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Alcool et jeunes ctal

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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édito

Sterren Bohelay 01/02

Jeunes et alcool : un cocktail d’usages

Gaëlle Hybord /Denis Manigan 03/06

Ivresses adolescentes : de l'approche normative aux approches expérientielles

Julien Chambon 07/09

L’alcool rend-il violent ?

Pr Laurent Begue 10/12

La réduction du risque alcool en Europe

Dominique Meunier/Sterenn Bohelay13/15

En Suisse : alcool et intervention précoce

Jean-Félix Savary/Christophe Mani/Guy Musy/Nathalie Arbellay 16/19

Les Consultations Jeunes Consommateurs : un outil au service d’une stratégie d’intervention précoce

Emma Tarlevé 20/22

Le dialogue et l’information, sans modération

Interview croisé 23/25

À Montpellier, Le Zinc encourage les parents à venir au bar

Interview 26/29

L’Ippsa soutient le développement du repérage en milieu scolaire

Fatima

Hadj-Slimane/Dr Dorothée Lecallier/Dr Philippe Michaud 30/31

« Binge Drinking » : une œuvre d’art au service de la prévention de la consommation excessive d’alcool chez les jeunes

ANPAA 32/34

À Toulouse, le programme Axe Sud mobilise pour la sécurité routière

Martine Lacoste/David Mourgues 35/38

Esquisse anthropo-sociologique de la fête

Ahmed Nordine Touil 39/41

À Besançon, une recherche-action pour intervenir en milieu festif

Lilian Babé 42/45

Spiritek connaît la musique

Interview 46/48

Rassemblements multisons : en Bretagne, l’union fait la force

Interview 48/52

Évaluation dommages/bénéfices de neuf produits ou comportements addictifs

Catherine Bourgain/Bruno Falissard/Amandine Luquiens/Amine Benyamina/Laurent Karila/Lisa Blecha/Michel Reynaud 53/65

Alcool

et jeunes

univers, usages, pratiques

11 ctal

CAHIERS THÉMATIQUES DE LA FÉDÉRATION ADDICTION JUIL. 12 6€

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Réduire les risques...

aujourd’hui: « aller vers » d’autres possibles !

édito/ Sterenn Bohelay1

Plusieurs décennies de guerre à la drogue : un magistral constat d’échec, certes, mais aussi, par contraste, une démonstration éclatante de la pertinence des politiques de prévention et de réduction des risques. Et, dans ce dernier champ, un challenge : comment réussir la transition vers un usage raisonné, apaisé des pratiques festives et des consommations qui y sont liées ? Quelle convergence d’intérêt trouver entre usagers et intervenants de prévention ?

Ces dernières années ont été marquées par plusieurs mouvements parallèles : des bilans d’action bien mitigés, nous montrant les limites d’une posture ascendante, distanciée de l’autre et de son quotidien, les limites de la loi, l’acceptation d’un principe de réalité qui a amené à la levée d’un déni. Face à cette réalité, les acteurs de terrain, forts de leur intuition et dotés d’un certain pragmatisme, ont développé une approche ancrée dans la proximité.

L’espace festif, lieu voué à la recherche du plaisir, est dédié le plus souvent à célébrer un événement ou une personne. Les consommations de substances qui y sont associées ont une finalité récréative, et un objectif de sociabilité. L’article proposé par Michel Reynaud p.53 nous montre bien que la perception des bénéfices par l’usager est prépondérante dans le rapport à sa consommation.

Dans un monde où tout va plus vite, la fête peut se vivre comme un espace à part, où le temps est comme suspendu. Certains comportements à risque sont peut-être le reflet de cette accélération des choses. C’est aussi un lieu où l’on tente de se libérer de la pression sociale, un lieu propice à la création des liens sociaux ou qui participe à en re-créer lorsque l’on en manque. La fête vise également à combler l’ennui et le vide comme si le sentiment d’exister passait par le besoin de se remplir.

Notre société, en multipliant les objets de désir, nous sollicite sans cesse.

On comprend, par-là, la fonction, le succès de ces lieux « d’épanchement » que sont les espaces festifs.

L’adolescent et/ou le jeune adulte se sent constamment dans le « collimateur social ».

Il est considéré comme un simple consommateur, sans possibilité de voir prise en compte l’étape décisive que constitue l’entrée dans le monde adulte : moment d’apprentissage où il se doit d’acquérir les moyens de gérer ses éprouvés, contrôler ses désirs... grâce notamment aux références proposées par les adultes. Ne lui reste pour communiquer que le passage à l’acte.

Dans ces contextes, l’alcool reste le produit le plus consommé. Là encore, alors que les stratégies « marketing » des industriels ciblent depuis plusieurs années les jeunes (via les premix, les soirées parrainées, etc.), on leur conseille de « consommer avec modération ». Injonction paradoxale ! Sans compter qu’il nous faut, nous, adultes,

numéro11 juillet 12

Prix de vente : 6€

Directeur de la publication Jean-Pierre Couteron Coordinateur du numéro Sterenn Bohelay Comité de rédaction Michel Astesano, Dr Jean-Michel Delile, Dr Patrick Fouilland, Martine Landié, Nathalie Latour, Marie Villez Rédactrice en chef Cécile Bettendorff Journaliste Nathalie Castetz Conception graphique Carole Peclers

Impression 3000 ex. Imprimerie La Petite Presse

Fédération Addiction 9 rue des Bluets 75011 Paris contact 01 43 43 72 38 www.federationaddiction.fr

Sterenn Bohelay, Éducatrice, Centre Rimbaud, Coordinatrice Collectif FMR/

CJC Montbrison

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ctal

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2édito / Sterenn Bohelay

questionner notre propre rapport à l’usage, qui reste, souvent, encore ambigu.

On mesure bien le chemin à parcourir pour acquérir une quelconque légitimité à les accompagner. Face à un contexte où règles de droit et comportements des personnes sont situés dans des champs différents, notre positionnement est alors celui d’un tiers signifiant à l’autre qu’il existe. Proposer un point de vue sur la « fête moins risquée », c’est reconnaître les « fêtards » et le droit au plaisir qui les réunit, tout en prenant en compte les risques qui y sont associés.

Il est certain que les consommations de substances génèrent des prises de risques (accidents de la route, comportements violents, rapports non protégés, échec

scolaire...) qu’il nous appartient d’accompagner pour les réduire. Nous n’y parviendrons pas en stigmatisant le jeune, en le réduisant à sa conduite ou à sa consommation mais en lui donnant les outils lui permettant de se construire, de développer son esprit critique, sa capacité à choisir, à « prendre soin » de lui et de ses semblables.

Pour ce faire, les intervenants ne sauraient s’abstenir de coordonner leurs actions.

Intervenir en milieu festif, c’est avoir l’opportunité de multiplier les rencontres.

Il faut donc chercher à diversifier les collaborations, favorisant ainsi un cheminement avec la communauté, des actions avec et sur l’environnement, le système et ses réseaux et donc se démarquer du risque de culpabilisation.

L’intervention ne sera préventive que dans la mesure où elle sera transmission et formation et si elle s’appuie sur les ressources et compétences de l’Autre, pour qu’il puisse « domestiquer » ses désirs et ses forces, qui peuvent devenir les leviers d’un changement de comportement.

Nous devons aller dans le sens d’une co-construction, nous obliger nous-mêmes à penser différemment de l’éternel postulat simpliste : « la drogue c’est mal ! L’abstinence c’est bien ! ».

La condition, préalable et primordiale, de notre réussite, tient à l’élaboration d’un langage commun, fondé sur l’expérience humaine du plaisir plutôt que sur la diabolisation de la drogue.

Faisons le pari que nous ne savons pas… ce qui nous permettra d’être dans une quête, partageable et universelle, et de prendre l’espace festif, dans toute sa diversité, comme un lieu privilégié de rencontre et d’accompagnement.

Il est primordial de faire des alliances avec l’ensemble des dispositifs, à même de valoriser nos spécificités pour engager un travail intracommunautaire et créer ainsi des passerelles (avec le monde de la culture, de l’entreprise, etc.). Ceci afin de permettre à chacun de trouver une réponse en fonction de ses urgences, de ses désirs, de ses possibles !

« Aussi le problème n’est- il pas de savoir si notre théorie de l’univers a une quelconque influence sur les choses, mais si, au bout du compte, elle n’est pas la seule chose qui en ait. »Chesterton

Jeunes et alcool : un cocktail

d’usages

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Comment parler des consommations d’alcool qui pourraient être problématiques chez des jeunes, quand les adultes eux-mêmes ont une relation ambigüe à ce produit ? D’un côté le plaisir de «l’apéro», la fierté de la culture œnologique française… et de l’autre côté, des messages hygiénistes et sécuritaires délivrés auprès des adolescents.

Globalement, notre jeunesse va bien et possède des ressources que nous ne percevons pas toujours. Les adultes se font peu de souci, à tort ou à raison, d’une consommation de leurs jeunes qui serait identique à la leur. En revanche, certains comportements « extra ordinaires » méritent une autre attention. Pour comprendre, décrypter et replacer une légitimité de commentaires responsables, nous allons évoquer certaines consommations et leur contexte.

Ce que nous allons décrire maintenant n’a pas une ambition scientifique : certains de ces tableaux ne sont peut-être que des épiphénomènes. D’autres relèvent d’une mode passagère. Mais il nous semble nécessaire de porter une réflexion les concernant.

3

Gaëlle Hybord,psychologue clinicienne, Centre Hospitalier Albertville-Moûtiers (73) Denis Manigan, éducateur et chargé de prévention au Csapa Le Pélican de Chambéry (73)

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Jeunes et alcool : un cocktail d’usages / Gaëlle Hybord, Denis Manigan 5 Comment donner à nos jeunes une estime d’eux-mêmes

suffisante pour qu’ils n’aient plus à « prouver » ? Nous remarquons également un phénomène particulier : la mise en ligne de vidéos d’ivresse, de concours, de vomissements… Ceci nous interpelle à double titre.

D’une part, se pose la question de la valeur retenue par les jeunes aujourd’hui : tenir l’alcool ou ne pas le supporter ?

D’autre part, comment comprendre cette exhibition ? S’agit-il d’un questionnement en attente de positions et de commentaires des adultes, signifiant « mon alcoolisation est un message, tu ne me dis rien, alors je te re-questionne par ce film déposé devant tout le monde » ?

• Le binge-drinking

La « biture express », nouvelle façon de boire ? Certains adolescents boivent sans doute autant que les générations précédentes mais parfois plus vite, plus tôt dans le temps de la fête et avec une recherche délibérée d’ivresse.

L’adulte ne doit pas rester sidéré par ce qui paraît

« absurde ». Comment redonner du sens à ce qui semble insensé ? Les pistes de réflexion sont nombreuses et beaucoup d’écrits les évoquent.

S’agit-il de ce culte de la performance qui nous conduit à « tout faire, toujours plus » ? Le binge drinking est-il à mettre en lien avec le fonctionnement de notre société de consommation : le plaisir immédiat ? David Le Breton7y voit pour sa part un simulacre de rite de passage pour devenir adulte, mais condamné à être répété en raison d’un désaccord ou d’une cécité sociale ou familiale.

Les adultes ne communiqueraient-ils pas un malaise (que seul l’alcool massivement ingéré calmerait) en étant trop anxieux et pessimistes dans leur lecture de l’avenir ?

Ce phénomène questionne la recherche de repères sociaux et familiaux, mais aussi la recherche de limites à l’intérieur de soi-même, dans ce temps de mutation corporelle et psychique qu’est l’adolescence.

Cette manière de s’anesthésier jusqu’à l’inconscience, cette auto-exclusion ne dévoile-t-elle pas des fragilités identitaires ?

Informer sur le mécanisme neurologique d’un « trou noir », aider à réagir face à un coma, aider à s’en protéger, travailler sur la réduction des risques liés aux déplacements sont des pistes réalistes de prévention.

De nouvelles façons de faire la fête…

La fête est nécessaire. Elle protège l’équilibre des individus et des groupes sociaux : nous devons « faire la fête » et continuer de la faire. Les pratiques cependant évoluent et rompent avec celles des

« anciens ».

Ainsi, de plus en plus de déplacements routiers marquent le rythme d’une soirée : l’insatisfaction du lieu choisi entraîne un zapping, un passage d’un lieu de fête à un autre, une « non inscription » dans le temps structuré de la fête. La prise de risque de cette circulation est réelle. La répétition et le rapprochement des temps de fêtedéqualifient leur sens : les jeudis des étudiants s’instituent et banalisent les excès.

Les modes d’organisationeux-mêmes évoluent.

L’information par SMS, internet et/ou réseaux sociaux facilite des regroupements festifs quasi spontanés. Les municipalités, les services d’ordre et de sécurité ne peuvent anticiper et sont débordés par la rapidité des rassemblements sans aucun contact avec des responsables organisateurs. Les « apéros géants » redonnent évidemment du lien social mais l’apparente anarchie trouble les habitudes et demande des réajustements. Certaines consommations se font parfois en dehors du regard et des cadres prévus. Par souci d’économie ou pour éviter les contraintes, les jeunes boivent en dehors des bars, sur les parkings des boîtes… La « bienveillance » ou le contrôle des professionnels ne s’exercent plus.

Nostalgie, relecture idéalisée du passé… les adultes regrettent-ils les consommations collectives et intergénérationnelles des «après concert d’harmonie»

ou des bals populaires ?

• Les défis

L’être humain a besoin de se jauger, de s’estimer par rapport aux autres, et tout particulièrement à l’adolescence. Une question préoccupe en permanence les jeunes : « qu’est- ce que je vaux ? » Les défis se réalisent évidemment autour de l’alcool mais aujourd’hui, la barre est haute. La diffusion par internet ou par certaines émissions de télévision de séquences de paris obligent à faire plus ou mieux.

Notons par ailleurs que la gamme de produits alcoolisés offerte sur le marché est très variée, attractive et peu chère. C’est donc un produit facile d’accès et disponible en abondance.

Des risques différents selon l’âge

• Ivresses brutales et inattendues chez des publics très jeunes

Une naïveté et une méconnaissance des effets de l’alcool mettent certains pré-adolescents (11 à 13 ans) dans des situations d’ivresses importantes, voire de coma éthylique. Ce qui est remarquable, c’est la surprise du jeune, après-coup, vis-à-vis de l’efficacité et de la puissance du produit. L’intention n’était pas délibérée de perdre autant le contrôle et de se retrouver dans cet état…

Cette consommation peut relever d’une reproduction de celle perçue de l’adulte, sans avoir intégré le danger potentiel et les effets réels de l’alcool. Cet usage se fait en groupe, autour d’un évènement ou d’un temps d’ennui, en dehors du regard des adultes.

Il semble important de rappeler aux parents la nécessité de communiquer sur les caractéristiques particulières et enivrantes de l’alcool, et d’envisager éventuellement des stratégies éducatives à l’usage.

Par conséquent, cela impose, pour l’adulte, d’expliciter ses propres usages, car il transmet de façon implicite et silencieuse une manière de consommer à son adolescent.

Se pose la question de « l’apprendre à boire » : découvrir le goût, les effets, jusqu’où ? Dans quelles circonstances ? Dans quelles occasions ? À quel âge?

• Trous noirs, coma éthylique : risques banalisés ?

Bien que plus expérimentés en matière de consommation, les adolescents, âgés de 16 à 21 ans sont aussi confrontés à plusieurs risques immédiats liés à l’absorption d’alcool : pertes de mémoire concernant des évènements vécus pendant l’alcoolisation, perte de contrôle total pouvant entraîner des violences, prises de risques (dans tous les domaines), coma éthylique, conduite automobile insouciante… Ces risques sont repérés par les jeunes, mais ils en sous-estiment les conséquences et les intègrent comme faisant partie du programme festif.

Consommation d’alcool : contexte général

L’enquête ESCAPAD 20111montre que les expéri- mentations d’alcool poursuivent une diminution.

À l’inverse, les usages réguliers, les comportements d’alcoolisation ponctuelle importante ou les ivresses régulières augmentent. L’étude HBSC 20102, pour sa part, atteste d’une expérimentation élevée d’alcool à l’âge de 11 ans : 6 jeunes sur 10 (57,7%) sont concernés. À l’âge de 13 ans, le pourcentage passe à 71,7 ; à 15 ans, il s’élève à 85,8%. Quant à l’enquête Espad, la plus récente3, elle montre que l’usage récent d’alcool est en hausse par rapport à 2007:

67% des 15-16 ans ont consommé de l’alcool dans les 30 jours précédant l’enquête, contre 64% en 2007. 44% des adolescents interrogés ont connu un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante au cours des 30 derniers jours.

Par ailleurs, comme nous l’indique le travail de Christophe Moreau (IREB 2010)4, 80 à 90 % d’adolescents font la fête pour renforcer leur vie sociale, sans souhaiter la perte totale du contrôle de soi. Seule une minorité utilise l’alcool pour un oubli de soi. Rappelons toutefois que les principales caractéristiques attendues d’une fête réussie sont : l’amusement/le rire, les amis et l’ivresse alcoolique, à égalité avec la musique.

Même si elles nous paraissent évidentes, souvenons- nous des vertus attendues de l’alcool : désinhibition, euphorie. Il peut être aussi utilisé pour son efficacité anxiolytique ou anesthésiante.

L’alcool renvoie également à des traditions culturelles.

En France, le vin, par exemple, possède un enracinement sacré le plaçant au cœur du rite commémorant la communication avec Dieu. Cette coutume culturelle du « boire en France » reste extrêmement ancrée dans les esprits des Français comme en témoignent Véronique Nahoum-Grappe, dans son ouvrage « la culture de l’ivresse »5, et l’enquête menée par Thierry Morel et Marie-Xavière Aubertin6.

Enfin, l’alcool reste associé à la notion de virilité : pour les hommes principalement, il est

symboliquement lié à l’accession à une identité sociale.

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Les ivresses adolescentes, et plus généralement les alcoolisations massives des jeunes adultes, défraient régulièrement la chronique, et on sent depuis quelques années sourdre dans l’opinion publique une grande préoccupation à leur propos. Le constat est fédérateur : nos adolescents consommeraient de manière beaucoup plus intense et beaucoup plus massive que leurs aînés (nous-mêmes !), et commenceraient à le faire de plus en plus tôt…

Les données à notre disposition semblent effectivement confirmer des changements dans les modes d’alcoolisation des jeunes Français, ainsi qu’un rajeunissement des primo-usagers. Cependant, au- delà de la réalité sociologique et des conséquences sanitaires de ces nouvelles façons de boire, il nous semble intéressant de questionner l’émotion qu’elles soulèvent au sein de la population, qui, observant sa

Ivresses

adolescentes: de

l'approche normative aux approches

expérientielles

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• Les week- end d’intégration des grandes écoles Le rite est nécessaire. Il faut en accepter l’idée en le souhaitant ni violent, ni dégradant pour ceux qui le subissent. À trop vouloir le dénoncer, il a lieu en dehors des regards et hors limite, et l’alcool coule…

Là aussi, une non-acceptation par le corps social de l’épreuve de passage perturbe le changement de statut attendu.

Les excès que l’on nous rapporte sont parfois édifiants : vomissements, dégradations, violences.

Les présidents des bureaux d’étudiants nous sollicitent pour « prévenir », mais la réponse doit avoir une dimension plus collective, plus sociale.

Nous sommes donc à l’épreuve d’accepter un minimum de risques pour ne pas en subir en excès.

• Les skins party

Du nom d’une série télévisée, l’idée de la « skin party » est de tout s’autoriser durant un temps festif : sexe, alcool, drogues… no limits. Un programme déjà connu mais qui doit nous interroger. Peut-on comparer ce phénomène avec celui des personnes qui, sous régime alimentaire aux contraintes difficiles, craquent par lassitude ou dépit ? Y a-t-il une volonté de prendre des risques de façon totalement délibérée quand trop de contraintes fatiguent ? S’agit-il de comportements ordaliques pour trouver un sens à la vie ?

Pour approfondir le sujet et acquérir des outils adaptés à la problématique, la Fédération Addiction propose les 3 et 4 décembre 2012une formation intitulée Quelles prévention des conduites à risques et des addictions chez les publics jeunes ?

Quelle place de la prévention dans cette période de l’adolescence et de vie scolaire : que leur dire?

Comment travailler avec la communauté éducative? Quels sont les besoins des parents?

Quelles sont les différentes stratégies préventives à envisager dans les moments de fête?

Témoignages et analyses rythmeront les échanges autour de ces questions. Les aspects psychologiques, psychosociaux et éducatifs seront traités et permettront de mieux comprendre les mécanismes de l’adolescence entre tiraillements, loyautés et tentations.

Plus d’informations sur

www.federationaddiction.fr, rubrique Formations

1 OFDT, Inserm, « Les drogues à 17 ans. Premiers résultats de l’enquête ESCAPAD 2011 »,Tendances, n°79, février 2011 - www.ofdt.fr

2OFDT, Inserm, « Alcool, tabac et cannabis durant les “années collèges” », Tendances, n°80, avril 2012 - www.ofdt.fr

3OFDT, Premiers résultats du volet français de l’enquête European School Survey Project en Alcohol and Other Drugs (ESPAD) 2011, 31 mai 2012 - www.ofdt.fr

4Moreau Christophe, « Les jeunes et la fête : la régulation par le regard de l’autre et la diffusion culturelle », Recherche et alcoologie, n°41, IREB, juillet 2011 - www.ireb.com

5Nahoum-Grappe Véronique, La culture de l’ivresse. Essai de phénoménologie historique, Quai Voltaire Histoire, 1991

6Aubertin Marie-Xavière, Morel Thierry, Chronique ordinaire d’une alcoolisation festive. Les 16-21 ans. NO-NOS LIMIT(ES), Haut Commissaire à la jeunesse, EPE IDF, 2010 - www.injep.fr

7 Le Breton David, Jeunesse à risque. Rite et passage, Presse Universitaire de Laval, 2005

Conclusion

Nous n’avons pas évoqué les consommations solitaires pathologiques qui relèvent d’un savoir-faire spécifique ; nous nous sommes concentrés sur les comportements collectifs nécessitant des approches nouvelles de prévention.

Les pratiques festives actuelles, toujours en mouvement, nécessitent en miroir, des adaptations créatives et originales. Associer les jeunes pour construire des messages adaptés et des actions pertinentes est évidemment nécessaire. Aidons-les à ne pas subir les subtiles stratégies commerciales en renforçant leurs ressources critiques. Redonnons également aux parents l’attention nécessaire face aux besoins de leurs adolescents. Enfin, donnons- nous, entre professionnels, des temps d’échanges et de construction autour de la prévention des conduites à risques et des addictions chez les jeunes.•

6 Jeunes et alcool : un cocktail d’usages / Gaëlle Hybord, Denis Manigan

Julien Chambon, Chargé de projet PEC, Aides Alcool, Lyon (69)

jeunesse alcoolisée, oscille entre désarroi, incompréhension et incrédulité. En adoptant ce point de vue décalé, nous avons quelque chance de parvenir à cerner, voire, qui sait, à dépasser certains des obstacles cognitifs et culturels qui vont à l’encontre d’une appréhension et d’une gestion sereine et efficace de ce phénomène.

Notre représentation culturelle de l’alcool a toujours oscillé entre alcoolophilie et alcoolophobie1: nous adorons cet alcool bienfaisant que nous investissons d’un fort pouvoir symbolique et qui agrémente la grande majorité de nos rites sociaux, et dans le même temps nous détestons ce produit néfaste qui conduit à des dépendances et/ou à des comportements d’usages nocifs ou déviants. Ainsi, en France, il est interdit de ne pas boire, mais il est aussi interdit de ne pas boire « comme il faut ». C’est ce rapport normatif – somme toute assez flou et relatif – qui nous permet d’établir une distinction entre des représentations adverses laissant à voir d’une part, un produit quasiment miraculeux, et d’autre part, une substance toxique, dangereuse et mortelle. Le débat autour dubinge-drinkings’inscrit en plein dans ce paradoxe culturel fondamental. Ainsi, si l’on prête attention au discours que l’on porte socialement sur les ivresses adolescentes, on peut voir que ce n’est pas tant la question de l’alcoolisation en elle-même qui pose problème, mais bien plutôt le détournement des normes de consommation socialement préconisées… Que nos adolescents boivent, pourquoi pas, si tout au moins ils boivent comme nous2… Mais qu’ils préfèrent une ivresse intense à une innocente ébriété, qu’ils dépouillent l’acte de boire des oripeaux culturels dont on le pare

7

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traditionnellement3, et l’on se retrouve vite confronté de nouveau à notre alcoolophobie…

Et peu importe que les alcoolisations massives et intenses fassent somme toute partie intégrante de nos traditions populaires4: nous ne pouvons nous empêcher de voir dans les ivresses adolescentes un mauvais usage d’un produit dangereux et toxique, justement parce qu’elles ne respectent pas les usages, ou coutumes. Tout se passe comme si c’était en fait le comportement d’usage, et non la substance elle-même, qui faisait la drogue. On peut percevoir, derrière cette façon de voir, nos réticences à définir effectivement l’alcool comme une drogue, tout simplement parce que nous avons généralement de cette notion une vision totalement fantasmatique, qui ne nous permet pas de faire le lien avec nos propres expériences d’alcoolisation. Face à ce paradoxe cognitif et culturel, n’est-il pas au fond plus simple d’évacuer le problème en affirmant que ce qui pose question ce n’est pas tant que « notre » alcool soit effectivement une drogue, mais bien plutôt le fait que nos jeunes l’utilisent en tant que telle… ?

Il est d’ailleurs à ce titre assez surprenant de constater comment le discours sur lebinge-drinking s’est tout naturellement greffé sur celui qui prévalait jusqu’alors quant aux méfaits de « La Drogue » parmi la jeunesse. On y retrouve les mêmes constats et messages alarmistes à propos d’une génération en perte de repères, qui fuit la réalité, qui se « défonce » et se détruit, la même impuissance et la même incompréhension de la part d’une population adulte dépassée. Cette similitude dans les registres est loin de n’être qu’anecdotique. Les deux notions permettent en effet tout à la fois de traiter de la peur panique et de l’incompréhension des adultes face aux nouvelles pratiques de la jeunesse, et de l’exorciser en postulant qu’elle est le fait d’un objet

« extérieur », inconnu et donc incontrôlable. Au fond, cette distinction que nous faisons ainsi entre l’alcoolisation de notre jeunesse et nos propres expériences d’alcoolisation, ne présenterait-elle pas l’intérêt inconscient de nous éviter de remettre fondamentalement en question notre rapport culturel à l’alcool5?

9 8 Ivresses adolescentes : l’apport de l’approche expérientielle/ Julien Chambon

Cette façon que nous avons de présenter et de percevoir les choses est d’autant plus dommageable que, d’un point de vue strictement anthropologique, les alcoolisations de la jeunesse contemporaine sont tout autant légitimes que celles des générations précédentes. Sur le fond, les valeurs qu’elles portent sont d’ailleurs très similaires à celles que nous attribuons traditionnellement à l’alcool dans notre culture (hédonisme, altération de soi, convivialité, affirmation culturelle et identitaire)6. La différence entre ces nouvelles formes d’alcoolisation et les nôtres est essentiellement contextuelle : nous avons tout simplement affaire à des adolescents qui ont grandi dans une société addictogène7, autrement dit qui baignent depuis leur plus jeune âge dans une culture de l’intensité et de l’immédiateté, et qui cherchent en conséquence à expérimenter des états éthyliques plus intenses et plus rapides. Comment pourrait-il en être autrement dans notre société d’hyperconsommation8? Le constat s’impose d’ailleurs à tous, et contribue à alimenter notre désarroi : après tout, nous ne sommes qu’un infime rouage d’une machine qui fait boire / broie nos enfants… Mais là où nous avons tendance à faire un peu trop facilement aveu d’impuissance, ne conviendrait-il pas plutôt de prendre acte de nos propres insuffisances ? Ne pourrions-nous pas, ainsi, mettre en regard notre difficulté à remettre objectivement en question nos propres

représentations collectives, à nous confronter sans douleur à nos paradoxes culturels, à assumer plus sereinement la réalité et la relativité de nos propres expériences d’alcoolisation9, et la difficulté de nos adolescents à se poser des limites et à remettre en question leurs propres alcoolisations ? D’ailleurs comment pourrions-nous blâmer nos adolescents de ne pas garder le contrôle si nous-mêmes ne sommes pas en mesure de leur proposer un cadre de références acceptable et cohérent ? Ne serait-il pas grand temps de renouer le dialogue en confrontant nos expertises et nos difficultés respectives ? Face à la réalité du binge-drinking, et plus

globalement à celle des conduites addictives, il nous semble donc urgent d’élaborer et de diffuser les bases d’un langage commun nous permettant de dépassionner le débat, de « mettre à plat » les

représentations individuelles et collectives, de questionner objectivement la place de l’alcool et des drogues dans notre société, dans nos fêtes et dans nos vies. Ce langage commun, pour être valide et accepté de tous, doit pouvoir faire écho aux expériences de chacun, et nous rendre compréhensibles celles des autres, quelles que soient leurs origines et leurs façons de faire. Ce n’est qu’à ce prix que nous parviendrons à nous mettre collectivement d’accord sur la nature réelle du problème, et que nous pourrons envisager des réponses adaptées aux réalités, aux attentes, aux besoins et aux interrogations des uns et des autres. Dans cette logique expérientielle, l’éducation préventive ne saurait se limiter, comme c’est aujourd’hui le cas, à reposer sur des pédagogies essentiellement informatives et normatives, voire moralisantes, visant en tout cas l’exemplarité10et le risque zéro.

Ces approches-là s’avèrent fondamentalement insatisfaisantes, car en focalisant sur les caractéristiques et sur la dangerosité du produit, elles ne tiennent absolument pas compte de la réalité des expériences des individus, de l’environnement socio-culturel dans lequel ils évoluent, et encore moins des bénéfices qu’ils peuvent tirer de leur alcoolisation11. Elles contribuent par ailleurs à entretenir la confusion quant à la nature même du problème, en postulant qu’il est essentiellement d’ordre quantitatif et/ou qualitatif, là où il s’avère fondamentalement complexe et multidimensionnel.

Intervenir dans le sens d’une approche expérientielle auprès des adolescents adeptes du binge-drinking, c’est au contraire viser à réintroduire de la logique, du sens, et de la rationalité dans les expériences d’alcoolisation. Les objectifs sont multiples :

• faciliter une meilleure compréhension des enjeux individuels, collectifs et culturels que sous-tendent les pratiques d’alcoolisation ;

• analyser les effets de l’alcoolisation sur le psychisme et les ressentis, et les corréler aux effets recherchés ;

• reconnaître la relativité des expériences en fonction des individus, des contextes, et des modes d’alcoolisation ;

• réfléchir collectivement et individuellement aux conséquences négatives et positives des alcoolisations;

• favoriser la connaissance de soi, de son rapport au plaisir, à la souffrance, à son mode de vie ;

• et, last but not least, questionner le degré de satisfaction et d’insatisfaction de chacun, et sa motivation au changement.

Il doit cependant être bien entendu que ce travail auprès des jeunes les plus concernés, ne serait d’aucune utilité s’il n’était pas inscrit dans une approche globale et systémique. Autrement dit, il s’agit avant tout de prendre conscience que cette réalité de l’alcoolisation de nos jeunes est aussi – et avant tout – la nôtre, qu’il s’agit de questions intimes qui nous concernent et qui nous intéressent tous, et qui méritent en tant que telles toute notre attention, tous nos soins, et toute notre bienveillance.•

1 Jeannin J.-P. (2003), Gérer le risque alcool au travail, Chronique Sociale.

2 Les adolescents français se voient offrir des verres d’alcool dans les réunions familiales.

3 Boire à la bouteille et non pas dans le verre adéquat, évoquer les effets du produit plutôt que son goût, sa texture, privilégier un rythme de consommation personnel plutôt qu’un rythme collectif (tournées), etc.

4 Cf notre tradition de ferias, carnavals, fêtes votives…

5 Binge-drinking, biture-express : notre recours à des néologismes barbares (notez les allitérations, le choc des consonnes…) pour qualifier ces nouvelles pratiques ne participerait-il pas de cette tentative maladroite d’exclusion culturelle ? D’ailleurs, malgré leur succès dans l’opinion publique, ces termes sont globalement inconnus des jeunes les plus concernés…

6 Des revendications qui sont d’ailleurs bien éloignées du cynisme, du nihilisme et de la désespérance que nous leur attribuons si facilement.

7 Morela., Couteron J.-P., Fouilland P. (2010), L'Aide-mémoire d'addictologie en 46 notions, Dunod.

8 Lipovetsky G. (2006), Le bonheur paradoxal, Gallimard.

9 Et plus globalement de nos expériences de plaisir au sens large…

10 Par exemple à travers des témoignages d’anciens « déviants » rentrés dans le droit chemin.

11 Ce qui exclut par exemple de se limiter aux aspects négatifs, notamment d’un point de vue médical, d’une consommation donnée, selon le principe que l’on ne boit pas de l’alcool pour faire un cancer ou un coma éthylique.

(7)

11 Elle accorde à la situation de consommation un poids

important dans l’orientation des conduites, mais a peu à dire sur les riches significations rituelles et sociales revêtues par l’alcool à travers le globe, dont le rôle dans la canalisation et la manifestation des effets de l’ébriété est pourtant déterminant.

Le rôle des croyances culturelles dans le lien alcool-violence

Dans une étude portant sur plusieurs dizaines de sociétés traditionnelles différentes, l’anthropologue James Shaefer a conclu qu’à travers tous les contextes culturels étudiés, l’ébriété masculine était une constante, mais que dans seulement la moitié des cultures des bagarres s’ensuivaient. Par exemple, les membres de la tribu bolivienne des Camba font l’expérience d’une alcoolisation extrême deux fois par mois, sans qu’aucune forme de violence verbale ou physique n’y soit consécutivement observée. A l’inverse, dans une société traditionnelle de Finlande où de telles beuveries régulières étaient également organisées, les violences graves étaient fréquentes.

Ces deux exemples soulignent que les effets comportementaux qu’induisent les ivresses sont toujours inscrites dans des systèmes normatifs et sont irréductibles au prisme psychopharmacologique.

Les significations sociales et les effets imputés à l’alcool se développent dès le plus jeune âge : on a demandé à des enfants américains âgés de 8 ans quelles seraient les conséquences s’ils

consommaient de l’alcool (par rapport à une boisson contrôle, le thé glacé). Ceux-ci ont répondu que l’alcool les conduirait davantage à blesser verbalement les autres et à se bagarrer. Chez les adultes, la consommation d’alcool est communément assortie d’anticipations quant à ses effets. Par exemple, le simple fait de croire que l’on a consommé une boisson alcoolisée conduit les consommateurs à se trouver plus séduisants (Bègue et al., sous presse). Les croyances selon lesquelles l’alcool rend agressif contribuent à moduler la relation entre les consommations et les violences auto-reportées. Selon une enquête française, la consommation d’alcool est liée au nombre de comportements violents auto-reportés uniquement pour les personnes qui pensaient que l’alcool les rendaient agressives. Cet effet persistait lorsque l’on contrôlait leurs prédispositions agressives (Subra &

Bègue, 2009). Dans une autre étude, il a été montré Les effets de l’alcool sur le fonctionnement

cognitif

Selon la perspective dite de la « perturbation cognitive », les propriétés pharmacologiques de l’alcool affectent les processus cognitifs contrôlés en touchant les fonctions cognitives exécutives, dont on connaît par ailleurs l’implication dans les conduites agressives (Giancola, 2004). L’un des effets bien connu de l’alcool est d’altérer les capacités de traitement de l’information. Lorsque l’individu est alcoolisé, les informations périphériques, perceptivement éloignées ou complexes, sont soumises à des distorsions ou sont purement et simplement ignorées (par exemple, les conséquences à long terme de l’action) tandis que les informations les plus saillantes de la situation immédiate (par exemple l’intimité sociale, le désir sexuel, ou l’irritation) influencent de manière excessive le comportement et les émotions. Ainsi, l’effet de l’alcool sur les capacités cognitives permet d’expliquer pourquoi l’alcool augmente le biais d’intentionnalité, qui est une tendance générale à considérer qu’un acte donné, notamment lorsque sa causalité est ambigüe, est intentionnel plutôt qu’accidentel (Bègue et al., 2010). Une simple bousculade sera donc jugée plus hostile lorsque l’on a bu que si l’on est à jeûn.

Après une consommation d’alcool, l’interprétation de la situation qui s’offre à l’individu est appauvrie. Ce dernier accorde un poids excessif aux informations les plus centrales : c’est la myopie alcoolique (Giancola & Corman, 2007). Selon la théorie du même nom, l’effet de l’alcool sur le comportement serait particulièrement sensible dans des situations où il existe ordinairement un conflit entre des informations qui initient un comportement (par exemple une provocation) et celles qui l’inhibent (par exemple la peur des conséquences d’une bagarre). La myopie alcoolique conduit à minimiser les informations inhibitrices au bénéfice des informations instigatrices. Les conduites dites « désinhibées » résultent donc de l’interaction entre l’altération des capacités cognitives de l’individu et la présence d’indices particuliers qui influencent le comportement dans une situation donnée. La perspective insistant sur les perturbations cognitives liées à l’alcool reste néanmoins insuffisante pour expliquer tous les phénomènes comportementaux associés à ce produit.

Les études épidémiologiques nous montrent que l’alcool constitue la substance psychotrope la plus fortement liée au comportement agressif. Dans une étude agrégeant plus de 9300 cas issus de 11 pays différents, il a été constaté que 62% des auteurs de violence grave avaient bu au moment de commettre leurs actes ou peu de temps avant. En toute rigueur, le fait que l’alcool soit fréquemment impliqué dans les épisodes agressifs du côté de l’auteur mais aussi de celui de la victime (Bègue et al., 2012) ne démontre évidemment pas qu’il soit causalement ou directement responsable des actes agressifs. Il se pourrait également que la tendance à boire de l’alcool et celle à l’agression résultent conjointement de diverses variables individuelles ou situationnelles.

Par exemple, la qualité des liens sociaux est reliée chez les adolescents à la réalisation d’actes de violences et à l’utilisation excessive d’alcool (Bègue

L’alcool rend-il violent ?

Pr Laurent Begue,spécialiste en psychologie sociale, Université de Grenoble (38)

L’alcool rend-il violent ? / Pr Laurent Begue 11

& Roché, 2008). Parmi les variables individuelles, on pourra mentionner l’imitation de consommations excessives et de violence observées dans

l’environnement familial, ou encore le faible contrôle par l’individu de ses impulsions. Il faut ajouter que de nombreuses situations sont génératrices d’un lien entre alcool et agression. Tout d’abord, la

consommation d’alcool se déroule souvent dans des contextes où plusieurs facteurs liés à la violence apparaissent conjointement : les lieux sont bondés, et les normes de conduite conventionnelle peu contraignantes. Parmi certains groupes, la consommation excessive est elle-même souvent initiée comme un aspect d’un style de vie déviant. En plus de ces corrélats situationnels, la violence dans les bars résulte fréquemment d’une tentative manquée d’obtenir encore de l’alcool. En outre, les bouteilles et les verres qui le contiennent sont parfois utilisés comme des armes : selon une étude, une utilisation agressive des bouteilles ou des verres était observée dans 19% des incidents violents dans les bars. Enfin, il semble que les forces de l’ordre détectent plus fréquemment les auteurs de violence qui sont ivres que les autres.

Les méta-analyses réalisées sur les études expérimentales concluent à un effet causal de l’alcool sur les conduites agressives des hommes et des femmes (Bègue & Subra, 2008). Cet effet est biphasique : l’agression est généralement constatée dans la phase ascendante de l’alcoolémie, tandis que durant la phase qui suit le pic d’alcoolémie, un effet sédatif est dominant. L’alcool ne constitue pas, toutefois, une cause nécessaire, ni une cause suffisante pour déclencher une agression. Dans les recherches expérimentales, lorsque des sujets alcoolisés ne sont pas provoqués, il est rare qu’ils se montrent agressifs. L’absence d’agression sous l’influence de l’alcool lorsqu’il n’y a pas d’instigation limite donc certaines explications

neuropharmacologiques qui indiquent que l’alcool seul « désinhiberait » par la libération de dopamine, la diminution de sérotonine, ou en interagissant avec

d’autres neurotransmetteurs. ... / ...

10

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13

différentes, provoquant 2,3 millions de décès précoces dans le monde dont 195 000 en Europe.

Depuis les années 70 et en conséquence des différentes mesures de santé publique appliquées, on constate que la consommation des pays d’Europe de l'ouest et du sud tend à diminuer, tandis que celle des pays d’Europe centrale ou de l’est augmente depuis leur adhésion.

Dans le même temps, les études et recherches sur la consommation d’alcool et ses conséquences se sont améliorées depuis une trentaine d’années.

Des analyses et des rapports de référence sont régulièrement publiés par l’OMS ou la Commission Européenne notamment et de nouveaux indicateurs sont en cours d’élaboration, comme les modes de consommation selon les groupes, la santé et l’impact social ou encore les impacts sur l’économie et le développement.

Aujourd’hui, nous savons que la prévention du risque alcool fonctionne lorsque qu’elle combine des mesures politiques, des actions de sensibilisation et d’accompagnement, l’évaluation périodique des stratégies mises en œuvre, la coopération entre les acteurs, les échanges de pratique... Mais cette combinaison nécessite que les situations territoriales soient étudiées et fassent l’objet de diagnostics précis, car de nombreuses disparités existent entre les pays, les villes, les quartiers, les publics, les politiques mises en œuvre, etc.

Les différentes approches de la consommation d’alcool

Alfred Uhl, Coordinateur du département «Recherche et prévention des addictions » au sein de l’Institut Anton Porksch de Vienne, a apporté un éclairage culturel sur les usages d’alcool et la place des actions de prévention. Un certain nombre de constats comme «l’alcool est dangereux pour les jeunes »,

« l’alcool favorise la violence », ou encore « si l’alcool n’était pas accessible, il n’y aurait plus de problèmes », induisent que la solution au problème est simple.

Le 18 octobre 2011, le Centre d’Études parlementaires de Bruxelles a organisé un colloque sur le thème des stratégies de réduction des risques alcool en Europe.

28 participants venus de 12 pays européens et de la Suisse étaient présents. Ces professionnels étaient principalement issus d’universités, d’instituts de recherche en santé ou spécialisés (en santé mentale, cancer, foie), de l’industrie alcoolière, de Ministères (finances, santé publique, affaires sociales), de l’industrie pharmaceutique et de quelques (rares) associations. Cette journée a été marquée par l’absence de professionnels de terrain au sein des participants ; à l’inverse, beaucoup de représentants d’industries alcoolières étaient présents, avec des discours rodés, malgré une posture ambigüe entre

« marketing adapté à la prévention » et objectifs de vente toujours plus élevés. Autre point d’étonnement:

le choix hétéroclite des invités, qui rendait flou le lien entre les différentes interventions. La place manifeste laissée au secteur privé (alcooliers, cliniques privées) laissait dubitatif.

Quelques chiffres européens

Maria Renström, Directrice au sein du Ministère de la santé et des affaires sociales de Suède, a introduit la journée en rappelant qu’en Europe, la consommation d’alcool est deux fois plus élevée que dans le reste du monde. Son usage est à l’origine de 60 maladies que le simple fait de croire que l’on a consommé de

l’alcool, ou d’être exposé à des mots liés à l’alcool de manière subliminale augmentait les conduites d’agression après une provocation (Bègue et al., 2009;

Subra et al., 2010). On a également observé que l’effet de l’alcool était modulé par la personnalité du consommateur : l’alcool a ainsi un effet plus néfaste sur les personnes ayant une tendance générale à l’agression, et notamment celles qui ont un niveau élevé à des mesures psychométriques d’irritabilité, d’attitudes favorables à la violence, de ruminations hostiles, de conflit marital, de narcissisme et de recherche de sensation ainsi que celles qui ont un bas niveau à des mesures standardisées de conscience de soi, d’auto-contrôle, d’empathie et de fonctionnement exécutif (Giancola et al., 2012).

L’origine des croyances concernant l’ébriété est multiple. On peut supposer qu’en plus de l’expérience personnelle, les modèles jouent un rôle important.

L’association entre agression et alcool est parfaitement reflétée dans les médias populaires.

David Mc Intosh et ses collègues (1999) ont codé et analysé les comportements de 832 personnages buveurs ou non buveurs d’alcool apparaissant dans 100 films tirés aléatoirement parmi les plus grands succès en salle entre 1940 et 1990. Par rapport à des non-consommateurs, les personnages qui buvaient de l’alcool étaient beaucoup plus souvent agressifs.•

Bibiographie

Bègue, L., Perez-Diaz, C., Subra, B., Ceaux, E., Arvers, P., Bricout, V., Roché, S., & Swendsen, J. (2012). The role of alcohol in female victimization : findings from a french representative sample. Substance Use and Misuse, 47, 1-11.

Bègue, L., Bushman, B., Zerhouni, O., Subra, B., & Ourabah, M.

(2012). “'Beauty is in the Eye of the Beer Holder' : People Who Think They are Drunk also Think They are Attractive". British Journal of Psychology, in press

Bègue, L. & Subra, B. (2008). “Alcohol and Aggression:

Perspectives on Controlled and Uncontrolled Social Information Processing”. Social and Personality Psychology Compass, 2, 511-538.

Bègue, L., Subra, B., Arvers, P., Muller, D., Bricout, V. &

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Giancola, P.R. (2004). “Executive functioning and alcohol- related aggression”. Journal of Abnormal Psychology, 113, 541–555.

Giancola, P.R., & Corman, M.D. (2007). “Alcohol and aggression : a test of the attention-allocation model”.

Psychological Science, 18, 649-655.

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Journal of Applied Social Psychology, 29, 6, 1191-1199.

Subra, B., Muller, D., Bègue, L., Bushman, B.J., & Delmas, F.

(2010). “Automatic Effects of Alcohol and Aggressive Cues on Aggressive Thoughts and Behaviors”. Personality and Social Psychology Bulletin, 36, 1052-1057.

Subra, B. & Bègue, L. (2009). « Le rôle des attentes dans la relation alcool-agression ». Alcoologie et Addictologie, 31, 5-11.

Psychologie du bien et du mal Éditions Odile Jacob, 2011 Le dernier ouvrage de Laurent Bègue aborde les questions de l’éthique, de la justice, de la morale et des normes, qui éclairent la notion d’agressivité. Règles morales sous-tendant nos conduites, développement de la conscience morale et de l’empathie, poids des convictions, ce livre rassemble exemples et études scientifiques récentes sur la façon dont les notions de bien et de mal se forment en chacun de nous.

Au sommaireLe moi moral - La police des normes - Morale humaine et animalité - Très sociaux, donc très moraux ? - L'apprentissage des normes - Éthique mimétique - Morale dans les limites de la simple raison - Émotions et rationalisations morales - La moralisation des victimes - Le théâtre moral - Situations immorales - Succomber à la tentation

12 L’alcool rend-il violent ?/ Pr Laurent Begue

... / ...

La réduction du risque alcool

en Europe

Dominique Meunier, Responsable de projet, Fédération Addiction

Sterenn Bohelay, Educatrice, Centre Rimbaud, Coordinatrice Collectif FMR/ CJC Montbrison

(9)

Les travaux de Pittman en 1967 mettent en évidence différents types de cultures : celles qui favorisent l’abstinence, les cultures ambivalentes, permissives, voire ultra permissives. Ainsi, les pays d’Europe du Nord, sous l’influence protestante, ont davantage une culture ambivalente (toute consommation d’alcool est mise en doute, les mesures d’interdiction sont favorisées). Du fait de l’influence catholique, les pays d’Europe du sud sont quant à eux, plutôt de culture permissive.

En matière de politiques publiques, il existe globalement deux approches : l’approche populationnelle et l’approche individuelle.

L’approche populationnelle :

• vise à réduire globalement les consommations et donc les problèmes qui en découlent

• agit sur les prix, sur les horaires des lieux d’achat ou ceux des lieux de sorties…

• est une approche contrôlante, répressive et paternaliste

• affirme que l’alcool est le problème central L’approche individuelle, pour sa part :

• vise à réduire les problèmes liés à l’alcool et donc la consommation d’alcool

• utilise l’information, l’éducation, la prévention des risques et dommages, l’accompagnement dans la

sociales ainsi que sur leur parcours professionnel.

Puis un diagnostic de type psychiatrique a été mené, abordant notamment les conduites addictives.

Concernant le diagnostic « santé mentale et addiction » :

• 70% des personnes interviewées sont alcoolo dépendantes ; un peu moins de 50% consomment des substances psychoactives

• 45% présentent un stress post-traumatique

• un peu plus de 20% sont psychotiques ; 17% ont des troubles de la personnalité significatifs Concernant les évènements négatifs traversés durant leur enfance :

• 45% se sont sentis ignorés par leur famille

• 43% ont été victimes de violence psychologique

• 35% ont subi des violences physiques

• 15% ont été abusés sexuellement

• 40% se sont sentis négligés au sein de leur foyer

• 15% ont souffert de malnutrition

Du point de vue des relations familiales et sociales :

• 47% n’étaient pas proches de leur père dans leur enfance et 45% ne le sont toujours pas actuellement

• 31% n’étaient pas proches de leur mère dans leur enfance et 31% ne le sont toujours pas actuellement

• 37% ne sont pas proches de leur(s) frère(s) et /ou sœur(s)

• plus de 28% d’entre eux, considèrent qu’ils n’ont aucun ami proche (désaffiliation sociale)

Concernant les antécédents familiaux en matière d’usage abusif d’alcool, pour 34% d’entre eux le père est concerné ; pour 22%, il s’agit de la mère.

Au Royaume-Uni, on estime que 20% de la population générale est potentiellement en situation de précarité. Ce sont globalement des travailleurs pauvres, des familles recomposées, des étudiants.

Entre 2 et 3% de la population générale se trouve dans une situation de très grande précarité.

Ces personnes rencontrent diverses problématiques : des troubles psychiatriques importants, de graves problèmes de santé, un usage important de substances psychoactives (notamment les jeunes), une déscolarisation, sans emploi, sans qualification, sans savoir de base.

Conclusion

Beaucoup de constats, de chiffres ou d’études ont été mis en valeur, qui présentaient leur intérêt, mais peu d’innovations, de créativité en matière d’outils et de postures d’accompagnement. Seul Alfred Uhl

La réduction du risque alcool en Europe / Dominique Meunier, Sterenn Bohelay 15 durée, la gestion des consommations…

• vise l’autonomie et l’émancipation du sujet

• affirme que les facteurs déclenchant l’abus d’alcool (anxiété, troubles de l’humeur, dépression, autres addictions,…) sont au centre

Différents rapports de référence publiés depuis 35 ans tendent à montrer qu’en matière de politiques publiques concernant la consommation d’alcool, le contrôle et la restriction sont des outils effectifs et peu chers, alors que la prévention et les thérapies sont inefficaces et coûteuses. Faut-il pour autant arrêter toute action de prévention ? Un équilibre est plutôt à trouver entre ces formes de réponses, qu’elles soient répressives ou préventives et en fonction des besoins des publics (voir le tableau ci- dessous).

Alcool, pauvreté, précarité

Le Dr Adrian Bonner, directeur de l’institut d’études en alcoologie de l’université du Kent (Royaume Uni), s’est intéressé aux parcours individuels des personnes ayant vécu à la rue. Pour ce public, l’alcool est un élément du processus progressif d’exclusion sociale.

Un travail a été mené auprès de 967 SDF, à l’aide

«d’interviews-diagnostic » réalisés entre janvier 2006 et avril 2009, sur 7 territoires géographiques du Royaume Uni. Les personnes ont été interrogées sur leur éducation et leur scolarité, leurs relations

semblait porter un discours pluridisciplinaire et individualisé. On note également peu de réflexion de fond sur la notion de « réduction des risques liés à l’alcool », et l’absence de débat autour de la notion d’abstinence. La réaffirmation de la nécessité d’une approche multidimensionnelle vient se heurter à la diversité des politiques nationales des Etats membres et aux enjeux économiques prédominants.

Ce colloque a réaffirmé indirectement la place particulière de la France dans la réduction des risques alcool, une approche qu’elle développe plus que ses voisins. •

Quel impact ? Impact faible

Reste chers dans les restaurants (dimension sociale importante) Elles n’existent pas dans tous les pays (hétérogénéité) N’est donc pas un réel levier.

Se retrouver, se rencontrer est plus important que l’alcool.

Les groupes trouvent des lieux de socialisation.

Contreproductif et non réaliste (recours aux ainés) Stabilise les monopoles

Pertinent surtout dans les zones difficiles Utile mais n’est pas la panacée

Centrale dans l’éducation et la promotion de la santé.

S’appuie sur l’information, le renforcement des compétences, l’autonomisation,…

Sont à diversifier.

Absolument nécessaires Impacts mesurés des différents outils Quels leviers d’action ?

Les prix

Les licences autorisant le débit de boissons Les horaires des lieux d’achat ou des lieux de sorties L’âge autorisé Interdire la publicité Les pairs, la communauté Intervention brève La prévention

Les traitements

Alcool et jeunes : quelle législation en France ? Code de la santé publique

* Article L3323-2 - La publicité en faveur des boissons alcooliques est interdite dans les publications destinées à la jeunesse.

* Article L3323-5 - Il est interdit de remettre, distribuer ou envoyer à des mineurs des documents ou objets nommant ou représentant une boisson alcoolique.

* Article L3335-1 - Les établissements scolaires sont des édifices protégés autour desquels la création de débits de boissons peut être interdite.

* Article L3342-1 - La vente ou l’offre à titre gratuit de boissons alcooliques à des mineurs est interdite dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics. La personne qui délivre la boisson peut exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité.

* Article L3342-3 - Il est interdit de recevoir dans un débit de boissons un mineur de moins de 16 ans non accompagné d’une personne majeure.

* Article L3353-4 - Toute personne faisant boire un mineur jusqu’à l’ivresse encourt une peine de prison et une amende et peut être déchue de l’autorité parentale.

Code du Tourisme

* Article D314-1 - L’heure limite de fermeture des discothèques étant fixée à 7 heures du matin, la vente de boissons alcooliques n’est plus autorisée pendant l’heure et demie précédant la fermeture.

Circulaires de l’Education nationale

* Circulaire du 1er décembre 2003 relative à la santé des élèves

* Circulaire du 20 septembre 1999 relative à la campagne de lutte contre la consommation excessive d’alcool auprès des lycéens

* Circulaire du 1er juillet 1998 sur la prévention des conduites à risques et les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté

* Circulaire du 31 mai 1996 sur les jeunes et l’alcool

* Circulaire du 3 septembre 1981 stipulant qu’aucune boisson alcoolique ne peut être servie à l’intérieur d’un établissement scolaire

Source : Service Documentation de l’Anpaa, Alcool - Mémento législatif, octobre 2011, www.anpaa.asso.fr

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nécessaire d’apporter soutien ou prise en charge. Le modèle proposé repose sur 4 types d’interventions spécifiques, indiquées dans le schéma ci-dessous7:

La prise en charge doit rester l’exception ultime.

La responsabilité du développement des jeunes se partage avec l’ensemble de la communauté. C'est dans ce quotidien partagé que l’on peut observer, être attentif, comprendre la situation dans lequel se trouve le jeune. C’est cette attitude de vigilance qui va aider à détecter des situations de fragilité ou de souffrance. C’est au quotidien que se construit le contact, que se noue le lien de confiance qui va permettre de porter une attention soutenue à l’enfant ou au jeune. Il est d’autant plus nécessaire de se donner du temps, de ne pas se montrer intrusif pour réussir à établir progressivement une relation avec lui.

Les écueils à prendre en considération

• Développer un concept se basant uniquement sur la notion de repérage au détriment de la promotion de l'environnement.

L’Intervention précoce comporte le risque d’oublier les facteurs sociaux et environnementaux. On peut vite en faire abstraction pour ne désigner que des personnes et des comportements. Qu’en est-il, par exemple, de la désoccupation de nombreux jeunes, des ruptures dans une trajectoire de formation ou encore de la difficulté d’accès à la formation ? Il ne suffit à l'évidence pas de repérer les jeunes en vue de les orienter, mais il est bien sûr nécessaire de favoriser un travail structurel au niveau du contexte économique qui ne génère pas suffisamment L’intervention précoce, un champ de tension

Le concept d’Intervention précoce en offre une belle illustration. Intervenir plus tôt, afin de venir en soutien à des situations avant qu’elles ne deviennent trop complexes, voilà un bon projet, autour duquel tous les professionnels peuvent se rallier. Vraiment ? À y regarder de plus près, ce n’est pas si évident. Les parties prenantes sont nombreuses et portent des préoccupations fort différentes (coûts du ramassage des déchets, tranquillité des riverains, concurrence entre distribution et restauration, etc.). Derrière ces mots magiques se cachent aussi des compréhensions différentes de la question.

Intervenir, mais pour quoi faire ? Ce n’est pas la même chose d’intervenir pour « nettoyer l’espace public », pour limiter la délinquance, pour prévenir des dépendances futures ou pour agir dans une logique de promotion sociale.

La proposition de l’INSERM sur le dépistage de la délinquance à partir de 36 mois, reprise par le gouvernement de M. Fillon, est là pour nous le rappeler5. Les appréciations divergent fortement sur ce qu’il convient de faire et à partir de quand. Ainsi, l’intervention précoce auprès des jeunes nous oblige à bien clarifier ces questions. Le bagage accumulé dans les différents domaines des politiques addiction (notamment sur les drogues illégales) nous permet de mettre en lumière des écueils que nous devons éviter.

En Suisse aussi, l’intervention précoce souffre de ces contradictions. Identifier est une chose. Cela ne dit rien sur ce qui sera fait par la suite. Que cherche-t-on à faire en « individualisant » les problématiques de consommation de substance ? Veut-on venir en aide à une souffrance exprimée ou tombe-t-on dans une tentation de « neutralisation » des problèmes sociaux ?

Le concept d'intervention précoce

Pour tenter d’encadrer la mise en œuvre du concept d’intervention précoce et d’éviter les dangers indiqués ci-dessus, le GREA a réalisé un travail collectif de conceptualisation de cette démarche6. L’intervention précoce a pour objectifs de mettre en place, dans une communauté, les meilleures conditions pour favoriser la santé et le bien être, comme de repérer dans les meilleurs délais des jeunes en situation de vulnérabilité auquel il est

En Suisse : alcool et intervention précoce / Jean-Félix Savary, Christophe Mani, Guy Musy, Nathalie Arbellay 17

En Suisse : alcool et intervention

précoce

La question de l’alcool chez les jeunes est aujourd’hui devenue très présente dans l’espace politique suisse.

Pour la première fois de son histoire, en 2008, la Suisse s’est dotée d’un plan d’action en matière d’alcool, avec le Programme National Alcool.

Parallèlement, le Parlement est saisi d’une révision législative de la loi sur l’alcool1. Dans les deux cas, les mineurs se retrouvent tout particulièrement ciblés, à la fois dans le discours et dans les mesures proposées. Cette priorité paraît justifiée de prime abord, au vu de l’impact des consommations de jeunesse sur leurs trajectoires futures.

Il est important cependant de ne pas être dupe.

Les adultes « responsables » restent les plus gros consommateurs et c’est aussi à cette population, dans laquelle se recrutent les dépendants, qu’il faut s’adresser. L’ouverture du débat sur la gestion des externalités2de la consommation d’alcool des jeunes ne répond pas aux seules préoccupations des spécialistes de l’addiction. Dans le pays du « propre en ordre », le problème se pose d’abord et avant tout sous l’angle de l’occupation de l’espace public.

Il s’agit de rendre nos rues plus calmes, plus propres, plus sûres et moins bruyantes. La consommation en tant que telle, ses conséquences sur l’individu et son entourage ne viennent qu’ensuite, et encore, faut-il qu’elle soit présente !

Dans une société anxiogène et vieillissante, il convient de se demander si nous ne sommes pas en train de reporter nos peurs sur la jeunesse afin d’éviter de nous questionner sur notre consommation

« adulte » d’alcool. D’un autre côté, cependant, les problèmes d’alcoolisation aigüe des jeunes sont en augmentation3. Aujourd’hui, six mineurs arrivent chaque jour en urgence dans un hôpital suisse pour

« intoxication alcoolique »4. Ils étaient cinq il n’y a que quelques années, et la courbe continue de monter. Les externalités de la consommation d’alcool prennent également de l’ampleur et sont devenues beaucoup plus visibles. En tant que professionnels des addictions, c’est à nous qu’il revient de gérer ces tensions.

... / ...

De gauche à droite et de haut en bas :

Jean-Félix Savary,Secrétaire général, Grea (Groupe Romand d’Études des Addictions)

Christophe Mani,Directeur opérationnel, FASe (Fondation genevoise pour l'Animation socioculturelle)

Guy Musy,Coordinateur de région, FASe

Nathalie Arbellay,Collaboratrice scientifique, Grea

« Notre jeunesse est mal élevée, elle se moque de l’auto- rité et n’a aucune espèce de respect pour les anciens.

Nos enfants d’aujourd’hui ne se lèvent pas quand un vieillard entre dans une pièce, ils répondent à leurs parents et bavardent au lieu de travailler. Ils sont tous simplement mauvais.» Socrate, 440 av. JC

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Références

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