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ENTRETIEN - 5 questions ...

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La Lettre du Psychiatre • Vol. XII - n° 2-3 - mars-avril-mai-juin 2016 | 75

ENTRETIEN

5 questions...

... au Pr Amine Benyamina

fondateur et coordonnateur du congrès de l’Albatros organisé par le Certa (Centre d’enseignement et de traitement des addictions de l’hôpital universitaire Paul-Brousse à Villejuif)

Propos recueillis par Sandrine Chauvard (Levallois-Perret) Sandrine Chauvard. Cette année le

congrès de l’Albatros a fêté ses 10 ans, était-ce une date importante pour vous ? Amine Benyamina. C’était une date impor- tante car l’entreprise n’était pas gagnée d’avance. Au départ, nous sommes partis d’une idée généreuse, mais le principe de réalité aurait pu faire changer notre tra jectoire. Nous avons rencontré des difficultés, comme l’encombrement du calendrier ou encore les problèmes de fi nan- cement d’un énième congrès, et nous les avons sur montées. Nos collègues nous ont beaucoup soutenus. Et nous avons eu la chance de l’être également par des orateurs jouissant d’un prestige international. C’est une aventure humaine qui s’est transformée en un rendez-vous scientifi que incontour- nable et de qualité.

SC. Comment comptiez-vous marquer cet événement ?

AB. Nous avons changé le format du congrès. Il s’est déroulé sur 3 jours au lieu de 2. Nous avons ouvert un peu plus le champ des addictions aux somaticiens et donné plus de temps à la tabacologie.

De plus, nous avons décerné un Grand Prix éditorial aux 3 meilleurs articles innovants en addicto logie, sous l’égide du Courrier des addic tions , et un prix de l’ALBATROS au meilleur poster.

Nous avons en outre invité des orateurs pré- sents il y a 10 ans, comme Margaret Haney

ou encore Charles O’Brien, qui viennent des États-Unis.

SC. Sur quoi ce congrès a-t-il porté ? AB. Le thème général en était le croisement des connaissances, que ce soit sur le plan de la biologie, de la psycho logie, de la psycho- thérapie ou encore de la pharmaco logie.

Nous avons abordé tant ce qui fait consensus que ce qui fait débat. Mais les connaissances ne sont pas uniquement scientifi ques, et les débats ont éga lement porté sur l’avenir poli- tique dans le domaine des addictions. Nous avons vu comment nous, profes sionnels de santé, nous positionnions à l’égard d’un fl éau de santé publique et de société. Ainsi, à la fi n du congrès, il y a eu une séance sur les conclusions de l’UNGASS (United Nations General Assembly Special Session on drugs), qui s’était déroulée en mars à New York.

Cette assemblée géné rale a lieu tous les 8 à 10 ans. Y ont été abordées des questions qui suscitent des polémiques, comme la légalisation des drogues.

SC. Quels étaient les orateurs inter- nationaux et quels thèmes ont-ils abordé ? AB. Nous avons eu la chance d’accueillir Bridget Grant, dont la présence est rare.

Elle nous a parlé de la NESARC (National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions), cette large étude épidémio- logique en population géné rale, aux États- Unis, qui donne le pouls des problèmes liés

aux addictions à l’alcool et de toutes leurs comorbidités. Ces données statistiques nous fournissent des infor mations précieuses.

Elles permettent de comprendre les ten- dances en matière de consommation, aux États-Unis, avec une infl uence sur le reste du monde. Les 3 vagues de résultats de la NESARC, que Bridget Grant a commentées, montrent que l’on sous-estime la problé- matique de la comorbidité. La plupart des personnes qui consomment des drogues ont proba blement des troubles associés addic- tifs ou psychologiques. Or, l’enjeu, c’est la prise en charge globale du patient.

Par ailleurs, nous avons reçu Robert West, l’un des scientifi ques les plus reconnus en matière de recherche sur le tabac. Il est notamment rédacteur en chef de la presti- gieuse revue Addiction. Nous l’avons écouté évoquer les polémiques concernant la prise en charge de l’addiction au tabac . SC. Comment souhaitez-vous voir évoluer le congrès de l’Albatros ?

AB. Je souhaiterais que le congrès se déroule désormais sur 3 jours, comme c’était le cas cette année. J’aimerais que l’on accueille plus de jeunes chercheurs, et qu’ils aient une vraie tribune pour s’exprimer. Enfi n, je souhaiterais que l’ému lation, aujourd’hui parisienne, devienne nationale, voire euro- péenne. Le congrès de l’Albatros pourrait se décliner sous une forme différente, nous y réfl échissons.

GRAND PRIX EN ADDICTOLOGIE

0075_PSY 75 28/06/2016 17:10:42

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76 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XII - n° 2-3 - mars-avril-mai-juin 2016

ENTRETIEN

... au Pr Michel Reynaud

fondateur et coordonnateur du congrès de l’Albatros organisé par le Certa

Propos recueillis par Sandrine Chauvard (Levallois-Perret) SC. Le congrès de l’Albatros vient de fêter

ses 10 ans : quelles ont été les grandes évolutions dans le domaine de l’addic to­

logie ces 10 dernières années ?

Michel Reynaud. Les grandes évolu tions ont été, notamment, sociétales et concep- tuelles. Durant ces 10 dernières années, l’accès à l’alcool a été facilité en France par les modifications apportées à la loi Evin : en premier lieu par la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) portée par Rose- lyne Bachelot, qui a autorisé la publicité pour l’alcool sur Internet. Celle-ci s’est répandue sur de nombreux sites destinés aux jeunes et aux femmes, et sur les réseaux sociaux. Puis, un coup vraisemblablement fatal a été donné à la loi Evin par la dernière loi de moder nisation de santé (et c’est un comble de faire porter cela à une loi de santé !) : sous le pseudo- prétexte de faciliter l’œno journalisme, “l’information” (qui ne diffère en rien de la publicité) est désor- mais permise sans contrôle, non seulement pour les vins, mais aussi pour de très nom- breux alcools. La publicité et le marketing sur Internet et les réseaux sociaux ont eu pour effet d’augmenter la consom mation d’alcool chez les jeunes et chez les femmes.

Et cela continuera certainement avec la dernière modifi cation législative.

Par ailleurs, de nouvelles drogues de synthèse sont apparues, notamment les cathinones et les cannabinoïdes de syn- thèse. Elles ne sont pas considérées comme illégales, or on découvre qu’elles ont des effets néfastes graves.

Notre société est doublement addicto- gène, d’une part par la stimulation de la consom mation et la facilité d’accès aux produits, d’autre part par la valori- sation du plaisir immédiat au détriment des valeurs de groupe et des intérêts communautaires. En particulier, Internet facilite tous les plaisirs, comme le jeu en ligne, qui a considé rablement augmenté, et les achats de drogues illicites.

Ces 10 dernières années ont également été marquées par des changements conceptuels : l’ensemble des profes sionnels des addictions se sont mis d’accord pour dire que la bonne stratégie était la réduc-

tion des risques et des dommages, et qu’il fallait pour cela s’appuyer sur des actions pragmatiques. Aujourd’hui, la réduction de la consommation est une option envisa- geable pour les différentes addictions en fonction de leur gravité et des souhaits du patient. Il est important d’accompagner ce dernier, d’évaluer son degré de motivation et de lui proposer des stratégies qui lui paraissent acceptables.

SC. Et en ce qui concerne la recherche et la thérapeutique ?

MR. De très gros progrès ont été réalisés dans le domaine de la neurobiologie et de la neuro-imagerie. Ils ont permis de mieux comprendre comment s’installe l’addiction et pourquoi celle-ci est devenue un besoin et une compulsion. Le fonctionnement du cerveau addict est bien mieux connu. On sait également comment agir pour que le patient réussisse à contrôler de nouveau ce qui était devenu un besoin incontrôlable.

En termes de thérapeutique, ces dernières années ont vu se développer les traitements de réduction de la consom mation d’alcool, avec le baclofène et le nalméfène. Et, dans le domaine du tabac, la e-cigarette a fait son apparition. Le vapotage est devenu un outil de réduc tion de la consommation ou de maintien de l’abstinence.

SC. Les politiques menées en France pour lutter contre les addictions ont­elles été efficaces ?

MR. Les politiques de prévention en France ne sont pas très cohérentes, puisqu’elles n’ont qu’une action marginale sur la consommation d’alcool, principale cause des dommages sanitaires et sociaux. La politique de répression de la consommation de cannabis est inefficace et n’empêche pas l’augmentation des consommations. En ce qui concerne le tabac, la politique n’est pas cohérente non plus, puisque des mesures techniques sont prises, mais les mesures budgétaires et de taxation qui devraient aller de pair ne suivent pas. Par ailleurs, les politiques sanitaires ont permis l’instau- ration d’un dispositif de soins, qui s’est étoffé entre 2007 et 2012, mais il n’y a plus

de volonté de développer les structures d’addic tologie, notamment hospitalières.

SC. Comment améliorer la prévention en France ?

MR. Nous devons d’abord sortir des représen tations sociales erronées sur la gravité des différents produits, afin, notamment, que les actions politiques et de préven tion puissent être efficaces. On assiste à une incitation à la consom mation d’alcool, qui est contraire à toute poli tique de préven tion, et à une prohibition de la consom mation du cannabis, qui a des effets pervers extrêmement graves, en favorisant le dévelop pement du trafic et la création d’une société mafieuse.

Il faut également améliorer la prévention au sein des populations cibles, c’est-à-dire les jeunes, les personnes présentant des troubles psychiatriques ou encore les femmes enceintes. Les actions doivent s’inscrire dans un cadre cohérent, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle, les pro- positions d’action restant parcellaires.

SC. Selon vous, sur quoi les efforts doivent­ils principalement porter aujourd’hui ?

MR. Les efforts doivent porter sur l’infor- mation de la population sur la réalité des dommages sanitaires et sociaux des diffé- rents produits, sur les moyens de les réduire, sur les enjeux sociétaux et économiques et sur la complexité des actions à mener.

La formation des acteurs de premier recours est également très importante, notamment celle des médecins généralistes, des urgen- tistes, des médecins du travail et de s per- sonnes qui s’occupent des jeunes. Les efforts doivent également porter sur le développement des structures de soins et sur la recherche, dont le finan cement n’est pas du tout à la hauteur de la gravité de ce problème de santé publique majeur.

A. Benyamina déclare avoir participé à des inter­

ventions ponctuelles (activités de conférences) pour Bristol­Myers Squibb, Lundbeck, Merck­Serono et Mylan, et être membre du board Indivior.

M. Reynaud déclare avoir des liens d’intérêts avec Indivior, Lundbeck, D&A Pharma et Ethypharm.

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