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6 La soutenabilité et la contrainte de solva- solva-bilité

L’analyse de la soutenabilité budgétaire (et extérieure) développée dans le contexte d’un cadre de cohérence se concentre généralement sur la contrainte de flux budgétaire de l’Etat et tend à être essentiellement statique en na-ture. Cependant, il est maintenant bien reconnu que la contrainte budgétaire de l’Etat a aussi une dimension intertemporelle. Est associée à celle-ci une condition de solvabilité intertemporelle, qui est centrale à une évalua-tion de la soutenabilité à moyen et long terme des déficits budgétaires et de la dette publique.

Pour déterminer la contrainte budgétaire intertemporelle et la condition de solvabilité qu’elle implique, considérons la contrainte deflux budgétaire, comme donnée par l’Equation (2), et supposons par simplicité qu’il n’y a pas de financement extérieur du déficit, une hypothèse qui peut s’accorder particulièrement bien à la situation de certains des plus petits pays en dé-veloppement. Il est facile de montrer que la contrainte budgétaire peut être écrite dans une forme qui représente une simplification de l’Equation (16),

d+rb1 =∆b+∆M/P, (19) oùd, b, et r sont définis comme ci-dessus. Maintenant, définissons

• d = d/y comme le déficit primaire mesuré comme une fraction du PIB ;

• b = b/y comme le ratio de la dette publique (en fin de période) au PIB ;

• s = ∆M/P y comme le revenu du seigneuriage mesuré comme une fraction du PIB ;

• g le taux de croissance du PIB réel.

L’Equation (19) peut donc être réécrite comme15

∆b =

Ãr−g 1+g

!

b1+d−s. (20)

15Comme l’a montré Buiter (1997), dans un cas général dans lequel le pays emprunte à l’étranger et la parité de pouvoir d’achat ne s’applique pas, une équation similaire à (20) peut être obtenue en définissant dcomme le déficit primaireajusté.

L’Equation (20) indique que si le taux d’intérêt réel domestique, r, est supérieur au taux de croissance de la production (r >g), le ratio dette/production augmentera de façon explosive dans le temps, à moins que les revenus de seigneuriage soient supérieurs au déficit primaire d’un montant qui est suffi-samment grand.

En faisant l’hypothèse que les valeurs de r et g sont constantes et en résolvant l’Equation (20) de manière récursive dans le temps de la période t0 = 0 à la période N, il en résulte que16 qui indique qu’à tout moment, l’encours du stock de dette intérieure (en proportion de la production) doit être égale en valeur à la valeur présente actualisée du flux futur des revenus de seigneuriage, sh, ajusté du déficit budgétaire primaire, dh, entre la date courante et une certaine date finale N, plus la valeur présente actualisée de la dette détenue à cette date future finale.

Supposons queN est vraiment la date finale importante pour l’Etat. La contrainte de solvabilité dans ce cas requiert que l’encours du niveau de la dette à cette date ne soit pas positive.

bN ≤0. (22)

Imposer cette contrainte à l’Equation (21) implique que, pour un Etat sol-vable, l’encours du niveau de la dette ne peut pas dépasser la valeur présente actualisée des revenus de seigneuriage futurs, ajustée du déficit budgétaire primaire : La position courante de la politique budgétaire semble alors soutenable si sa continuité sur la période N ne viole pas la contrainte de solvabilité (23).

En général, bien sûr, bien que les gouvernements en place peuvent avoir un terme limité, ils ne sont pas liés par l’obligation de rembourser les dettes

16L’appendice de ce chapitre fournit des formules importantes quandretgvarient dans le temps. Dans ce qui suit, on fait l’hypothèse d’une anticipation parfaite pour simplifier les notations.

contractées au cours de leur période faste à la fin de leur terme. Par consé-quent, dans la mesure où les futurs gouvernements honoreront les dettes contractées aujourd’hui, la contrainte de solvabilité (22) est excessivement restrictive. Tout ce qui est requis pour assurer la solvabilité est que, éven-tuellement, la valeur présente actualisée de la dette finale tende vers zéro.

Formellement, la contrainte de solvabilité prend donc la forme de la condi-tion d’un Non-Jeu ‹‹à la Ponzi››(NJP), donnée par :

Nlim→∞

µ1+g 1+r

N

bN ≤0. (24)

Etant donné la condition NJP, comme auparavent, la valeur du stock initial de dette doit être égale à la valeur présente actualisée du flux infini des revenus futurs de seigneuriage ajusté des déficits primaires :

b0 ≤ Clairement, la condition NPS est importante si seulement le taux d’intérêt réel sur la dette publique excède le taux de croissance à long terme du PIB (r > g) ; sinon, comme l’implique l’Equation (21), la dette tendra éventuel-lement vers zéro si l’horizon N est siuffisamment long.

Le cadre ci-dessus peut être utilisé pour différents exercices de politique.

Par exemple, il peut être utilisé pour calculer l’ampleur du ratio déficit pri-maire/production (constant) qui serait nécessaire pour partir d’un ratio ini-tial dette/production deb0, à une valeur future objectif (disons) àHpériodes plus tard,bH. En suivant Buiter (1997), cette quantité, peut être nommée le ratiorequis du déficit primaire/production. En comparant, le ratio requis au ratio courant (obtenu en faisant l’hypothèse, par exemple, que les politiques actuelles resteront inchangées) legap du déficit primairepeut être obtenu (Blanchard, 1993)17. Spécifiquement, supposons que le ratio requis est dési-gné pardHR(b0−bH)et le ratio courant seigneuriage/production à la période H par sHA. Par définition,

17L’indice de soutenabilité proposé par Blanchard (1993) est basé sur la différence entre le taux d’imposition courant et le taux d’imposition soutenable, défini comme le taux d’imposition qui est requis pour restaurer (pour un sentier donné de dépenses publiques et de transferts) le niveau du ratio dette/production à son niveau initial après un nombre donné d’années,H.

Par conséquent, le ratio déficit primaire/production est : Le ratio courant déficit primaire/production à la période H peut être défini comme

Le gap primaire de la périodeH est donc donné par :

GH(b0−bH) =dHR(b0−bH)−dHA. (27) Par exemple, legap primaire d’une périodequi stabilise juste le ratio dette/production est donné par la différence entre le déficit primaire qui devrait juste stabiliser le ratio dette/production à la période t1 = 1 et le déficit primaire qui est attendu en t1. De l’équation (27), cette quantité est donnée par :

qui n’est rien d’autre que l’Equation (20) mise à jour sur une période.

Analyser les contraintes de solvabilité intertemporelle est important pour évaluer la position de la politique budgétaire et sa soutenabilité18. Cependant ce que cette discussion implique est que la solvabilité n’est passuffisante pour identifier une position budgétaire unique. Supposons que pour un sentier donné de croissance de la production et des taux d’intérêt réels, il existe un sentier donné de seigneuriage, des impôts et des dépenses récurrentes qui assure la solvabilité. Par conséquent, sous les mêmes hypothèses, une hausse des dépenses aujourd’hui, couplée à une réduction suffisamment large des dépenses demain, assurera aussi la solvabilité. De façon similaire, une réduction des impôts aujourd’hui, associée à une augmentation suffisamment grande demain, garantira que le gouvernement est solvable. La raison est que ce qui importe est lavaleur présente des dépenses et recettes publiques. Cette absence d’unicité implique que les gouvernements possèdent un certain degré de liberté dans la sélection des instruments de politique budgétaire qu’ils

18Comme on le discute au Chapitre 16, la solvabilitéextérieurepeut être analysée d’une manière qui est similaire à la procédure utilisée pour évaluer la solvabilité budgétaire.

peuvent manipuler pour assurer la solvabilité, ainsi que lemoment approprié d’utilisation de ces instruments.

Les gouvernements possèdent également un certain degré de liberté quand les politiques courantes et à venir impliquent que lacontrainte de solvabilité est violée. Les principales options de politique qu’ils peuvent considérer (in-dividuellement et conjointement) pour solder le gap de solvabilité sont les suivantes :

• Réduire les déficits primaires courants et futurs, soit en réduisant les dépenses ou en augmentant les impôts et les recettes non-fiscales.

• Augmenterlesrecettescourantes et futuresde seigneuriage. Cependant, la capacité du seigneuriage de solder le gap de solvabilité est limitée. Si l’économie est sur le segment décroissant de lacourbe de Laffer de seigneuriage, une tentative d’augmentation des revenus de seigneu-riage par la hausse du taux de croissance du stock nominal de la base monétaire se traduira par une inflation plus élevée et une forte chute de la demande de monnaie,réduisant donc le revenu (voir chapitre 5).

• Déclarer un défaut complet ou imposer un moratoire unilatéral des paiements de la dette publique intérieure et extérieure. Cependant, en supprimant l’accès aux marchés des capitaux et/ou en augmentant la prime de risquecontenue dans les taux d’intérêt intérieurs, une telle option peut accroître le gap de solvabilité.

En pratique, l’analyse de la solvabilité a de nombreuses difficultés. Esti-mer les valeurs présentes des revenus de seigneuriage et les déficits primaires futurs est difficile19. Estimer le taux d’intérêt réel et le taux de croissance de la production (dans le cas plus réaliste dans lequel ils varient dans le temps) est aussi problématique sur un horizon suffisamment long; la raison est que les interactions (comme analysées plus tôt) entre ces variables et le déficit budgétaire primaire doivent être prises en compte pour éviter de biaiser les résultats. Calculer le solde budgétaire primaire qui assure la solvabilité ne traite pas la question de savoir si la position de la politique budgétaire est cohérente avec la croissance et les autres objectifs de politique. Comme l’a souligné Zee (1988), une fois que l’endogénéité et l’interdépendance du solde

19Une évaluation économétrique de la contrainte de solvabilité prend souvent la forme d’un test destationnarité du ratio dette/production. Voir par exemple, Buiter et Patel (1992) et plus important, la discussion critique de Cuddington (1997).

budgétaire primaire, de l’épargne privé et l’investissement, des taux d’intérêt et de la croissance de la production sont reconnues, la solvabilité du gouver-nement définie plus tôt n’est pas suffisante pour assurer que les politiques budgétaires soientsoutenables,dans le sens où le niveau de la dette publique converge vers un sentier de croissance à long terme stable et compatible avec l’état stationnaire de l’économie.

Un autre élément aussi important est que la contrainte de solvabilit n’im-pose que defaibles restrictions sur la politique budgétaire. Comme on l’a in-diqué auparavant, elle n’a pas de sens dans une économie où le taux d’intérêt réel est plus faible que le taux de croissance de la production. Si r < g, un surplus primaire n’est pas nécessaire pour réaliser la solvabilité, le gouver-nement peut présenter un déficit primaire de n’importe quelle taille, et ceci sera cohérent avec un ratio dette/production soutenable. En fait, le ratio dette/production peut augmentersans limites, tant que le taux de croissance de la dette n’est pas égale ou est supérieur au taux d’intérêt réel.

En pratique cependant, la taille du ratio dette/production peut avoir une influence importante sur la perception du secteur privé de l’engagement du gouvernement à faire face à sa contrainte budgétaire intertemporelle, ainsi que sa capacité à le faire. Tant que le secteur privé s’attend à ce que le gouvernement génère une séquence des surplus budgétaires primaires à une certaine période future, la contrainte imposée par l’Equation (23) ou (25) sera satisfaite. Cependant, comme le ratio de dette continue à croître, les agents privés peuvent devenir sceptiques sur la capacité du gouvernement à faire face à sa contrainte budgétaire ; cette perte de crédibilité peut se tran-duire par des taux d’intérêt plus élevés (voir plus bas). En outre, plus le ratio de l’encours de la dette à la production est grand, et plus longtemps les me-sures appropriées de politique sont différées, et plus grande sera l’ampleur du surplus primaire nécessaire à satisfaire la contrainte de solvabilité. Parce que les gouvernements sont confrontés à unelimite de la charge de l’impôt qu’ils peuvent imposer aux citoyens (notamment à cause des effets défavorables sur les incitations et la distribution de revenu), ils font face à unecontrainte de faisabilité sur le montant de revenu qu’ils peuvent lever (Spaventa, 1987).

Le résultat peut être qu’une série de politiques budgétaires qui initialement satisfaisait la contrainte de solvabilité peut devenir inadéquate dans le temps.

7 Chocs des prix des produits de base et

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