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Chapitre 3. Déficits budgétaires, dette publique et compte courant

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Academic year: 2022

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Déficits budgétaires, dette publique et compte courant

Dans les pays en développement, les principales contraintes de la politique budgétaire et de la gestion macro-économique sont une base d’imposition in- adéquate, une capacité limitée à collecter les impôts, la dépendance à l’égard

du financement monétaire et (dans certains cas) des niveaux élevés de la

dette publique. Les contraintes administratives (et parfois politiques) sur la capacité dufisc à collecter les revenus a souvent conduit à lafixation de taux d’imposition élevés sur une base d’imposition étroite. Les conséquences sont une fraude fiscale endémique et une économie informelle croissante (comme analysé au chapitre 12). Le degré élevé de la dépendance à l’endroit du fi- nancement monétaire des déficits budgétaires, dans ceratins pays, a souvent entraîné une instabilité macro-économique, la fuite des capitaux et les crises monétaires (voir chapitre 7). Des niveaux élevés et croissants de la dette pu- blique exercent une pression sur les taux d’intérêt réels et ont aussi entraîné la volatilité financière et l’instabilité macro-économique.

Ce chapitre fournit un aperçu des questions de politique budgétaire dans les pays en développement. La première partie passe en revue la structure des finances publiques dans ces pays, en se concentrant d’abord sur les sources conventionnelles (ou explicites) de recettes et de dépenses, et ensuite sur le seigneuriage et la taxe d’inflation, et les activités quasi-fiscales. La seconde partie examine la contrainte budgétaire du gouvernement et les différents moyens par lesquels les déficits budgétaires peuvent être mesurés. La troi- sième partie discute une technique simple qui apparaît utile pour évaluer la position à moyen terme de la politique budgétaire. Le lien entre les déficits

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budgétaires et les déficits du compte courant est étudié en quatrième partie.

Les questions de soutenabilité de la dette et de solvabilité du secteur public sont examinées aux cinquième et sixième parties. Les deux dernières parties se focalisent sur deux questions importantes de politique : le lien entre les booms des prix des produits de base et les déficits budgétaires et le lien entre ajustement budgétaire, anticipation et activité économique.

1 Structure des finances publiques

Dans cette section, trois aspects des finances publiques des pays en déve- loppement sont analysés. La première est la composition des sources conven- tionnelles de recettes et de dépenses et les différences entre pays industrialisés et pays en développement. La seconde est le revenu provenant de la création monétaire (seigneuriage). La troisième est l’importance des activités quasi- budgétaires et le rôle des passifs conditionnels.

1.1 Sources conventionnelles de recettes et de dépenses

Dans les pays en développement, les structures des recettes et dépenses pu- bliques varient considérablement selon les pays, comme le montre lafigure 3.1.

Au cours de la période 1990-95, par exemple, les recettes de l’administration centralede Madagascar dépassaient à peine 9% du PIB, alors que les dépenses atteignaient presque 18%. Par contraste, à Singapour, les recettes (plus de 25% du PIB) étaient supérieures de presque 5 points de pourcentage aux dépenses1.

La structure générale des sources conventionnelles de revenus et de dépenses diffère significativement entre les pays industrialisés et pays en développe- ment. Comme l’ont montré Burgess et Stern (1993), les principales différences sont les suivantes :

• Les parts des recettes budgétaires totales et des dépenses totales de

1Une définition plus complète de l’administration devrait être l’administration générale qui inclut l’administration centrale, l’Etat, les institutions administratives provinciales et locales, ainsi que les agences telles que la sécurité sociale, mais en excluant les entreprises publiques. Une opinion plus complète de l’administration est essentielle pour comprendre des notions telles que l’emprunt du secteur public, les déficits budgétaires et conditions de solvabilité analysées plus loin. Cependant les données disponibles se rapportent souvent à l’administration centrale.

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l’administration centrale dans la production sont plus grandes dans les pays industrialisés que dans ceux en développement. Comme le montre la figure 3.2, qui couvre les moyennes sur la période 1980-95, les deux ratios tendent à augmenter avec le niveau du revenu réel par tête2. La figure 3.3, qui couvre la période 1870-1996, montre en effet que pour les six pays industrialisés les plus avancés le ratio des dépenses publiques au PIB a augmenté presque continuellement, dépassant maintenant 50

% dans un pays comme la France. Une explication possible de cette hausse de la taille de l’administration est le besoin accru de l’assurance risque dans la mesure où le degré d’ouverture et d’exposition aux chocs extérieurs importants s’accroît (Rodrick, 1998b).

• La composition des dépenses diffère aussi entre les deux groupes de pays. Lespays en développement consacrent une part substantiellement plus grande que les pays industrialisés aux dépenses enservices publics généraux, en défense, en éducation et autres services économiques (qui reflètent le rôle de l’Etat dans la production), alors que les pays indus- trialisés dépensent un peu plus dans lasanté et substantiellement plus dans la sécurité sociale.

• La source principale des recettes de l’administration centrale dans les deux groupes de pays est l’imposition ; cependant, lapart des recettes non-fiscales dans le total des recettes (consistant par exemple, en des transferts en provenance des entreprises publiques) est plus élevée dans les pays en développement que dans les pays industrialisés.

• Dans le total des recettes fiscales, les parts relatives des impôts directs, destaxes sur les biens et services et lestaxes sur le commerce extérieur varient considérablement entre les pays en développement et dans le temps, comme l’illustre la figure 3.43. Dans les pays industrialisés, les impôts sur les bénéfices représentent la part la plus grande des recettes

2Stotsky et WoldeMariam (1997) ont étudié les déterminants du ratio des recettes budgétaires au PIB sur un groupe de 43 pays d’Afrique Subsaharienne au cours de la période 1990-95. Leur analyse a montré que la part de l’agriculture dans la production avait un effet négatif et que les ratios exportations/PIB et importations/PIB avaient un effet positif sur le ratio recettes budgétaires/PIB. Le niveau du revenu par tête, au contraire, n’était pas significatif.

3Dans les pays en développement, les taxes sur le commerce consistent principalement en des droits sur les importations plutôt que sur les exportations et continuent d’être utilisées de façon plutôt considérable dans certains cas, bien que la libéralisation du com-

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fiscales et les taxes sur le commerce extérieur sont négligeables. Ce fait suggère qu’il y a un mouvement graduel de déplacement des taxes sur le commerce vers les taxes sur les ventes domestiques à mesure que les économies se développent et que les bases de leur production domestique et leur consommation s’accroissent.

• Dans les impôts directs, la part des recettes fiscales tirées des impôts sur le revenu des personnes physiques, dans les pays en développement, est bien plus élevée que celle provenant des entreprises, l’inverse est, au contraire, vraie dans les pays industrialisés.

Le besoin de recettes dans les pays en développement est énorme. Une rai- son, bien sûr, est le besoin du gouvernement d’investir dans l’infrastructure, de favoriser le développement des institutions de marché et d’encourager la création d’emploi dans le but de réduire la pauvreté. Une autre raison peut être liée à un biais de déficit, qui est dû au fait que, bien que la politique budgétaire soit décidée collectivement, les parties impliquées (les différents groupes de pression et leurs représentants) ne reconnaissent pas totalement le coût social total des programmes qu’ils supportent. Ceci est connu comme étant un problème courant et a été remarquablement étudié dans les années récentes dans le contexte de l’Amérique Latine (voir Grisanti, Stein et Talvi, 1998).

Cependant, en dépit des besoins énormes de recettes, les systèmes d’im- position dans plusieurs pays en développement demeurent largement inef- ficaces. Une raison centrale sont les sévères contraintes (administratives et parfois politiques) qui pèsent sur la capacité du fisc à collecter les recettes.

Les conséquences sont que l’imposition directe joue un rôle bien plus limité dans les pays en développement que dans les pays industrialisés (comme l’ont montré Burgess et Stern, 1993) et destaux d’imposition élevés tendent à être levés sur unebase étroite, une politique qui a encouragé la fraudefiscale et a conduit à un degré élevé de dépendance à l’égard dufinancement monétaire.

1.2 Seigneuriage et financement inflationniste

Comme on l’a souligné plus tôt, parce qu’une capacité administrative limitée et des contraintes politiques empêchent la collecte des impôts et parce que

merce n’a pas conduit dans la plupart des cas à une réduction très significative des tarifs les années récentes (voir chapitre 14).

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plusieurs pays continuent à avoir une capacité limitée d’émission de la dette intérieure (en raison des marchés de capitaux insuffisamment développés, comme indiqué au chapitre 2), les pays en développement tendent à dépendre plus duseigneuriageque les pays industrialisés. Le seigneuriage consiste au montant des ressources réelles extraites par le gouvernement au moyen de la création de la base monétaire. Désignons par M le stock nominal de base monétaire et P le niveau des prix, les revenus de seigneuriage peuvent être définis comme la variation du stock nominal de la base monétaire divisé par le niveau des prix, ∆M/P4. De façon équivalente, cette expression peut être réécrite comme suit :

∆M P = M

P −(P1

P )(M1

P1

) =∆(M

P ) + (1− P1

P )(M1

P1

), ou,

∆M

P =∆(M

P ) + (P −P1

P1

)(M1

P ),

C’est-à-dire, avec m ≡ M/P désignant le stock des encaisses monétaires réelles détenues par le public et π≡∆P/P1 le taux d’inflation :

∆M

P =∆m+π(P1

P )m1 =∆m+ ( π

1+π)m1. (1) L’équation (1) montre que le seigneuriage peut être aussi défini comme la somme de l’augmentation du stock réel de monnaie, ∆m, et la variation du stock réel de monnaie qui se serait produite avec un stock nominal constant à cause de l’inflation, πm1/(1+π). Le second terme de cette expression représente la taxe d’inflation, avecπ/(1+π)désignant letaux d’imposition etm1 labase d’imposition. La détermination de la taxe d’inflationoptimale est analysée au Chapitre 5.

Les définitions ci-dessus conduisent aussi aux observations suivantes :

• La dernière expression de l’équation (1) implique qu’à l’état station- naire (avec ∆m= 0), le seigneuriage est égale à la taxe d’inflation.

4La raison pour laquelle la base appropriée de la taxe d’inflation n’est pas lamonnaie au sens large mais seulement la base monétaire est due au fait que l’Etat extrait des ressources nettes des agents de l’économie seulement dans la mesure où l’érosion du stock de monnaie provenant de l’inflation n’est pas compensée par des gains inflationnistes qui s’accroissent au bénéfice des emprunteurs domestiques. Seule la base monétaire représente les dettes (de la banque centrale) qui ne sont pas compensées par la dette du secteur privé dues aux banques commerciales.

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• La base monétaire dans le cadre ci-dessus est traitée implicitement comme ne rapportant pas d’intérêt. Ceci n’est pas toujours le cas ; les réserves obligatoires des banques commerciales détenues par la banque centrale rapportent parfois des intérêts. Dans ces conditions, les for- mules de l’équation (1) surestiment le revenu du seigneuriage et une correction doit être effectuée pour obtenir une mesure appropriée.

Un concept lié à la définition conventionnelle donnée ci-dessus, appré- hendé aussi comme seigneuriage, est lacharge d’intérêt prévue(ou intérêts de l’épargne) par le gouvernement à travers sa capacité à émettre des dettes ne supportant pas d’intérêts. L’idée ici est que la perte de revenu par le secteur privé résultant des gains d’intérêts futurs (c’est-à-dire le coût d’opportunité de la monnaie) correspond à un gain équivalent de revenu pour le gouver- nement provenant de l’émission de monnaie. Il est mesuré en termes de flux par iM/P, où i est le taux d’intérêt nominal à court-terme, disons, sur les obligations d’Etat. Comme l’a noté Buiter (1997), la mesure conventionnelle du seigneuriage, ∆M/P et la mesure du coût d’opportunité sont liées par l’identité qui égalise la valeur actualisée présente du seigneuriage courant et futur à la valeur actualisée présente de la charge d’intérêt courante et future (qui correspond approximativement au résultat d’exploitation de la banque centrale), moins le stock initial de base monétaire. En pratique, cependant, ce concept est rarement utilisé car le choix du coût d’opportunité approprié iest quelque peu arbitraire.

Au cours des années 1980, de nombreux pays en développement, tels que la Zambie, dépendaient fortement du seigneuriage comme source de revenu pour financer leurs déficits budgétaires (Voir Adam, 1995). La figure 3.5 présente les données de seigneuriage pour un groupe de pays en développement sur la période 1993-95. La figure montre des différences considérables entre les pays de l’utilisation du seigneuriage, de presque 12% au Yémen à moins de 1% en Tunisie. Lafigure 3.6 suggère que la dépendance au seigneuriage tend à être associée aux déficits budgétaires élevés, une question qui sera analysée en détail au chapitre 5.

1.3 Activités quasi-budgétaires et passifs conditionnels

Les activités quasi-budgétaires peuvent être définies comme des opéra- tions dont l’effet peut en principe êtredupliqué par des mesures budgétaires sous la forme d’unetaxe explicite, d’une subvention ou d’une dépense directe

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(McKenzie et Stella, 1996, p. 3). Elles sont souvent effectuées par la banque centrale du pays, mais souvent aussi par les banques du secteur public et autres institutionsfinancières publiques, telles que les banques de développe- ment. Elles sont motivées la plupart du temps par le désir de cacher ce qui est essentiellement des activités budgétaires effectuées pour des raisons poli- tiques ou autres raisons.

Les principaux exemples d’activités quasi-budgétaires sont :

• Crédit subventionné, qui implique le plus couramment des prêts à des taux d’intérêt préférentiels de la banque centrale au gouvernement et autres entités publiques, ou des prêts subventionnés par des insti- tutions financières spécialisées du secteur public telles que les banques agricoles ou de crédit hypothécaire à des groupes d’emprunteurs du secteur privé, souvent avec des garanties requises inadéquates.

• Manipulation desréservesetliquidités obligatoires statutaires, à travers, par exemple, les régulations de la banque centrale obligeant les banques commerciales à détenir de larges réserves (qui servent ensuite comme une base des prêts accordés à l’Etat à des taux d’intérêt en dessous des taux du marché) ou une grande part de leurs liquidités sous la forme de titres d’Etat rémunérés à des taux d’intérêt en dessous des taux du marché. Les deux politiques fournissent à l’Etat des sources captives de financement de son déficit budgétaire5.

• Pratiques de taux de change multiples. Ceci peut prendre la forme, par exemple, de l’autorisation par la banque centrale de l’accès de l’Etat à ses réserves extérieures à un taux de change plus apprécié pour servir sa dette extérieure ou financer l’achat des biens importés par les entreprises publiques. Ou bien cela peut être une obligation de rachat des recettes d’exportation à un taux qui est plus apprécié que celui du marché. Cette taxe implicite sur les exportations peut avoir des effets déformateurs potentiellement importants sur les flux com- merciaux et les structures de production. La faire disparaître — par l’unification des marchés de change — a également des implications po- tentielles importantes sur l’inflation (voir chapitre 15).

5Notons que si dans le même temps, la banque centrale est obligée de rémunérer les réserves liquides à des taux du marché, les prêts à l’Etat à des taux plus faibles créent une dépense quasi-budgétaire.

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• Garanties de taux de changeaccordées par la banque centrale sur le remboursement du principal et des intérêts de la dette libellée en monnaie étrangère des autres entités publiques ou du secteur privé.

Par exemple, la banque centrale peut ganrantir à certains emprunteurs privilégiés que le taux de change auquel les paiements du service de la dette sont convertis est le taux auquel le prêt était initialement cont- racté. De telles garanties peuvent entraîner un élément de subvention assez important.

• Caution aux banques commerciales en difficulté, qui apparaît quand la banque centrale fournit du capital aux banques, ou prend di- rectement le contrôle de certains des avoirs non productifs des banques en difficulté.

• Opérations de stérilisation, qui résultent essentiellement du paie- ment par la banque centrale des intérêts sur ses dettes à un taux plus élevé que celui obtenu sur les réserves en devises qu’elle a choisi d’accu- muler, souvent comme contrepartie aux entrées de capitaux soutenues (voir chapitre 7)

Les garanties de taux de change, en particulier, sont des opérations cou- rantes pour les banques centrales ; essentiellement, elles impliquent que le coût d’emprunt d’une créance libellée en monnaie nationale est le taux d’intérêt qui prévaut sur les marchés internationaux de capitaux. Si les taux d’intérêt domestiques sont significativement plus élevés que les taux étran- gers, la subvention implicite peut être importante et peut entraîner unsur- endettement. Tant que le taux de change demeure au niveau prévalant quand le prêt a été contracté, la garantie demeure, en effet, implicite et n’a aucun effet sur le compte de résultat de la banque centrale. Cependant, si le taux de change nominal sedéprécie,la banque centrale peut enregistrer des pertes assez importantes. En Jamaïque, les pertes de la banque centrale dues aux garanties de taux de change dépassaient 5% du PIB au début des années 1990.

En déplaçant ce qui représente essentiellement des taxes et subventions dans les comptes de l’Etat vers les comptes de la banque centrale, les activités quasi-budgétaires peuvent sévèrement déformer la mesure des recettes et des dépenses non seulement du gouvernement mais aussi celles des autres entités

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du secteur public6. Elles peuvent aussi rendre les tentatives d’évaluation de la position de la politique budgétaire (par exemple sur la base d’une analyse de la soutenabilité de la dette publique, voir plus bas) dénuées de sens.

Des exemples de l’importance des déficits quasi-budgétaires (et combien les mesures conventionnelles des déficits budgétaires, considérés comme des indicateurs de la position de la politique budgétaire, induisent en erreur) sont fournis par les expériences du Chili et de l’Argentine. Au début des années 1980, les autorités monétaires des deux pays ont offert des prêts d’urgence aux institutionsfinancières et ont subi de larges pertes dues aux programmes de garantie de taux de change. La banque centrale du Chili, en particulier, a subi de larges pertes quasi-budgétaires au milieu des années 1980 dues à la garantie accordée sur le plan de revente des devises étrangères qu’elle a appliqué au cours de la période 1982-85 (McKenzie et Stella, 1996, p. 25). Au cours de cette période, selon les estimations fournies par Easterly et Schmidt- Hebbel (1994), dans ce pays (le Chili), les déficits quasi-budgétaires consolidés atteignaient en moyenne plus de 10% du PIB par an, plus de deux fois la taille des déficits mesurés de façon conventionnelle. Selon Easterly et Schmidt- Hebbel (1994), en Argentine, entre 1982-85, les déficits quasi-budgétaires du secteur public consolidé étaient approximativement aussi importants que les déficits mesurés de façon conventionnelle entre 1982-85 ; ensemble, ils atteignaient en moyenne 25% du PIB par an.

La discussion précédente suggère que plusieurs activités quasi-budgétaires entraînent la création depassifs conditionnels implicites, qui, en général, peuvent être définis comme des obligations que l’Etat s’attend à remplir, bien que les dépenses requises soient incertaines avant qu’un défaut (ou un quelconque évènement) apparaisse. Des exemples importants, comme on l’a indiqué plus tôt ; sont les dettes créées par le besoin de supporter le système financier (quand sa stabilité semble être menacée) et les grandes entreprises (privées et publiques).

Les gouvernements des pays en développement sont aussi confrontés à différents types de passifs conditionnels budgétaires explicites, qui peuvent être définis globalement comme des obligations que l’Etat est légale- ment contraint d’honorer si l’entité qui les a contractées en premier ne peut pas (ou choisi de ne pas) le faire ; des exemples sont les garanties de l’Etat ac-

6L’existence d’importantes activités quasi-budgétaires (comme on l’analyse plus loin) peut expliquer pourquoi, comme le montre lafigure 3.2, le ratio de dépenses publiques au PIB semble être significativement plus bas dans les économies en développement comparées aux pays industrialisés.

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cordées aux emprunts des entreprises parapubliques ou des entités publiques locales (Polackova, 1998). Les passifs conditionnels et les dettes directes, ex- plicites et implicites, tels que ceux qui sont assumés sous les plans de sécurité sociale du type des systèmes de compensation automatique des dépenses nou- velles et des charges récurrentes futures des projets d’investissements publics, se sont accrus à une vitesse rapide dans les pays en développement les années récentes. Parce que les mesures conventionnelles de la situation budgétaire (discutées plus bas) ne prennent pas correctement en compte le coût attendu de tous les passifs conditionnels que subit l’Etat, elles fournissent des indica- teurs qui trompent sur sa capacité à payer et sur la soutenabilité des déficits budgétaires.

A cause de leurs graves effets potentiellement déformateurs sur l’alloca- tion des ressources, éliminer ou du moins réduire la portée des activités quasi- budgétaires est devenu un objectif central de la gestion macro-économique.

L’élimination de la taxe implicite sur les exportations, par exemple, peut être réalisée à travers l’unification du marché des changes (voir chapitre 15).

Cependant, pour des raisons politiques, la solution de premier rang peut être difficile à réaliser à court-terme. Il devient donc important de rame- ner de telles opérations dans le budget, d’abord en les identifiant et en les quantifiant, et ensuite en les transformant en taxes et dépenses explicites.

Une comptabilisation appropriée des passifs conditionnels explicites et im- plicites est essentielle pour évaluer la situation de la politique budgétaire.

Cependant, ce peut être une tâche très difficile ; comme l’indiquent Blejer et Cheasty (1991, p. 1667), le calcul du coût attendu des passifs conditionnels peut être compliqué par des problèmes d’aléa moral. Le fait que le gou- vernement choisisse d’assumer explicitement ces dettes peut entraîner des changements dans le comportement du secteur privé qui font que la réalisa- tion des évènements contre lesquels ces engagements sont créés devient plus probable. En outre, la transparence budgétaire accrue peut se heurter à une forte résistance politique.

2 La contrainte budgétaire de l’Etat

En générale, la contrainte budgétaire de l’Etat peut être formulée comme suit :

G−(TT +TN) +iB1+iEBg1 =∆Lg+∆B+E∆Bg, (2)

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• G est la dépense publique en biens et services (dépenses courantes et en capital) ;

• TT représente les recettes fiscales (net des paiements de transferts) et TN les recettes non-fiscales;

• B est le stock de dette publique domestique enfin de période, qui sup- porte un intérêt au taux d’intérêt du marché i;

• Bg est le stock de dette publique libellé en monnaie étrangère en fin de période, qui supporte un intérêt au taux i;

• E est le taux de change nominal;

• Lg est le stock nominal de crédits alloués par la banque centrale.

La partie gauche de l’équation (2) capte les composantes du déficit budgé- taire : dépenses en biens et services et service de la dette, nettes des taxes.

La partie droite montre que l’Etat peut financer son déficit budgétaire soit en émettant des obligations d’Etat, en empruntant à l’étranger, ou en em- pruntant à la banque centrale. Par souci de simplicité, la banque centrale est supposée ne pas prélever des intérêts sur ses prêts à l’Etat.

Il y a plusieurs points utiles à noter dans l’équation (2).

• Elle ne considère pas explicitement les dons extérieurs ou les recettes provenant des actifs tels que les ressources naturelles et le capital dé- tenu par le secteur public, des composantes qui peuvent, en pratique, être importantes dans certains pays. Par simplicité, ces éléments sont contenus dans TN.

• Elle exclut des ressources publiques, le revenu monétaire provenant des ventes des actifs du secteur public (privatisation des entreprises publiques). Les recettes des privatisations et la vente des autres actifs du secteur public sont souvent comptées comme des revenus ; cette pratique tend àsous-estimer le niveau du déficit budgétaire. Le produit des privatisations (résultant de la vente des actifs de l’Etat) est unposte definancement qui normalement, appartient aux opérationsen dessous

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de la ligne. Il n’affecte pas (ou ne devrait pas affecter) le déficit primaire mesuré de façon conventionnelle7.

• Elle ne prend pas explicitement en compte lesactivités extra-budgétaires.

Récemment en 1995, par exemple, plus de la moitié des pays d’Amé- rique Latine, avaient des fonds spéciaux non inclus dans le budget des administrations publiques. Dans certains pays, ces fonds n’étaient pas importants, mais dans d’autres (tels que le Salvador et l’Uruguay), ils étaient assez substantiels. En Uruguay, en particulier, les fonds spéciaux s’élevaient à près de 10% du budget et étaient orientés vers différentes agences décentralisées qui avaient une latitude considérable sur la ma- nière de les dépenser.

Le côté gauche de l’équation (2) définit le solde budgétaire conven- tionnel. Désignons par T =TT +TN les recettes totales de l’Etat ; lesolde budgétaire primaire(intérêts exclus) peut être défini comme8

D =G−T.

En substituant cette définition dans l’équation (2), il en résulte que D+iB1 +iEBg1 =∆Lg +∆B+E∆Bg. (3) Le déficit budgétaire conventionnel peut être très sensible à l’inflation. La raison clé est l’effet de l’inflation sur lespaiements d’intérêt nominaux sur la dette publique. Des calculs illustratifs effectués par Tanzi, Blejer et Teijeiro (1993) montrent en effet que l’inflation peut avoir un effet assez important sur le déficit conventionnel quand la dette publique domestique (et donc le montant d’intérêt) est élevée. Dans de telles conditions, le déficit conven- tionnel ne fournit pas une mesure sûre de l’augmentation de l’endettement réel de l’Etat. La partie d’inflation induite du montant d’intérêt nominal est, dans un sens, unpaiement d’amortissementqui compense les détenteurs

7Le produit des privatisations affecte cependant la richesse nette de l’Etat; par exemple, si la valeur de vente de l’entreprise publique plus la valeur présente des impôts futurs provenant de l’entité privatisée dépasse la somme de la valeur présente des subventions futures et des pertes futures que l’Etat devrait supporter s’il devait conserver l’entreprise, alors la richesse nette de l’Etat augmentera.

8En pratique, comme l’ont noté Blejer et Cheasty (1991, p. 1655), le solde primaire est souvent calculé en soustrayant le total des paiements d’intérêt des dépenses publiques ; cependant conceptuellement, seuls les intérêtsnets payés par l’Etat doivent être exclus.

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de la dette de l’Etat de l’érosion de la valeur réelle du stock de dette ; en d’autres termes, une partie du déficit n’augmente pas la dette réelle, mais la maintient effectivement à son niveau précédent. En conséquence, le déficit conventionnel souffre de deux limites :

• Il n’est plus un indicateur sûr de la mesure à laquelle la position budgé- taire est soutenable, dans ce sens que l’émission de la dette publique s’effectue à un taux supérieur au taux de croissance des ressources disponibles pour le service de la dette éventuelle (voir ci-dessous). Par exemple, le déficit conventionnel peut augmenter fortement suite à une hausse soudaine de l’inflation, sans nécessairement impliquer une dété- rioration à plus long terme de la soutenabilité de la situation budgétaire.

• Les variations du déficit conventionnel ne fournissent plus une mesure adéquate de l’effort budgétaire des décideurs politiques. Lessolde pri- maireest dans ce cas une mesure plus sûr, bien qu’il reflète inadéqua- tement les implications de financement du cadre de la politique.

Par conséquent, les économistes utilisent souvent un concept alternatif au solde conventionnel, le solde opérationnel, qui est calculé en éliminant la composante inflationniste des paiements d’intérêts nominaux (et des revenus) du solde conventionnel, défini en termes réels. Pour montrer l’importance de cet ajustement, supposons par simplicité que le gouvernement n’a pas de dette extérieure (B = 0). La contrainte budgétaire de l’Etat, Equation (3), devient donc :

D+iB1 =∆Lg+∆B.

En divisant les deux membres de cette expression parP, il en résulte que d+i(P1

P )b1 = ∆Lg

P + (P1

P )∆B P1

, (4)

où d est le déficit primaire réel et b le stock réel des obligations d’Etat. Le dernier terme de cette expression peut être reformulé comme suit :

(P1

P )∆B P1

=b−(P1

P )b1 =∆b+ (1−P1

P )b1, ou

(P1

P )∆B P1

=∆b+π(P1

P )b1.

(14)

En substituant ce résultat dans la contrainte budgétaire de l’Etat, il en résulte que

d+ (i−π)(P1

P )b1 = ∆Lg

P +∆b.

CommeP1/P =1/(1+π), l’expression ci-dessus peut être réécrite de la façon suivante :

d+ (i−π

1+π)b1 = ∆Lg

P +∆b, ou de façon équivalente :

d+rb1 = ∆Lg

P +∆b, (5)

oùr est le taux d’intérêt réel, défini par r= 1+i

1+π −1.

L’expression d+rb1 de l’Equation (5) mesure le déficit total en termes réels. Il est différent du déficit nominal déflaté par le niveau des prixP, qui est donné par la partie gauche de l’Equation (4), c’est-à-dire,d+i(P1/P)b1. En utilisant le résultat précédentP1/P =1/(1+π), cette expression peut être reformulée comme suit :

d+i(P1

P )b1 =d+ ( i

1+π)b1 =d+ (r+ π

1+π)b1.

La comparaison de la dernière expression à (5) montre qu’en déflatant simplement le déficit budgétaire conventionnel par les prix courants, cela entraîne une surestimation du déficit réel de la quantité

π

1+πb1, (6) Ce qui représente essentiellement la compensation des créanciers de la baisse de la valeur réelle de leurs créances sur l’Etat due à l’inflation. L’ajuste- ment du déficit budgétaire conventionnel par soustraction de la quantité (6) est encore particulièrement important quand l’inflation est élevée. Au Bré- sil par exemple, en 1988, le déficit conventionnel (ou l’emprunt total dû) de l’administration publique (couvrant le gouvernement fédéral et les Etats et municipalités) s’élevait à 27,3% du PIB, le déficit opérationnel à 4,5% et le dé- ficit primaire à -0,5%. Lafigure 3.7 montre l’évolution des soldes budgétaires

(15)

primaire et opérationnel (avec les paiements d’intérêts) entre 1985 et 1996 ; en effet, de fortes différences entre ces deux mesures persistaient tout au long de la période, notamment au cours des années de forte inflation précédant l’application du Plan Real en Juillet 1994 (voir Agénor et Montiel, 1999).

Le déficit opérationnel devient un concept problématique quand l’inflation est très variable, en raison des difficultés de mesure et d’interprétation des paiements d’intérêts réels. Singulièrement, parce que les taux d’intérêt sont une fonction de l’inflation attendue, l’utilisation des taux d’inflationcourants (comme le montre la formule ci-dessus) pour calculer le déficit opérationnel peut être trompeuse si des chocs importants d’inflation non anticipés appa- raissent au cours de la période. Par exemple, une politique budgétaire expan- sionniste (par exemple, une augmentation des dépenses) pourrait faire monter l’inflation courante au dessus du taux qu’implique le taux d’intérêt nominal (un scénario qui est fort probable quand la dette n’est pas recontractée fré- quemment), entraînant des taux d’intérêt réels ex-post négatifs, et donc un montant d’intérêt réel négatif. Le solde opérationnel peut doncs’améliorer si cet effet est assez important, bien que dans le même temps le solde primaire se détériore.

Enfin, on devrait noter que l’inflation peut aussi affecter les dépenses et recettes hors intérêts, et donc toutes les trois mesures des déficits budgé- taires. Par exemple, l’inflation peut accroître la dépense sur les programmes donnant droits à prestation (tels que les subventions ettranferts) ou entraî- ner une hausse des recettes fiscales si les taux d’imposition sont progressifs.

Elle peut aussi réduire les recettes réelles en présence des délais de collecte, un effet connu sous le nom d’effet Olivera-Tanzi. La raison est qu’il y a un délai entre le moment où les impôts dus sont évalués et le moment ou ils sont collectés par le fisc. Dans le cas des impôts indirects basés sur une matière imposable domestique (tels que les taxes sur le chiffre d’affaires), le délai de collecte est généralement de 4 à 6 semaines ; pour les impôts directs, le delai est plus long, et peut être bien plus qu’une année pour les impôts sur le revenu des personnes. Même dans le cas des droits de douane, où la base d’évaluation est exprimée en monnaie étrangère, les contribuables béné- ficient généralement de plusieurs semaines avant d’effectuer leurs paiements à l’administration fiscale. Si n est le delai de collecte exprimé en mois, et π le taux d’inflation mensuel, le montant auquel la recette réelle baisse est donné par (1+π)n−1. Par exemple, avec une inflation de 10% par mois, la collecte de la recette réelle baisserait (par rapport au cas d’une inflation de zéro) de 9,1% si le delai de collecte est d’un mois, de 17,4% si le delai est

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de 2 mois et de 24,9% si le delai est de 3 mois. En pratique, cependant, dans un environnement de forte inflation, l’effet de l’inflation sur le montant de l’intérêt tend à dépasser son effet sur la dépense et la recette.

3 Evaluer la position de la politique budgé- taire

Des instruments utiles d’évaluation de la situation de la politique budgétaire à moyen terme sont lesdéficits budgétaires structurelset lamesure d’impul- sion budgétairedéveloppée par le Fonds Monétaire International et l’Orga- nisation pour la Coopération et le Développement Economique (voir Blejer et Chu, 1988; et Heller, Haas et Mansur, 1986). L’idée centrale est qu’une éva- luation correcte des stratégies budgétaires à moyen terme requiert de détermi- ner la mesure dans laquelle les variations des soldes budgétairescourants sont le reflet des facteursstructurels, en particulier les mesures discrétionnaires de politique budgétaire, plutôt que des mouvements cycliques9. Cette distinc- tion est importante car les variations du solde budgétaire attribuable au cycle des affaires (ou aux fluctuations à court-terme de la demande globale) peu- vent être considérées comme auto-correctrices, alors que les variations des déficits dues aux facteurs structurels ne peuvent être compensées unique- ment que par des mesures discrétionnaires. Enlever la composante cyclique auto-correctrice du solde budgétaire observé fournit donc une indication plus précise des positions budgétaires à moyen-terme. L’indicateur qui en résulte est le solde budgétaire structurel.

Les calculs des soldes budgétaires sont typiquement fondés sur une des deux approches alternatives10. Dans la première approche, les élasticités budgétaires sont utilisées pour ajuster les recettes, TS, et les dépenses to- tales, GS, pour des variations dans le gap de production cyclique, GAP, défini comme la différence entre la production courante et potentielle (ou capacité de production), en proportion de la production potentielle ; dans le but de générer directement une estimation du niveau du déficit budgétaire

9Des ajustements cycliques de la position budgétaire sont aussi importantes pour éva- luer les dynamiques associées aux programmes de stabilisation.Talvi (1997), par exemple, estime qu’en Uruguay au cours de la période 1991-93, le déficit budgétaire ajusté de façon cyclique dépassait le déficit courant d’un cumul de 9 points de pourcentage du PIB.

10Pour simplifier l’exposé, les effets de retards du gap cyclique de production sur le budget sont ignorés.

(17)

structurel, DS:

DS =GS−TS =G(1−ηGGAP)−T(1−ηTGAP),

où ηT et ηG sont, respectivement, les élasticités des recettes et dépenses à la production. Deux remarques sont utiles à faire à propos de ηT etηG:

• L’ajustement cyclique des recettes de l’Etat peut dépendre des esti- mations désagrégées, liées, par exemple, aux impôts sur le revenu des personnes, impôts sur les sociétés, les taxes indirectes, les contributions de sécurité sociale et autres recettes. Une élasticité recette agrégée ηT peut donc être définie comme une moyenne pondérée des élasticités des composantes des recettes désagrégées, en utilisant comme pondéra- tions les parts moyennes des composantes de recettes dans le total des recettes au cours de la période.

• Dans la plupart des pays en développement, les allocations-chômage sont faibles ou n’existent pas (voir chapitre 14). Les variations cycliques de la production devraient donc avoir un effet relativement faible sur les dépenses de l’administration publique, impliquant que dans la plupart des cas pratiques ηG est probablement petit.

L’indicateur du déficit budgétaire structurel est généralement mesuré en termes relatifs, en proportion de la production potentielle, dS. Le déficit budgétaire cyclique peut donc être estimé comme la différence entre le déficit budgétaire observé et le déficit budgétaire structurel.

Dans la seconde approche (utilisée par le Fonds Monétaire International), les composantes cycliques des recettes et des dépenses sont exprimées comme des ratios par rapport au PIB et sont directement estimées en utilisant les paramètres qui décrivent la réponse cyclique des recettes et dépenses aux variations du gap de production cyclique. Le déficit budgétaire est défini en pourcentage du PIB, d, est défini comme la différence entre le ratio de la dépense totale observée au PIB, g, et le ratio de la recette au PIB, τ:

d=g−τ.

En décomposant les ratios de recettes et de dépenses en composantes structurelles (τS et gS) et en composantes cycliques (τC etgC), il en résulte que

d= (gS+gC)−(τSC).

(18)

La différence entre les composantes cycliques des recettes et des dépenses mesure l’impact des effets cycliques sur le déficit budgétaire :

dC =gC −τCGGAP −αTGAP,

où αT et αG désignent, respectivement, la réponse cyclique des ratios de recettes et de dépenses à une hausse d’un point de pourcentage du gap de production cyclique. L’effet global du cycle économique sur le budget est donné par la différence des deux paramètres de réponse cycliques (αG − αT). Le déficit budgétaire structurel, dS, est la différence entre les déficits budgétaires courants et cycliques :

dS =d−dC.

Les deux approches sont en fait équivalentes, car les paramètres de ré- ponse cyclique, αT et αG, et les élasticités de recettes et de dépenses, ηT et ηG, sont liées par

αT '(ηT −1)(T

Y ), αG'(ηG−1)(G Y ),

où T /Y et G/Y sont des ratios de recettes au PIB et de dépenses au PIB.

Cependant, présenter les estimations sous forme de ratios facilite l’évaluation de lasensibilité des estimations de soldes budgétaires structurels aux varia- tions des hypothèses sur le gap de production cyclique et la réponse cyclique du budget.

Un aspect clé de l’ajustement cyclique est l’estimation de la production potentielle. Pour les pays industriels, une approche courante est d’estimer d’abord une fonction de production reliant la production au capital, au tra- vail et à la productivité totale des facteurs. La production potentielle est alors estimée comme le niveau de production qui est compatible avec ce qui est considéré comme une utilisation normale du capital, et avec le taux de chô- mage naturel, le taux de chômage qui paraît compatible avec une croissance stable du salaire nominal et l’inflation. Ceux-ci sont à leur tour estimés en enlevant les variations cycliques des taux de participation au marché du tra- vail, la productivité factorielle totale et le chômage. Cependant, dans les pays en développement, cette approche n’est pas faisable en raison de l’absence de données adéquates etfiables sur les variables comme le stock de capital. La production potentielle est souvent approximée par le trend de la production,

(19)

qui peut être estimé par exemple par le filtre de Hodrick-Prescott (voir chapitre 9).

Le calcul de la mesure d’impulsion budgétaire procède de la même manière que celle du calcul du déficit budgétaire structurel.

• La première étape est une décomposition du déficit budgétaire courant en une composante cycliquement neutre et une composante de la posi- tion budgétaire. La composante cycliquement neutre est souvent définie en faisant l’hypothèse que les dépenses publiques augmentent propor- tionnellement à la production potentielle et que les recettes publiques augmentent proportionnellement à la production courante. La position budgétaire est le résidu entre le déficit budgétaire cycliquement neutre et le déficit budgétaire courant.

• La deuxième étape est de calculer l’impulsion budgétaire comme la variation annuelle de la mesure de la position budgétaire, exprimée comme une part de la production.

Une valeur négative indique une impulsioncontractionnistede la demande provenant de la politique budgétaire, et une valeur positive une impulsion expansionniste de la demande.

Une application récente de cette méthodologie aux économies en déve- loppement a été effectuée par Bevilaqua et Werneck (1997), qui se sont foca- lisés sur le Brésil sur la période 1989-96. Leur analyse a corrigé les recettes et les dépenses non seulement pour les variations de la production mais aussi pour des variations de l’inflation. Elle a suggéré, en particulier que la po- sition budgétaire était significativement plus expansionniste que ce que les indicateurs conventionnels (tels que le déficit primaire) indiquaient.

Cependant il est important de noter que plusieurs limites sont associées aux mesures des déficits budgétaires structurels et de l’impulsion bugétaire.

Une limite est que les variations des composantes structurelles des recettes et des dépenses ne peuvent pas être considérées uniquement comme directe- ment liées soit aux mesures discrétionnaires de politique budgétaire ou à la conjoncture ; d’autres facteurs peuvent être aussi importants.

• Du côté des recettes, de tels facteurs comprennent les variations des re- cettes provenant des ressources naturelles, la non-neutralité du système d’imposition par rapport à l’inflation et les variations de la composi- tion de la base d’imposition de l’économie induite par la croissance économique.

(20)

• Ducôté des dépenses, ils comprennent les variations des taux d’intérêt, les variations de la composition démographique de la population et les évènements imprévus qui entraînent des dépenses non-discrétionnaires.

Plus généralement, comme l’a indiqué Chand (1993), les mesures d’im- pulsion budgétaire ne comprennent pas l’effet des stabilisateurs automa- tiquessur la demande globale. En particulier, les effets (multiplicateurs) de demande globale potentiellement différents des composantes de dépenses et de recettes individuelles ne sont pas captés ; les effets de la politique budgé- taire sur lestaux d’intérêt à long termeet les distortions associées aux impôts et aux programmes de transferts sur l’offre de l’économie ne le sont pas non plus.

4 Déséquilibres budgétaires et déficits exté- rieurs

Une question centrale des décideurs de politique économique dans les pays en développement est la corrélation entre les déficits budgétaire et extérieur.

Comme on l’analyse de manière détaillée au Chapitre 8, le lien entre les comptes budgétaires et le solde extérieur peut être exprimé comme suit :

(Ip−Sp) + (G−T) =J−X−NT, (7) où Ip est l’investissement privé, Sp l’épargne privée, G dépense publique courante, T recette publique courante, J (X) importations (exportations) de biens et services, et NT transferts courants nets en provenance de l’ét- ranger. Cette équation est obtenue simplement en réarrangeant les identités comptables concernant le revenu national brut sur une base de dépense et sur unebase de revenu. Elle indique que la contrepartie du solde du compte courant est le déficit budgétaire de l’Etat et le solde investissement-épargne du secteur privé.

L’implication de l’équation (7) est que tant que Ip−Sp reste stable, les variations des déficits budgétaires seront étroitement associées aux variations des déficits du compte courant. Cependant, en général, parce que les déficits budgétaires affectent aussi le solde investissement-épargne du secteur privé, la corrélation entre les déficits budgétaire et extérieur peut ne pas être étroite.

En effet, lafigure 3.8, qui montre la corrélation entre les déficits budgétaires

(21)

et les déficits du compte courant, pour un groupe de pays en développement sur la période 1980-95, ne suggère pas de relation claire.

Différents facteurs peuvent expliquer une corrélation faible entre déficits budgétaire et extérieur. Comme on l’a discuté au chapitre 1, une hausse de la dépense publique peut entraîner une réduction concommittante de l’in- vestissement privé (résultant d’un effet d’éviction à travers le marché du crédit), toutes les autres composantes étant inchangées ; ou, l’épargne privée peut s’accroître, dans la mesure où les individus anticipent l’augmentation des impôts futurs qu’ils peuvent supporter, résultant du besoin de servir le niveau plus élevé de la dette publique aujourd’hui. Par conséquent, la corré- lation entre les déficits budgétaires et les déficits extérieurs dépend de l’effet de la politique budgétaire sur les décisions d’investissement et d’épargne du secteur privé. En outre, les déficits budgétaires peuvent répondre plutôt que causer les variations du compte courant. Les deux effets suggèrent également que la doctrine de Lawson — selon laquelle de larges déficits de comptes courants résultant des investissements nets privés excessifs ne devraient pas être une source de problème — est, en général, trompeuse.

5 Cohérence et soutenabilité

Un cadre intégré d’évaluation de la cohérence entre la politique budgétaire et les objectifs macro-économiques (tels que l’inflation, la croissance de la production et les taux d’intérêt réels) a été proposé par Anand et van Wi- jnbergen (1989). Cette section commence par présenter une version de leur modèle en temps discret et discute ses limites. L’analyse est ensuite élargie pour considérer ensemble les questions de soutenabilité budgétaire et exté- rieure.

5.1 Un cadre de cohérence

Le cadre de cohérence de l’analyse de la politique macro-économique et budgétaire proposé par Anand et van Wijnbergen (1989) repose essentiel- lement sur la contrainte budgétaire de l’Etat présentée plus haut [Equation (2)]. Il peut opérer selon deux modes :

• Le mode déficit, qui permet à l’analyste de calcuelr un déficit fi- nançable, étant donné les objectifs d’inflation et autres variables macro- économiques ;

(22)

• Le mode inflation, qui permet le calcul du taux d’inflation cohérent avec les objectifs donnés de déficit budgétaire et autres variables macro- économiques.

Comme on l’a montré plus tôt, la contrainte budgétaire de l’Etat indique que le déficit budgétaire (la somme du déficit primaire plus les paiements d’intérêts sur la dette intérieure et extérieure) doit êtrefinancée par l’émission soit des obligations monétaires, des titres domestiques portant intérêts ou par l’emprunt extérieur. En présence de différents objectifs macro-économiques (tels que le taux d’inflation), de telles source definancement deviennentinter- dépendants et déterminent le niveau du déficit primaire qui peut êtrefinancé endessous de la ligne. Dans la mesure où le déficit courant dépasse le niveau qui peut être financé (étant donné les autres objectifs politiques), les déci- deurs de politique économique doivent soit ajuster leur position budgétaire et/ou réviser leurs autres objectifs.

Considérons la spécification de la contrainte budgétaire de l’Etat donnée à l’Equation (3), qui est réécrite ici par convenance :

D+iB1 +iEBg1 =∆B +E∆Bg+∆Lg, (8) où D est encore le déficit primaire hors intérêts, B (Bg) le stock de dette domestique (éxtérieure) de l’Etat en fin de période, i (i) le taux d’intérêt sur la dette domestique (extérieur), Lg le crédit net de la banque centrale à l’Etat, etE le taux de change nominal.

La première étape est de consolider les bilans de l’Etat et de la banque centrale pour obtenir une définition plus complète du secteur public et une mesure plus précise des dépenses et des recettes du secteur public. En ajou- tant et en soustrayant de la partie droite de l’Equation (8) la quantitéE∆R, la variation des réserves officielles détenues par la banque centrale (mesurées en termes de monnaie nationale), il en résulte que

D+iB1+iEBg1 =∆B +E(∆Bg−∆R) + (∆Lg+E∆R). (9) Comme précédemment, supposons que la banque centrale accorde des crédits uniquement qu’à l’Etat. Son bilan est donné par :

Actif Passif Lg CU

ER RR N Wcb

}M,

(23)

où CU est la monnaie en circulation, RR , les réserves détenues par les banques commerciales en contrepartie des engagements à vue, et N Wcb, les profits accumulés par la banque centrale ou richesse nette. Par simplicité, on fait l’hypothèse qu’il n’ y a pas d’intérêts payés sur les réserves obligatoires.

La base monétaire, M, est définie comme la somme de la monnaie en circulation et desréserves obligatoires détenues par les banques commerciales à la banque centrale :

M =CU +RR. (10)

Le bilan de la banque centrale et la définition ci-dessus impliquent que la variation de la base monétaire,∆M, est égale à la variation du crédit à l’Etat,

∆Lg, plus la variation des réserves officielles,E∆R, moins la variation de la richesse nette de la banque centrale, ∆N Wcb:

∆M =∆Lg+E∆R−∆N Wcb. (11) Du compte de résultat de la banque centrale, et en faisant abstraction des autres sources de recettes et de dépenses, les profits nets consistent aux intérêts perçus sur les réserves officielles, iER1, qui ont pour contrepartie une hausse de la richesse nette de la banque centrale :

iER1 =∆N Wcb.

En soustrayant les profits de la banque centrale, iER1, du déficit sur la partie gauche de l’Equation (9), et la hausse de la richesse nette de la banque centrale, ∆N Wcb, de la hausse des engagements du secteur public sur la partie droite et en désignant par B = Bg −R la dette extérieure nette du secteur public, il en résulte que

D+iB1+iEB1 =∆B+E∆B+∆Lg+E∆R−∆N Wcb, où ∆B =∆Bg−∆R. De la définition ci-dessus de la variation de la base monétaire [Equation (11)], les trois derniers termes de l’équation sont sim- plement, ∆M. Donc,

D+iB1+iEB1 =∆B +E∆B+∆M, (12) L’Equation (12) consolide les comptes de l’Etat et de la banque centrale. A ce stade, deux observations sont importantes.

(24)

• Parce que la base monétaire est considérée comme unedette du secteur public, les avoirs nets extérieurs détenus par la banque centrale doivent aussi être soustraites de la dette extérieure de l’Etat pour calculer les engagements extérieurs nets du secteur public.

• Les dérivations ci-dessus demeurent presque identiques si la banque centrale prête aux banques commerciales et au secteur privé. La défi- nition du stock de base monétaire nécessite d’être ajustée pour corres- pondre aux engagements nets de la banque centrale à l’égard du secteur privé. Ceci est fait en définissant la base monétaire ajustée comme la somme de a) la monnaie en circulation moins le crédit de la banque centrale au secteur

privé ; et b) les réserves obligatoires moins les prêts de la banque cent- rale aux banques commerciales. Pour rendre explicites, les liens entre les déficits, la création monétaire et l’inflation, l’Equation (12) peut être réécrite en termes réels. En divisant chaque terme parP, le niveau de prix domestique, il en résulte que :

d+i(P1

P )b1+iz(P1

P )b1 =∆B/P +E∆B/P +∆M/P, (13) où

• d =D/P est le déficit primaire réel;

• b=B/P la valeur réelle du stock de la dette domestique en terme de biens domestiques;

• b = B/P la valeur réelle du stock de dette extérieure en termes de biens extérieurs, avecP désignant le niveau de prix à l’étranger ;

• z=EP/P est le taux de change réel.

Par définition,

∆B

P =b−(P1

P )b1 =∆b−

·

(P1

P )−1

¸

b1.

Une fois encore, désignons par π ≡ ∆P/P1 le taux d’inflation domes- tique. Comme on l’a montré plus tôt, l’expression ci-dessus peut être réécrite comme

∆B

P =∆b+π(P1

P )b1.

(25)

De façon similaire,

∆B

P = (P

P )b−(P1

P )b1 = (P

P )∆b

"

(P1

P )−(P P )

#

b1.

c’est-à-dire, avec πdésignant le taux d’inflation étranger :

∆B

P = (P

P )∆b+ (P P )(P1

Pb1. Par conséquent

E∆B

P =z∆b+z(P1

Pb1. En utilisant ces résultats et en notant que :

i(P1

P ) = 1+i

1+π −(P1

P ), i(P1

P ) = 1+i

1+π −(P1 P ), L’Equation (13) peut être réécrite comme

d+rb1+rzb1 =∆b+z∆b+∆M/P, (14) où r et r désignent les taux d’intérêt réels en termes, respectivement, de biens domestiques et étrangers, donnés par

1+r = 1+i

1+π, 1+r = 1+i 1+π.

L’Equation (14) peut être à nouveau réarrangée pour prendre en compte explicitement l’effet des variations du taux de change réel sur le coût du service de la dette publique. Par définition,

∆(zb) = zb−z1b1 =zb+z1(∆b−b),

= zb+z1∆b−z1b, c’est-à-dire

∆(zb) = ∆zb +z1∆b =∆z(∆b+b1) +z1∆b

= ∆zb1+z1∆b+∆z∆b.

(26)

En faisant l’hypothèse que ∆z et ∆b sont petits, cela implique que le dernier terme peut être ignoré, de sorte que

∆(zb)'∆zb1+z1∆b = ˆz(z1

z )zb1+ (z1

z )z∆b, (15) oùzˆ=∆z/z1 est letaux de dépréciation du taux de change réel. En utilisant ce résultat et en remplaçantz∆bdans l’Equation (14) et en réarrangeant, on obtient

d+rb1+ (r+ ˆz)zb1 =∆b+ ( z z1

)∆(zb) +∆M/P. (16) L’Equation (16) indique que le déficit budgétaire réel du secteur public consolidé (défini comme l’Etat et la banque centrale) doit être égale aux variations en termes réels de la dette intérieure et extérieure plus les revenus du seigneuriage.

De l’Equation (1), le revenu du seigneuriage∆M/P est donné par∆m+ πm1/(1+π). L’équation ci-dessus peut aussi être écrite comme

d+rb1 + (r + ˆz)zb1 =∆b+ ( z z1

)∆(zb) +∆m+ π

1+πm1. (17) L’Equation (17) peut aussi être utilisée de différentes manières pour assu- rer la cohérence entre la politique budgétaire et les objectifs macro-économiques.

Plus important, elle peut donner deux types de valeurs pour une fonction de demande de monnaie donnée :

• la valeur dudéficit primaire budgétaire qui est compatible avec un ratio dette totale/production donné (pour la dette intérieure et extérieure) et un objectif d’inflation ;

• La valeur du taux d’inflation (et donc le revenu du seigneuriage), π,˜ qui est compatible avec un ratio dette totale/production et un objectif de déficit budgétaire primaire.

Considérons le premier mode. Une possibilité simple est de faire l’hypo- thèse que les ratios de la dette intérieure et de la dette extérieure croissent au taux de croissance constant de la production,g:

∆b/b1 =g, ∆(zb)/z1b1 =g.

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