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Submitted on 27 May 2020
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Impact des pesticides chez les larves d’abeilles
domestique : développement d’une méthode innovante pour le renforcement réglementaire
Pierrick Aupinel, Dominique Fortini
To cite this version:
Pierrick Aupinel, Dominique Fortini. Impact des pesticides chez les larves d’abeilles domes-
tique : développement d’une méthode innovante pour le renforcement réglementaire. Innovations
Agronomiques, INRAE, 2016, 53, pp.1-9. �10.15454/1.5135849583721523E12�. �hal-01604175�
Impact des pesticides chez les larves d’abeilles domestique : développement d’une méthode innovante pour le renforcement réglementaire
Aupinel P.
1, Fortini D.
11
Unité 1255 expérimentale d'entomologie, INRA Le Magneraud, Centre Poitou-Charentes, CS 40052, F-17700, Surgères
Correspondance : pierrick.aupinel@inra.fr
Résumé
L’homologation de nouvelles molécules à usage phytosanitaire impose qu’elles soient soumises à plusieurs tests, dont certains sont destinés à évaluer leur effet sur l’abeille domestique, afin de s’assurer que leur usage ne porte pas préjudice à cet insecte. Bien que le couvain puisse être exposé aux pesticides, il n’existait pas de méthode fiable pour évaluer leur effet à ce stade. C’est pour combler cette lacune que nous avons démarré en 2003 des travaux visant à proposer une méthode standard pour mieux évaluer les risques sur couvain, ce stade étant peu pris en compte dans la mesure où la seule méthode existante était à la fois difficile à mettre en œuvre et peu précise. Grâce à un soutien financier FEAGA, nous avons pu développer une technique d’élevage larvaire in vitro en laboratoire qui permet un contrôle parfait de l’exposition des larves au produit à tester. Après son adoption par la Commission des essais biologiques en France en 2007, cette méthode a fait l’objet d’une ligne directrice OCDE en 2013 dans sa version « exposition aigue » et d’un document guide OCDE en 2016 dans sa version
« exposition répétée ».
Mots-clés : Homologation, Pesticides, Elevage larvaire, Couvain
Abstract: Impact of pesticides to larvae: development of an innovative method for the statutory strengthening
The ratification of new molecules with phytosanitary use imposes that they are submitted to several tests, among which some are intended to estimate their effect on honney bee, to make sure that their use does not harm this insect. Although brood can be exposed to pesticides, there was no reliable method to estimate their effect at this stage. It is to fill this gap that we started in 2003 the works to propose a standard method to estimate better the risks on brood, this stage being little taken into account as far as the only existing method was at the same time difficult to implement and little acute.
Thanks to a financial support FEAGA, we were able to develop an in vitro technique of larval breeding in laboratory which allows a perfect control of exposure of larvae to the tested product. After its adoption by the Commission of the biological essays in France in 2007, this method was the object of a OECD guideline in 2013 in its acute exposure modality and of OECD guidance in 2016 in its repeated exposure modality.
Keywords: Evaluation, Pesticides, Larval breeding, Brood
Introduction
Pour être mis en vente sur le marché français, tout produit phytosanitaire, doit disposer d’une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) délivrée en 2 phases :
Au niveau européen, la Commission européenne fixe des critères d’approbation des substances
actives sur des critères d’efficacité, de composition, d’incidence sur la santé humaine et l’environnement
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et d’écotoxicologie. Après examen par le Comité Phytosanitaire Permanent, la substance, si elle respecte ces critères, sera inscrite sur une liste positive et pourra être incorporée dans un produit phytosanitaire. Au plan national, le dossier biologique du produit phytosanitaire à homologuer doit garantir son efficacité, sa sélectivité vis-à-vis de la culture concernée et son innocuité vis-à-vis de l’applicateur, du consommateur et de l’environnement afin de constituer le dossier écotoxicologique prenant en compte la faune, la flore, le sol, l’eau. L’abeille domestique fait partie des organismes non cibles pour lesquels l’innocuité du produit testé doit être prouvée. Plusieurs tests sont alors mis en œuvre pour évaluer les effets du produit sur l’abeille et les risques associés à son utilisation en plein champ. Ces tests officiels d’homologation doivent répondre à des critères de standardisation, de stabilité et de reproductibilité. Ils doivent couvrir divers scenarii d’exposition et prendre en compte les différents stades de développement de l’insecte.
L’abeille domestique peut être exposée au stade adulte notamment lorsque les butineuses sont à l’extérieur de la ruche, mais aussi au stade larvaire principalement par les aliments qui sont élaborés par les nourrices à partir du pollen et du nectar collectés par les butineuses. Une estimation du risque sur abeille doit donc couvrir ces 2 stades de développement. En second lieu, cette évaluation doit être conduite dans des conditions qui garantissent le contrôle de l’exposition. Si cette exigence est relativement facile à satisfaire chez des abeilles adultes, elle devient beaucoup plus critique s’agissant de couvain. En effet, le maintien en vie et le nourrissage contrôlé de quelques imagos en cagettes en laboratoire est un procédé qui requiert peu de matériel et de savoir-faire. Chez les larves, la seule méthode préconisée jusqu’au début des années 2000 par l’OEPP (Organisation Européenne pour la Protection des Plantes) consistait à exposer des larves dans une ruche avec le risque évident d’exposition non contrôlée par l’apport de substances exogènes venant biaiser l’exposition au produit testé (Oomen et al., 1992). Bien que quelques essais d’élevage en conditions contrôlées aient été réalisés et fait l’objet de nombreuses publications (Weaver, 1974 ; Wittmann et Engels, 1981 ; Rembold et Lackner, 1981 ; Vandenberg et Shimanuki, 1987 ; Davis et al., 1988 ; Czoppelt, 1990 ; Engels, 1990 ; Peng et al., 1992 ; Brodsgaard et al., 1998 ; Malone et al., 2002), aucune méthode standard utilisable en routine n’était connue au début des années 2000.
C’est pour combler ce vide que nous avons entrepris des recherches de 2004 à 2007, financées par des fonds FEAGA, sur le développement d’un test portant sur les larves d’abeilles répondant à des critères de standardisation, reproductibilité, contrôle de l’exposition et de la mortalité.
1. Méthode d’élevage in vitro
Les travaux relatifs à la mise au point de la méthode ont principalement porté sur les aspects technique
et alimentaire. Concernant le premier point, nous avons opté pour un système d’élevage en mode
individuel tel que celui décrit Vandenberg et Shimanuki (1987). D’une part, seul ce mode d’élevage
comparé un des systèmes où les larves sont élevées en groupe (Weaver, 1974 ; Peng et al.,1992)
permet de standardiser la quantité d’aliment ingéré par larve, et le contrôle de l’exposition au produit
testé à l’échelle individuelle. Nous avons également opté pour l’usage de plaques de cultures à 48 puits
comme support des dispositifs d’élevage constitués de cupules de greffage utilisées pour l’élevage des
reines. Cette technique, comparée à celles décrites dans la littérature, a permis de réduire
significativement la mortalité larvaire notamment du fait qu’elle permet de limiter les manipulations
excessives des larves (Figure 1). Pour l’obtention de ces dernières, nous nous sommes inspirés de la
technique utilisée par Peng et al. (1992), qui consiste à isoler entre 12 et 24h (Figure 2) une reine dans
une cage dont les parois sont constituées de grilles à reine, contenant un cadre bâti avec un grand
nombre de cellules vides. Les ouvrières peuvent ainsi pénétrer dans la cage afin d’apporter les premiers
soins aux larves naissantes. Cette procédure contraint la reine à pondre sur un seul cadre sur une
durée relativement courte, permettant ainsi une production massive de larves homogènes en âge et en
taille.
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Figure 1 : Schéma d’un puits muni d’une cupule
Après le retrait de la reine de la cage, cette dernière est replacée dans la colonie avec le cadre contenant les œufs durant trois jours, temps nécessaire pour permettre l’éclosion des larves qui sont prises en charge par les ouvrières de la ruche. Le cadre contenant les jeunes larves est transporté au laboratoire afin que ces dernières soient transférées une à une à l’aide d’un pinceau fin dans les cupules ayant préalablement reçu 20 µL d’aliment. Chaque plaque de 48 cupules est ensuite placée dans un caisson étanche équipé d’un bac contenant une solution saturée de K
2SO
4qui garantit une humidité relative de 90 +/- 5%, lui-même placé dans un incubateur à température constante de 34,5
±0,5°C.
Les larves sont maintenues dans ces conditions durant 6 jours et nourries quotidiennement avec un aliment composé à 50% de gelée royale et 50% d’une solution aqueuse sucrée et protéinée, excepté le second jour. Par souci de standardisation, nous avons conduit des travaux visant à déterminer des quantités d’aliment constantes par jour et par individu permettant un développement homogène et normal des larves (Aupinel et al., 2005). Ces travaux nous ont également amenés à définir des compositions variables des aliments en fonction de l’âge des individus. Cette variation porte uniquement sur la composition de la solution aqueuse ajoutée à la gelée royale (Tableau 1).
Tableau 1 : Composition de la solution aqueuse selon le type d’aliment
Aliment (Age) A (J1) B (J3) C (J4, J5, J6)
extrait de levure (%) 2 3 4
D glucose (%) 12 15 18
D fructose (%) 12 15 18
Au terme de la phase larvaire, les plaques contenant les prénymphes sont transférées dans autre caisson content un bac d’une solution saturée de NaCl qui garantit une humidité relative de 80 +/- 5%, placé lui-même dans un incubateur à température constante de 34,5 ±0,5°C. Après cette phase de nymphose de 7-8 jours, les plaques sont placées dans des boites d’émergence (Figure 2) dans un incubateur à la température constante de 34,5 ±0,5°C, et une humidité relative minimum de 50%.
Chaque boite d’un volume de 60 cl aérée sur sa partie supérieure est équipée d’un fragment de rayon de cire gaufrée et d’un bee-boost qui délivre une phéromone royale qui stimule le comportement social des émergentes et favorise leur regroupement. Cette mesure limite les risques de détérioration des
Larve + milieu
nutritif
Cupule
Puits
Coton dentaire imbibé
avec 500 µL d’une
solution stérilisante
(type Milton) enrichie à
15% de glycérol
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nymphes non émergées par les abeilles précocement émergées. Un abreuvoir rempli de sirop fournit aux jeunes abeilles une source de sucre qui assure leur maintien en vie.
Figure 2 : Schéma d’une boite d’émergence
2. Principe d’un test
Ce test permet d’évaluer les effets à court et moyen terme d’une exposition orale aiguë ou répétée à un insecticide (Figure 3) durant le stade larvaire (Aupinel et al., 2007 ; Aupinel et al., 2007). Dans le cas d’une exposition aiguë, la substance à tester est dissoute dans l’aliment C et distribuée aux larves à J4.
Nous avons retenu cet âge pour trois raisons :
- En conditions naturelles, les larves sont exclusivement nourries avec des secrétions glandulaires jusqu’à J3 et présentent donc un risque d’exposition faible jusqu’à cet âge.
- J4 est l’âge le plus avancé pour observer des effets sur les larves à 24h (J5) et 48h (J6), la nymphose ayant lieu à partir de J7.
- D’un point de vue pratique, il est possible de remplacer les larves mortes prématurément suite à leur manipulation lors du greffage par des larves vivantes provenant d’une plaque dite de secours. Cette opération permet de rééquilibrer des échantillons avant traitement avec le produit à tester.
En exposition répétée, la substance à tester est dissoute dans les différents aliments à partir de J3 pour les mêmes raisons que celle évoquée précédemment (risque d’exposition faible avant J3, possibilité de rééquilibrage des effectifs avant traitement). Les larves sont ainsi exposées de J3 à J6 sans interruption.
Ce test a été présenté et accepté dans ses deux versions à la CEB (Commission des essais
biologiques) en 2007, qui a toutefois souhaité sa validation par un test inter laboratoires.
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J-3 J-2 J-1 J0 J+1 J+2 J+3 J+4 J+5 J+6
Ponte Matin : encagement de la reine
Après-midi : libération de la reine
Greffage stade L1
J+7
Changement d’étuve pour nymphose
Incubation Elevage larvaire
(34°C à 35°C, 95% HR)
50 40
30 20
0 Quantité 20
d’aliment/larve(µl)
C C
C B
- Type d’aliment A
in vivo in vitro
Nymphose (34°C à 35°C,
80% HR)
Emergence (34°C à 35°C,
50%HR)
J+15 J+22
Passage en boite d’émergence
Sirop
ad libitum
Contrôle émergence
Exposition aiguë Exposition répétée
Figure 3 : Schéma chronologique d’un test larvaire en mode aigu ou répété
3. Validation du test
3.1 Mode exposition aiguë
Présentée au symposium de l’ICPBR à York en 2005 (Aupinel et al., 2007), il a été décidé à cette occasion de valider cette méthode par un test inter laboratoires. 7 laboratoires répartis dans 5 pays ont participé à ce test en 2008. Compte tenu du caractère récent de la méthode, de l’absence de pratique des participants, nous avons convenu de réaliser ce premier test en mode aigu, avec une lecture de la mortalité à 48h pour estimation de la DL
50. Nous avons également été amenés à organiser des séances de formation des participants pour les familiariser à la méthode.
Concernant la molécule à tester, nous avons choisi le diméthoate. Deux raisons majeures ont guidé ce choix : le diméthoate est la molécule de référence (témoin positif) dans la plupart des tests sur abeille ; nous avions par ailleurs une bonne expérience de ce produit sur larves d’abeille (Aupinel et al., 2007 ; Aupinel et al., 2007). Ce dernier point nous a orientés sur la gamme de doses à tester (µg/larve) : 0,83 ; 1,65 ; 3,30 ; 3,60 ; 13,20. Chaque laboratoire devait produire au moins 3 essais valides, chaque essai étant constitué 6 plaques (5 doses de diméthoate + 1 témoin eau) avec un minimum de 30 larves/plaque, chaque plaque correspondant à une modalité. Le principal critère de validité pour chaque essai portait sur la mortalité à J7 qui ne devait pas excéder 15%. Les Dl
50étaient calculées à l’aide de la formule de Abbott (Abbott, 1925).
Au total 31 essais pour 9 tests ont été réalisés (Figure 4), chaque essai fournissant une estimation de
DL50 (Figure 5). 7 tests ont conduit à des estimations de DL50 comprises entre 1,5 µg/larve et 3,1
µg/larve (F), les tests C et D affichant des valeurs particulièrement élevées (respectivement 5,5 et 8,8
µg/larve). Ces variations peuvent être dues à de multiples facteurs dont l’un des plus probables serait
un écart de température pendant l’élevage. Il a en effet été montré (Medrzycki et al., 2010) que la DL50
sur larves pouvait être multipliée par 28 pour des larves élevées à 33°C au lieu de 35°C. Ce paramètre
particulièrement critique n’ayant pas fait l’objet d’attention particulière, autre que les contrôles courants
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A B C D E F G H I
LD50 μg/larva
fournis par les sondes des incubateurs, nous n’avons pas été dans la capacité de conclure sur les causes des dérives observées sur deux tests.
Ces résultats ont été présentés à l’OCDE en 2012 qui a validé la méthode dans sa modalité « exposition aiguë » donnant lieu à une nouvelle ligne directrice (TG237) (OCDE, 2012).
Figure 4 : Exemple de résultat d’un essai permettant d’estimer la DL
50à partir de la relation dose-effet
Figure 5 : DL
50moyennes (± erreur standard) obtenues pour chaque test au test inter laboratoire (Aupinel et al., 2008)
3.2 Mode exposition répétée
A la demande du groupe d’experts abeille de l’OCDE, un second test inter laboratoires, destiné à
valider le test en mode exposition répétée, a été organisé en 2014, regroupant 13 laboratoires répartis
dans 6 pays. Afin de mieux appréhender les effets des substances testées, il a été décidé de prolonger
le test jusqu’à l’émergence des adultes et de mesurer le taux d’émergence comme variable d’effet. Le
principal critère de validité concernait ce taux qui devait être supérieur ou égal à 70% chez les témoins
non traités à J22 et une mortalité larvaire à J8 < à 15 %. En second lieu, nous avons également
convenu de tester deux catégories de molécules : une molécule produisant un effet graduel, une
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CE50
Test