• Aucun résultat trouvé

Contrôle de la reproduction et du sexe chez les poissons d'élevage

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Contrôle de la reproduction et du sexe chez les poissons d'élevage"

Copied!
11
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02697527

https://hal.inrae.fr/hal-02697527

Submitted on 1 Jun 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Bernard Breton, Edwige Quillet, Bernard Jalabert

To cite this version:

Bernard Breton, Edwige Quillet, Bernard Jalabert. Contrôle de la reproduction et du sexe chez les

poissons d’élevage. Productions animales, Institut National de la Recherche Agronomique, 1996, HS,

pp.17-26. �hal-02697527�

(2)

B. BRETON, E. QUILLET *, B. JALABERT

INRA Laboratoire de Physiologie des Poissons, Campus de Beaulieu 35042 Rennes Cedex

* INRA Laboratoire de GŽnŽtique des Poissons 78352 Jouy-en-Josas Cedex

Contr™le

de la reproduction et du sexe

chez les poissons dÕŽlevage

La reproduction des poissons en Žlevage pose une grande variŽtŽ de probl•mes, plus ou moins bien rŽsolus selon les esp•ces et leur niveau de domestication. Le tableau 1 rŽcapi- tule ces probl•mes, leurs causes les plus vrai- semblables, ainsi que les solutions qui ont pu

•tre proposŽes par la recherche. Nous Žvoque- rons en introduction chacun de ces probl•mes, avant dÕaborder plus prŽcisŽment lÕaction de lÕINRA vis-ˆ-vis de 2 dÕentre eux.

Le probl•me le plus difficile est lÕabsence de maturation sexuelle, ou une maturation anor- male ou incompl•te. Des situations de ce genre se rencontrent frŽquemment chez diverses esp•ces qui prŽsentent un intŽr•t Žconomique, et dont on essaie dÕobtenir la reproduction en captivitŽ ˆ partir dÕanimaux capturŽs dans le milieu naturel. Les causes possibles sont multiples et peuvent dÕailleurs

se conjuguer : alimentation inadaptŽe, inadŽ- quation des facteurs du milieu dÕŽlevage, stress de confinement, etc. Dans ce cas, m•me si une dŽmarche empirique fondŽe sur des t‰tonnements successifs a pu permettre dÕaboutir ˆ certains rŽsultats, il est gŽnŽrale- ment souhaitable de fonder la dŽfinition des param•tres dÕŽlevage sur de solides recherches sur lÕŽcologie de lÕesp•ce et le r™le des facteurs externes dans le contr™le des diffŽrentes Žtapes de la gamŽtogen•se m‰le et femelle, afin de dŽterminer les facteurs essentiels ˆ contr™ler en toute connaissance de cause. Au-delˆ, comme nous le verrons, la connaissance du mŽcanisme dÕaction de ces facteurs externes par lÕintermŽdiaire du sys- t•me neuro-endocrinien peut aussi dŽboucher sur des mŽthodes de contr™le susceptibles de

Tableau 1. Principaux problèmes rencontrés pour la reproduction des poissons en élevage et solutions apportées par la Recherche (en caractères gras, les exemples développés dans cet article).

Les probl•mes Les causes Les solutions

Maturation sexuelle anormale ou incompl•te

(facteurs dÕŽlevage) : - qualitŽ de lÕalimentation - facteurs externes inadŽquats - stress

- contr™le des facteurs externes - induction de ponte

- sŽlection de souches mieux adaptŽes au milieu dÕŽlevage

Absence de fraie en captivitŽ - dŽfaut des facteurs

et stimuli externes indispensables au comportement sexuel

- insŽmination artificielle

Reproduction saisonni•re - caractŽristiques gŽnŽtiques dŽterminant la rŽponse aux facteurs externes synchroniseurs

- contr™le par les facteurs externes - sŽlection de souches en fonction de leur date de maturitŽ

- cryoprŽservation du sperme Ovulations non synchrones - variabilitŽ gŽnŽtique - induction de ponte DŽcalage de maturitŽ entre m‰les

et femelles en Žlevage

- facteurs dÕŽlevage - cryoprŽservation du sperme

- caractŽristiques gŽnŽtiques - facteurs dÕŽlevage

- sŽlection pour une pubertŽ tardive - monosexage exploitant le dimorphisme sexuel - stŽrilisation

INRA Prod. Anim.

Hors sŽrie 1996, 17-26

Maturation sexuelle

indŽsirable ou trop prŽcoce

Fraie spontanŽe indŽsirable

(3)

pallier le dŽfaut de certains de ces facteurs en Žlevage.

Un autre type de probl•mes rencontrŽs chez la plupart des poissons, et en particulier chez les esp•ces de nos rŽgions septentrionales, tient au caract•re saisonnier de la reproduc- tion. Celle-ci se dŽroule ˆ une Žpoque de lÕan- nŽe qui prŽc•de plus ou moins la pŽriode la plus favorable ˆ lÕalimentation des alevins dans le milieu naturel. Le dŽveloppement des gonades suit donc un cycle saisonnier liŽ ˆ lÕŽvolution de certains facteurs externes, notamment la tempŽrature et la photopŽ- riode. Dans le cas des esp•ces dÕŽlevage, ce phŽnom•ne se traduit par des fluctuations saisonni•res dans lÕoccupation des structures dÕŽlevage, dans les besoins en main dÕÏuvre, et enfin dans la production finale de poissons de taille commerciale, ce qui est peu compa- tible avec les contraintes du marchŽ. Chez la truite arc-en-ciel, par exemple, la durŽe requise de lÕÏuf ˆ la taille Ç portion È de 250 g est en moyenne de lÕordre de 14 ˆ 18 mois selon les conditions dÕŽlevage. Une reproduc- tion autrefois concentrŽe ˆ la fin de lÕautomne aboutissait donc ˆ une surproduction avant lÕŽtŽ, particuli•rement dramatique dans les rŽgions ˆ faible dŽbit dÕŽtiage o• il est difficile de maintenir de fortes biomasses en ŽtŽ. Cer- taines solutions ont ŽtŽ mises en Ïuvre par les producteurs eux-m•mes, mais prŽsentent de nombreux inconvŽnients : lÕimportation dÕÏufs de souches Žtrang•res ˆ saison de ponte dŽcalŽe, qui comporte beaucoup dÕincer- titudes sur la fiabilitŽ et la qualitŽ de ces approvisionnements, et la modulation de la vitesse de croissance en jouant notamment sur le rationnement. DÕautres solutions sont issues de travaux de recherche menŽs notam- ment ˆ lÕINRA, comme le contr™le photopŽrio- dique de la date de ponte (voir Maisse et Bre- ton 1996), ou la sŽlection de souches ˆ date de reproduction dŽcalŽe.

Au caract•re saisonnier de la reproduction sÕajoutent les probl•me liŽs ˆ la variabilitŽ individuelle dans la date dÕovulation ou de spermiation. Ainsi par exemple, pour une souche de truite arc-en-ciel ˆ reproduction automnale, les dates individuelles dÕovulation peuvent se situer approximativement entre le 15 octobre et le 15 dŽcembre selon une courbe de probabilitŽ centrŽe sur le 15 novembre.

Compte tenu des risques de vieillissement des ovules apr•s lÕovulation, cette variabilitŽ impose une manutention rŽguli•re des gŽni- teurs pour vŽrifier leur Žtat de maturitŽ en vue de rŽaliser lÕinsŽmination artificielle, entra”nant donc des contraintes de main dÕÏuvre et de gestion des installations dÕŽclo- serie. Comme nous le verrons, les travaux de recherche de lÕINRA ont dŽbouchŽ sur des techniques de synchronisation des pontes qui peuvent permettre de lever ces contraintes chez diverses esp•ces.

Enfin, les phŽnom•nes liŽs ˆ la reproduc- tion peuvent sÕavŽrer indŽsirables en Žlevage lorsquÕil sÕagit de produire des animaux de chair et non des Ïufs. Chez les poissons, le dŽveloppement des gonades mobilise gŽnŽra-

lement des ressources mŽtaboliques impor- tantes au dŽtriment de la croissance et de la qualitŽ de la chair. Il peut donc •tre avanta- geux dÕinhiber ou de retarder ce dŽveloppe- ment. Diverses esp•ces prŽsentent en outre un dimorphisme sexuel de la vitesse de crois- sance et/ou de lÕ‰ge de premi•re maturitŽ sexuelle qui peut conduire ˆ privilŽgier lÕŽle- vage de lÕun des sexes. CÕest le cas chez les salmonidŽs : les m‰les prŽsentent en gŽnŽral une pubertŽ plus prŽcoce dÕun an en moyenne par rapport aux femelles, et on cherchera donc ˆ rŽaliser des Žlevages monosexes femelles. Chez les tilapias au contraire, esp•ces tropicales dont la stratŽgie de repro- duction est tellement robuste quÕelle peut aboutir ˆ une prolifŽration dŽsastreuse de ces poissons en Žtangs au dŽtriment de la crois- sance individuelle, on privilŽgiera la rŽalisa- tion dÕŽlevages monosexes m‰les pour prŽve- nir les reproductions spontanŽes et valoriser le dimorphisme de croissance favorable au sexe m‰le chez ces esp•ces (Baroiller et Jala- bert 1989).

Les recherches menŽes dans les domaines de la gŽnŽtique et de la reproduction des pois- sons, notamment ˆ lÕINRA, ont dŽjˆ contribuŽ ˆ proposer des solutions ˆ la plupart de ces probl•mes et se poursuivent pour en amŽlio- rer certaines ou en proposer de nouvelles.

Nous dŽvelopperons particuli•rement ici les travaux de lÕINRA qui ont dŽbouchŽ sur des apports majeurs dans deux domaines : dÕune part les travaux sur la physiologie de la reproduction en vue de la mise au point de traitements dÕinduction et de synchronisation des pontes applicables ˆ un grand nombre dÕesp•ces, dÕautre part le monosexage et la stŽrilisation par voie gŽnŽtique chez les sal- monidŽs.

Traitements dÕinduction et de synchronisation des pontes

Des travaux anciens avaient montrŽ la pos-

sibilitŽ de provoquer la ponte de femelles gar-

dŽes en captivitŽ, gr‰ce ˆ lÕinjection dÕextraits

hypophysaires. Cette technique dite Ç dÕhypo-

physation È a ŽtŽ appliquŽe avec plus ou

moins de succ•s ˆ de nombreuses esp•ces de

poissons tout en restant relativement empi-

rique. Sa mise en Ïuvre posait en effet de

nombreux probl•mes : approvisionnement en

hypophyses de poissons, dont la qualitŽ et la

charge gonadotrope pouvaient •tre extr•me-

ment variables selon les sources ; spŽcificitŽ

zoologique des facteurs gonadotropes hypo-

physaires (Breton et al 1972), qui ne sont

pleinement efficaces que pour induire la

ponte de la m•me esp•ce ou dÕune esp•ce tr•s

voisine ; rŽaction immunitaire des gŽniteurs,

traitŽs plusieurs fois, entra”nant une baisse

dÕefficacitŽ du traitement ; absence de cri-

t•res fiables pour dŽterminer la sensibilitŽ

des gŽniteurs en fonction de leur Žtat de

maturitŽ. Les travaux rŽalisŽs ˆ lÕINRA ont

(4)

permis de purifier la premi•re gonadotropine de truite (Breton et al 1976) gr‰ce ˆ un test de dosage biologique prŽalablement mis au point, fondŽ sur la possibilitŽ de provoquer la maturation in vitro dÕovocytes de truite incu- bŽs dans leur follicule. Ils ont permis Žgale- ment de quantifier cette rŽponse (Jalabert et al 1974). Cette gonadotropine, dŽnommŽe ultŽrieurement gonadotropine Ç maturante È ou GtH2, Žtant alors ainsi disponible, les recherches ont pu se dŽvelopper dans deux directions : dÕune part lÕŽtude de son mŽca- nisme dÕaction sur le follicule ovarien, dÕautre part lÕŽtude des facteurs rŽgulant sa sŽcrŽtion par lÕhypophyse.

Application des travaux sur le mŽcanisme dÕaction

de la GtH2 sur le follicule ovarien

Ces travaux ont notamment permis de dŽcouvrir le r™le mŽdiateur dÕune hormone stŽro•de, dŽrivŽ hydroxylŽ de la progestŽrone, la DHP (Fostier et al 1973). La DHP est natu- rellement sŽcrŽtŽe par les enveloppes follicu- laires en rŽponse ˆ lÕaugmentation de la sŽcrŽtion hypophysaire de GtH2, et atteint des concentrations importantes dans le sang des salmonidŽs en cours de maturation (Fos- tier et al 1981). Ce stŽro•de est directement responsable de lÕinitiation de la maturation ovocytaire chez la truite (Jalabert 1976), ainsi que chez quelques autres esp•ces de poissons tŽlŽostŽens, comme cela a ŽtŽ dŽmontrŽ par la suite (revue de Jalabert et al 1991). Il permet aussi la prŽparation du folli- cule ˆ lÕovulation, ou maturation folliculaire, qui se manifeste par le dŽcollement entre lÕovocyte et les cellules folliculaires. Enfin, la DHP et son dŽrivŽ sulfatŽ semblent jouer un r™le dans la communication chimique lors du comportement sexuel chez certaines esp•ces, notamment les cyprinidŽs (Stacey et al 1989).

La connaissance du r™le de la DHP a per- mis de proposer un traitement dÕinduction de ponte associant une injection de sensibilisa- tion par une tr•s faible dose dÕextrait hypo- physaire. Ce traitement est sans effet appa- rent sur la maturation, il est Žconome en extraits hypophysaires et sÕest rŽvŽlŽ efficace chez les salmonidŽs, le brochet et la carpe commune. Dans cette derni•re esp•ce, il prŽ- sente lÕintŽr•t dÕ•tre actif ˆ tempŽrature plus basse que lÕhypophysation classique. Son effi- cacitŽ dŽpend toutefois dÕune apprŽciation rigoureuse du stade de maturitŽ des animaux ˆ traiter.

Applications des travaux sur lÕŽtude des facteurs de rŽgulation de la sŽcrŽtion hypophysaire

D•s 1971 nous avons pu disposer dÕune hor- mone gonadotrope purifiŽe ˆ partir dÕhypo- physe de carpe, qui a conduit ˆ la mise au point de son dosage par radio-immunologie.

Un dosage Žquivalent a ŽtŽ dŽveloppŽ pour la GtH2 de salmonidŽ apr•s la purification de

cette hormone chez la truite arc-en-ciel. Ces dosages ont ŽtŽ les seuls disponibles chez les poissons jusquÕen 1980 et ont permis de mon- trer que, chez les cyprinidŽs et les salmoni- dŽs, la maturation et lÕovulation sont prŽcŽ- dŽes dÕune augmentation importante des niveaux plasmatiques de cette hormone, cor- respondant au pic prŽ-ovulatoire de LH chez les mammif•res. Chez les vertŽbrŽs supŽ- rieurs, il Žtait clairement dŽmontrŽ que la sŽcrŽtion de LH par lÕhypophyse Žtait sous le contr™le dÕune hormone hypothalamique, la gonadolibŽrine ou LHRH. Il sÕagit dÕun dŽca- peptide dont la substitution des acides ami- nŽs en position 6 et 10 donne des molŽcules analogues prŽsentant une superactivitŽ par rapport au LHRH du fait de leur rŽsistance ˆ la dŽgradation par les endopeptidases. LÕexis- tence dÕun facteur hypothalamique stimulant la sŽcrŽtion de gonadotropine in vitro et in vivo ainsi que lÕaction du LHRH de synth•se ont pu •tre dŽmontrŽes chez la carpe, de m•me que lÕabsence de spŽcificitŽ biologique entre esp•ces relativement ŽloignŽes. Bien que nos travaux aient montrŽ son apparte- nance ˆ la famille des gonadolibŽrines (GnRH), le manque dÕŽquipement analytique ne nous a pas permis dÕŽlucider sa structure qui a ŽtŽ dŽterminŽe chez le saumon par Sherwood et al (1983). Des travaux du labora- toire de Physiologie des Poissons de lÕINRA et dÕŽquipes canadiennes ont montrŽ que les analogues du LHRH prŽsentent chez les pois- sons la m•me superactivitŽ que chez les mammif•res sur la stimulation de la sŽcrŽ- tion gonadotrope, et des analogues plus spŽci- fiques du GnRH de saumon ont ŽtŽ synthŽti- sŽs (pour revues Peter et al 1986, Breton et al 1993).

Chez les mammif•res, lÕutilisation des ana- logues agonistes du GnRH pour lÕinduction de lÕovulation sÕest rŽvŽlŽe dŽcevante. En effet, leur occupation prolongŽe des rŽcep- teurs hypophysaires et leur action de dŽsen- sibilisation de lÕhypophyse rŽsultent en une diminution de la rŽponse hypophysaire liŽe ˆ la nature pulsatile de la sŽcrŽtion gonado- trope. Par ailleurs, des effets antagonistes secondaires apparaissent parfois ˆ fortes doses. Au contraire, chez les poissons, nous avons pu montrer, in vitro comme in vivo, que les analogues du GnRH induisent des stimulations prolongŽes de la sŽcrŽtion hypo- physaire, sans dŽsensibilisation de lÕhypo- physe apr•s traitements rŽpŽtŽs, ce qui per- met son utilisation pour lÕinduction de lÕovulation. Les traitements par des ana- logues de GnRH, (GnRHa), se sont effective- ment rŽvŽlŽs tr•s actifs sur lÕinduction de la ponte dans de nombreuses esp•ces de pois- sons ˆ des doses variant de 5 ˆ 50 µg/kg.

Chez certaines dÕentre elles, lÕefficacitŽ des GnRHa a pu •tre amŽliorŽe en combinant leur action ˆ celle de bloqueurs des rŽcep- teurs dopaminergiques. CÕest le cas chez les cyprinidŽs, o• la dopamine exerce un effet inhibiteur important sur lÕaction du GnRH sur lÕhypophyse. LÕadministration conjointe dÕun antagoniste dopaminergique permet de INRA Productions Animales, Hors-sŽrie 1996

Reproduction et gŽnŽtique des poissons / 19

(5)

lever cette inhibition (Sokolowska et al 1985).

Bien que les traitements dÕinduction par les GnRHa soient de plus en plus couramment employŽs, et devraient remplacer ˆ terme les techniques dÕhypophysation, plusieurs fac- teurs limitent encore leur utilisation. LÕinjec- tion unique entra”ne en effet une stimulation aigu‘ de la sŽcrŽtion gonadotrope dont lÕeffi- cacitŽ reste limitŽe ˆ quelques heures. Dans ces conditions, seuls les animaux ayant atteint un stade de maturitŽ suffisant avant le traitement rŽpondent par lÕovulation.

Quelle que soit la nature du traitement, la plupart des interventions thŽrapeutiques chez les poissons nŽcessitent des captures et des anesthŽsies souvent rŽpŽtŽes, opŽrations stressantes pouvant entra”ner des dŽsordres physiologiques comme le blocage dŽfinitif de lÕovulation, ainsi que des consŽquences patho- logiques. En outre, le nombre dÕindividus ˆ traiter simultanŽment est gŽnŽralement important. Nous avons donc cherchŽ ˆ pallier ces inconvŽnients par le dŽveloppement de formes dÕadministration autorisant, par une action prolongŽe des GnRHa, lÕinduction et la synchronisation des ovulations quel que soit le stade de maturitŽ initial (figure 1), et la mise au point de formules dÕadministration par voie orale sans capture des animaux. Un procŽdŽ de micrÏncapsulation et une formu- lation de microcapsules contenant Žgalement des stimulateurs de lÕabsorption intestinale et des facteurs de protection contre la protŽo- lyse ont ŽtŽ dŽveloppŽs. AdministrŽes par voie orale, les microcapsules permettent dÕob- tenir une stimulation prolongŽe de la sŽcrŽ- tion gonadotrope et dÕinduire lÕovulation avec la m•me efficacitŽ et aux m•mes doses que des traitements aigus par injection ou sous forme retard en implants. Cette formulation (brevet en cours) sera valorisŽe dans le cadre dÕun programme europŽen de valorisation des rŽsultats de la recherche (VALUE) en relation avec un opŽrateur industriel. Au-delˆ de la

stricte application ˆ lÕinduction hormonale de la ponte, elle devrait permettre lÕadministra- tion dÕautres composŽs simplifiant les modes dÕintervention pour le traitement de cheptels importants de poissons.

Perspectives

Quelle que soit la technique dÕinduction uti- lisŽe, la cause majeure dÕŽchec reste la mŽconnaissance ou la mauvaise Žvaluation du stade de maturitŽ des animaux ˆ traiter.

La principale difficultŽ est lÕabsence de cri- t•re fiable permettant dÕŽvaluer lÕŽtat de dŽveloppement des follicules ovariens. En effet les seuls crit•res actuellement utilisŽs, taille du follicule et/ou position de la vŽsicule germinative dans les ovocytes, prŽsentent une grande variabilitŽ. La recherche de mar- queurs de maturitŽ du follicule est donc une prioritŽ.

Sur un plan plus gŽnŽral, la qualitŽ des Ïufs dŽpend aussi beaucoup des conditions de dŽroulement de la vitellogŽn•se, au cours de laquelle sont accumulŽes les rŽserves de lÕovocyte, nŽcessaires au dŽveloppement ultŽ- rieur de lÕembryon. Les travaux sur la nature et le mode dÕaction des facteurs impliquŽs dans le contr™le du dŽroulement de la vitello- gŽn•se constitue une autre prioritŽ parmi les recherches poursuivies sur la reproduction des poissons.

Monosexage et stŽrilisation par voie gŽnŽtique

Des travaux anciens sur les Amphibiens (comme ceux de J. Rostand) avaient montrŽ quÕil Žtait possible de modifier le stock chro- mosomique des embryons ˆ lÕaide dÕinterven- tions simples sur les gam•tes ou les Ïufs fŽcondŽs. Ils sont ˆ lÕorigine des mŽthodes mises au point pour le contr™le du sexe et de la reproduction chez les poissons dÕŽlevage.

La figure 2 prŽsente les diverses interven- tions possibles et les principaux groupes quÕelles permettent dÕobtenir.

La stŽrilisation par triplo•disation

La triplo•disation a tr•s vite ŽtŽ tentŽe chez les poissons en vue de leur stŽrilisation, la prŽsence dÕun jeu chromosomique surnumŽ- raire Žtant de nature ˆ perturber le dŽroule- ment normal de la mŽiose chez les animaux triplo•des. Il en est ainsi non seulement chez les Amphibiens, mais aussi chez les plantes, o• de nombreuses variŽtŽs sans pŽpin ont ŽtŽ obtenues selon ce principe. De plus, contrai- rement ˆ ce qui est observŽ chez les VertŽbrŽs supŽrieurs, la triplo•die semblait viable chez les VertŽbrŽs infŽrieurs, en particulier les poissons : certaines esp•ces comprennent des populations naturellement triplo•des, et des individus adultes spontanŽment triplo•des ont ŽtŽ dŽcrits ˆ plusieurs reprises dans des populations normalement diplo•des.

Figure 1. Pourcentages cumulés d’ovulation après administration d’un analogue de gonadolibérine de saumon à des truites arc-en-ciel : effets de différentes formes d’administration.

25 20 15 10 5 0 0 0 20 40 60 80 100

Témoin Injection Implant

% cumulés

d'ovulations

(6)

INRA Productions Animales, Hors-sŽrie 1996

Reproduction et gŽnŽtique des poissons / 21

Témoin diploïde

A - Destruction du génome paternel

Gynogénétique haploïde (non viable)

B - Inhibition de la 2ème division de méiose, par rétention du second globule polaire

C - Blocage de la première mitose embryonnaire

Gynogénétique diploïde méiotique

Gynogénétique diploïde mitotique

Triploïde

Tétraploïde

Androgénétique diploïde

globule polaire

1ère mitose 2ème division

de la méiose

A + B

A + C

A' + C

Figure 2. Les étapes de la fécondation et du début du développement embryonnaire chez les poissons.

Principales interventions possibles et leurs résultats.

La plupart des espèces animales sont diploïdes : le stock génétique de chaque individu est constitué de n paires de chromosomes (n dépendant de l’espèce), l’un des exemplaires de chaque paire provenant de la mère et l’autre du père de l’individu. La méiose est une division cellulaire particulière qui permet la formation de gamètes, ovules ou spermatozoïdes, haploïdes (ne contenant plus qu’un seul exemplaire de chaque chromosome), de telle sorte que l’état diploïde se trouve restitué à la génération suivante.

Chez les poissons, comme chez beaucoup d’espèces, l’ovule pondu n’a pas achevé sa méiose : il contient encore deux stocks chromosomiques d’origine maternelle, et ce n’est qu’après la fécondation qu’un des deux stocks est éliminé sous la forme d’un petit corpuscule, le second globule polaire. L’œuf entame alors son développement par divisions cellulaires mitotiques permettant la constitution d’un organisme diploïde.

Les possibilités théoriques d’intervention sur cette séquence d’événements sont multiples : - destruction du génome paternel (A) ou maternel (A’)

- inhibition de la 2

e

division de méiose, par rétention du second globule polaire (B) - blocage de la première mitose embryonnaire (C).

Une combinaison choisie de ces interventions permet l’obtention de groupes génétiquement originaux (animaux sans père -

gynogénétiques - ou sans mère - androgénétiques -, animaux polyploïdes possédant plus de 2 stocks chromosomiques - triploïdes,

tétraploïdes provenant d’une ou deux espèces parentales). Bien que tous les groupes présentés dans cette figure ne soient pas repris

dans cet article, tous ont pu être obtenus et élevés jusqu’à l’âge adulte chez la truite. Presque tous ont un intérêt pour la recherche et

l’expérimentation, et certains ont apporté de réels progrès dans les filières de production.

(7)

Les techniques dÕinduction de la triplo•die

Les premiers essais dÕinduction systŽma- tique de la triplo•die chez les poissons ont ŽtŽ rŽalisŽs chez lÕŽpinoche (Swarup 1959), par inhibition de lÕexpulsion du second globule polaire (voir figure 2) ˆ lÕaide de chocs froids ou chauds appliquŽs aux Ïufs fra”chement fŽcondŽs. Ont alors suivi des travaux sur la carpe et les poissons plats notamment, qui ont gŽnŽralisŽ lÕefficacitŽ des traitements thermiques froids. Par contre, chez les salmo- nidŽs et en particulier la truite arc-en-ciel, les essais restaient infructueux, ni les chocs froids, ni les agents antimitotiques chimiques testŽs ne donnant de bons rŽsultats. Les pre- miers rŽsultats positifs ont ŽtŽ obtenus ˆ lÕINRA, par Chourrout (1980) qui a montrŽ que des chocs chauds (24 ˆ 30

o

C) induisaient de forts taux de triplo•die (jusquÕˆ 100 %), les survies des lots traitŽs restant tr•s satisfai- santes.

LÕintŽr•t des chocs chauds a depuis ŽtŽ validŽ chez tous les salmonidŽs et dans de nombreuses autres esp•ces (voir revues de Chourrout 1987 et Ihssen et al 1990). Cette technique, tr•s peu cožteuse et facile ˆ mettre en Ïuvre ˆ grande Žchelle, a pu •tre diffusŽe tr•s rapidement dans les Žlevages qui le souhaitaient. Dans un premier temps, le personnel du laboratoire de GŽnŽtique des Poissons et les ingŽnieurs du Groupe dÕEtudes et de Diffusion des Innovations Technologiques en Hydrobiologie (GEDITH), structure dŽpendant du DŽpartement dÕHy- drobiologie et Faune Sauvage, ont assurŽ le transfert de la technique ˆ la profession, en accompagnant les premiers essais ˆ grande Žchelle et en ajustant les param•tres des trai- tements thermiques (moment dÕapplication, durŽe, niveau) en fonction des rŽsultats observŽs et des contraintes rencontrŽes.

Depuis, la profession sÕest structurŽe et le relais a ŽtŽ pris par le SYSAAF (Syndicat des SŽlectionneurs Avicoles et Aquacoles Fran-

•ais) qui joue maintenant le r™le dÕinstitut technique dans ce domaine.

Le laboratoire de GŽnŽtique des Poissons de lÕINRA a Žgalement montrŽ que les chocs de pression (ˆ 500 ou 600 atmosph•res pen- dant quelques minutes) permettent dÕinduire tr•s efficacement la triplo•die chez la truite arc-en-ciel. Il est possible que ces traitements finissent par supplanter les chocs thermiques dans la pratique, car ils sembleraient fournir des rendements plus rŽguliers. A court terme nŽanmoins, lÕachat de lÕappareil ˆ pression reste un investissement dissuasif pour beau- coup dÕentreprises.

Il existe une autre voie pour produire des individus triplo•des, qui permettrait de sÕaf- franchir des traitements dÕinduction : cÕest le croisement direct entre un parent tŽtraplo•de (voir figure 2) et un parent diplo•de normal.

Notre laboratoire est le premier ˆ avoir dŽmontrŽ la faisabilitŽ de cette voie, mais aussi ˆ en avoir soulignŽ les limites, parmi lesquelles une triplo•disation ŽlevŽe mais non

totale des descendants (95 % seulement, ce qui est Žquivalent aux rendements obtenus par induction directe) et la difficultŽ dÕentre- tien Ç en routine È dÕun stock de gŽniteurs tŽtraplo•des. Cette voie nÕappara”t donc pas compŽtitive dans des esp•ces comme les sal- monidŽs, chez qui les techniques de reproduc- tion artificielle (recueil et manipulation des gam•tes, fŽcondation et incubation in vitro) sont suffisamment ma”trisŽes pour permettre une application facile des traitements dÕin- duction directe de la triplo•die, mais pourrait

•tre avantageuse dans dÕautres cas.

Les performances des triplo•des en Žlevage

Le laboratoire de GŽnŽtique des Poissons a rŽalisŽ dÕimportants travaux sur lÕintŽr•t zootechnique des triplo•des avant dÕen propo- ser lÕusage dans les Žlevages salmonicoles (Quillet 1986, Quillet et al 1988).

PassŽs les stades prŽcoces, au cours des- quels la triplo•die se traduit par une morta- litŽ plus ŽlevŽe (en partie ˆ cause des effets nŽgatifs des traitements dÕinduction), on observe assez gŽnŽralement, chez les tri- plo•des, une survie Žquivalente et une crois- sance Žgale ou lŽg•rement infŽrieure (10 ˆ 20

% pour le poids immature) ˆ celles des ani- maux tŽmoins diplo•des. Des conditions de milieu plus sŽv•res (oxyg•ne, tempŽrature, salinitŽ...) sont cependant susceptibles de creuser ces Žcarts, pour la survie notamment : ce point est important ˆ souligner, car il signifie que les triplo•des nÕont dÕintŽr•t potentiel rŽel que dans une fili•re o• les conditions dÕŽlevage sont bien ma”trisŽes.

Pendant la pŽriode de maturation sexuelle, les triplo•des sont effectivement stŽriles, conformŽment aux attentes, dans le sens o•

ils sont inaptes ˆ produire des gam•tes viables. Mais cette stŽrilitŽ se traduit diffŽ- remment chez les m‰les et les femelles. Bien que gŽnŽtiquement stŽriles, les m‰les tri- plo•des prŽsentent en effet un dŽveloppement plus ou moins important du testicule. Les caract•res sexuels secondaires se dŽveloppent Žgalement avec une intensitŽ variable, mais suffisante pour confŽrer ˆ ces m‰les tri- plo•des un comportement et une physiologie de m‰les matures avec le cort•ge des pro- bl•mes dŽcrits plus haut (mortalitŽ, chute de croissance, baisse de la qualitŽ de la chair).

Par contre, la stŽrilitŽ des femelles est com- pl•te et dŽfinitive. La croissance ovarienne est totalement inhibŽe : on voit ainsi des ovaires de moins de 1 g sur des animaux de plus dÕun kilo (figure 3). Ces femelles triplo•des se comportent donc comme des poissons Ç Žternellement È immatures : elles poursuivent leur croissance, sans la baisse de qualitŽ organoleptique liŽe ˆ la maturation sexuelle.

On voit donc clairement que lÕavantage

essentiel de la triplo•disation, qui est de four-

nir des produits de caractŽristiques zootech-

niques et organoleptiques stables sur de

longues pŽriodes dÕŽlevage, nÕest complet que

(8)

dans le cas o• lÕon peut disposer de cheptels monosexes femelle. LÕobtention de tels chep- tels a donc motivŽ un important effort de recherche dŽcrit plus loin.

Le cas des hybrides triplo•des

Un autre intŽr•t de la triplo•die rŽside dans le fait quÕelle permet dÕobtenir des hybrides interspŽcifiques viables, alors que lÕhybride diplo•de correspondant ne lÕest pas : ce rŽsul- tat a ŽtŽ dŽmontrŽ simultanŽment par notre laboratoire et une Žquipe amŽricaine tra- vaillant aussi sur les salmonidŽs. On peut ainsi produire avec des rendements accep- tables des hybrides triplo•des entre la truite arc-en-ciel et des esp•ces rŽsistantes ˆ plu- sieurs viroses tr•s redoutŽes. Ces hybrides hŽritent de leur p•re la rŽsistance ˆ la mala- die, ont le plus souvent une stŽrilitŽ Žquiva- lente ˆ celle des triplo•des en esp•ce pure, et des performances zootechniques comprises entre celles des deux esp•ces parentales.

Leur intŽr•t appliquŽ dŽpend donc beaucoup des conditions locales, notamment de lÕoccur- rence des pathog•nes en question.

La production de populations monosexes femelles

Dans le contexte du contr™le de la repro- duction, les femelles prŽsentent deux avan- tages particuliers sur les m‰les :

- leur pubertŽ est plus tardive. Elles se reproduisent pour la premi•re fois ˆ deux ans voire trois, alors quÕil nÕest pas rare dÕobser- ver des m‰les matures d•s la premi•re annŽe, surtout lorsque la croissance est rapide. De ce fait, m•me lorsque le produit recherchŽ est un animal Ç portion È, la maturation des m‰les est prŽjudiciable ˆ la gestion des Žle- vages ;

- leur stŽrilitŽ est compl•te lorsquÕelles sont triplo•disŽes : les cheptels monosexes tri- plo•des sont le seul moyen de sÕaffranchir dŽfinitivement des probl•mes liŽs ˆ la repro- duction. CÕest pourquoi les cheptels mono- sexes femelles ont ŽtŽ recherchŽs en salmoni- culture.

Le principe dÕobtention des populations monosexes

La figure 4 prŽsente le principe dÕobtention de populations monosexes femelle dans une esp•ce comme la truite arc-en-ciel, o• le dŽterminisme gŽnŽtique du sexe est de type mammif•re (femelle XX, m‰le XY). Dans ce cas, cÕest le spermatozo•de (porteur du chro- mosome X ou Y) qui dŽtermine le sexe futur de lÕembryon. LÕobjectif est donc dÕŽliminer tout apport gŽnŽtique paternel et de produire des embryons uniquement ˆ partir du matŽriel gŽnŽtique de la m•re : il faut donc faire une gynogen•se (opŽration A + B de la figure 2). La destruction du gŽnome paternel est obtenue par divers traitements du sperme : mutag•nes chimiques, rayons gamma ou ultraviolets, la meilleure efficacitŽ de ces der- niers ayant ŽtŽ dŽmontrŽe au laboratoire

(Chourrout 1987). Le doublement du gŽnome maternel est ensuite obtenu par inhibition de lÕexpulsion du second globule polaire, avec les m•mes traitements que ceux qui sont utilisŽs pour induire la triplo•die. Les alevins gynogŽ- nŽtiques qui se dŽveloppent sont donc tous femelles (XX). Cependant, ˆ la fois parce quÕils sont relativement dŽlicats ˆ produire (lÕefficacitŽ de lÕirradiation doit notamment

•tre rigoureusement contr™lŽe) et partielle- ment consanguins, donc peu performants en Žlevage, ces alevins monosexes ne sont pas proposŽs directement pour lÕŽlevage.

Ils re•oivent, au cours des premi•res semaines dÕalimentation, un traitement hor- monal qui oriente la diffŽrenciation sexuelle vers le dŽveloppement de testicules malgrŽ INRA Productions Animales, Hors-sŽrie 1996

Reproduction et gŽnŽtique des poissons / 23

Figure 3. Inhibition de la croissance ovarienne chez les femelles triploïdes.

Alors que la masse ovarienne se développe dans des proportions très importantes chez les femelles diploïdes (O, photo supérieure), la gonade reste limitée à un simple filament chez les femelles triploïdes (G, photo inférieure).

Par contre, on notera le développement abondant des masses adipeuses

périviscérales (MA). Clichés E. Quillet.

(9)

un sexe gŽnŽtique femelle. Les Ç nŽom‰les È ainsi produits, recroisŽs avec des femelles ordinaires, fournissent une descendance exclusivement femelle, qui est triplo•disŽe par traitement thermique.

Ce schŽma est gŽnŽralisable ˆ la plupart des salmonidŽs et ˆ dÕautres esp•ces de pois- sons comme la carpe. Dans dÕautres cas, cÕest le m‰le qui est homogamŽtique (ZZ) et la femelle hŽtŽrogamŽtique (ZW). Mais ces mod•les simples sont insuffisants pour expli- quer les sex-ratio tr•s variables observŽs chez dÕautres esp•ces. Il faut dans ce cas faire appel ˆ des mŽcanismes complexes, faisant intervenir des g•nes portŽs par dÕautres chro-

mosomes que les chromosomes sexuels ou un dŽterminisme environnemental du sexe.

Les modalitŽs de mise en pratique Le schŽma dŽcrit ci-dessus prŽsente plu- sieurs avantages :

- lÕopŽration de gynogen•se nÕest nŽces- saire que dans la phase initiale. La deuxi•me gŽnŽration de nŽom‰les est en effet facile- ment entretenue par traitement hormonal dÕune petite fraction des animaux monosexes destinŽs ˆ lÕŽlevage. Le syst•me est donc facilement Ç dŽcentralisable È dans les entre- prises. En outre, les Žlevages qui ne veulent (ou ne peuvent) pas entretenir un stock de nŽom‰les peuvent recevoir directement de la laitance de nŽom‰les ;

- il suffit dÕun petit nombre de nŽom‰les pour produire un grand nombre dÕÏufs. LÕin- version sexuelle est en effet obtenue par incorporation dÕhormones stŽro•des dans lÕali- ment. LÕhormone dÕusage courant est la mŽthyltestostŽrone, une hormone de synth•se dont lÕusage en pisciculture fait lÕobjet en France dÕune mesure dŽrogatoire depuis le 1

er

janvier 1993. Les animaux qui lÕont re•ue doi- vent •tre dŽtruits apr•s avoir ŽtŽ utilisŽs comme reproducteurs. DÕo• lÕintŽr•t dÕen limi- ter le nombre.

Chez la truite arc-en-ciel, le syst•me a fait ses preuves et de nombreuses entreprises sont maintenant autonomes pour la produc- tion de cheptels monosexes. Les laboratoires de lÕINRA de GŽnŽtique des Poissons (Jouy- en-Josas) et de Physiologie des Poissons (Rennes) ont contribuŽ ˆ la dŽfinition de trai- tements hormonaux (dose, durŽe) qui permet- tent dÕobtenir des taux tr•s ŽlevŽs de m‰les, dont la plupart Žmettent spontanŽment de la laitance par pression abdominale.

Les esp•ces (salmonidŽs ou autres) candi- dates ˆ la mise en place dÕun tel schŽma ne manquent pas. Le syst•me est dŽjˆ transposŽ chez la truite commune, mais les nŽom‰les obtenus prŽsentent des anomalies du canal dŽfŽrent qui bloquent lÕŽmission de laitance.

Le sacrifice des animaux est alors indispen- sable pour pratiquer la fŽcondation. DÕautres voies dÕinversion (utilisation de stŽro•des naturels, agents anti-Ïstrog•nes) sont main- tenant explorŽes par le laboratoire de Physio- logie de Poissons et pourraient permettre de lever les difficultŽs pratiques sur cette esp•ce particuli•re, puis faciliter lÕoptimisation des traitements sur dÕautres esp•ces.

Les perspectives

Nous avons maintenant un recul suffisant pour assurer que les techniques gŽnŽtiques de contr™le du sexe et de la reproduction sont profitables aux fili•res aquacoles ˆ la fois comme outil de gestion et de diversification.

Le monosexage femelle est de plus en plus rŽpandu dans les trutticultures fran•aises ; la production de Ç grosses È truites (quelques milliers de tonnes) repose principalement sur des stocks triplo•des, et cÕest aussi gr‰ce ˆ la Figure 4. Principe du sexage génétique

utilisant la gynogenèse. Le système repose sur la création par gynogenèse d’un petit nombre de « néomâles » (femelles génétiques inversées) qui, croisés avec des femelles normales, fournissent une descendance exclusivement femelle. Les embryons XX destinés à la

production commerciale peuvent être triploïdisés par application d’un traitement complémentaire juste après la fécondation.

Gynogénèse diploïde

X Rayonnement γ , UV

Embryons XX

Mâles XX Femelles XX

Embryons XX Choc thermique

Hormones masculinisantes

Entretien de la lignée

Production

commerciale

(10)

combinaison entre un programme de sŽlec- tion efficace pour la croissance mis au point au laboratoire de GŽnŽtique des Poissons et lÕapplication de ces techniques de mono- sexage/triplo•disation que lÕŽlevage en mer de la truite commune Žmerge progressivement.

Essentiellement limitŽes ˆ la salmoniculture jusquÕˆ prŽsent, ces techniques y ont apportŽ un bŽnŽfice qui lŽgitime les demandes de transposition aux autres fili•res (poissons marins notamment), m•me si leur apport effectif devra •tre rŽŽvaluŽ dans chaque cas particulier.

On peut identifier deux grands volets justi- fiant des investigations complŽmentaires.

Dans le domaine des techniques dÕin- duction, nous avons vu que des travaux dÕajustement complŽmentaires sont en cours de rŽalisation ˆ la fois pour lÕinduction de la triplo•die (amŽlioration et rŽgularisation des rendements) et pour lÕinversion sexuelle (obtention de nŽom‰les fonctionnels aisŽment utilisables), quÕil sÕagisse de la mise au point pour des esp•ces nouvelles ou de lÕoptimisa- tion de techniques dŽjˆ fonctionnelles chez les salmonidŽs.

Un deuxi•me axe de recherches concerne la poursuite de la caractŽrisation des pro- duits triplo•des pour dÕautres crit•res que la croissance ou la maturation sexuelle, notamment, les crit•res de qualitŽ des car- casses et dÕaptitude ˆ la transformation, qui sont appelŽs ˆ prendre une importance crois- sante compte tenu des modes de consomma- tion.

Enfin, il est aussi primordial dÕanalyser les modalitŽs dÕintroduction de la triplo•die dans les schŽmas de sŽlection qui sont nŽcessaire- ment pratiquŽs en phase diplo•de. LÕapplica- tion dÕune opŽration de triplo•disation Ç termi- nale È permet-elle de conserver le progr•s gŽnŽtique obtenu en phase diplo•de ? Les pre- miers rŽsultats obtenus par les Žquipes de lÕINRA sont de ce point de vue encourageants.

Conclusion

Chez les poissons, esp•ces sur lesquelles nous ne possŽdions que peu de donnŽes par rapport ˆ dÕautres esp•ces dÕintŽr•t agrono- mique, dans ces domaines, ainsi que pour lÕŽtude dÕautres fonctions physiologiques ou la mise en place de schŽmas de sŽlection gŽnŽ- tique, lÕune des difficultŽs majeure pour les chercheurs a ŽtŽ le dŽveloppement de mŽtho- dologies et outils spŽcifiquement adaptŽs ˆ ces esp•ces, le recours ˆ ceux utilisŽs dans dÕautres classes de vertŽbrŽs sÕŽtant rŽvŽlŽs la plupart du temps inutilisables.

Les rŽsultats prŽsentŽs dans cet article fournissent deux exemples de la dŽmarche ˆ long terme mise en place et poursuivie actuel- lement sur ces th•mes. Ils montrent la spŽci- ficitŽ du mod•le poisson et ont permis de pro- poser des solutions souvent originales qui, au-delˆ de leur application directe en Žlevage, font des poissons des mod•les biologiques ori- ginaux par rapport aux vertŽbrŽs supŽrieurs.

INRA Productions Animales, Hors-sŽrie 1996

Reproduction et gŽnŽtique des poissons / 25

RŽfŽrences bibliographiques

Baroiller J.F., Jalabert B., 1989. Contribution of research on reproductive physiology of the culture of Tilapias. Aquat. Living Ressources, 2, 105-116.

Breton B., Billard R., Jalabert B., 1972. SpŽcificitŽ dÕaction et relations immunologiques des hormones gonadotropes de quelques poissons tŽlŽostŽens. Ann.

Biol. anim. Bioch. Biophys., 13, 347-362.

Breton B., Jalabert B., Reinaud P., 1976. Purifica- tion of gonadotropin from rainbow trout (Salmo gairdneri Richardson) pituitary glands. Ann. Biol.

anim. Bioch. Biophys., 16, 25-31.

Breton B., Mikolajczyk T., Popek W., 1993. The neu- roendocrine control of the gonadotropin (GTH2) secretion in teleost fish. American Geophysical Union. In : B. Lalhou et P. Vitello (eds), Aquaculture : fundamental and applied research, 199-215.

Chourrout D., 1980. Thermal induction of diploid gynogenesis and triploidy in the eggs of the rainbow trout (Salmo gairdneri R.) Reprod. Nutr. Develop., 20, 727-733.

Chourrout D., 1987. Genetic manipulations in fish : review of methods. Proc. World Symp. on Selection, Hybridization, and Genetic Engineering in Aquacul- ture. Bordeaux 27-30 May, 1986. Berlin, Vol. II, 111- 126.

Fostier A., Breton B., Jalabert B., Marcuzzi O., 1981. Evolution des niveaux plasmatiques de la gonadotropine glycoprotŽique et de la 17α- hydroxy,20β-dihydroprogestŽrone au cours de la maturation et de lÕovulation chez la truite arc-en- ciel, Salmo gairdneri. C.R. Acad. Sci., 293, 817-820.

Fostier A., Jalabert B., Terqui M., 1973. Action prŽ- dominante dÕun dŽrivŽ hydroxylŽ de la progestŽrone sur la maturation in vitro des ovocytes de la Truite arc-en-ciel Salmo gairdneri. C.R. Acad. Sci., 292, 777-780.

Ihssen P. E., McKay L. R., McMillan I., Phillips R.

B., 1990. Ploidy manipulation and gynogenesis in fishes : cytogenetic and fisheries applications. Tran- sactions of the American Fisheries Society, 119, 698- 717.

Jalabert B., 1976. In vitro oocyte maturation and ovulation in rainbow trout (Salmo gairdneri), nor- thern pike (Esox lucius), and goldfish (Carassius auratus). J. Fish. Res. Board Can., 33, 974-988.

Jalabert B., Breton B., Billard R., 1974. Dosage bio- logique des hormones gonadotropes de poissons par le test de maturation in vitro des ovocytes de truite.

Ann. Biol. anim. Bioch. Biophys., 14, 217-228.

(11)

Jalabert B., Fostier A., Breton B., Weil C., 1991.

Oocyte maturation in vertebrates. In : P.K.T. Pang et M.P. Schreibman (eds), Vertebrate endocrinology : fundamental and biomedical implication, 23-90.

Academic Press, New York.

Maisse G., Breton B., 1996. Contr™le photopŽrio- dique de la saison de reproduction chez les salmoni- dŽs. INRA Prod. Anim., 9, 71-77.

Peter R.E., Chang J.P., Nahorniak K., Omeljaniuk R.J., Sokolowska M., Shih S.H., Billard R., 1986.

Interactions of catecholamines and GnRH regula- tion of gonadotropin secretion in teleost fish. Recent Progress in Hormone Research, 42, 513-546.

Quillet E., 1986. Contribution ˆ lÕŽtude de la triplo•- die induite chez les salmonidŽs : consŽquences sur les caractŽristiques zootechniques. Th•se de Doc- teur-IngŽnieur, INA PG, 126 pp.

Quillet E., Chevassus B., Blanc J.M., Krieg F., Chourrout D., 1988. Performances of auto and allo-

triploids in salmonids. 1 - Survival and growth in freshwater farming. Aquat. Liv. Resources, 1, 29-43.

Sherwood N., Eiden L., Brownstein M., Spiess J., Rivier J., Wale W., 1983. Characterization of a teleost gonadotropin-releasing-hormone. Neuropep- tides, 6, 205-214.

Sokolowska M., Peter R.E., Nahorniak C.S., 1985.

The effects of different doses of pimozide and [D- Ala

6

, Pro

9

-N ethylamide]-LHRH (LHRH-A) on gona- dotropin release and ovulation in female goldfish.

Can. J. Zool., 63, 1252-1256.

Stacey N. E., Sorensen P. W., Van Der Kraak G.J., Dulka, 1989. Direct evidence that 17 α ,20 β -dihy- droxy-4-pregnen-3-one functions as a goldfish pri- mer pheromone : preovulatory release is closely associated with male endocrine responses. Gen.

Comp. Endocrinol., 75, 62-70.

Swarup M., 1959. Production of triploidy in Gaste-

rosteus aculeatus. J. Genet., 56, 129-142.

Références

Documents relatifs

2- Mise en circulation des fluides externes (1- Reflexe bucco-pharyngé, aspiration d’eau par la bouche, fermeture de la bouche et pression avec la langue pour propulser

Cependant, chez de nombreuses espèces incluant des mammifères, il est intéressant de constater que des traitements photopériodiques artificiels consistant en un

Le transport des gamètes et des embryons Les possibilités de transport dépendent naturel- lement de la durée de survie des gamètes et de la résistance aux

Les systèmes génétiques les plus fréquents sont soit des systèmes mono-factoriels à hétérogamétie mâle (comme chez les mammifères XX/XY), soit à hétérogamétie

Différents types de vaccins existent : des vaccins inactivés, qui sont pour l'essentiel des vaccins anti-bactériens produits par fermentation des bactéries suivie d'une inactivation

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

Cependant, chez de nombreuses espèces incluant des mammifères, il est intéressant de constater que des traitements photopériodiques artificiels consistant en un

Différents types de vaccins existent : des vaccins inactivés, qui sont pour l'essentiel des vaccins anti-bactériens produits par fermentation des bactéries suivie d'une inactivation