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DE FEU DANS FORÊT UN COUP

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Academic year: 2022

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UN C O U P

DE FEU DANS

FORÊT

par GAEL DE SAILLANS

I LE RETOUR DU CAPITAINE

Au château de Préfeuilles régnait, ce jour-là, une effervescence inaccoutumée. Une grande chasse allait y être donnée par le maître actuel de la belle demeure, Alain Valpré, qui entendait fêter ainsi le retour d'Afrique de son unique frère.

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Celui-ci, capitaine aux spahis marocains, se trouvait en congé après une longue absence. Ne fallait-il pas le remettre en contact immédiat avec les nombreuses rela- tions du voisinage, avec tout ce que le charmant pays Loir et Cher pouvait offrir comme distraction de choix? Or le châtelain, qui comptait déjà d'innom- brables amis avant de s'installer définitivement en pro- vince, s'était acquis très vite, dans le Vendômois, une situation prépondérante, autant par le prestige de sa fortune que par l'attrait de sa personne, éminemment sympathique.

Aussi les invités avaient-ils répondu avec ensemble à son invitation. Dès le matin, des autos se succédèrent dans l'allée de platanes, qui menait au majestueux por- tail s'ouvrant sur la cour d'honneur. Des cavaliers, des amazones arrivaient également, portant le costume de circonstance.

A présent, des groupes animés se formaient un peu partout. Il y en avait au dehors, s'attardant parmi les arrivants, et des exclamations, des mots aimables s'échangeaient dans le bruit léger des voitures glissant sur le sable fin. On voyait aussi les nouveaux venus se succéder sur le perron, pour pénétrer dans le vaste.

hall où le maître de céans, aidé de son frère, les accueillait.

Deux grands salons en enfilade se trouvaient déjà occupés par une nombreuse compagnie, causant avec l'animation allègre qui seyait à ce début d'une journée dont on attendait un plaisir complet. Un va-et-vient incessant s'établissait, du reste, entre ces luxueuses pièces de réception et la haute salle de l'entrée, où Alain Valpré accomplissait ses devoirs d'hôte extrême- ment accueillant.

Dans ce hall aux lourdes boiseries de chêne sculpté, des têtes de cerfs aux bois tordus, ainsi que des hures de sangliers, étaient suspendues de place en place, témoignant des goûts et des succès cynégétiques d'Alain Valpré.

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Cependant celui-ci, ayant constaté que tout son monde était désormais réuni et que rien n'empêchait plus de se mettre en route, décida le départ. Les piqueurs, en ayant reçu l'ordre, se mirent à sonner la vue.

Aussitôt, les chiens donnèrent à pleine gueule, tandis que les chevaux, alertés, piaffaient d'impatience.

Dames et cavaliers furent rapidement en selle et rendirent les rênes pour s'élancer vers la forêt proche.

Ce fut alors la cavalcade folle, enivrante, dans l'air léger d'un temps splendide.

Par pelotons ou par groupes épars, ceux qui étaient les vrais passionnés de ce jeu un peu barbare qu'est la poursuite implacable du cerf, ne se laissèrent arrêter par aucun obstacle. Ils s'enfonçaient dans les taillis, abordaient les fourrés, franchissaient des haies ou des ruisseaux, rivalisant entre eux d'audace et d'entrain.

Les bois retentissaient de bruits multiples : appels et rires brefs, galop des chevaux lancés bride abattue, voix des chiens, passage de quelques voitures où se prélassaient les invités les moins ingambes.

Par-dessus tout, le son grave du cor, ponctuant les diverses phases et les péripéties de la chasse. On avait annoncé un superbe dix-cors, ce qui stimulait l'ardeur de tous. Les piqueurs excitaient la meute, mais la bête poursuivie se montrait prudente, usant de ruses qui, plusieurs fois, firent perdre sa trace. Les chiens, en défaut, s'énervaient, hurlant de colère. Leurs gardiens, furieux, les fouaillaient sans pitié.

La partie, de la sorte, se prolongea plus qu'on ne l'aurait cru. Néanmoins, la sonnerie triomphante de l'hallali retentit enfin, avec ses accents de victoire sau- vage. L'animal aux abois, bientôt débordé, terrassé, en était arrivé à la dernière étape de sa fuite éperdue, de son âpre lutte avec ceux qui avaient résolu sa perte.

Le cérémonial habituel pour occire la noble bête se déroula alors suivant les antiques coutumes, jusqu'au rite ultime de la curée.

Ensuite, le châtelain de Préfeuilles entraîna ses in-

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vités vers un joli pavillon de chasse situé au cœur de la forêt. C'était une construction basse, datant de la Restauration. Un lunch réconfortant y avait été préparé.

Des valets se trouvaient là pour s'occuper des che- vaux et des voitures. Avec un empressement joyeux, les hôtes pénétrèrent dans la pièce circulaire, éclairée de cinq fenêtres, où les attendait un savoureux repas. Un buffet admirablement garni offrait en effet, dès l'abord, le plus réjouissant aspect. Le maître d'hôtel, homme de confiance et majordome attitré d'Alain Valpré, dé- nommé Pascal, présidait gravement au service qu'assu- raient sous ses ordres trois serveurs bien stylés. Ainsi des assiettes solidement garnies circulaient prestement, accompagnées de vins vieux.

Alain et Paul Valpré, attentifs, aimables, avançaient parmi les groupes, s'assurant que personne n'avait été oublié. Au passage, le châtelain recevait mille compli- ments sur la réussite de sa fête.

— Chasse admirable ! faisait l'un.

— Le cerf était solide, madré, mais on l'a eu! ajou- tait l'autre.

— Ce sera, sans nul doute, une des plus brillantes réceptions de cette année ! susurrait une douairière, en mordant de façon gourmande dans une aile de faisan.

Le diapason des voix monta progressivement. A pré- sent le Champagne moussait dans les coupes de cristal, une joie légère gagnait l'assistance.

Cependant, dans un coin de la salle, tout près du buffet, deux jeunes garçons de quatorze ans environ causaient et riaient discrètement, tout en piquant sans arrêt leurs fourchettes dans de belles tranches de foie gras truffé. C'étaient d'inséparables amis. Le premier se trouvait là chez lui, pour ainsi dire, étant le propre neveu du châtelain. Jacques Valpré, orphelin dès son plus jeune âge, avait été adopté par son oncle, qui le traitait comme s'il eût été son fils.

Marcel Courtal, voisin de campagne, passait presque

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tout le temps de ses vacances avec le camarade très cher que, durant l'année scolaire, il ne quittait guère non plus.

Pour la première fois les deux adolescents avaient été admis à suivre une grande chasse donnée par le maître de Préfeuilles, et ce devait être une date qui marquerait dans leur vie, tant ils avaient longtemps désiré ce haut privilège et tant ils y avaient goûté d'in- tense plaisir.

— Heureusement que nous sommes devenus d'excel- lents cavaliers ! disait le jeune Courtal, en hochant la tête d'un air satisfait, sans quoi nous n'aurions pas été à la hauteur de cette superbe chevauchée à travers bois !

Celui qui parlait ainsi avait un visage ouvert, fâcheu- sement criblé de taches de rousseur. Il n'était point beau, mais la franchise et la gaieté rayonnaient sur ses traits, lui prêtant une attirance réelle.

Son camarade, légèrement moins grand, mais beau- coup plus fin, avait une figure qui eût été quelconque si de grands yeux pensifs ne l'avaient rendue étrange- ment sérieuse et expressive. Il eut un sourire indulgent pour répondre :

— Tu ne voudrais tout de même pas, mon pauvre Marcel, que nous nous soyons mis dans le cas d'en- courir le moindre reproche de mon oncle ? Je ne saurais même en entrevoir la possibilité !

Alain Valpré passait justement à ce moment-là der- rière les jeunes gens, qui ne l'avaient pas remarqué. Il prononça à mi-voix :

— Loin d'être un blâme, c'est un sincère bravo que je vous adresse, mes enfants. Vous vous êtes comportés comme de vrais chasseurs !

— Comment, murmura Jacques, visiblement fier, vous avez eu le temps, oncle Alain, de vous en aper- cevoir?

— Eh! déclara Marcel, plus épanoui que jamais,

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M. Valpré a le don de tout voir, rien ne lui échappe : personne ne l'ignore !

Le brave garçon ajouta très vite :

— L'on sait aussi qu'il ne perd aucune occasion de dire ce qu'il faut pour faire plaisir à chacun !

— Jeune flatteur ! plaisanta le châtelain, en s'éloi- gnant.

Il disparut à nouveau dans les groupes compacts, où les culottes blanches et les redingotes sombres se mêlaient aux toilettes pimpantes des femmes. On papo- tait et on riait, en grignotant des friandises savou- reuses, maintenant que l'assaut des appétits s'était suf- fisamment calmé.

Longtemps l'on s'attarda dans cette maison de la forêt, qui, sous les frondaisons superbes, formait le cadre souhaité pour la halte nécessaire après la chasse mouvementée.

Certains des invités faisaient connaissance avec l'offi- cier du Maroc, qu'ils rencontraient pour la première fois. L'impression générale était que sa réserve un peu hautaine contrastait avec l'affabilité de son frère.

On le trouvait moins accessible et moins cordial, par conséquent moins sympathique.

Pourtant, sur un signe du maître, les puissantes son- neries des trompettes retentirent à nouveau. La nuit tombe rapidement, à la fin de septembre ; il était temps de rentrer au château.

Sur-le-champ les conversations cessèrent. Obéissant à l'appel venu du dehors, tous les invités s'avançaient vers les chevaux ou les voitures. Les chiens, couplés par les piqueurs, s'agitaient bruyamment pour le re- tour, et leurs aboiements sonores réveillaient les échos.

Le pittoresque cortège s'ébranla, déroulant à travers les bois que l'automne commençait à roussir une vision fugitive de grâce et d'élégance.

La brillante réunion devait se terminer à Préfeuilles par un dîner fastueux, où les gourmets du pays retrou-

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vèrent avec délectation non seulement des crus spécia- lement réputés, mais encore certains cuissots de che- vreuil, grillés et préparés d'une façon exquise, dont la cuisinière d'Alain Valpré avait seule le secret.

Tout le monde fut d'accord pour reconnaître que cette réception, magnifique d'entrain, marquerait entre les fêtes particulièrement goûtées de la saison. Et l'on se dit que, pour célébrer de la sorte le retour du capi- taine, M. Valpré devait éprouver pour lui une affection fraternelle d'une qualité rare.

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II LE DRAME DANS LA FORÊT

C'était le surlendemain matin. Le temps, gâté subi- tement, avait étendu sur toute la campagne un ciel implacablement gris, d'où tombait une bruine serrée qui semblait destinée à durer tout le jour.

Marcel et Jacques n'en couraient pas moins à travers champs et prés, estimant, avec l'insouciance de leur âge, qu'il faisait toujours bon et beau lorsqu'ils étaient ensemble.

— Je ne croyais pas que nous ferions une aussi belle pêche! remarqua le jeune Courtal, de ce ton joyeuse- ment satisfait qui était, le plus souvent, sa manière de parler.

— Tu sais pourtant, répliqua son ami, que la pluie ne décourage nullement le poisson, tout au contraire ! Ils étaient partis de bonne heure vers une rivière non éloignée, afin de se livrer à un de leurs passe- temps favori, et, solidement bottés, suffisamment pro- tégés par leurs imperméables, ils avaient jeté leurs lignes au-dessus d'un endroit propice qu'ils avaient repéré depuis peu.

Là ils se tinrent prêts à attendre tout le temps qu'il faudrait pour obtenir de satisfaisants résultats. Plus vite que de coutume, ils avaient vu leurs bouchons s'agiter, se dresser, plonger, et les captures se firent nombreuses, accompagnées de cette innocente fierté

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Jacques, se dégageant, s'écria en riant :

— Bon! voici déjà un premier consentement qui m'est acquis ! Tiens, je vais de ce pas annoncer à l'oncle Alain que je suis revenu sur ma décision et qu'il peut donner à Préfeuilles une belle et grande fête. Il faut que la joie rentre chez nous par toutes les fenêtres!

Gaël DE SAILLANS.

FI N

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