.ES
POÈTES DE LA RENAISSANCE DU tiVRE
ORPHÉE
PAR
FERNAND DIVOIRE
PARIS
;8,
BOULEVARD
S\U-n-.yxi 192239003003766358
<^n£. j^
l<'
5i- 1^
ORPHÉE
DU MÊME AUTEUR
:Cérébraux, prose.
Poètei, vers.
Faut-il devenir
mage
? élude.
Flandre,vers.
La
danseuse de Diane, prose.Metohnikoffphilosophe, étude.
L'amoureux, vers.
Introduction àTétude delaStratégie littéraire.
Lesrubriqueslittéraires.
Exhortationà laVictoire, chœur tragique.
Naissance
du poème,
prose symphonique.Ames,
vers.IsadoraDuncan, fille de Prométhée, prose.
Le
grenierdeMontjoie.Gabriel-Tristan Franconi, étude.
Rapportsurles tendancesnouvelles dela poésie.
LES POÈTES DE LA RENAISSANCE DU LIVRE
ORPHÉE
PAR
FERNAND DIVOIRE
PARIS
78. Boulevard Saint- Michel, 76.
BtBUQ
Il a été tiré decet ouvrage quatre cents exemplaires sur papier vergé antique, tous numérotés, plus cent exemplaires pour le servicedepresse.
No
3.0.3.CHANT
IORPHÉE ET LA MORT
I.
— SOLITUDE SOLAIRE
La dryade Eurydiceest morte.
Devant la
mer
deThrace et sesvagues d'hiver Orphée est seul. Ses pleurs sèchent au vent amer.Eurydice, Eurydiceest morte.
La
fuyante Korél'emporteAu
tourbillon de son escorte.Orphée,Orphée estseul et connaîtla douleur, Cariln'estpaspermis delivreraux vendanges
Un cœur
oùlesoleil reflète sa ferveur Etde recevoiren échange Ledon
pareil d'un autrecœur.3.
— ORPHÉE LE PUR
Quand
Orphéeacceptal'amourdeladryade Austère dieu jaloux, il vivaitsous taloi.Les noires panthères
nomades
Entendaient alors danssa voixLa
voixjustequi persuade.x\lor8 s'ouvraitdevant son calme éclat
— Rayonnement
modérateurdu
solitaire—
Lafoulebarbare etprompte auxcolères Des Hyperboréensrieurs, ses frères.
Mais ilpassait, neles connaissantpas
—
II—
3.
- ORPHÉE LE CONSTRUCTEUR
IlconnutEurydice.
Présence féconde, Eurydice.
Alors, avecsagesse, ilconstruisit.
Elle veillaitauprès de lui,
Entre le
monde
et lui médiatrice.Etlui, danssespoèmes, témoignant.
Expliquaitle
monde.
Et toutce quenomme
L'ardente angoisse des vivants Ille mesuraitdans ses chants, Fixant lesrègles, enseignant
Que rame
estimmortelle, et surpassantleshommes.
—
i34.
— SOLITUDE SOLAIRE
Eurydicen'estplus. Fille de Talaon,
Ilfallaitque l'éluconnût lesstations
Qui
marquent
leur voie auxfils d'Apollon, LebelettristedieublondDont
l'amourfrappe et calcine;Le solitairequisait Les rythmesetles secrets
Et lespromessesdivines;
Le conseiller desdieux; l'universeltémoin
Dont
]ft chantmène
l'homme, etqui ne juge pointEt quiseulementporte Témoignage...
Hélas, Eurydice estmorte.
Orp
héeestseul, puniparsesvœux
debonheur, Qui retombent en pluie depleurs.-
i5—
5.
— LE POIDS DES OMBRES
Orphéeestvaincu parlesombres.
Son
regard a cessé de tendre vers le ciel, "^Versles solitudes
du
cielEt Tabstrait
domaine
des nombres.Depuis qu'il s'estpenchévers ton
monde
charnel, Eurydice, lePur
est sortidela voie;Sonpouvoirl'a^uitté;la Mort
^
A pu
saisir ladouceproie.Orphéen'étaitplusassez fort
Pourécarterle flotdes larvessombres, Pouréleveraujour lepoids d'uneombre.
—
17—
6.
— EURYDICE DEUX FOIS PERDUE
Orphéeregardait Eurydice Et
non
point leprécipice Pleinde fantômesinnommés.
Eurydice montant auprès
du
guideaimé N'avaitdecœur
que pour le guide Et non pourle voyage et lamontée aride.« Sois
mon
égaleet marche seuleàmes
côtés, Disait-il; Eurydice, Eurydice, sois forte. »Eurydice, Eurydiceestmorte ;
Lemauvaismaître quin'a su quel'exhorter
Demeure
seul, bonheur ôté.-
19—
L'HARMONIE DÉCHIRÉE
L'unitédedeux cœurs que voici déliée,
L'harmonieux
amour
quela mort a détruit, Orphée ensongelerecréeDe
lui seulet dela tendreâme
déchirée Quidoucement
veillesurlui,Eurydice l'inoubliée.
8.
- ORPHÉE ERRANT
Lefils
du
dieuconnaît desombres stations.Seul devantlalyre muette Etles tentations
D'une
âme
oùlibrementles ombresse reflètentTournétoujoursvers lesrampantes visions
De
l'ombre, Orphée errade retraite en retraite.Ah
! quece soientcomme
autrefois Les ombreséblouies qui se tournentvers-toi!poèteerrant, souviens-toi
De
ce lumineuxautrefois,—
23—
Quand
Orphée étaitpuret dans la plénitude Paisible delacertitude.Alors l'absolu dela foi
Aveuglaitson regard. Mains douces de la foi
Quivous posez sur lespaupières. Souplesdoigts Maternels quichassezles vagues multitudes
De
l'ombre. Absolu... Plénitude.. .Ah! baigne-toidesolitude.
24
—
g.
— ORPHÉE AUX MÉNADES
Errant, prends garde detrahir.
De
sourire auxménades
folles, dévêtues.De
traînerparmileurs désirsTon
inutileharpe^ détendue.Ne
soispas l'Orphée auxchaînesde fleurs,Couronnédefleurs d'Ionie Et quirenie, etquioublie...
Orpheus. Maiscélébrerla sereine splendeur, Etguiderd'un fild'harmonie Levolde l'humaine
âme
enpleurs;-
25-
Maisgouvernerles panthèresdociles, Etrele bâtisseur
Dont
laharpeconstruitlesvilles,Voilà legrand Orphée; etgoûterla douceur, L'âpredouceur où baigneune
âme
toute seule.Le»folles rôdent, c'est toncœur.
Ton
cœur,Ah
î toncœur
divin qu'elles veulent.—
26—
lo.
— LE SEUL ENTOURÉ D'AMOUR
Oh
! soisfidèleau souvenir D'Eurydice l'inoubliée...Maistoutes sesont fiancées Avec Eurydiceà tadestinée;
Et ton corps àleurs corps n'a cesséde s'unir Dès qu'au corpsd'Eurydice ildut appartenir.
Eurydicel'inoubliée...
Souveniraiméqu'éloignela mort...
Epargne l'amourdecelles encor Quise déchirentlapoitrine
En
prononçanttonnom,
—
37—
Orphéeaux yeuxlointains,Orphée aux cheveuxblonds
Que
la tristesseinclineAu-devant de ton front.
Chastementfidèle auxprièresvaines Qui rayonnentvers ton
nom,
Vers ta tristedouceur lointaine, Épargne aux milleaveux fiancésà tonnom
L'espoir, ledépitet la haine.
Qu'un même doux
refus s'opposeaumême
don Desménades
aux fureursvainesEt des
femmes
doriennes.—
28II.
— LES MÉNADES ET LE SECRET
Etdis-leurton divin secret Afinque, livrédésormais
Aux
furieux sabots delacohue.Tu
soisfoulé;etque ta force répandueRemonte
verstoi,débridée, et tue.Carc'est leprixquedoitpayer celuiqui sait Etdontle rôle estdeverser à lacohue
Levindangereuxde l'abstrait.
Partageta science, Orphée;
Etta tète, sanglant trophée
—
29—
Au
poing d'uneménade
ivrede ton secret, Tournoie, et rouleauxflots del'Hèbre.Tandisqu'une ronde funèbre Quidecris gcandésse repatt Agitelafoule enivrée Autourdetachair déchirée.
—
3o12.
— LE DÉSERT D'ORPHÉE
Entreles rocherset lamer,
Où
laThracebarbare arrêteson rivage, Orphéeerre, sauvage.Ilaspire le vent amer.
... Et tu voudrais,6poète sauvage, Avoirassezd'espaceen ton
cœur
ruinéPourcontenir
un
désert calciné.0,quece nesoitplusle désertqui t'accable, Mais plutôtcetteplaineoù cheminesansfin
L
inquiètetroupe innombrable Errant sans fin Sousl'obscuritédu
destin—
3i—
i3.
— LE PRIX DU CHANT
Le chant ne trouvesanaissance
Que
danslecœur
où ladouleuretle silence Attendent en veillant sa soudaineprésence.Donc, tais-toi,
cœur
d'Orphée; éloigne tesregrets.cœur, tais-toi... Eurydice, Eurydice, Orphéeestprêt.
Ménades, ilpaieraleprix
du
sacrifice;Il paierapourlechantoùvivrale secret Et qui vous guidera de loin, clair édifice.
—
33—
i4.
— LES GENDRES DU CŒUR
Ets'il se tient, silencieux, devant lamer, C'estencorequ'ila, pournotre exemple, offert
Au
ventdu
largeun
peudecendres.Toutcequi lui restaitd'un faible
cœur
dechair.Qu'ainsi chacun sache répandre Loinde son
cœur
l'impure etlourdecendreDesTitans foudroyés.
Etdans lapaixetle silence Qu'ainsichacun reforme avecpiété
Une
harmonieusesubstance Autour d'uncœur
purifié.—
35—
i5.
— ORPHÉE PURIFIÉ
Cœur
pur. Iln'aplusrien à donner que sa lyre.Mais c'estlàledépôt sacré,
Laclefdu
monde
auxintervalles mesurés, Qu'ilne fautpas livrerAu
délire.Orphéeestenpaix. Lechant attendu Peuts'élever; le
cœur du
poète s'est tu.On
n'entend plusQue
leventdansl'espace Etlebruit delamer
surlesrochers de Thrace.-
37-
6.
— L'ATTENTE DES MÉNADES
Les ménades, parles forêts,
Courentavecdes crisd'ivresse. ^ Oïoh!ho! leurs appels de
sommet
ensommet
Seréponderitsansfin; mais aussitôt renaissent.
Insatisfaits.
Elles souffrent, Orphée.
Ellessefrappent, assoifTées
De
paroleset desecrets.Leur
chœur
éparsattendle coryphée;Leurs poings sanglants attendentle trophée Etla coupeoùluirale vinpurdel'Abstrait.
Les ménadesontsoif
du
sang purde l'Abstrait.Quand
chanterons-nous tonpoème, Orphée?-39-
CHANT
IILA SÉRÉNITÉ D'ORPHÉE
17-
— LES MORTES AUTOUR D'ORPHÉE
Ton
chantestdoux, Souvenirapaisé.Le Silenceveillant, le
cœur
a reposé.La
morten'estpas morte. o^Aucune
des mortesn'estmorte.Lesmains
du
Souvenir sontfortes; '^L'unetientle poète etl'autre tient lesmortes.
Personneicin'est mort
Que
tous ceuxqui sont morts.Lesvivantsne sontque des corps r^f Dociles, poursuivantl'effort têtudesmorts.
^
-43-
Lesmorts autour denoussontdela vie.
Etsaisie et rendue il n'y a qu'unevie
Gomme
iln'ya qu'unfildetempsqui lie Le» sièclesmortsàla minute envie.Tesmortes sont auprèsdetoi.
Leurchantestdoux. LeSouvenirdonne savoix
A
ces mortes autour de toi.Ah
! quedevie,Orphée, autour detoi.44
—
i8.
— DOUCEUR DES MORTES
Toute cette mortvivante, fluide.
T'enfante sansfin, t'apaise, teguide.
Toute cette vie, amoureusement, Obéitàton chant!
Sérénité. Toutestesheures T'entourent,demeurent.
Chèreguirlande inoubliée : efforts, Silences dorés,
parfum
des remords;Fragileguirlande queporte
Le
longcortègedetesmorts, Dessiprésentesmortes.De
teschers amis morts;-45-
Toi toutentier, annéesetpaysages.
Tout toi-mêmedansleurs visages.
Ah
! souriantaux ombres, tonvisage—
Sérénité—
rayonnede douceur.Toutcequi a touché ton
cœur
Lui reste infini de douceur.-46-
LE SPECTACLE HORS DU CŒUR
Mortes, mortes, baisers suprêmes...
Maisn'aimeras-tu point au-delà detoi-même?
Maintenant, tu es nu, Nécromantdel'amourperdu, resteras-tu
Seulement quelqu'unquiasurvécu?
Mortes, mortes,baisers suprêmes...
Tu
n'avais que toncœur
et l'as sacrifié, pur, purifié, maispauvre, dépouillé, Ettumeurs
de ta pauvreté.Hors
de toi-même!Mortes,baisers suprêmes, baisers froids...
—
47-
Regarde le spectacleau-delàdetoi-même;
Il n'y a plus rien à aimerentoi.
Monde, vivant
poème
;Airvif,
monde
clair;Musique
du monde
;C'estdecela qu'il faut pleurer.
Grand
chantdu monde
;C'est cela qui féconde.
Danse desunivers Surtoi, auciel de Thrace.
Saltation desrythmes dansl'espace.
Entrechocdansantdes vagues. Et Mer, Chantdelamer,horizon delamer.
Plénitude. Airvif.
Monde
clair.Ah!
sont-ce d'autres pleurs, maintenant,sur taface?-48 -
20.
— LE RYTHME FRATERNEL
Et dis,en toi. quel rythme fraternel?
Ecoute, en toi, l'unisson des appels.
Oh
! fraternitédu
poète Etdes vivantsdela terre etdu
ciel.Battements fraternels :
Rvthme
de toncœur; rythmeuniversel Etrythme dansant deshommes
en fête.Fraternité.
cœur
fraterneldu
poète.Fraternelle ferveur
En
qui touteharmonie—
49—
Renaîtet
communie.
Cœur
où touteharmonie Trouve sa cordeetvibre etcommunie
Avecles ronflements de la danse infinie.Dorien, laisse faireton cœur.
-
5o21.
— CŒUR RETROUVÉ
Trouverlapaix. Trouverle sageasile...
Ah
îpuisquetu n'es plus quefroideombre
stérile, Solitude, sortirdetonombre
stérile.Retrouver son cœur, qui se reconnaît.
Oh
! retrouver des lienspourson cœur, qui renaît.Cœur
perdu,te rassembler; tegarderprêt;Trouverlapaix. Etpuis, donnerlapaix.
Orphée, ô constructeur devilles.
Donner
lapaix, entr'ouvrirun
asileA
ceserrantscœursimparfaits.—
5i—
22.
— LA NOUVELLE ALLIANCE
Orphée, admettre
l'homme
etrefaire alliance.Trouverenfin sapropre ressemblance Surlesmuets visagesdesouffrance.
Se rapprocher, parsa faiblesse etsa souffrance, Et souhaiterauxpassants le bonjour,
maître
du cœur
des bêtes sauvages!Retrouverde l'amour, Mettre sapartdansl'offranded'amour,
Donner
ses mainsà la ronded'amour, Sedonnerenfin, Orphée, àl'amour.Entrecespoings disjoints,pesants, prêtsà l'outrage, Gréerl'harmonie de l'amour.
—
53-
23.
- LE DON CLAIRVOYANT
clairvoyant, vision belle etclaire...
Toi qui soupesasla pierredes cœurs, La faire battre aurythmecréateur.
Lafaire vivre enfin, lui rendreune ferveur Et lier lapierre à lapierre.
Clairvoyant, animerde ton
âme
ces pierres Qui formentlecolliervivantDu monde
et se renvoient son sang D'âgeen âge.. Perpétuel colliervivantQuilieautour
du
temps etdela terre La ronde desdouleurset del'espoirdansant,Et del'espoirnaissant.
—
55—
Que
tusoistoutdonné àlatâche reçue, Il lefaut bien; et toutvoué aulourdlabourIlle faut bien, puisquetelssont ledoux et lourd Labeurd'Orphée et sasouffrance élue
—
Puisqu'il faut forcersafoi détendue Pourféconder son cœur et fleuriren amour.
Orphée, ah! soistout
amour
Puisqu'Eurydice estperdue.56
—
CHANT m
LA LYRE D'ORPHÉE
24.
— ORPHÉE A LA VOIX JUSTE
Tu
esl'homme
àla voixjuste.Infailliblevoix
Que
suiventcouronnésdemyrteslespoètes Etlesblancs prêtres-prophètes Etles danseuses parfaites.Maître,ettalyre parfaite Sachant obéir àta voix.
Tu
l'accordes selonles loisQui sagement gouvernentl'ordonnance Mystiquedescités, l'ordredes douze mois
Etl'harmonieuse cadence
Des sphères,etdes chantsdivins, etdeladanse.
Puissantedonc
comme
ces lois Se mesure, selontoncœur,ta juste voix.-59-
25.
— LA LYRE, LA HARPE
Lyre : sept cordesse répondent.
Sept pouvoirs surseptmondes.
Mais surlaharpegronde
Un
chant plusvasteetplusvivant.Parles vertusdes sept sonsdelalyre Lepoète, chantant,
Voitles muraillesseconstruire.
Maissurla harpe au chant
mouvant
Toute sonâme
au-delàdes septnotes Rêve pourelle-même, etrugit, ousanglote.Quelle règle?Quellecouleur de l'Océan?
Ecoute lessons se répandre
-
6i—
Largement, au rythme
du
vent.C'esttoutel'âmeavecses flots et sesméandres, Toutelaharpe,toutlechant
Que
leBarbare veut entendre.62
—
L'EAU MÊLÉE AU VIN
Que
la Fablesoitle sourirepeint Quimasque
lapensée austère.Un
jour,Orphée, onnommera
teschantsCratères,Comme
cesvases oùl'eau claire Estmêlée auvin.
Eau
dessources, légère,Qu'animentla profondeetvivantelumière Les rythmes éternelsetsimples delaterre.
Tu
n'y mêlesqu'un peu devin,—
63-
Qu'un
peudu
vin brûlant,lourddes secretsdivins Conquisparlasauvage audace de l'humain.Lefeupurdeton vin dessécherait les bouches.
Levin fermente en toi, farouche, Lourddesecrets etdefureurs.
Vois sepencherla soifhorrible des bacchantes Vers ton
cœur
douloureuxoiilevin purfermente.Les
hommes
ne sont faits que pourla douce eaulente, L'eau régulière, sans couleur,L'eau qui tient dansleurs pots, l'eau lente.
Orphée, il faut oserleurenseignerle vin Lourdde fureur
humaine
et desecrets divins.^ b4
27-
— ORPHÉE HORS DE LA CITÉ
Mais c'estchacundenousquidoitfaire
âme
neuve.Etlafoule? Regarde... Ayantinitié
Sansépreuves,
Tu
doismourir.La
foule attend que,châtié.L'homme
prométhéentombe
enfin, foudroyé.Marquésd'infamie.
Tes disciples sontrejetés
Hors
du
templeet dela citéEtlafouleesttonennemie.
Ilfaut l'aimer, Orphée, etdonnerton génie.
Et, sansvoir, donnertongénie.
-
65—
28.
— LA LYRE ET LES HOMMES
Arrachéeà l'arbrefleuri,
Lafleurque plusrien ne nourrit Voitlafaiblessede satige Abaisserson hautainprestige.
Qui seveutcloreensoine serapas nourri
Comme un cœur
quelescœursabreuvent d'eau profonde.Orphée,ah! nesoitpointledieu hautainproscrit
De
lacommunion
despuissances fécondes,Que l'homme
en toisurleshommes
sefonde.Ouvreton
cœur
au sang deshommes
etdu
monde.Ouvre. Etton
cœur
seranourri.- 67-
27.
— LA STATUE GAINÉE
Les âges, Longuechaîneoù lesvivants Traînentles mortsetleursdéfunts mirages.
La lyre conduira lesâges.
Chacun
destempsla nourrissant.Elle créeà chacunson verbe etson image.
Qu'un
âgemeure, ellea forméd'autres visages;Ellechanteaux nouveauxélus lechant suivant.
Etd'espoiren espoir, delangageen langage.
Ledieu gainé s'éveille et déchire ses liens.
Portant déjàlechant des
hommes
de demain, LePoète leur appartient,69
3o.
— LES CHERCHEURS DE FABLES
Pouréveillerennous lebesoin deconnaître, Quelles fables sais-tu conter?
Que
des voilesbrodésdrapentta vérité.Conte, Orphée, et dis-nous tapatrie et tes maîtres;
De
quelsdieux naquirenttes dieux;Sousquelsaspectschangeantsl'ondoit naîtreetrenaître
Dans
les combatsoùs'équilibrentlesdouze Etres, AuqueldesDouze
vonttesvœux
Etde quelpréférable dieuTu
veux que nous servions lesprêtres.—
71—
3i.
— ORPHÉE LE THRAGE BLOND
Orphée,assis aupied
du
saule, vous répond.Ilsaitquevouscraignez la sagesse implacable, La nuditépâledelaraison;
Il vousdiratoutes sesfables
.
Ilest leThrace blond.
Lefils delaThracesacrée, Terre sauvageaux roches embrumées.
Les Hyperboréens, favorisd'Apollon.
Sont sesfrères
humains
; et sesmères divines SontCalliope etl'infernaleProserpine.SonpèreestZeusl'impérieux.
CarlePoèteestfilsde dieu Etreprendra son rang dedieu.
-73-
33.
— ORPHÉE REVENU DES ENFERS
Qui t'instruisitdanslesdivinssymboles?
Qui t'enseignales secrets et les
noms
?Carlesageestceluiqui redit les paroles...
Orphée, assisaupied
du
saule, vous répond :Ilasubiles épreuves,docile.
Aux
ritescrétoisdes DactylesIl n'atrouvénil'extase, ni laterreur.
Justeharmonie, ilestdescendu pourte suivre
Aux
enfers divins des vieux livres.Puistecherchantencore, a médité, meilleur.
Dans
lacaverne obscure de son cœur.-
75-
33.
— ORPHÉE ET LES DISCIPLES
Qu'enseigne-t-il?Quels mystérieux artifices?
Ses disciplessont prèsdelui, vêtus deblanc.
Les Purs, les Saints, qui n'offrentpoint desacrifice
Maisécoutentd'un
cœur
fervent, Maisreçoiventd'uncœur
fervent Lepaisiblepollen desdiscoursfécondants.Etla sagesseeneuxvoit croître sesprémices.
A
quoibondescolliersdemotspétrifiésGrainàgrain reliésetviteéparpillés?
Mémoire, grelot mort, etquis'évertue...
Ils attendentpurifiés,
—
77—
Nourris
du
pain sacré, dédiantlachaircrue Destaureaux, où revit Zagreus, le dieuqu'ontue.Qu'apprennent-ils?
A
resteréveillés,A
garderuneâme
légère.En
attendant qu'unjourleurcœur
s'éclaire,78-
34.
— LES BATELEURS
La Puretéles clôt dansleurblancheur, Lesdisciples ferventsqu'onignore et qu'onraille Parce que, sous leurblanc manteau, des bateleurs Vendentde faux secrets etd'impures médailles.
—
7935.
— ORPHÉE AU PIED DU SAULE
Maître, en quels farouches décors Déroules-tu,lanuit, l'ordrede tes mystères?
Non. Point delieu secret,desanctuaire;
Non
plus, à la lueur destorches, de mystères Simulantàgrandbruitle cycledela mort.Qu'ilsuffisede méditer,etdese taire.
Assissousle saule infernal
Du
bois sacréde Proserpine, Orphéeexpliquelesdoctrines :Gomment
l'frppnr?^p mAlp fln_Piir initial.Comment
Psychérenaîtdansnotrecrifinal.—
8i—
Homme
d'undieu, je neveux pasque tu renies.Que
m'importel'eauquite purifie.Pourvu qu'un lieu purentoi s'édifie?
Sousla majesté desthéogonies.
Levrai paraît, rosesourire offert
Au
sage attentifqui jamais ne nie.Orphée est près
du
sauleetsoncœurestouvert, Ouvertà tout le vrai, ouvertA
l'ordre, lapaix, l'harmonie.82
CHAM IV
LES FABLES D'ORPHÉE
36.
— UNE FABLE D'ORPHÉE
(( Premièrement, le temps : moteur del'Univers, Créateurincréé, vibration qui fonde.
Naissent
du Temps
(ceux-ci): leChaos etl'Ether.Du
Chaos recevantl'Ether naîtl'Œuf du
Monde, Etchaquepoint vivantestcomme l'Œuf du
Monde.Sedivisant, l'Œuf, le Cosmos, Dégagele subtil, le Ciel,
du
lourd, laTerre.Ainsinaît
un domaine
à la Déesse-Mère.Mais le
Démiurge
estEros.((Erosî IIdispose avecharmonie
Sur
la frondaisondu
grandchêne ailéLe beau voilepeintoùsontrévélés L'abîme vertd'Ogenetla Terrefleurie .»
—
85—
37.
— UNE FABLE D'ORPHÉE
Devantelleflottant etparelleporté
Un
Péplos éternelcouvre l'Humanité Et la tienttissueen satrame ;Etchaque
homme
estun
fildu
grandpeplos vivant,Un
battementlégerdu
grandrythme mouvant.Un
refletmerveilleuxdel'immortelleflamme
Parqui toutle peplos s'anime,cœur
fervent, ^Etbrilledel'intime ethaute ardeur de l'âme.
grand Peploshumain, vivant,
O
beauPeplosdefeu vivant.-
87-
38.
— UNE FABLE D'ORPHÉE:
LE PASSÉ MEURTRIER
Les Titans, lourd passé grognant. Bondis, Jeunesse, Etqu'ils s'écroulent soustafoudre vengeresse.
Dans
la caverne,mal
veillé, dormait l'Enfant, Ledieu quidoitpayer son trône de son Sang.Ils ont déchiréle corps del'Enfant, Ils l'ontfaitbouillir. Ils ont
bu
le Sang.Maisle
cœur
leuréchappe et lecœur
de l'EnfantReforme
sa substanceimmortelle et son Sang.Roule la foudre stcroulent lesTitans.
Et
l'homme
estné des cendresdes Titans.Cendres
du
lourdpassé, où brillepar parcelles Lasubstancedu dieu,Dionysosenfant.dégage-toi, substance immortelle.
Cœur, échappe-toi. Renais, Dieu-Enfant.
—
90—
39-
— ORPHÉE EXPLIQUE
Enseigne-nous.
Que
les mystères sedépouillent.L'étrangèrePsyché se désoleet sesouille
Dans
notre corpsdepuis toujours souilléDu
lourdlimondesTitans foudroyés.
Lavetonâme, sans attendre
De
renaître à traversles douloureux méandres.Ah
! lave-toi, pieusement, des lourdescendres.Filsdes Titans etfils
du
dieu, purifie-toi.Choisistonpère, ettendsversluitoncœur. Haut. Droit.
Etjette tes
démons
à l'immonde. Nais. Sois.91
—
4o.
— L'ÉPREUVE POUR L'HARMONIE
pacte
harmonieux
des êtres,Epreuve cedésirqueguide ton appel Et qui s'égareet
tombe
avantdeteconnaître.pacte
harmonieux
desêtres,Souffrirons-nouslongtemps de ne paste connaître ?
Amour
équilibré, lienqui lie auxancêtres, Souffrirons-nouslongtempsde ton obscur appel?pacte
harmonieux
desêtres,Une
coupeépandueen l'honneur desancêtresNe
suffit paspour que ton règne puisse naître.-93-
Une
coupe épandue en l'honneurdes ancêtresNe
satisfait pas ton autel.Ilfaut l'Ordre. Ilfautl'Harmonie.
Até, quinous aveugleetnous fait criminels, Qu'elle ôte denosyeuxson bandeaude folie;
Horcos, divin serment,violé,qu'on expie, Plutôt soutiens-nous, sermentsolennel.
Ilfaut l'Ordre. Il fautl'Harmonie.
Maisilfaut, attendant
que
tusoisobéie.Daus
notrechaos tecraindre, Harmonie.Etlourds,etgrossiers,il fautqu'on expie Lemalheurd'ignorerton spectre fraternel
Dont
lerythme parfait convieA
chanterlesgrands chantsdu
ciel.Dis, auras-tu toujours besoin des Erinnyes? La fauteau criminelselie.
Le fouet des Gardiennes châtie Le parjure, parjure au pacted'harmonie.
Les ongles de ferdesHarpies.
Harmonie, Harmonie, Dis,auras-tu toujours besoindes Erinnyes
—
94Et
du
sang des jeunes héros Quit'ontfait ledondeleur destinée?Hautes
âmes
donnéesEtpour tonprogrès âmes moissonnées.
Tu
leurdonnespaix etrepos Parles triples moissons des îles Fortunées.95
Ai.— le message CLOS
Lamelles puissantes del'or.
Survotre viergeéclat, le fugitifdélire Quireçutles secrets
du
rythmeetde l'accordEn
motslourdsderichesse obscure vients'inscrire.Délire formulé, portedeshauts essors.
Ainsi segarde, Rituel, enlames d'or Pesantes, le sublime etfugitifapport.
Relis.Apprends les mots: Apprends à les redire, Porteletalismandes mots,
Mystérieux messageclos
Dont
plus tard, en péril,tu briserasla cire.Ouvreta mémoire. Ecoute. Reçois.
Les motss'ouvriront, beaux fruitsmûrs, entoi.
-
97—
42.
— LA SOURCE DE MÉMOIRE
«
Heureux
l'errantquipar l'image des mystères Vitlechemin, avant de descendre sousterre. »ChezHadès, tu retrouveraslecyprèsblanc.
Ayant franchi des eauxmaudites, lourdes, noires.
N'ayant pointbu l'eaud'oubliance,*lourdeet noire,
Tu
retrouveras prèsdu
cyprèsblancUne
sourcequiterendral'ardeur deboire,La
sourceoùreparaît l'eaudu
lacde Mémoire.Tu
parleras aux monstres vigilants Quidoivent éprouver, hurlants, La soifd'ascensionque taprésenceatteste,Carilfautque ta soifelle-même s'atteste.
C
—
99—
BIBLIOTni:^'
Et tu diras auxgardiensvigilants:
« Jesuisfils dela terre et ducielscintillant Et
mon
origineest céleste. »Et t'approchent de ton image, tu boiras.
Avant bu tu verras enfin!
Tu
reverras!100
43.
— LES DEUX ROUTES
Devantl'errantsebifurquela route.
A
gauche, rouge. Bleueà droite. Doute.De
laquelleentendrel'appel ?Deux
routes. L'une monte, étroite, L'ouranienne, la hauteetbleue, ôfilsdu
Ciel.Maisla rouge, ôfils
du
limoncharnel.S'ouvre, solcompact...
Deux
chemins. Lequel?Fils
du
Ciel,connais-toi. Reconnais. Prends a droite.—
lOI—
44.
— LE VOYAGE DE L'AME
En
deux troupesvont lesâmes
des morts.L'une s'attache, obstinée, à laterre ;
Autourde nous,lourde, affligée, elleerre.
Etl'autre, ausuret
prompt
essor,Forme
deschœurs etdes rondes splendidesDans
la lumièreoù vit pour letotal accordChaque
étoile etsonnombre
et son chantant essor.Errant, errant, avoir
un
guide!-
io3—
45.
— LA COURONNE DE PSYCHÉ
Psyché voguant parmi les mille astreschanteurs, Mélodieusement aux septchants accordée, Chantera son bonheur, ayantété guidée:
« Je
me
suis envoléedu
cerclederigueur.Du
cercle descendant des profondes douleurs.Et rapidejesuis entrée
Dans
laCouronne
désirée.Ainsi
mon chemin
s'estouvert :J'aitraversé le sein de Perséphone, Terrestre reinedesenfers:
Je m'élève. Cerclemontant. Passage ouvert. »
Souviens-toi de Psyché, naissant papillonclair, Et tu contemplerasle
mot
de feu : Couronne.—
io5—
CHANT V
LE CRATÈRE
DE DIONYSOS ET D'APOLLON
46.
— LES CHERCHEURS DE VÉRITÉ
La vérité! Dis-noustoutesles vérités.
Engraisse-nous
du
sangfumant
detes pensées.Tesdernières, dis-les
—
encore surpassées!Cherche avecnous tes vérités.
Construis-nous quelque dieu que l'on puisse adopter.
Dis-noustoutela vérité, Orphée.
prophète des Thraces blonds,
De
quels prêcheurs barbus suivrons-nous les sermons,Ceux
deBacchus, ceux d'Apollon?—
109—
47-
— LE RIRE D'ORPHÉE
Tu
lis. Pourquoi ton rire, Orphée?Est-ce montrer cervellesibrouillée
Que
d'interrogerpoursavoirA
quel autel suspendre sonespoir?Deux
templesespacésqueleshommes
séparent.Là, c'estledieujoyeuxqui se livreauxdouleurs.
Le Dionysversquis'égarent
A
des poursuites parlesmonts ceintsde chaleurCeux
qui hurlent au son des instruments barbares—
III—
Ici, l'harmonieuxApollon, dieu songeur Quidans lapaix de sonorgueilleuserigueur Touche lalyre mesuréeet la cithare.
Nousinterrogeons pour savoir
A
quel dieu vouer notreespoir.48.
— APOLLON L'HYPERBORÉEN
Quand
fermente par toi laPythie endélireTu
réfléchis la paixde septmondes
sereins.Te chargeant
du
soucide conduireet d'instruire, Leseptuple fardeau delapesante lyreT'accompagne, dieu blond, ohyperboréen.
dévorant,quirestes seulet teconsumes.
Dieu soumisà laPassion, L'or glorieux de tesrayons Eclaireuii
cœur
désertoù rêvel'amertume.Ainsi, puissantetvagabond,
—
ii3—
Universel témoinquisurveilleetdirige Et connaît lessecrètes loisdetoutvertige.
Ainsi règneet s'attriste Apollon, ledieu blond.
Harmonie
etlumière,il saitquele mystèreDans
les veinesdu monde
agit et se répand.Assis surl'Omphalos, au centredela terre Et touchant desesmains cette vibrante pierre Quiportelevibranttrépied
du
sanctuaire,Ledieu delphique, frémissant
Au
doublebattementdu
sol et de son sang, Tegouverneet s'unitàtonfrémissement.Python,telluriqueSerpent.
Ainsi, surl'Omphalos, au centre delaterre,
Ecoutonsrésonneren notreplusprofond La rythmiquevibration
De
notresombrecœur
solaire, et dela Terre.—
11449
— DIONYS L'INFERNAL
MaiscetApollon souterrain,
Nous
reconnaissons au passage Lestigres fousde sonrougeattelage;C'estle chefemportéparses bêtessauvages.
Oïoh! Crions son
nom
divin :Bacchusaux cheveux deraisin.
Inépuisablecep, dontles fruitslourdsétalent Surle
monde
la sèveardente, le sangmûr
Qu'il a puisé, profondément, augouffreobscur.
Dans
lesténèbresinfernales,Dans
l'humide foyerdela vieinfernale.(Là, son
tombeau
vit, sousl'Omphale.)—
ii5—
Le
nom
jaillidu beau sangcréateur.Oïoh! Bacchus! Qu'il soit lamultipleclameur Répercutée etqui transmet son cri sauveur.
Ah
! ses sarmentsroux. qu'onles hache;Sesbeauxbrasclairs, qu'onlesarrache.
Dans
le délirebouillonnantdu
dieu qui meurtQue
naisse alors l'ivreclameur.Le cridelibre forceneuve
Quivousfranchira,humaines épreuves...
Douleur divine, inépuisable fleuve
Où
lajoie dumonde
s'abreuve.Sangdela grandeVignepure, sang sauveur;
Sang qui couleradans le sang des mystes, Chargédefurieusejoie etdedouleur:
Toujours vaincu, tué, naissant, vainqueur;
Embrasé
detriomphe immortel, sang sauveur.Sang du multiple Erosoùle désir persiste;
Sang dédié,pure boisson, oùcoexistent
Et serejoignent
l'homme
etle dieu; sang sauveur.Sang,humidité chaude où ledésirpersiste.
ii6
'^Dionysdeux fois né, multiple Eros danseur,
^Nocturne
etlumineux,véridiqueettrompeur.Dieufouqueguériral'apaisanteCybèle, Juvénileetbarbu, hostieetdieurebelle Quifait bondirdansles montagnessafureur.
—
1175o.
— SOLITUDE D'APOLLON
Chef quecerne de feu désert son diadème, Dieujaloux
même
delui-même,Violent
cœur
obscur Qui détruitce qu'il aime,Brasier suprême oùtout sedisjoint, feu troppur.
L'homme
têtuqui tepoursuit,qui s'illumineDe
tasplendideet solitaireardeurdivine, VoiciquedéjàlecalcineTon
haleine danssapoitrine.Il seconsume. Et veutencore. Et puis,
un
jour, Il trembleetn'oseplussejeterau délire.L'homme
blessépar letorrideamour.—
119-
Sonregardqueta
flamme
sombreallaitdétruire S'en détourne et bientôt va suivreun
autre cours.Une
autre source, unefraîcheur, s'éveille et sourdDe
cecœur tropardent quetes rayonsdéchirent.Et
l'homme
d'unseuldieucomprend
trop tard,un
jour, Qu'il ne veut plus mourirsouslepoidsdelalyre.Etledieu solitaire etjalouxsent plus lourd L'inséparable poids delasublime lyre.
—
1205i.
— LES COMPAGNES DE DIONYS
Millebouches : « Bacchus aux cheveuxderaisin! ((Dionysosde Thraceet dePhrygie l » lacchos, lechant qui marche en clairethéorie.
L'entoure deflambeauxetdesistresd'airain.
Etvers son chartraînéde fauves bactriens Roule
un
ardent cortègedefolie :Les baladins savants en obscures magies, Les archersà l'œil bleuvenus
du
nordlointain, Les sages accourus desdésertsindiensEtlabacchanteavideouvrantbouched'orgie.
Elleaccourt.
Les danseursenfiévrés parlaflûtephrygienne Font redoublercymbales et tambours.
—
121—
Parlessommets, souslescouvertsdechênes,
Au
profond de la nuitvivanteet souterraine Qui préparelejour aprèslamortdu
jour,Court ladansequeledieumène.
Cybèle des forêts, dont sonnent pourAttis les cris d'amour,
A
vu sescompagnons,âmes
desmontueux
etvertsdomaines.Quitterles frais festinsde rudesève et courir aux tambours.
LesCorybantes nus, entraînésdansla danseetle vacarme
Rythment du
fracas heurtéde leurs armesL'appel des mainsetdes tambours Quiproclame, parmi les nocturnes alarmes, Larésurrectiondelavie et
du
jour.Etla purifianteet sauvage Cybèle
Quise plaît augrand vent quifait mugirles monts,
Aux
cris des loups etdes lions;Ladéessepuissanteetrebelle, Cybèle
Aux
vivifiantesmamelles ;La rude
mère
naturelle dessecrets;Cybèle,
Accompagne, la nuit, sous le bruit desforêts,
Dionys quidénoue enriant les secrets, Dionysos, x\utomne et Joie, Ivresse et Paix.
—
122—
Dionysos, IvresseetPaix,
Automne
etJoie.Quand
il combat leloup nocturne Hiver Sa mère l'accompagneetpleure,Démèter
Dont
lapuissancecalmesedéploieEn
ordreclairSousles sagesmoissonsqui parentl'univers.
Lecortègenocturneagitant sa folie
Acclame Dionys deTraceet de Phrygie.
Et
l'homme
d'un seuldieuivreet mystérieux Seperddans l'extase.Bouillant
comme
le vinténébreuxdans le vase D'or,l'homme
d'un seuldieu Se perdtout entierdans la folleextase.Tumultueuse, impersonnelle extase.
Dionys, rieur, impétueux, Apollon, pur et rigoureux,
Voyez, sousvotre
amour
terriblequi l'embrase, Se perdrel'homme
d'unseul dieu.—
123—
5q.
— ORPHÉE ET LES DIEUX FRÈRES
Orphée estfils dApollon, ledieubloiid:
Les louves en folie enferont leur carnage...
Maissage.
Il n'estpas
consumé
par le feu d'Apollon.Orphéeestfils delaThrace sauvage ;
Aux
templesle voici prêtrede Dionys...
Maissage, Le délire
du
sang nel'apas envahi.Comme
l'enfanten quifleurissent, Inscritesdansson cœur, deux forcesquis'unissent.125
Orphéeunitle double teu
De
la stricteharmonie etdu
cri furieux.Il saitqu'étant né de deuxdieux
Ilsera le cratère où s'unissentlesdieux.
Sonchant proclameraleurschants mystérieux,
126
—
53.
— LES DORIENS ET LES THRACES
Etre deuxdieux vivant dansla clairelumière, Fraternelsetdifférents
Comme
sont la vigneet lelierre!. .Comment
nepass'aimer, l'un de l'autre contents? vX^Comment
ne pas sourireau miroirde son sang?Comment, comment
se regarder avec colère?Apollongarderales restesde son frère,
Bacchus Zagreus,tué parles Titans.
Vous
autres, dressez vos hainesfugaces, Vouez unefumée
àun
vengeurdivin,—
127—
Dionysosde Thrace, Apollonle Dorien Verront retombervoshaines fugaces.
Ilsnebriserontpasladouceurdeleurs liens
Pourlescombats des Doriens et des Thraces.
—
128—
54.
— LA RENCONTRE SOUS LE PALMIER
Au
pieddu
palmier triomphal.Tandisque Museset Satyres Frappenten leurhonneur lacordeet le métal LesMusagètessontunisetleur sourire Etenden ondes lumineusesleurempire.
Ettousdeuxsefontdonde leurssignes : lalyre Et la nébride, et lethyrseautomnal.
Semblable à quelqueroidontle règnes'avance, Etvêtu
comme un
personnaged'Orient, Sous lepalmier Dionysosestsouriant.Devantlui, pur
comme
l'enfance,—
129—
Le noble jeune
homme
lauré, Apollon, portant l'oliviersacré,Se drape avec décence.
Dionysosoffresa
main
Etcelle d'Apollon s'y pose.Palmier,toiquiconsacres lesapothéoses Etl'immortalité des princesdeshumains, Jamaistun'a parétriompheplus serein.
Les mains desdieuxse sont unies.
Soistémoin; voicique naîtl'Harmonie.
i3o
55.
— LA PASSION DES DIEUX FRÈRES
Lequelest l'épi.
Lefils divin deladéesse, L'imageen quisereconnaissent Les épis mortels, qui renaissent?
Lequel est l'épi
Qui sera pétri
Pour
quel'homme
soitnourri?Lequel est tagrappe, Dansante ivresse,libresjeux.
Jeuneforce ravie aux dieux,
Image
etpuissancedu
feu?—
i3i—
Lequelestla grappe
Dont
lesang s'échappePour
quel'homme
soitjoyeux ?Ainsi s'unissent Par lameuleetparle pressoir, Imagesdemortetd'espoir Les dieux offertsausacrifice.
l32
56.
— LE POÈME D'ORPHÉE
ou
L'ELLIPSE A LA COURONNE RAMENÉE
Quand
chanterons-nous tonpoème, Orphée?Quand
lesdeux imagesdu
dieu, Phoïbosauxchantsharmonieux
Bacchos aux louvesdégrafées.Quand
lesdeux dieux,Dans
lecercle parfaitdes flambeauxd'hyménéeAccomplissantleur destinée, Surle
même
autel seront réunisComme
ils sont unisenleurfils,Orphée.
a
i33