(LETTRE
de h. je s s é,
DÉPUTÉ DE BEZIERS,
A UN AMI DE PROVINCE,
Sur
laconjuration du 14
juillet,sur
celte"
de Mithridate
, etsur
lescaves de Vécole
militaire.A PARIS,
Chez Gattey
, Libraire, au Palais-Royal,
N°. 13
&
14.UBRARÏ
UiiJ
M B m
lettre
D E H. JESS É, DÉPUTÉ DE BEZIERS,
A UN AMI DE PROVINCE,
Sur
laconjuration du 14
juillet ,sur
celle
de Mithridate,
etsur
lescaves de
l’école militaire»
Vou
sme demande*
,mon
cherami
,mon
sentiment sur des bruits
que
l’onrépand au
sujet dela fédération nationale; votre imagina- tion s’étoit
enflammée
à la pensée de toutce que
cettecérémonie
doit avoir de tendre et d’auguste , votre anteneuve
etpure
étoitdéjà présente à ce spectacle, digne des teins an- tiques, et auquel ils ne présentent rien d égal ;A 2
(
4
)vous vous
disposiez à en être le témoin avec votre famille ;un nouveau
sentimentvous
fait hésiter;on
ditque
sa tranquillité de la fête sera troublée,
que
sa sainteté sera souillée par des factions ; ces bruits ne sont pas étran- gers à la capitale, plusieurs citoyens l’aban- donnent. Est-ce ici,
me demandez-vous, une
ruse des ennemis de la révolution, qui feignent et répandent ces craintes
pour
décréditer ce grand acte de réunion, qui, si nous
sommes
dignes de la liberté, doit
nous
l’assurerpour
jamais ?ou
craint-onque
la partie de lase-^
ciété, à quil’indigence peut conseillerlecrime
,
ne
profite de cemoment pour
causer quelque troublef y seroit-elle incitée par quelque grand factieux fVous
voudriez être auchamp
demars;
maisvous
craignez de confier,pen-
dant ce tems à la capitale , ce
que vous avez
de plus cher ;vous
desirez savoir ceque
jepense
là-dessus; je vaisvous
le dire, ce qu’il faut,
je crois , penser de toutes les conspira- tions annoncées à l’avance; c’est qu’on
peut
vivre au milieu d’elles, ety
dormir en paix;car ce n’est pas par la scélératesse, mais par
la crainte stupide,
ou
par lemanège
des fac- tionsque
celles-là sont ourdies.Je crois
que
dansu& moment
de révolution,U)
qui est déjà
un rdèuvement
forcé de lama-
chine politique , toutrassemblement
, toute grande représentation estune
accélérationde
cemouvement
,
que
les idées fermentent,
que
les partis s’observent alors plus attentivement, et
que chacun, pour
tenir en respect le parti contraire,ou pour
le rendre odiehx, se hâte de lui supposer des desseins criminels, qu’on en remplitles journaux , et lesplace: publiques;
on ne
sait trop ce qu’on a à craindre; maiscomme
lapeur
est à la fois le fléau et l’occu- pation favorite de cette singulière espèce qu’on appellehomme, on
crie àceux
quimarchent
sous le drapeauopposé;
jene
sais trop, ni ceque vous
tramez, ni ceque vous pouvez
tramer; mais pensez-y àdeux
fois,vous
êtes découverts, etvous
aurez à faire à gens qui ontle bras aussi lourdque
la tête forte etpoli- tique.Et
en effet, quelle pourroit être l’appré- hension raisonnable ?Ce que
l’onappelle l’aris-tocratie,
ne
prendroit pas,pour
ébranler la constitution , lemora
eut de l’ivresse générale qu’elle excite. Ellene
prendroit pas celuio%
les gardes nationales ( nt député
ceux
d’entreeux
qui lui sont leplus attachés.,-où
lestroupesA g
/
(
de
ligneontenvoyé
leurs vieuxet braves nour- rissons, etque
toutes ces fractions viennentaugmenter
la forcearmée
de la capitale. Cela n’est pas vraisemblable ; et dans l’hyppotèse contraire , peut -on
imaginer* que si desgens
sansaveu
vouloient tenter quelqu’entre- prise , ils ne fussent à l’instant réprimés,
et par la garde nationale parisienne , et
par
les députés de celles des départemens, etpar ceux
des troupes réglées ?Ces
troupesne
trouvent-elles pas, dans l’organisationque va
leurdonner
l’assemblée,un
sort aisé qu’ejles étoient loin de connoître, desrécompenses
ac-^cordées à de longs travaux
ou
à des talens.Ces
soldats n’ont-ils pasbeaucoup
à gagner par la liberté, tout à perdre par la confusion et la licence ?Ne
seront-ils pas sous lesyeux du
roi , sousceux
des représentai de la na- tion ? et si la discorde étoit assezmal
habilepour
faire alors siffler ses «erpens; ces bravesne
se raiiieroientdls pas à lavoixdes mentorsde
la patrie
, à celle de Pélève de
Wasington
?Croyez vous que
lacommune
de Paris, qui
a
conçu
le projet de la fête, et lecommandant-
général n’aient pas calculé lesinco.nvéniens qui dévoient résulter d’une plus grande affluence
d’homnies?
croyez-vousque
la police qui af
in
fté si bien protégée jusqu’ici
par
la garde na<tionale^o sera négligée dans cette occasion;
peu
desbons
citoyens qui lacomposent
serontau champ de mars
; la plus grande partieno
sera pastémoin
de ce spectacle d’un jour ,ellepréfère celui qu’elle
donne constamment de-
puisune
année, celui de la sûreté générale,
et
vous
sentez ceque peuvent pour
la tran-quillité
20,000
citoyensarmés
, unis, et frères et amis de tout ce qui xeiste ici de gensmani-
festement intéressésau
maintien de l’ordre (5tde
la paix publique.Mais
si le désordrene
peutprendre
nais- sance dans la populationmême
de Paris,
pen-
seriez-vous qu’il fût plus aisé
de
l’amenerdu
de- hors;lesmendians
,les brigandsquiinfestentnos
provinces,pourroient-ilsrecevoirun
rendez-vouS dans sesmurs
à cetteépoque
; mais, d’abord,il est probable
que
les ponts, leschemins,
touslesabords , seront gardéscomme
ils doiventl’êtredésormaisdelamendicité
vagabonde;
ensuit©qu’ellas seraient les
armes
des perturbateurs ?Quel mot
d’ordre?Quel
signede
ralliement peu- vent leur êtredonnés?Qui
oserait,avant Péxëcu- îion,senommer
àeux comme
chef,ou
seulement se faire désigner; s’ils sont appelléspour
être laissés àeux-même,
et se diriger selon les cir-À z
e ï * )
constances ,
de
quel effet peut être uhë pareÜie troupe qut s’agite, tourbillonne,rompt
par son ignorance les desseins deceux
qui l’em- ) ployent , et présente par son désordreune
victoire facile à la force dirigée parl’impulsiondan
seul; très -
heureusement
les conjurations sont très-difficilesàmachiner,
très- difficiles à mettreà
execution, et ilestplusdifficile encore enobtenirp’effetqu’ons’en estpromis;
compulsez
les registres de l’enfer, sur les conjurations an.
ciennes et
modernes
, consultez Salluste,
Ta-
cite, Saint-Réal , étudiez la conjuration des
poudres
, celled’Amboise
, celle qui voulut ôter la régence auduc
d’Orléans, depuisCati- lina enfin, jusqu’à l’abbé Porto-Carréro :vous
verrezcombien
cetteabominable
théorieest d’une pratique mal-aisée; le professeur Machia- vel est obligéde le confesser;en effet,
un mot, un
geste,lapitiéd’unconjuré, saprécipitation
ou
sonimprudence
, la lenteurou
les précautionsd un
second, la tendresse d’uneépouse,
lasagacité d’une courtisanne, ont suffit jusqu’ici
pour
faireéchouer
les combinaisons les plus profondes ;somme
tout , le secret ne peutêtrele partage
que du
petitnombre,
et le petitnombre
exclutnécessairement la puissance.Qui
pourraitdonc
tenter de troubler la fédération nationale?Ce
n’est pas l'aristocratie^
i
(9)
elle n’est pas eu force, et d’ailleurs
,
pourquoi
h
juger sanguinaire?Quoique
la fête ailledirectement contreses intérêts, elle nechoisiroit pas ce
moment pour
témoigner de l’humeur;les convives ne sont pas de ses amis.
Ce
n’est pasla partie indigente de Paris> très-affectionnée à la révolution, quoiqu’elle en souffre
momen- tanément;
et qui seroitcontenue,
si elle étoit égarée.Ce
nest certainement pas sesbons
bourgeois, qui nedemandent que
paix etcom-
merce.Ce
ne sera pas davantage l’étranger opulent, qui n’a de butque
son plaisir et tout ce qui l’assure. Jene
voisdonc
de danger provenir , nidu
dedans , nidu
dehors, les malveillans, s’ily
en a, sontdésarmés
, et les
bien intentionnés sont sous les armes.
Ainsi je ne trouve par-tout que des sujets
de
sécurité, mais il est peut-êtrebon
de le direpour
qu’elle soitentière; car de lamanière
dont toutes les têtes sont électrisées par toutes ces conspirations saugrenues , de lamanière
dont les journalistes desdeux
partis s’en vont criant, encore quelques jours etNinivc
seradétruite , sans réfléchir
que
sinous avons
comme
elle nos justes qui prient , nousavons
de plus nos sages qui veillent: je suis
persuadé
que
si le 14, quelque vieillearquebuse
venoit(
10
)à sedétendre dans
un
galetas, si quelqueJockey
iaissoit
échapper
seschevaux
dans les environsdu champ
demars
, le peupléy
verroit l’artil-lerie
ennemie
et les troupes légères de la contre- révolution, et l’oncommencerait
par s’étouffer dans la crainte de périr sous les bonnetsà
mortier victorieux, et sous le tranchant de lacrosse des évêques.
Je suis
un peu, mon
cher, de l’avisdu bon
Sterne; il racontoit
que
si jamais il lui arrivoit de faireune mauvaise
action, il étoit bien certainque
ce ne serait pas dans le tems qvf’il seraitamoureux
; je pense demême que
ce n’est pas aumoment où
il va célébrer l’anni- versaire de la liberté qu’il adore,
que
le pari- sien pourra méditerun
crime; toutes ses idées*tous ses sentimens sont au
moins momentané- ment
aggrandis;
que
son imagination le porteaux
divers points de la surfacedu royaume
,
et qu’il vienne à s’intenoger sur le
mouvement
universel qui l’agite , sans doute il peut se
répondre
avec orgueil :»
Un
an s’est écoulé depuisque
, prêtant5> l’appui de leurs forces à la liberté
menacée
dans la personne des représentant
du
peuple{
H
>!» Français , les
généreux
habitans de Paris» renonçant aux largesses d’un
gouvernement
» qui leur prodiguoit l’or de la
France
,» détestant des abus dont
eux
seuls recueilloient» les fruits , se sentirent dignes de
donner un
».
grand exemple,
et de répandreun grand
» bienfait. Paris se leva contre le despotisme
)> ministériel
, géantformidable quihabitoit dans
» son sein
une
vaste forteresse d’où il semoit» l’épouvante et l’oppression sur tout l’empire.
» Les
remparts furent renversés, le géant fut» attaqué , terrassé et lié dans toutes ses arti-
* » dilations ; Paris
triompha
aunom
de las>
France
entière, et cet essor de patriotisme» et de courage alla réveiller dans les coeurs
» les plus ticdes, le sentiment des droits des
»
hommes
, et le souvenir éteintde
notre» antique liberté.
» C’est cette
époque
brillante , c’est ce jour» de la liberté
que
viennent célébrer ces sol-» dats de la patiie ; qu’elle est majestueuse
» cette
cérémonie
! le serment est restitué dans» sa dignité primitive; ce
ne
sont point des» peuples avilis qui viennent jurer de
mourir
»
pour
les capricesde
leurs tyrans, mais les» députés de la
France armée
, qui a déclaré au/
('
12
)»
monde
,que
forte de sa position et de $a» vertu, elle renonçoit à attenter jamais à la
» liberté d’aucun peuple
, qui viennent attester
» le père des
hommes
qu’ils veulent vivre en* paix sous ses yeux, et n’avoir
pour ennemis
»
que ceux
de la justice et de l’égalité.Dieu ne
» voit qu’un peuple de frères, et reconnoit
» enfin ses enfans.
»
Un
poëte s’écrioit autrefois, soleil, dans» le cours de ton éternelle carrière , tu n’as
» rien
vu
de plus grandque Rome;
je diraij»
non
rien de plus formidableque
ce coIossg de l’antiquité, prodige et fléau de l’univers;» mais je t’adjure à
mon
tour, animateur de la» nature, ne vois tu pas d’un œil plus satisfait
)> cette fête guerrière et civique, et la
France
i> réunie consacrant le jour,
où
se réveillant» d’un
sommeil
de huit cents années, elle a» brisé ses chaînes, et
épouvanté
les pervers.» As-tu jamais éclairé
un
spectacle aussi tou-» chant,aussi fier? les ambassadeurs de laliberté
* viennent jurer de
mourir pour
elle, viennent* le jurer sur son berceau.
Qu’il sera imposant et terrible! qu’il doit
» être sacré, ce serinent qui éclatant
comme
«
< )
» la voix
du
tonnerre,va
dans lefneme
ins-# tant dans toutes lespartiesd’un vaste empire,
» prosterner devant le ciel des millions de
» Français, \m promettre de maintenir la liberté
» et les loix, son plusbel
ouvrage,
etl’appeller» entre elles et
eux comme
garant et vengeur.» Cette union des
cœurs
, ces bras levés vers» le maître des destinées , seront le signal ter-
» rible auquel les haines, les factions, les dis-
y> cordes civiles
abandonneront
en frémissanti) ces contrées qu’elles désolent. Ainsi le légis-
)> lateur des
Hébreux
élevant jadis sur le»
mont
Sina , ses mains au dieu desarmées
» l’invoquant
pour
le salutdu
peuple, frappoit» de terreur et dispersoit le Madianite qui lui
» disputoit
une
terre fortunée.*> Certes , il sera ennivrant ce
moment où
» l’habitant des contrées éloignées, qui n’a ja-
*> mais
vu
le visage de son roi , lecontem-
» plera sur
un
trône simple, béni de son»jpeuple, et son
cœur
, pressé par tous lescœurs,
où
il vénérera ceroihonnêtehomme,
» né
avec
l’instinct de la vraie grandeur, qui» a
aimé comme
il a étéaimé
, et aprodigué
» à ses eftfans les .sacrifiées de l’orgueil des
» rois ,
pour
pouvoir- léguer 1@bonheur aux
(
14
)»
hommes. Tel on
vit aux jeux Istmiques, ce» triomphateur
romain
, Flaminius , restaura-» teur des loix et des libertés d@ la
Grece,
» assis au milieu de
ceux
qu’il avoit faitheu-
» reux , savourer le plus
beau moment
de la» vie d’un mortel, et baigné de larmes, ac-
» câbléde
couronnes
,entendrela reconnoissance D prolonger sur lesmers
de laGrece
ces» accens immortels ; eest lui qui couronne nos
» têtes des fleurons dela liberté,
Ne
pensez pas,mon
cherami
,que
le désirdu
crime puisse naître aumilieu de cetteivresse générale ;non
, il estcommunément
le prodrn1d’une
ame
froide et concentrée; ici le double enthousiasme de la liberté et de la fraternitéconsumera
ce qu’il peuty
avoir d’impur dansles cœurs.
Le
feu de Vestava
purifier lespor
• tiquesdu
temple de la patrie.Venez donc
sans crainte , partager l’allégressecommune»
Appréciez
lesrumeurs
qui circulent;n’yvoyez,
comme
tous les gens sages,que
les luttesde
l’espritde parti.
Comparons-les
à ces nouvellesde
paixou
de guerre , qu’on répand enAn-
gleterre à certaines
époques
,
pour
faire haus- serou
baisser les actions ; ici, c’estun
agio-tage coupable, qui s’exerce sur
un
effet sacre,(
if
7la fiberté; arrivez à travers ces joueurs, et
parce
qu’ils ont lemalheur
d’en faireun
objetde
spéculation,ne vous
privez pas,vous, du charme
d’en venir faire celuide
votre culte*le
vous
embrasse, et |jevous
attends.pi
l’||nprÙTieriedeDevaux
, ruedesBoucher^
Sa^tÜQQoréj N®.
J?.
' i. 'I o b i t’ ' .
.^bci
iSÇ.°ii ^i:o:- -
IhtïJè
' >, ; .'"’I
v
:.T3 ?.T11 -:)- i â: i'
a
; , .j S 3V1
.•vc; : ::;;v -b lu)
n
o;T: i;'loi i
) : -
[
xp
Ci; 1yj r:./ > c.Trie::’
3
.-j*- ; v» •..> i ->
*