sommet de l’année liturgique.

Cette importance se reflète dans les nombreux rapprochements entre épigraphie et liturgie de ce temps. Si, à la façade romane de Santa Maria la Real à Sangüesa (Navarre), Judas est qualifié de MERCATOR69, c’est évidemment parce que dans l’office du Jeudi Saint il est dit :

« mercator pessimus ». Au XIIIe siècle une crucifixion a été peinte dans une salle du cloître de la cathédrale du Puy. Quatre prophètes l’entourent avec des textes peints sur des phylactères. En bas à gauche Isaïe tient un phylactère sur lequel on lit : SICUT OVIS AD OCCIS

[IONEM DUCETUR ET QUASSI AGNUS CORAM] TONDENTE SE OBMUTUIT ET [NON APERUIT OS SUUM] (57, 7), « comme un mouton que l’on mène à l’abattoir, et comme un agneau que l’on tond, il se tut et il n’ouvrit pas la bouche ». Dans son commentaire sur Isaïe Jérôme

65 Guglielmo MATTHIAE, Mosaici medioevali delle chiese di Roma, Rome, 1967, I, p. 315-322, et II, pl. 269.

66 Corpus antiphonalium officii, éd. R.-J. HESBERT, III, p. 109, et IV, Cité du Vatican, 1970, p. 85.

67 Textes donnés par A. K. PORTER, Lombard Architecture, III, p. 476-477. Le texte d’Isaïe est à la fois dans la liturgie de l’Avent et dans le sermon. Seul le texte de Malachie, 3, 1 : ecce ego mittamangelum meum et preparabit, bien qu’adapté à l’Avent, ne figure pas dans la liturgie du temps. Zacharie est cité d’après Jean, 12, 15, Michée d’après Matthieu 2, 6.

68 CIFM. 11. Pyrénées-Orientales, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. MORA, Paris, 1986, n° 75, p. 93.

69 Dom Luis-Maria DE LOJENDIO, Navarre romane, p. 193, On retrouve le même « Judas mercator » dans l’Hortus deliciarum : Herrad OF HOHENBOURG, Hortus deliciarum, Reconstruction, sous la dir. de Rosalie GREEN, Londres, 1979, II, p. 159 et p.

401 (Studies of the Warburg Institute, vol. 36).

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appliquait déjà à Jésus traduit devant Pilate70 ce verset qui sert de répons aux matines, premier nocturne, du samedi saint71 En haut à gauche le prophète Osée dit, sur son phylactère : O MORS ERO MORS TUA, MORSUS TUUS ERO INFERNE (13, 14), « Je serai ta mort, ô mort, je serai ta morsure, ô enfer ». Par l’effusion de son sang le Christ a sauvé tous les hommes, dit saint Jérôme commentant ce verset72 qui sert d’antienne aux laudes du samedi saint73. Ce texte est un des plus souvent cités en rapport avec la Passion, et au premier chef il se trouvait inscrit en la basilique du Saint-Sépulcre et au Calvaire à Jérusalem74. En haut à droite Philon d’Alexandrie proclame un texte inspiré du chapitre 2, versets 1, 10, 16 et 20, du livre de la Sagesse que certains auteurs lui attribuaient déjà au temps de saint Jérôme75 : DIXERUNT IMPII : OPPRIMAMUS VIRUM JUSTUM, INJUSTE MORTE TURPISSIMA CONDEMNEMUS EUM, TANQUAM NUGACES ESTIMATI SUMUS ABILLO. On chantait à laudes, le lundi saint et le mardi saint : « Dixerunt impii : opprimamus virum justum »76, on le reprenait avec le répons : « tamquam nugaces aestimati sumus ab illo » à matines le mercredi saint, on citait dans la 5ème leçon des matines le vendredi saint : « morte turpissima condemnemus eum ». Enfin Jérémie, en bas à droite, annonce : EGO QUASI AGNUS [MANSUETUS QUI PORTATUR] AD VICTIMAMA (11, 19), ce qui appartient à l’office de matines du mardi saint. Ce n’est pas non plus un hasard si cinq des six textes que proclament les six prophètes du puits de Moïse à la Chartreuse de Champmol à Dijon, se retrouvent dans la liturgie de la semaine sainte77. De même encore le verset de l’Apocalypse (5, 12) inscrit au tympan de San Bartolomé d’Aguilar de Codès au XIIe siècle78, est probablement influencé par l’antienne du dimanche de Pâques, « Dignum est agnus qui pro nobis occisus est ... ».

Lorsque le thème de la crucifixion est devenu omniprésent dans l’iconographie, les emprunts épigraphiques aux offices liturgiques de l’invention et de l’Exaltation de la Sainte-Croix peuvent s’observer en nombre. L’antienne des vêpres de l’invention de la croix, » Ecce crucem Domini, fugite partes adversae. Vicit leo de tribu Judas radix David » n’a de source biblique que pour sa seconde partie (Apoc. 5, 5). Elle se trouve telle quelle au XIIe siècle sur un triptyque venant de l’abbaye de Stavelot79 et sur une croix pectorale du

70 P.L., t. 24, col. 509. L’identification sera reprise par Prosper d’Aquitaine (P.L., t. 51, col. 825), Haymon d’Haberstat P.L., t. 116, col. 99), Rupert de Deutz (P.L., t. 167, col. 1338), Hervé de Bourg-Dieu ou de Déols (P.L., t. 181, col. 493, 494).

71 Corpus antiphonalium officii, éd. HESBERT, IV, Rome, 1970, n° 7661, p. 409.

72 P.L. t. 25, col. 937 ; voir aussi Rufin (P.L., t. 21, col. 1029-1030), Paterius (P.L., t. 79, col. 1005), Rupert de Deutz (P.L., t.

156, col. 196). Voir aussi Balthasar FISCHER, « O mors, ero mors tua. Eine Kurzformel der römischen Liturgie für das Paschamysterium », dans Eulogia-Miscellanea liturgica in onore di P. Burkland Neunhauser, o.s.B., Rome, 1979, p. 97-113 (Studia Anselmiana, 68. Analecta liturgica, 1).

73 Corpus antiphonalium officii, t. III, éd. HESBERT, p. 371.

74 Sabino DE SANDOLI, Corpus inscriptionum crucesignatorum Terrae Sanctae (1099-1291) Jérusalem, 1974, n° 20, p. 19, et n° 53, p. 41.

75 P.L., t. 28, col., 1242 : « nonnulli scriptorum veterum hune librum essejudei Philonis affirmant » ; ce sera encore l’avis de Jean de Salisbury au XIIe s. (P.L., t. 199, col. 129).

76 Corpus antiphonalium officii, t. III, éd. HESBERT, p. 155.

77 Moïse (Exode, 12, 6) ; David (Ps. 22 (21) 17) ; Jérémie (Lamentations, 1, 12) ; Zacharie (11, 12) ; Isaïe (53, 7) ; le texte de Daniel (9, 26) se trouve à l’office du 24 mars.

78 Dom Luis-Maria DE LOJENDIO, Navarre romane, p. 38.

79 Triptyque conservé à la Pierpont Morgan Library à New York. A. FROLOW, La relique de la Vraie Croix ..., Paris, 1961, n°

347, p. 335-336.

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trésor d’Aix-la-Chapelle80, au début du XIVe siècle sur une croix d’argent à Castelnau-de- Montmirail81, comme aux XIVe et XVe siècles sous une forme plus brève, sur des cloches de Corneilla-de-Conflent et de Souvigny. Le ECCE CRUCEM DOMINI FUGIAT PARS HOSTI INIQUI

d’une croix impériale de Vienne, du début du XIe s., au Kunsthistorisches Museum82 ou le

ECCE CRUCEM DOMINI FUGIANT PARTES INIMICI d’une croix du XIIe siècle au Kunstgewerbemuseum de Berlin83 ont sans doute la même inspiration liturgique. L’office des vêpres de l’Invention de la Croix se termine avec l’antienne : « Hoc signum crucis erit in caelo », et le répons : « Cum Dominus ad judicandum venerit ». Ce texte, qui reprend, dans une formulation propre, un passage de l’évangile selon saint Matthieu (24, 30-31), est gravé à la façade du tympan roman de Conques, sur un bras de la croix, à la fenêtre au- dessus de l’archivolte du portail principal de Santa Maria di Castello, à Corneto Tarquinia, au XIIe siècle, sur un triptyque de la croix, au XIVe ou XVe siècle, à Eyne près d’Audenarde en Belgique84. Le PERCRUCIS HOC SIGNUM d’une croix au trésor de Saint-Paul de Londres en 129585, a pour source probable l’oraison de communion et un verset des vêpres des offices de la Croix. Sur la tombe de Jean de Favières en l’abbatiale d’Evron au XVe siècle86, on avait gravé deux vers du Vexilla regis, O CRUX AVE, SPES UNICA HOC PASSIONIS TEMPORE, hymne qui faisait notamment partie des mêmes offices de la Croix. Quant à LECCE LIGNUM CRUCIS, VENITE ADOREMUS, d’une staurothèque gardant une relique de la Vraie Croix au XIIe

siècle87, il dérive évidemment de l’Adoration de la croix de l’office du Vendredi saint. On peut encore penser à une même influence liturgique avec le IN CRUCE SALUS IN CRUCE VITA du tympan de l’ancienne cathédrale d’Oloron-Sainte-Marie88 qui évoque le « in cruce Domini nostri Jesu Christi, in quo est salus vita… » (Gal. 6, 14) de l’introït de la messe de l’invention de la Sainte Croix.

On peut encore rapprocher épigraphie et liturgie avec le calendrier des saints, et d’abord avec Marie. L’antienne « Regina caeli laetare alleluia, quia quem meruisti portare alleluia… », qui date de la fin du Xe siècle, était chantée à la Pentecôte et elle sera jointe à la récitation de l’Angelus89. Elle a été gravée sur le bord d’une grande coupe du XVe siècle aujourd’hui conservée au Musée du Louvre à Paris90. Le Salve regina, qui pourrait être de

80 F. X. KRAUS, op. cit., II, n° 482, p. 224.

81 Dans le Tarn, A. FROLOW, op. cit., n° 672, p. 490.

82 Kunsthistorisches Museum, Vienne. Catalogue du trésor sacré et profane de Vienne, par Hermann FILLITZ, Vienne, 1956, p.

36, n° 156.

83 Peter SPRINGER, Kreuzfüsse: Ikonographie und Typologie eines hochmitt elalter-lichen Gerates, Berlin, 1981, n° 20, p. 124- 127.

84 CIFM. 9. Aveyron, Lot, Tarn, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. LEPLANT, Paris, 1984, p. 19 et 24.

85 Lateinische Schriftquellen zur Kunst in England, Wales und Schottland vom Jahre 901 bis zum Jahre 1307, par Otto Lehmann-Brockhaus, II, 1956, n° 2899, p. 187. La croix est un morceau de la croix de saint André.

86 Eugène LEPEVRE-PONTALIS, « L’église abbatiale d’Évron », dans le Bulletin monumental, t. 67, 1903, p. 332.

87 FROLOW, op. cit., p. 354, n° 393 ; Marie-Madeleine GAUTHIER, Émaux du Moyen Âge occidental, Fribourg, 1972, p. 347, n°

85 ; Philippe VERDIER, « Les staurothèques mosanes et leur iconographie du Jugement de rnier », Cahiers de Civilisation Médiévale, t.

16, 1973, pl. IV, et V.

88 CIFM. 6. Gers, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. LEPLANT, Paris, 1981, p.

161.

89 Corpus antiphonalium officii, III, éd. HESBERT, n° 4597, p. 440.

90 Musée national du Louvre. Catalogue des bronzes et cuivres du Moyen Âge, de la Renaissance et des temps modernes, Paris, 1904, p. 102-103, n° 70.

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la fin du XIe siècle, était chanté aux vêpres dominicales de la Trinité à l’ Avent : il figurait sur une cloche de 1273 de l’abbatiale de Moissac91, et se lit encore sur une banderole tenue par deux anges qui accompagnent une Vierge couronnée à Nice92, dans une peinture du XVe siècle à Saint-Bonnet-le-Château, à côté d’une Vierge à genoux, avec une annotation musicale93. Dans ce dernier exemple le SALVE REGINA CAELORUM renvoie aussi sans doute à l’Ave regina caelorum, antienne chantée de la Purification au Jeudi saint. Sa présence sur la mitre du pape saint Sylvestre à San Martino ai Monti à Rome, au début du XIIIe siècle94 montre qu’elle était connue avant que la pape Clément VI ne l’insérât dans l’office au milieu du

XIVe siècle. Elle accompagne aussi l’Assomption peinte à la voûte de l’abside de Cazeaux- de-Larboust à la fin du XVe siècle95. Sur une des deux grandes cloches installées à Evesham par l’abbé Adam à la fin du XIIe siècle a été gravé le début d’une hymne mariale, AVE GLORIOSA, VIRGINUM REGINA, VITIS GLORIOSA, VITAE MEDICINA96, et le couronnement de la Vierge peint à Saint-Sernin de Toulouse dans chapelle des Sept Dormants au XIVe siècle est accompagné aussi d’une hymne mariale : TRANSIT AD AETHERA VIRGO PUERPERA, JESSE FILIA, NON SINE CORPORE, LIBERA TEMPORE TRANSIT AD ESSE97. On trouve inscrit aux portails des cathédrales de Crémone, de Ferrare, de Fidenza comme au plafond peint de Saint-Michel d’Hildesheim un VIDI PORTAM IN DOMO DOMINI CLAUSAM qui rappelle la conception virginale de Marie ; l’expression s’inspire d’Ezéchiel, 44, 2, mais avec une formulation qui n’est que liturgique98 et se rapporte à la fête de l’Annonciation. À la base du cul-de-four de la mosaïque absidale de Sainte-Marie-Majeure à Rome, on a inscrit antienne et répons de l’office de l’Assomption : MARIA VIRGO ASSUMPTA EST AD ETHEREUM THALAMUM IN QUO REX REGUM STELLATO SEDET SOLIO, ET EXALTATA EST SANCTA DEI GENITRIX SUPER CHOROS ANGELORUM AD CAELESTIA REGNA99. Quant à l’« Ave Maria, gratia plena », qui est la forme liturgique et non la citation exacte de Luc 1, 28, il sert régulièrement d’accompagnement aux représentations de l’Annonciation ou même à d’autres images de Marie, comme au tympan d’environ 1140 au Museum Carlino Augusteum de Salzbourg où est représentée une Vierge trônant avec l’Enfant100.

On pourrait fournir de nombreux exemples de représentations de saints qui se trouvent éclairées par la liturgie. Trois des quatre inscriptions peintes vers 1330 en la chapelle Saint-Jean-Baptiste, au Musée des Augustins de Toulouse, se retrouvent dans

91 CIFM. 8, Ariège, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Tarn-et-Garonne, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. LEPLANT, 1982, p.

183 : salve regina misericordie.

92 À la sacristie de la confrérie de la miséricorde : salve regina misericordie vita dulcedo (en 1495) : F. BRUN, « Jean Miraiheti et les trois Bréa. Étude sur les peintres niçois de la Renaissance », dans Ann. Soc. Lettres, sciences et arts Alpes- Maritimes, t. 12, 1890, p. 95.

93 GUILLIEN, « Peintures murales à Saint-Bonnet-le-Château », dans Annales archéologiques, III, 1845, p. 312.

94 L’art roman. Catalogue, Barcelone, 1961, n° 383, a, p. 244.

95 Adeline et Pierre LESPINASSE, « Les églises romanes et gothiques de Comminges », Revue de Comminges, 29, 1914, p. 123;

Robert MESURET, Les peintures murales du Sud-Ouest de la France, Paris, 1967, p. 245.

96 Charles RÜHAULT DE FLEURY, La Sainte Vierge. Études archéologiques et iconographiques, Paris, II, 1878, p. 416 ; Ulysse Chevalier, Repertorium hymnologicum…, I, Louvain, 1892, p. 108, n° 1828.

97 Robert MESURET, op. cit., p. 198-199 (hymne dans le ms. 406, fol. 1 de la Bibliothèque nationale à Paris).

98 Corpus antiphonalium officii, III, éd. HESBERT p. 537.

99 Ibid., p. 328.

100 Ausstellung Romanische Kunst in Osterreich, Krems an der Donau, 1964, n° 77, p. 133.

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l’office du saint le 24 juin101. Les huit saints et saintes qui sont peints sur les murs de la crypte de Saint-Savin sont des saints dont l’abbaye possédait et vénérait les reliques, placées dans les autels du transept et du déambulatoire, comme le rappellent les inscriptions gravées sur ces autels romans102. Huit saints sont représentés en buste à la base de l’abside de la chapelle aux moines reconstruite par l’abbé de Cluny Hugues entre 1105 et 1108 à Berzé-la-Ville : Abdon, Sennen, Gorgon, Dorothée, Serge, Sébastien (?), Denis, Quentin.

Ils figurent tous dans le vieux calendrier clunisien, comme aussi dans le calendrier grégorien ; pour tous ces saints, à l’exception de Quentin et Serge, l’abbaye de Cluny avait le récit de leur passion, et pour au moins quatre d’entre eux, dont Quentin, elle conservait leurs reliques103. De même tous les saints figurés, avec leurs noms, dans la chapelle Saint- Jean du Liget se trouvent dans les calendriers liturgiques de la chartreuse104.

II. Les sacrements

Baptême, pénitence, eucharistie sont les sacrements autour desquels on peut le mieux rassembler un dossier épigraphique, qui devient surabondant lorsqu’on aborde l’ensemble de la liturgie des défunts.

Baptême

Aux premiers temps de l’Église on a baptisé selon les circonstances de temps et de lieu. Nouvelle naissance le baptême lave, au nom de la Passion du Christ, de tout péché, en sorte qu’on s’efforcera de le recevoir seulement en ses derniers instants, gage alors d’un salut assuré. De ce fait les épitaphes des premières inscriptions chrétiennes mentionnent souvent que le défunt a reçu le baptême. La référence est explicite lorsqu’est citée la « renaissance » par l’eau, comme le dit Tertullien dans son traité sur la baptême : caelesti renatus aqua (Rome), sacro fontes babtesmate tingui (La Gayole), sacratis abluta lymbis (Rome), fonte renati (Lyon), lavacro (Rome), purgatos unda labacri (près d’Évora)105. Le terme de consecutus renvoie aussi au baptême. Tertullien parle de consecutionem, et une épitaphe de Split dit clairement pour l’enfant Flavia baptisée le jour de Pâques : fontis gratiam consecuta est, supervixit- que post baptismum sanctum mensibus quinque ... On trouve ainsi les expressions gratia sancta consecuta (Rome ; Cherchel). On trouve encore, en particulier à Rome, la forme gratiam accepit dès 268, accepit, acceptus est, ex die acceptiones sue, adceptione sua, accepta Dei

101 Paul DESCHAMPS et Marc THIBOUT, La peinture murale en France au début de l’époque gothique… (1180-1380), Paris, 1963, p. 172 ; Robert MESURET, op. cit., p. 189.

102 R. FAVREAU, « Les inscriptions de l’église de Saint-Savin-sur-Gartempe », Cahiers de civilisation médiévale, 19, 1976, p.

9-37, ill.

103 Éric PALAZZO, « L’iconographie des fresques de Berzé-la-Ville dans le contexte de la réforme grégorienne et de la liturgie clunisienne », Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, n° 19, 1988, p. 169-182 et pl. h.-t.

104 R. FAVREAU, « Peinture et épigraphie », dans Peintures murales romanes. Méobecq. Saint-Jacques-des-Guérets. Vendôme.

Le Liget. Vicq. Thévet-Saint-Martin. Sainte-Lizaigne. Plaincourault, 1988, p. 46-47 (Cahiers de l’inventaire, 15).

105 E. DIEHL, Inscriptiones latinae christianae veteres, l, Berlin, 1925, n° 1510-1543, p. 288-295, Baptisma.

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gratia, ou encore gratia Dei suscepta, gratiam Dei percipientes, gratia Dei percepi, voire seulement percepit106.

Expansion du christianisme, affluence de ceux qui voulaient recevoir le baptême, conduisirent à une plus grande exigence de formation. Le catéchuménat apparaît fin IIe siècle et il comprendra un temps de préparation de 2 ou 3 ans. Un certain nombre d’épitaphes indiquent que le défunt était encore catéchumène : neofitus, neophitus, neofetus, neofitus in pace, neofitus in Christo, in Christo Deo innofito, nofito patente in Cristo, catecumenus, audiens in pace - saint Cyprien parle plusieurs fois des catéchumènes ou audientes -, candidatus in Christo - le terme est employé par Tertullien, Augustin, Jérôme107. Lorsque se répandra, dès le VIe siècle le baptême des petits enfants, ces mentions de baptisé ou catéchumène disparaîtront des épitaphes.

Dans un premier temps le baptême a été administré par immersion dans un bâtiment particulier, le baptistère. Vénérable entre tous est le baptistère de l’église cathédrale de Rome, Saint-Jean de Latran. Sur la frise de la porte on lisait : DOMINE, DILEXI DECOREM DOMUS TUAE (Ps. 26 (25), 8)108. À la porte elle-même on trouvait une invite à venir se laver dans la « fontaine de vie » qui est évoquée dans les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiastique, avec le rappel que c’est le Christ qui est la vraie porte de la foi :

AD FONTEM VITAE HOC ADITU PROPERATE LAVANDI CONSTANTIS FIDEI JANUA CHRISTUS ERIT109.

À l’intérieur du baptistère Xyste II (432-440) fit placer huit colonnes de porphyre, et il fit inscrire sur l’entablement un beau texte :

GENS SACRANDA POLIS HIC SEMINE NASCITUR ALMO,

QUAM FECUNDATIS SPIRITUS EDIT AQUIS.

MERGERE, PECCATOR, SACRO PURGANDE FLUENTO :

QUEM VETEREM ACCIPIET, PROFERET UNDA NOVUM.

NULLA RENASCENTUM EST DISTANTIA, QUOS FACIT UNUM UNUS FONS, UNUS SPIRITUS, UNA FIDES.

VIRGINEO FAETU GENITRIX ECCLESIA NATOS,

QUOS SPIRANTE DEO CONCIPIT, AMNE PARIT.

INSONS ESSE VOLENS ISTO MUNDARE LAVACRO,

SEU PATRIO PREMERIS CRIMINE SEU PROPRIO.

FONS HIC EST VITAE, QUI TOTUM DILUIT ORBEM SUMENS DE CHRISTI VULNERE PRINCIPIUM.

CELORUM REGNUM SPERATE, HOC FONTE RENATI ;

NON RECIPIT FELIX VITA SEMEL GENIT OS.

NEC NUMERUS QUENQUAM SCELERUM NEC FORMA SUORUM

106 Ibid, et Orazio MARUCCHI, Epigrafia cristiana …, Milan, 1910, p. 99-114, Battesimo e confirmazione.

107 E. DIEHL, op. cit., I, p. 282-288, n° 1477-1509, Tituli neofytorum, petentium, catechumenorum, audientium.

108 E. DIEHL, op. cit., I, p. 467, n° 2405.

109 E. DIEHL, op. cit., I, p. 362, n° 1839 ; Rossi, Inscriptiones christianae urbis Romae septimo saeculo antiquiores, II, 1, Rome, 1888, p. 147. Références à la fons vitae : Ps. 36 (35), 10 ; Proverbes, 13, 14 ; 14, 27 ; 16, 22 ; Ecclésiastique, 21, 16.

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