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La qualité des soins : mythe et réalité

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46 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 2 - février 2016

TRIBUNE

La qualité des soins : mythe et réalité

Quality of care: myth and reality

Comment améliorer la qualité des soins ? Le “manageur”

et le “consommateur éclairé” répondent en cœur : “d’abord en la mesurant, puis en la payant”. Et l’économiste libéral ajoute : “en optimisant le rapport qualité/coût grâce à la libre concurrence”. Hélas, il n’est pas facile de transformer la qualité en quantité (“de faire d’un tout un tas”, comme dirait Régis Debray) dès lors qu’il ne s’agit pas d’appliquer simplement des procédures mais d’individualiser les traitements en prenant en compte l’extrême variabilité des êtres humains sur le plan biomédical et plus encore psychosocial. Si les “indices de qualité”

portent sur les résultats, ils incitent à sélectionner les patients ; s’ils portent sur les procédures, ils entraînent des biais de comportements opportunistes et ratent l’objectif. Verser de la solution hydroalcoolique dans le lavabo améliore l’indice de lutte contre les infections nosocomiales ICALIN ! L’expérience anglaise du Pay for Performance (P4P) a montré que, pour remplacer la motivation intrinsèque des médecins par une motivation financière extrinsèque, il fallait y mettre le prix ! Plus récemment, la Cour des comptes a estimé que la carotte au doux nom de ROSP (Revenu sur objectif de santé publique) était trop sucrée et qu’il serait judicieux d’y associer le bâton ! Et, surtout, on a vu que les médecins avaient alors tendance à soigner les indices plutôt que les patients. D’où, en retour, une certaine méfiance des patients : “Il m’a prescrit un générique pour toucher la prime !”

Il est une autre voie qui ne repose pas sur la récompense financière individuelle des acteurs mais qui s’appuie sur la motivation intrinsèque des professionnels et sur la culture de l’évaluation pour l’amélioration et non pour la sanction.

Le premier critère est évidemment une activité suffisante. Comme le sportif ou le musicien, le professionnel de santé doit avoir un grand entraînement.

Une grande expérience. Trente-cinq heures par semaine avec repos compensateur, c’est un peu court pour être au top, quand on sait que “ce qui est difficile en médecine, ce sont les 80 premières années” ! Certes, la spécialisation accroît l’expérience,

mais elle en rétrécit le champ. D’où le deuxième critère de qualité : l’indispensable travail en équipe avec des professionnels médicaux et paramédicaux, en nombre suffisant, formés, reconnus et respectés, habitués à travailler ensemble et à débattre collectivement des difficultés rencontrées et des changements à apporter.

C’est-à-dire l’inverse du modèle “hôpital entreprise” mis en œuvre par la loi HPST, réduisant le soin au respect de procédures, le soignant à des tâches interchangeables et l’équipe à une chaîne de production. Corollaire : lorsque le personnel soignant est en souffrance, l’absentéisme élevé et la rotation des agents importante, on ne peut pas penser que cela est sans effet sur la qualité des soins. Pour faciliter la cohésion de l’équipe, il vaut mieux partager des objectifs, avoir une culture commune et un mode de rémunération cohérent. Un chirurgien en secteur 2 avec de gros dépassements

André Grimaldi

Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

© Images en Dermatologie, 2015;3:84-5.

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TRIBUNE

d’honoraires et un anesthésiste salarié doivent avoir quelque vertu pour travailler ensemble ! Le troisième critère de qualité est l’engagement de l’équipe dans l’évaluation et ses diverses facettes : auto évaluation, évaluation comparative entre équipes

d’activités comparables sur des critères décidés en commun, évaluation par les usagers, par les patients, les collègues, les étudiants, les médecins correspondants… Les médias ont le mérite de fournir des coups de projecteur épisodiques en excitant la curiosité ; ils ont l’inconvénient de déformer la réalité. Les effets de la publication de ces palmarès semblent d’ailleurs concerner moins l’amélioration de la qualité des soins

que l’augmentation du nombre de journaux vendus. Ce qui témoigne néanmoins d’une demande.

Reste la question du VIP réduit à juger de la qualité sur le montant des dépassements d’honoraires payés par son assurance privée et du rationaliste féru de statistiques qui rêve d’un classement des hôpitaux et des services similaire à celui des hôtels et des restaurants : pour les chirurgiens comme pour les grands chefs. Tous réclament un guide officiel attribuant des étoiles. “Cela permettrait de réduire la pire des

inégalités, celle de l’information”, ajoute l’économiste. “Mais que fait l’État ?”

Interpellation légitime mais confuse ! L’État doit garantir la sécurité de base en fermant les établissements et en interdisant d’exercice les médecins dangereux pour la vie des patients, tout en répartissant les moyens sur l’ensemble du territoire. Il doit interpeller les professionnels sur leur programme d’actions pour améliorer la qualité des soins et leur demander des explications sur la diversité de leurs pratiques. Il ne peut pas et il ne doit pas classer les médecins en distinguant les excellents, les très bons, les bons, les en progrès, etc. C’est le rôle de chaque médecin traitant de premier recours de conseiller son patient et de le piloter au mieux dans le système de soins.

Tout médecin de premier recours doit tisser des liens structurels avec les spécialistes du deuxième recours. C’est même un des critères de qualité du premier recours.

Et c’est pourquoi la relation médecin/ patient – et en l’ occurrence médecin traitant/

patient – doit d’abord reposer sur la confiance. En l’absence de confiance, il est

vivement conseillé au patient de changer de médecin. Hélas, en médecine comme dans la vie, il n’y a pas de confiance sans risque de déception. Mais la défiance de principe a toute chance de dégrader la qualité des soins. Et lorsqu’il s’agit d’une urgence vitale, mieux vaut faire confiance. On n’a d’ailleurs pas le choix !

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