• Aucun résultat trouvé

L’inscription que porte le phylactère de l’apôtre Jacques au portail est de Bourg-Argental (Loire) est empruntée à l’épitre de Jacques, 5, 14 : « INFIRMATURQUIS IN VIOBIS ?

INDUCAT PRESBYTEROS ECCLESIE. ET ORENT SUPER EUM UNGUENTES (cum oleo in nomine Domini )265 ». « Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il appelle les prêtres de l’Église, et que ceux-ci prient sur lui, l’oignant (d’huile au nom du Seigneur) ». Cette recommandation de l’apôtre est dite dans l’oraison qui suit l’onction sainte dans le sacrement de l’extrême-onction. En fait les inscriptions qui se rapportent directement à ce sacrement sont très rares. Mais les épitaphes qui utilisent les textes de l’extrême-onction, de la liturgie des défunts, de la commémoraison des fidèles défunts (2 novembre) sont très nombreuses.

La recommandation à Dieu, l’appel à la miséricorde divine sont deux des thèmes principaux de l’extrême-onction. Le IN MANUS TUAS, DOMINE, CONMENDO SPIRITUM MEUM d’une inscription chrétienne de Marseille266 renvoie évidemment à cette même parole que le Christ en croix adresse à son Père (Luc, 23, 46), qui est d’ailleurs une citation du psaume 31 (30), verset 6. L’épitaphe de Sinticius à Salacia en 632 contient aussi une recommandation à Dieu : ... DIGNUM DEO IN PACE CONMENDAVIT ISPIRITUM267, et la supplication pour que l’esprit de Girard à Saint-Pierre de Vienne, au milieu du XIe siècle

« repose dans les mains du Seigneur » a sans doute la même inspiration268. Les prières de l’extrême-onction comportent cette recommandation qui, dans le Pontifical romano-germanique du Xe siècle269, est formulée ainsi : « Commendamus tibi, Domine, animam fratris nostri… ». La recommandation est le propre de cet ordo commendationis animae sur lequel Edmond Le Blant attira jadis l’attention. Il voyait dans ces invocations la source des représentations figurées sur les sarcophages et des textes qui y seraient inscrits270. O. Casel en 1932271, L. Gougaud en 1935272, et la plupart des auteurs après eux

264 Paris, Bibliothèque nationale, ms. latin, 8851.

265 A. K. PORTER, Romanesque Sculpture of the Pilgrimage Roads, VII, Boston, 1923, pl. 1151 ; dossier épigraphique, Corpus des inscriptions de la France médiévale.

266 DIEHL, lnscriptiones latinae christianae veteres, I, p. 467, n° 2408.

267 Ibid., 1, p. 467, n° 2409 ; J. VIVES, op. cit., p. 32, n° 86.

268 CIFM. 15. La ville de Vienne en Dauphiné, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. MORA, Paris, 1990, p. 61, n° 57.

269 Ed. par C. VÜGEL et R. ELZE, II, p. 303.

270 Edmond LE BLANT, Études sur les sarcophages chrétiens de la ville d’Arles, Paris, 1878, p. XXVII et sq. ; H. LECLERCQ,

« Défunts (commémoraison des), dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, IV-I, Paris, 1920, col. 427-456.

271 O. CASEL, « Alteste christliche Kunst und Christusmysterium », dans Jahrbuch für Liturgiewissenschaft, 12, 1932, p.

78-79, n. 249.

272 L. GOUGAUD, O.S.B., « Analecta historico-ascetica. Étude sur les « ordines commendationais animae », dans Ephemerides liturgicae, 49, 1935, p. 25.

ont pensé qu’il était plus vraisemblable que les représentations iconographiques aient influencé la formation de l’ordo commendationis animae dont le plus ancien exemple se trouve dans le Sacramentaire de Rheinau, du VIIIe siècle. La patène de verre trouvée à Podgoritza près de Titograd (Yougoslavie) atteste que cet Ordo commendationis animae a une origine nettement plus ancienne que le premier témoin manuscrit connu :

DIUNAN [Jonas] DE VENTRE QUETI LIBERATUS EST.

ABRAM ET FI EVAM (?)

DOMNUS LAIARUM [Lazarum]

RESUSCITAT DANIEL DE LACO LEONIS

TRIS PUERI DE ECNE [igne] CAMI[NI] SUSANA DE FALSO CRIMINE273.

Jonas, Abraham, Daniel, les trois enfants dans la fournaise, Suzanne, sont cinq des invocations figurant dans l’Ordo, et on voit parfaitement y adjoindre la figure de Lazare. On observera que dans le sacramentaire de Rheinau cette prière ne comprend pas l’invocation d’Abraham et de Suzanne qui ne seront notés que dans un Rituel ambrosien du XIe siècle274. Dans le cloître de San Lorenzo fuori della mura à Rome une inscription de 1068 évoque directement la commendatio animae qui faisait partie du rituel de l’extrême-onction et en fait encore partie aujourd’hui : « OREMUS. DEUS, QUI DANIELEM A PERIS MORSIBUS AC A MEDIO FLAMMARUM PUEROS LIBERASTI, LIBERA, DOMINE, FAMULUM TUUM... »275. L’ordo commendatio animae dit pour sa part : « Libera, Domine, animam ejus, sicut liberasti Danielem de lacu leonum. Libera, Domine, animam ejus, sicut liberasti tres pueras de camino ignis ardentis… ».

L’appel à la miséricorde se trouve également dans l’emploi du psaume 51 (50), 3,

« Miserere mei, Deus, secundum magnam misericordiam tuam », qui fait partie aussi bien là l’extrême-onction que de l’office des défunts, et qui est un des psaumes de la pénitence.

On trouve le texte même dans l’épitaphe du chanoine Simon Laurendeaul en 1418 à la cathédrale de Nevers, dans celle de Pierre de Widerue et de sa femme la même année à Saint-Thibaut de Joigny, dans celle du prieur Gilles Formont en 1498 à Saint-Martin-des-Champs à Paris, et dans bien d’autres exemples. Renvoient sans doute à ce même psaume les DIC : MISERER MEI d’épitaphes de Toulouse en 1270, d’Evron en 1277, de Beziers en 1287, les MISERERE DEUSS d’épitaphes de Bénévent en 854276, de Moutiers-Tarentaise en 885, de Rome en 1028277 de Marseille en 1048. Les épitaphes font aussi appel au psaume 130 (129), De profundis, qui est récité lors de l’inhumation et aux vêpres des

273 DIEHL, op. cit., I, p. 471, n° 2426a ; H. LECLERCQ, « Coupe », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, III-2, Paris, 1914, col. 3008-3011; Corpus inscriptionum latinarum, III Supplemenium, fasc. 2, Berlin, 1891, p. 1664, n° 10190.

274 L. GOUGAUD, op. cit., p. 13.

275 V. FORCELLA, Iscrizioni delle chiese e di altri edificii di Roma del sec. XI ai giorni nostri, XII, Rome, 1878, p. 509, n°

564 ; A. Silvagni, op. cit., pl. : XXI-2.

276 Épitaphe du prince Radelgarius dans la cathédrale de Bénévent (Poetae latini aevi carolini, II, éd. Ernest Duemmler, Berlin, 1884, p. 654 (M.G.H., Poetarum latinorum medii aevi, II). Pour les références aux inscriptions françaises, voir le fichier général du Corpus des inscriptions de la France médiévale (Poitiers).

277DIC LEGULE PRECIBUS HUIC MISERERE DEUS, épitaphe de Crescentius à Santa Maria in Aracoeli (V. FORCELLA, op. cit., I, p. 115, n° 401).

défunts, et qui, comme le Misere mei, est repris dans l’office de la commémoration des défunts (2 novembre). À Oviedo il est demandé en 1129 de dire pour le défunt De profundis et Miserere278, en 1291 Miserere279 ; l’épitaphe de l’abbé Arnoul à Livry-Gargan en 1325 prie de dire : Miserere, et celle d’Armoise de Lautrec en 1250 à Saint-François de Castres comprend cet appel : O DE PAR DIEU A TOS VOS QUE DISIEZ LY DE PROFUNDIS280. Les textes tenus par les statues de la chapelle de Rieux, du XIVe siècle au Musée de Toulouse, comprennent aussi le De profundis et le Miserere281.

À l’appel de la miséricorde l’office des défunts joint la demande du repos, de la lumière et de la paix. La formule bien connue, Requiescat in pace, s’inspire du psaume 4, 9 : « In pace in idipsum obdormiam et requiescam », que l’on trouve presque littéralement dans une inscription chrétienne de la Gaule antérieure au VIIe siècle : IN PACE DORMIAM ET REQUIESCAM282. La liturgie funéraire en Espagne cite très souvent ce verset283, que l’on retrouve dans la liturgie de l’absoute. La formule Hic requiescit in pace envahira les épitaphes chrétiennes à partir de la fin du IVe siècle à Rome, de la seconde moitié du Ve

siècle en Gaule. La liturgie des défunts emploie aussi très souvent la prière « Requiem aeternam dona eis, Domine », inspirée du quatrième livre d’Esdras (2, 34), apocryphe juif antérieur au Ve siècle : « Expectate pastorem vestrum, requiem aeternitatis dabit vobis ».

L’épitaphe de Pons à la cathédrale de Nîmes en 1203 : ... ET OMNIUM FIDELIUM DEFUNCTORUM ANIMABUS, QUAESUMUS, DOMINE DEUS, REQUIEM CONCEDAS, PER JESUM CHRISTUM DOMINUM NOSTRUM284, ressort de cette supplication, et plus précisément d’une des oraisons dites pour plusieurs défunts « Animabus, Domine, famulorum famularumque tuarum, misericordiam concede perpetuam, ut eis proficiat in aeternum quod in te speraverunt et crediderunt ». La fin de la cérémonie des funérailles se termine par un « Anima ejus et animae omnium fidelium defunctorum per misericordiam Dei requiescant in pace. Amen ». Cette prière figure telle quelle, à l’exception du « per misericordiam Dei », à la fin de l’épitaphe de l’abbé Henri à Lorsch en 1167285.

Ce lieu de repos qui est demandé est aussi dit lieu de lumière. La lumière éternelle est promise au juste dans le quatrième livre d’Esdras (2, 35) : « Parati estote ad praemia regni, quia lux perpetua lucebit vobis per aeternitatem temporis ». Les expressions sempiterna lux et lux aeterna se trouvent dans le Léonien et le Gélasien, et A. Chavasse a donné l’état

278DIC DE PROFUNDIS PRO ME SIMUL ET MISERERE, épitaphe de l’évêque Pelage au cloître de la cathédrale d’Oviedo (Vigil, Asturias monumental, p. 38, n° A78, pl. AXXXIV).

279RECITANS PRO SE MISERERE, épitaphe de dona Sancha, à l’ancien monastère de la Vega (ibid., p. 148-151, n° F2, pl. FU).

280 Gallia christiana, VII, col. 834 ; Corpus des inscriptions de la France médiévale. 9. Aveyron, Lot, Tarn, éd. R. FAVREAU, J.

MICHAUD, B. LEPLANT, Paris, 1984, p. 131.

281 Henri RACHOU, Le Musée de Toulouse. Peinture-sculpture. Sculpture I. Les statues de la chapelle de Rieux et la basilique Saint-Sernin, Toulouse, 1905, p. 10 et 16.

282 Edmond LE BLANT, Inscriptions chrétiennes de la Gaule antérieures au VIIIe siècle, I, Paris, 1856, p. 450, n° 336 c.

283 Joseph NTEDIKA, L’évocation de l’au-delà dans la prière pour les morts. Étude de patristique et de liturgie latines (IVe

-VIIIe s.), Louvain et Paris, 1971, p. 219 (Recherches africaines de théologie. Travaux de la Faculté de Théologie de l’Université Lovanium de Kinshasa, 2).

284 CIFM. 13. Gard, Lozère, Vaucluse, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. MORA, Paris, 1988, p. 23.

285 KRAUS, op. cit., Il, p. 89, n° 200.

des textes liturgiques et épigraphiques romains où se rencontre le thème de la lumière286. Les thèmes de repos éternel, de lumière sans fin ont de nombreux antécédents bibliques287. L’épitaphe de Raimond Escharran à la cathédrale de Béziers en 1154 le traduit en vers :

CONCEDATUR EI SINE FINE LOCUS REQUIEI ET LUX PERPETUA SIT FINE SUA288,

et à même date l’épitaphe de l’évêque Lambert reprend la supplication à la cathédrale de Vence : ET LUCESCAT EI LUX PERPETUAE REQUIAEI289. La liturgie romaine demande pour les défunts, au Memento qui leur est réservé au canon de la messe, le locum refrigerii, lucis et pacis. Par le mot refrigerium il faut entendre soulagement, consolation, tout autant que fraîcheur. Le mot apparaît fréquemment dans les inscriptions chrétiennes290. On le rencontre une vingtaine de fois dans la liturgie gallicane291. Mais il est singulièrement absent des inscriptions médiévales, du moins pour le domaine français.

La demande, pour le défunt, du « sommeil de la paix », est inspirée du même Memento des défunts, tel qu’on le trouve dans le Sacramentaire Grégorien : « Qui nos praecesserunt et dormiunt in somno pacis ». Diehl a donné un relevé de plusieurs dizaines d’inscriptions chrétiennes où figure le « in somno pacis »292. La formule « hic requiescit in somno pacis » se rencontre à Capoue dans vingt épitaphes sur la cinquantaine conservée, et on y trouve même, pour la fin du IVe-Ve siècle, un emprunt littéral au Canon : IN SOMNO PACIS CUM SIGNO FIDEI293. Si l’expression ne se retrouve pas dans les inscriptions médiévales du domaine français, on a la même idée avec LOBDDORMIVIT IN DOMINO de Notre-Dame-la-Grande de Valenciennes en 1108 ou de l’abbaye de Vicoigne en 1217 et LOBDORMIVIT IN CHRISTO de Saint-Augustin de Limoges en 1244294 qui s’inspirent de l’obdormivit in Domino des Actes des apôtres (7, 59).

Dans les prières des agonisants comme dans la messe pour un défunt telle qu’on la trouve dans le Liber ordinum comme dans le Pontifical romano-germanique295, et dans le répons Subvenite qui ne serait que du Xe siècle296 et était dit lorsque le malade venait d’expirer,

286 Antoine CHAVASSE, Le sacramentaire gélasien (Vaticanus Reginensis 316), sacramentaire presbytéral en usage dans les titres romains au VIIe siècle, Paris, 1958, p. 65-66.

287 Damien SICARD, La liturgie de la mort dans l’Église latine des origines à la réforme grégorienne, Münster, 1978, p. 76-77 (Liturgiewissenschaftliche Quellen und Forschungen, 63).

288 Corpus des inscriptions de la France médiévale. 12. Aude, Hérault, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. MORA, Paris, 1989, p. 106.

289 Ibid., 14. Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. MORA, Paris, 1989, p. 23.

290 DIEHL, op. cit., I, p. 300-301, 449-451.

291 NTEDIKA, op. cit., p. 197.

292 DIEHL, op. cit., I, p. 296, n° 1546 ; II, p. 148-152, n° 3179-3195A, p. 180, n° 3333.

293 AIGRAIN, Manuel d’épigraphie chrétienne. 1. Inscriptions latines, Paris, 1912, p. 47, n° 125.

294 Roger RODIERE, Épigraphie de Valenciennes, p. 607 ; Gallia christiana, III, col. 463 ; Corpus des inscriptions de la France médiévale. II. Limousin, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. MORA, Poitiers, 1978, p. 132. On peut y joindre un OBDOR-MIVITIN PACE JESU à Lamego en 588 (Vives, op. cit., p. 31, n° 85).

295Le Liber ordinum en usage dans l’église wisigothique et mozarabe d’Espagne du cinquième au onzième siècle, éd. dom Marius FEROTIN, Paris, 1904, col. 395 ; Le Pontifical romano-germanique du dixième siècle, éd. VOGEL et ELZE, II, p. 317.

296 GOUGAUD, « Analecta historico-ascetica. Étude sur les Ordines commendationis animae », p. 27. Près de 100 manuscrits utilisent le Subvenite (Sicard, op. cit., p. 58).

on trouve une prière pour que l’âme soit conduite « dans le sein d’Abraham ». La référence est évidente au mendiant Lazare porté par les anges in sinu Abrahae, tandis que le riche qui l’a méprisé est jeté en enfer et fait appel au patriarche : « Pater Abraham, miserere mei » (Luc, 16, 22). Là encore l’épigraphie offre un jalon antérieur aux plus anciens textes liturgiques conservés, puisqu’une inscription du Ve-VIe siècle trouvée en 1911 à Aïn-Zara près de Tripoli porte : SUSCIPIAT TE CHRISTUS QUI VOCAVIT TE ; IN SINU ABRAHAE ANGELI DEDUCANT TE297, ce qui est le texte même du subvenite. La mention d’Abraham dans l’épitaphe de l’évêque Drogon à Metz en 855298 fait sans doute appel à ce texte. L’épitaphe com posée par Foulcoie de Beauvais au XIe siècle pour l’échanson Tetbald cite expressément le « sein du patriarche »299. À l’abbaye de Saint-Martin de Plaimpied-Givaudins vers 1136, le patriarche, PATER ABRAHAM, accueille l’âme du chanoine Sulpicius Cultor300, à Saint-Pierre de Vienne en 1148 l’épitaphe de l’abbé Robert demande que le défunt soit réchauffé « dans les seins des patriarches »301, et dans l’épitaphe de l’archevêque de Besançon Thibaud de Rougemont, en 1429, à Saint-Pierre du Vatican, on trouve l’expression liturgique même :

ANIMA EJUS IN SINU ABRAHE COLLOCETUR. AMEN302.

La croyance en la résurrection, affirmée dans le Credo a trouvé place dans l’office des défunts, en particulier par l’intermédiaire d’un passage du livre de Job (19, 25-26) :

« Scia enim quod Redemptor meus vivit, et in novissimo die de terra surrecturus sum, et rursum circumdabor pelle mea, et in carne mea videbo Deum meum ». Ce texte était précédé d’une invite directe à l’inscription : « Ah ! si seulement on écrivait mes paroles, si on les gravait en une inscription ! Avec un burin de fer et du plomb, si pour toujours dans le roc elles restaient incisées » (Job, 19, 23-24). Cette affirmation centrale du livre de Job sera employée en l’une des leçons de l’office des défunts, et constituera le premier répons de l’office au bréviaire romain. C’est le répons le plus cité dans la liste des 26 répons utilisés pour les matines des défunts303. Le Liber comitis sive lectionarius per circulum anni, du Ve

siècle, reprend le texte même de Job304 de même que l’ordo unius defuncti du Liber ordinum305, mais le Pontifical romano-germanique du Xe siècle306 y apporte deux légères modifications : il remplace Scia par Credo, et videbo Deum meum par videbo Deum Salvatorem meum. C’est la forme que l’on trouve dans la liturgie des défunts, et c’est aussi celle que l’on rencontre dans les épitaphes. Bien avant le Pontifical romano-germanique du Xe siècle les inscriptions citent Job en employant Credo au lieu de scia. À Marchena

297 SICARD, op. cit., p. 75.

298 Gallia christiana, 13, col. 715 ; KRAUS, op. cit., p. 142, n° 296.

299 « Épitaphes métriques en l’honneur de différents personnages du XIe siècle composées par Foulcoie de Beauvais, archidiacre de Meaux », éd. H. OMONT, Mélanges Julien Havet, Paris, 1895, p. 231.

300 DESHOULIERES, « Plaimpied », dans Congrès archéologique de France, Bourges, 1931, p. 325-326.

301 Corpus des incriptions de la France médiévale. 15. La ville de Vienne en Dauphiné, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B.

MORA, Paris, 1990, n° 64, p. 66-67.

302 Die mittelalterlichen Grabmäler in Rom und Latium vom 13. bis zum 15. Jahrhundert, I, par J. GARMS, R. RUFFINGER, B.

WARD-PERKINS, Rome et Vienne, 1981, p. 255.

303 SICARD, op. cit., p. 124 et 165 ; Corpus antiphonalium officii, éd. HESBERT, IV, p. 89.

304 P.L., 30, col. 532.

305 Le Liber ordinum ..., éd. FEROTIN, col. 393.

306 Éd. C. VOGEL et R. ELZE, p. 288.

près de Cordoue l’épitaphe de Justa, du Ve-VIe siècle, commence par : CREDO QUOD REDEMPTOR MEUS VIVET, ET IN NOVISSIMO DIE DE TERRA SUSSITABIT PELEM MEAM, ET IN CARNE MEA VIDEBODOMINUM307. On trouve aussi un CREDO QUOD REDEMPTOR MEUS VIVET

dans les inscriptions chrétiennes de Gaule308. Au musée de Rimini, l’épitaphe du prêtre Venerius, à la fin du VIIIe ou au début du IXe siècle, débute par : CREDO QUOD REDEMPTOR MEUS VIVET, ET IN NOVISSIMO DIE SUSCITAVIT ME309. A Saint-Ambroise de Milan l’épitaphe du prêtre et abbé de Saint-Ambroise Benoît, au IXe siècle, renvoie à la même citation avec quelques variantes310. En 1004 l’épitaphe de Jean Canaparius, abbé de Saint-Boniface à Rome, est le premier témoin exact de la citation liturgique, qui y est toutefois abrégée :

CREDO QUOD REDEMPTOR MEUS VIVIT, ET IN CARNE MEA VIDEBO DEUM SALVATOREM MEUM311. L’épitaphe de Bernward, évêque d’Hildesheim, mort en 1022, pourrait être considérée comme un des rares exemples de la citation biblique de Job si on n’y trouvait pas l’adjonction de salvatorem qui dénote l’emprunt liturgique. Le biographe de Bernward nous dit avec quel soin l’évêque avait préparé sa sépulture312 et il faut donc voir ici une affirmation très forte de la foi du prélat en la résurrection des morts, d’autant plus que l’épitaphe cite trois versets de Job (19, 25-27), le dernier comportant un : EST HEC SPES MEA313. Avec l’épitaphe de Renaud de Martigny, archevêque de Reims, mort en 1138 en l’abbaye d’Igny314, nous avons la citation liturgique telle que la donne le pontifical romano-germanique du Xe siècle tandis qu’au même siècle la chasuble de S. Blasien, évêché de Constance, est un des rares exemples où l’on ait cité directement la Bible : JOB, SCIO QUOD REDEMPTOR MEUS VIVIT315. Au temps de l’évêque de Paris Maurice de Sully, mort en 1196, la croyance en la résurrection des morts rencontrait bien des scepticismes. L’évêque voulut donc que soit écrit sur son tombeau, au vu de tous, le premier répons de l’office des trépassés, et à sa suite plusieurs prêtres ordonnèrent qu’après leur décès ce même texte de Job fut placé en évidence sur leur tombe316. La citation liturgique exacte se trouve à Rome dans l’épitaphe du cardinal Geoffroi de Barba à Sainte-Praxède en 1287, et dans celle de

307 VIVES, op. cit., p. 47-48, n° 151 ; HUEBNER, op. cit., I, p. 27, n° 95; DIEHL, op. cit., I, p. 466, n° 2399 ; Carl Maria KAUFMANN, Handbuch der altchristlichen Epigrafik, Fribourg, 1917, p. 209 ; H. LECLERCQ, « Citations bibliques dans l’épigraphie latine », Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, III-2, Paris, 1914, col. 1762.

308 H. LECLERCQ, « Citations bibliques dans l’épigraphie latine », Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, III-2, col. 1779-1780.

309 N. GRAY, op. cit., p. 82, n° 51 ; Muratori, Novus thesaurus veterum inscriptionum, IV, Milan, 1742, p. MCMLV.

310 V. FORCELLA, Iscrizioni delle chiese e degli altri edifici di Milano..., III, Milan, 1890, p. 199-200, n° 264.

311 Poetae latini aevi carolini. Die lateinischen Dichter des deutschen Mittelalters. V. Die Ottonenzeit, éd. K. STRECKER, N. FICKERMANN, G. SILAGI et B. BISCHOFF, Leipzig, Berlin et Munich, 1937-1979, p. 343 ; V. FORCELLA, Iscrizioni delle chiese e degli altri edifici di Roma..., VII, Rome, 1876, p. 357, n° 726 ; SILVANI, op. cit., pl. XVIII-2 : mur du cloître de l’église SS. Bonifacio e Alessio à Rome.

312 Vita Bernwardi episcopi Hildesheimensis, auctore Thangmara, éd. Georges-Henri PERTZ, M.G.H., SS, IV, 1841, p.

782.

313 Francis T. TSCHAN, Saint Berward of Hildesheim. I. His Life and Times, Notre-Dame Indiana, 1942, p. 206 ; III.

Album, 1952, fig. 261-267 (Publications in Medieval Studies. The University of Notre-Dame, VI et XIII). Wilhelm BERGES, Die ältesten Hildesheimer Inschriften bis zum Tode Bischof Hezilos (1079), Güttingen, 1983, n° 14, p. 97-100 (Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften in Güttingen Philologisch-Historische Klasse. 3. Folge. Nr.

131).

314 Bibl. nat., ms. fr. 8328, p. 28; Gallia christiana, IX, col. 83-84.

315 KRAUS, op. cit., II, p. 42, n° 87.

316Au témoignage du Père de Breul, Le théâtre des antiquitez de Paris, livre II, p. 425.

Philippe de Ritiis à S. Maria in Aracoeli en 1314317. Pour l’abbé de Durham, Louis Beaumont, mort en 1333, la référence à la liturgie est claire, mais le « de terra surrecturus sum » a été remplacé par ME RESSUSCITABIT AD VITAM ETERNAM, et, comme pour Bernward d’Hildesheim, l’espérance du verset 27 de Job, 19, a été aussi inscrite dans la pierre318. Des exemples nombreux pourraient encore être apportés pour les XIVe et XVe siècles et au-delà pour affirmer cette foi en la résurrection des corps telle que la proclame la liturgie à travers

Philippe de Ritiis à S. Maria in Aracoeli en 1314317. Pour l’abbé de Durham, Louis Beaumont, mort en 1333, la référence à la liturgie est claire, mais le « de terra surrecturus sum » a été remplacé par ME RESSUSCITABIT AD VITAM ETERNAM, et, comme pour Bernward d’Hildesheim, l’espérance du verset 27 de Job, 19, a été aussi inscrite dans la pierre318. Des exemples nombreux pourraient encore être apportés pour les XIVe et XVe siècles et au-delà pour affirmer cette foi en la résurrection des corps telle que la proclame la liturgie à travers

Documents relatifs