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Article pp.267-286 du Vol.32 n°168-169 (2006)

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Varia

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Cet article a pour objectif de tester, dans le cadre d’une étude menée auprès de 100 entreprises françaises, l’impact des facteurs liés à la stratégie de déploiement des PGI (préparation : cible organisationnelle,

réingénierie des processus ; ingénierie : développements spécifiques, déploiement : couverture fonctionnelle et vitesse), sur la perception d’une vision plus

transversale de l’entreprise. Tous ces facteurs jouent un rôle significatif dans le

développement d’une vision transversale. Cependant, la couverture fonctionnelle semble particulièrement importante à prendre en compte dans les recherches futures.

A

u prix de risques considérables, la vogue des progiciels de gestion intégrés (PGI) (ERP en anglais)1 a considérablement transformé la façon de concevoir les systèmes d’information de l’entreprise. Désormais celle-ci se repose largement sur les éditeurs et s’affranchit des cycles d’apprentis- sage du logiciel (Baile, Lesuisse, 2002). Aussi les PGI font-ils l’objet de très nombreuses publications aussi bien francophone1 qu’anglo-saxonne (Esteves, Pastor, 2001). Pourtant la plupart d’entre elles ne traitent pas l’une des questions les plus importantes que ces outils posent à l’entreprise : vont-ils offrir aux acteurs une vision plus transversale des problèmes de l’entreprise et permettre un changement en profondeur en « cassant » la logique des silos fonctionnels ?

S’attaquer à cette question est important car les nou- velles donnes de l’environnement poussent les entre- prises à développer leurs capacités de flexibilité et d’in- novation à travers une reconception processuelle de leur gestion et de leur organisation. Pour être performantes

FRANTZ ROWE, MARC BIDAN, BÉNÉDICTE GEFFROY-MARONNAT, ROLANDE MARCINIAK

Effets de la stratégie

de déploiement des PGI sur la

vision transversale de l’entreprise

1. Numéro thématique de la revue Systèmes d’Information et Management (SIM): « ERP et risques », 2004 ; ERP/PGI et change- ment, vol. 4, n° 4, 1999 ; colloques de l’AIM depuis 2000.

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les entreprises doivent traiter les flux avant les structures (Segrestin, 2004). L’étude de la presse professionnelle et académique atteste de l’importance jouer par les TIC dans ce changement de paradigme de ges- tion et d’organisation. Elles constituent un vecteur de changement axé sur les proces- sus de coordination. Par ailleurs, de rares études quantitatives ont tenté de répondre à la question ultime de la contribution des PGI à la performance économique et elles ont conclu négativement. Ainsi, Poston et Grabski (2001) montrent qu’aux États-Unis ces outils n’apportent pas une contribution relative significative à la performance de l’entreprise par rapport à des entreprises comparables qui n’ont pas investi dans les PGI sur la même période. Cependant, leur recherche ne caractérise pas la stratégie de déploiement des PGI et notamment les acti- vités qu’ils couvrent dans les entreprises.

Elle examine seulement, toutes choses égales par ailleurs, le lien entre le fait d’avoir adopté un PGI et les effets écono- miques constatés. Or, nos observations dans le contexte français2 montrent que la plu- part des entreprises n’adoptent souvent qu’un module portant sur une seule fonc- tion lorsqu’elles déclarent avoir adopté un PGI. Il est donc fort possible que les effets économiques soient dépendants de l’éten- due de la couverture fonctionnelle de l’ou- til, elle-même impliquant un changement de vision de l’entreprise. L’objet de cet article est d’examiner si la stratégie de déploiement d’un PGI explique l’émer- gence d’une vision plus transversale du fonctionnement de l’entreprise. Par straté-

gie de déploiement, nous entendons la défi- nition d’une vision organisationnelle, la couverture fonctionnelle, la réingénierie des processus, le mode de déploiement et la part autorisée aux développements spéci- fiques (El Amrani, 2004).

La littérature sur les impacts des technolo- gies de l’information a largement montré que le processus de changement constituait un élément important pour expliquer des paradoxes ou des surprises dans les effets constatés (Robey, Boudreau, 2000). Dans le cas des PGI, l’ampleur de l’investissement et les risques pris rendent le processus de changement particulièrement crucial. Par ailleurs, la littérature sur les TI a souligné que les dynamiques organisationnelles ne sont pas les mêmes selon la technologie considérée. À cet égard, le PGI nous amène à poser la problématique centrale de la transversalité dont il est potentiellement porteur.

Dans une première partie, nous présentons les fondements théoriques du changement dans le cadre des projets PGI et de la trans- versalité qui nous ont permis de formuler nos hypothèses. Nous exposons ensuite la méthodologie et, dans une troisième et der- nière partie, les résultats des tests des hypo- thèses.

I. – PROCESSUS DE CHANGEMENT ET PGI

Les théories de changement combinent plus ou moins quatre idéaux types de processus de changement (Van de Ven, Scott Poole, 1995). Ces idéaux types diffèrent par leur

2. Observations menées dans le cadre d’une recherche contractuelle réalisée pour la DARES (Direction de l’ani- mation de la recherche, des études et des statistiques) du ministère de Travail.

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logique et la force génératrice du change- ment. Le changement peut être vu comme un processus d’énaction et téléologique, rendu possible par la mise en scène de l’ac- tion et la redéfinition des buts poursuivis avec les acteurs concernés ou comme un processus dialectique marqué par les conflits. Dans le contexte français, les diffi- cultés des projets PGI – et donc les difficul- tés de changement liées à ces projets – ont été théorisées à partir d’idées issues de l’énaction et d’une typologie des conflits (Besson, Rowe, 2001). Dans le contexte américain, Robey et al. (2002) se sont appuyés sur une lecture dialectique pour rendre compte de l’apprentissage lié à la configuration du PGI et à l’assimilation de nouveaux processus. La troisième approche évolutionniste, pourrait être mobilisée pour étudier l’acquisition des progiciels, mais elle n’a pas fait l’objet de travaux portant sur la stratégie de déploiement (Boudreau, Robey, 1999). Nous voudrions ici revenir à une lecture plus proche de la littérature classique qui conçoit le changement

comme un cycle de vie : suites d’étapes au cours desquelles telle ou telle action majeure est entreprise. Schématiquement, on peut retenir quatre étapes (Markus, Tanis, 2000) illustrées par la figure 1 : for- mulation du problème et choix de l’ERP, ingénierie, déploiement et usages et effets.

La stratégie de déploiement intervient dans les trois premières étapes.

Dans la lignée des travaux sur l’innovation dans les organisations, Leonard-Barton (1988) montre que les caractéristiques des innovations (transferabilité, complexité et vitesse) fondent les stratégies de mises en œuvre qui, à leur tour, déterminent l’accep- tation ou le rejet de l’innovation. Sur le plan de la complexité, ce schéma met l’accent sur les contraintes d’une innovation et les choix pour la conduite du changement. En général,les PGI constituent des innovations divisibles par l’offre modulaire et le para- métrage, répondant donc à des stratégies de déploiement plus ou moins complexes. Par exemple si la couverture fonctionnelle choisie par l’entreprise est grande, elle aura

Figure 1

ACTIONS LIÉES AUX ÉTAPES DU PROCESSUS DU CHANGEMENT D’UN PROJET PGI

Formulation du problème et

choix de l’ERP Ingénierie Déploiement Usagers et effets

Vision organisationnelle

cible Paramétrage

Redéfinition des processus Couverture fonctionnelle et modes

de déploiement

Développements spécifiques

Adoption d’une vision plus transversale par

les utilisateurs

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la possibilité de déployer progressivement une technologie divisible (différents modules pour différentes fonctions). Par ailleurs, certains modules proposés par les éditeurs sont transversaux à plusieurs fonc- tions. Les éditeurs généralistes leaders (SAP, Oracle) proposent par exemple des modules transverses (décisionnel ou qua- lité) qui n’ont d’impact sur la transversalité que s’ils sont adossés sur un grand nombre de tables interopérables dans différentes fonctions. La question de la divisibilité est donc liée à la nature des modules retenus autant qu’à leur nombre. L’efficacité de ce choix dépend aussi du nombre de bases de données logiques utilisées dans l’entreprise (Bidan, 2004).

Une seconde contribution (Gallivan et al., 1994) a clairement posé le débat sur la vitesse de déploiement des innovations radicales. Souvent, on mélange deux ques- tions pourtant différentes : l’ampleur du changement visé et la vitesse du déploie- ment. Le vocabulaire ne nous y aide pas car précisément, à la suite de Quinn (1980), il est d’usage de distinguer changement radi- cal et incrémental. Or, ces deux types cor- respondent à des stratégies de déploiement liant ampleur et vitesse. Le changement radical serait de grande portée et rapide tan- dis que le changement incrémental serait une suite de petits pas effectués au rythme des acteurs par ajustement mutuel. Or, Gallivanet al. (op. cit.) montrent que des innovations couvrant un large périmètre peuvent être mises en place de façon gra- duelle et, plus largement, que l’on peut trouver, et même justifier en fonction du contexte, des cas combinant ampleur et vitesse du changement de façon fort diffé- rente. Mais les innovations de grande ampleur ne seraient-elles pas simplement

une somme d’innovations de petite ampleur obtenues et ajoutées par le principe de divi- sibilité ? Certains stratèges répondent par la négative. En effet, certaines innovations n’ont d’effet bénéfique qu’à une certaine échelle. Ce n’est pas parce qu’on peut la diviser pour la déployer qu’il est souhai- table d’en rester à un premier stade de dif- fusion. D’autre part, Crozier et Friedberg (1977) soulignent la propension des acteurs à résister dans la mesure où l’innovation menace leur zone d’incertitude tant qu’ils n’ont pas retrouvé d’autres marges de manœuvre en la contournant ou en la détournant de ses usages initialement pré- vus. Or, les PGI sont typiquement concer- nés par cette tension entre la recherche d’une grande couverture fonctionnelle pour en tirer les bénéfices et le risque de s’expo- ser à des résistances plus fortes. En effet, ces outils contribueraient à établir le lan- gage commun, le référentiel unique dont les entreprises ont toujours rêvé à condition que la couverture fonctionnelle soit signifi- cative (Rowe, 1999). Ainsi, l’argument sur la divisibilité et notamment la modularité de l’innovation pour assurer son succès, en permettant éventuellement un déploiement graduel, semble perdre de son poids dans le cas des PGI. Ou bien alors le succès se limi- terait dans ce cas au déploiement, mais sans les gains potentiels.

Si la stratégie de déploiement est donc bien une question a priori essentielle, d’autres actions jouent un rôle-clé dans la transféra- bilité de l’innovation qu’il s’agisse de la redéfinition des processus en vue de leur paramétrage ou des développements spéci- fiques requis qui constituent également un facteur supplémentaire de complexité. Le poids des dirigeants dans la définition d’une vision organisationnelle cible appa-

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raît comme un but majeur de la conduite du changement. Voyons comment ces facteurs peuvent précisément jouer sur la transver- salité.

II. – L’APPROCHE DE LA TRANSVERSALITÉ Les thèmes de la gestion des processus horizontaux, de la collaboration interfonc- tionnelle, des modalités d’intégration sont au cœur des actions de changement conduites par les entreprises en vue d’une meilleure maîtrise de leurs performances.

La littérature sur la transversalité met l’ac- cent sur la primauté des processus et des flux par rapport aux fonctions et véhicule une nouvelle vision de l’organisation struc- turée autour du décloisonnement horizontal et des équipes de travail plurifonctionnelles et disciplinaires (Galbraith, 1994).

1. La transversalité : une nouvelle vision de l’organisation

L’enjeu de la transversalité est apparu dans le domaine de la qualité et de la gestion des flux pour ensuite s’étendre au domaine de l’innovation (Tarondeau, 1998). La démarche qualité a mis en évidence les limites d’une organisation trop cloisonnée, la non-qualité résultant généralement d’une mauvaise coordination entre les fonctions.

Elle implique de repenser les modes de communication, de coordination et de coopération dans une logique d’intégration transfonctionnelle c’est-à-dire plurifonc- tionnelle et processuelle de l’organisation.

Avec cette nouvelle perspective de l’organi- sation, l’unité n’est plus la fonction mais le processus qui « traverse » les structures au sens de services (Davenport et Short, 1990). Le processus transversal constitue

une suite d’activités qui, à partir d’une ou plusieurs entrées (input), produit un résultat (output) représentant une valeur pour le client : le délai de livraison, la fiabilité de la facturation, la qualité du service après vente, le délai de mise sur le marché de nouveaux produits… Cette approche recentre l’entreprise sur ses principaux besoins de liaison et de coordination laté- rales afin de surmonter les difficultés liées à la division du travail et à la fragmentation de l’organisation en activités spécialisées.

La maîtrise des processus passe par la ges- tion des interactions et des flux matériels et informationnels entre les différentes fonc- tions de l’entreprise.

Par ailleurs, l’approche de la transversalité offre une description de l’entreprise en termes de modes opératoires. Comme le souligne Lorino (1995), le processus décrit des modes d’action alors que la structure hiérarchico-fonctionnelle indique les struc- tures de pouvoir et de responsabilités.

« Ainsi, l’organisation en râteau passe au second plan. Une nouvelle image la recouvre (qui se voudrait plus élégante !), celle de l’arrête de poisson. » (Segrestin, 2004, p. 200). Cette représentation du déroulement des activités opérationnelles et de support met l’accent sur les flux d’infor- mation qui sont nécessaires pour fournir un bien ou un service au client. Enfin, il agence les activités non plus en fonction de la logique tâche ou compétence sur laquelle se structurent les fonctions ou métiers mais plutôt en suivant une logique de finalités orientées client.

Il est intéressant de souligner que le PGI répond a priori point par point à cette approche. Dans un projet PGI, le terme d’intégration doit être entendu de deux manières : il se réfère à la fois à l’intégra-

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tion technique (Bidan, 2004) mais égale- ment à l’intégration de ce dispositif dans le fonctionnement même des différentes uni- tés de l’entreprises. La deuxième accepta- tion suppose ainsi une adéquation entre le mode d’organisation de l’entreprise et la logique de fonctionnement des PGI.

Dans le cadre d’un projet d’implémentation d’un PGI, cela implique que les décideurs définissent au préalable une organisation cible en phase avec cette nouvelle logique de fonctionnement. Conformément au change- ment comme cycle de vie, une première phase consiste à opérer un ensemble de choix stratégiques: vision organisationnelle cible, choix de l’ERP, mise en place du pro- jet – structuration des instances de pilotage, définition des membres de l’équipe de projet.

Précisément, le rôle de la direction générale ne se limite pas aujourd’hui à décider de l’opportunité ou non d’un grand projet de type ERP, elle doit aussi participer en l’oc- currence au design et à la conception du modèle organisationnel futur (Besson, Rowe, 2001). Or, ces nouveaux rôles, au cœur de son processus décisionnel, ne sont pas clairement assumés et sont souvent délégués aux personnes chargées de la ges- tion du projet. « Le drame organisationnel » constaté chez l’entreprise Metalica (Avital, Vandenbosch, 2000) suite à la mise en place du progiciel SAP est dû au manque d’im- plication de la direction générale à la fois au moment de la définition des besoins et de la conception de l’organisation future et cela malgré son soutien marqué au projet. Com- ment imaginer qu’une implémentation d’un ERP réussisse si l’entreprise ne sait pas d’abord ce qu’elle tente de réaliser ?

Ainsi, dans le cadre d’un projet ERP, la défi- nition d’une vision organisationnelle cible consiste à tracer clairement les grandes lignes de l’organisation future et la direction que doivent emprunter les acteurs du projet pour l’atteindre. Cette stratégie de ciblage d’un modèle organisationnel futur condi- tionne la suite du déroulement du projet et se concrétise dans le paramétrage et la configu- ration de l’ERP (El Amrani et al., 2002).

La définition de cette vision vient répondre à plusieurs questions : Quelle sera l’organi- sation future de l’entreprise avec l’ERP ? Quel est le périmètre organisationnel concerné ? Quels sont les processus concer- nés ? Comment assurer la cohérence de l’ensemble ? Les réflexions engagées doi- vent tenir compte de deux points essentiels : 1) Les principes de l’intégration informa- tionnelle de l’ERP (Rowe, 1999) et de sa logique organisationnelle fondée principale- ment sur une gestion des activités par les processus. Cette logique transversale, tant recherchée par les entreprises, se matérialise par un dépassement du découpage hiérar- chico-fonctionnel de l’organisation à travers une modélisation autour des flux de valeur plutôt que des flux d’autorités et une forma- lisation organisationnelle des niveaux d’in- terdépendances sous-jacentes dans l’ERP.

2) Les concepts de gestion véhiculés par l’ERP qui doivent être en adéquation avec ceux que souhaite mettre en place l’entre- prise conformément à sa stratégie (Saint- Léger, 2004). Les spécificités et les exi- gences de certaines activités rendent difficile l’adaptation de certains ERP dont les solutions sont génériques aux normes locales3.

3. C’est le cas par exemple de l’entreprise Dell qui a abandonné son progiciel SAP car son mode de fonctionne- ment ne correspondait pas à son modèle organisationnel.

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Les réponses à ces questions ont le mérite d’établir les bases sur lesquelles le proces- sus d’implémentation va s’appuyer, d’iden- tifier les principales étapes par lesquelles passera l’ERP et de définir en conséquence les ressources et les compétences tech- niques et organisationnelles à déployer : identification des utilisateurs-clés, choix des consultants, les actions à mettre en place lors de la conduite et de l’accompa- gnement du changement, les utilisateurs à former, etc. (Markus, Tanis, 2000). Elles préparent et conditionnent enfin la deuxième phase qui consiste en une phase de cadrage des processus sur lesquels l’en- treprise va travailler.

Hypothèse 1. La définition d’une organisa- tion cible favorise une vision plus transver- sale de l’entreprise.

2. Transversalité : un résultat de la réingénierie des processus

Au niveau des processus opérationnels, il s’agit d’améliorer la coordination inter- fonctionnelle et de se focaliser sur le

« management de l’interdépendance » (Rockart, Short, 1995), les gains de compé- titivité se situant à l’interface des fonctions.

Lawrence et Lorsch (1967) ou encore Galbraith (op. cit.) insistaient déjà sur le rôle de facilitateur de l’intégration et de la coordination latérale des équipes interfonc- tionnelles. L’approche BPR (Al-Mashari, Zairi, 2000, Hammer, Champy, 1991) pro- pose d’éliminer au maximum les intermé- diaires aux différents niveaux de l’entre- prise afin d’accélérer l’accès et les temps d’échange de l’information. Il vise égale- ment à changer la façon de travailler.

Ainsi, au-delà des relations entre le choix d’une technologie et les objectifs écono- miques et organisationnels visés, il est

essentiel d’entreprendre en amont un travail sur l’organisation afin qu’elle soit capable

« d’absorber » les nouveaux dispositifs techniques. Dans le cas des projets PGI, la phase de BPR constitue une condition nécessaire mais non suffisante à l’établisse- ment d’une vision transversale du fonction- nement de l’entreprise. Pour les entreprises, l’enjeu de cette phase est double :

– abandonner le mode de fonctionnement hiérarchico-fonctionnel pour une organisa- tion en processus et/ou adapter les proces- sus à ceux du PGI (Davenport, op. cit.).

Suivant une analogie en gestion indus- trielle, il s’agit de passer d’un fonctionne- ment suivant un mode en système discret à un mode en système continu ;

– définir des processus de base communs pour l’ensemble des unités (référentiel unique de fonctionnement à l’échelle du périmètre visé) et les standardiser. Cette phase de reconfiguration des processus peut être très conflictuelle dans la mesure où il y a un double processus de confrontation des modes opératoires : interne (entre les uni- tés) et externe (avec les meilleurs pratiques du secteur).

Aussi, nous formulons l’hypothèse : si les entreprises veulent plus de transversalité, il faut qu’elles entreprennent au préalable un travail de reingénierie des processus. En d’autres termes repenser la gestion des acti- vités à partir des flux, ce que font les PGI en proposant les « best practices » pour la ges- tion transversale des processus.

Hypothèse 2.La réingénierie des processus favorise une vision plus transversale de l’entreprise.

3. Transversalité et déploiement

De la littérature portant sur l’intégration informatique (Alsène, 1994) comme vec-

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teur de transversalité, on peut retenir trois points-clés :

– une approche processuelle des flux de gestion fondée sur une interdépendance séquentielle des unités concourrant à la réa- lisation d’un bien ou service : les outputs (matière ou informationnel) des unités amont constituent les inputs des unités avales ;

– une approche fondée sur une interdépen- dance en pool: les fonctions partagent une base de données commune. Ce partage de l’information constitue une condition nécessaire mais non suffisante pour amélio- rer le service au client ;

– une nouvelle approche par la gestion glo- bale. Cela implique que chacun acquiert une vision plus globale de l’entreprise. Les gens apprennent à travailler ensemble et non plus de manière séparée et séquentielle, notamment en développant des procédures de gestion et des bases de données spéci- fiques et isolées. Cela suppose qu’ils tien- nent dorénavant compte des relations d’in- terdépendance réciproque dans leur mode de fonctionnement (Lozzi et al., 2000).

Cependant, cette vision transversale de l’entreprise fondée sur ces trois formes d’interdépendance (Thompson, 1967) ne peut pas émerger en l’absence d’une démarche d’intégration managériale et cognitive (Berreta, 2002). L’intégration managériale s’inscrit dans une vision glo- bale de la performance impliquant la com- préhension mutuelle des contraintes, des objectifs (performances locales) et des modes d’action de chacun. Elle met en jeu des processus de négociation, de compro- mis entre les différentes logiques fonction- nelles. L’intégration cognitive se définit comme la compréhension mutuelle de

savoirs et de schémas cognitifs différents.

Ainsi présenté, à travers ces dimensions de l’intégration induite par le PGI, ce dernier favorise une approche transversale de l’or- ganisation qui permet potentiellement à l’utilisateur de sortir de son silo fonction- nel à mesure de l’extension de la couver- ture du PGI. Nous supposons ainsi que plus le périmètre d’intégration choisi est large, plus la perception de la transversa- lité est importante.

Hypothèse 3.Une couverture fonctionnelle plus importante favorise une vision plus transversale de l’entreprise.

En outre, les effets perçus de la dynamique organisationnelle du PGI vers plus de transversalité s’imposeront peut être plus facilement aux utilisateurs si le mode de déploiement est réalisé rapidement (Adam, O’Doherty, 2000). Lorsque, tout au long du projet, certains facteurs de suc- cès se réalisent (groupes de travail inter- fonctionnels, choix des utilisateurs-clés, processus de formation et de communica- tion, (Markus, Tanis, op. cit. ; Nelson, Somers, 2001), les utilisateurs peuvent acquérir une vision transversale pour utili- ser le PGI sans dysfonctionnement majeur.

En effet, dans le cadre d’une perspective de déploiement progressif, l’organisation de l’entreprise est par définition instable : la mise en place séquentielle des modules sélectionnés déstabilise sur le court et moyen terme les processus de gestion de l’entreprise, les modes d’action de chacun et les processus d’apprentissage subissent en continu des modifications. Notamment, ces constats préjudiciables au fonctionne- ment de l’ERP et à l’organisation de l’en- treprise obligent les utilisateurs de l’ERP à fournir plus d’efforts : assimiler correcte-

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ment les fonctionnalités des premiers modules installés, se préparer à l’arrivée de nouveaux processus (avec l’élargisse- ment du périmètre de déploiement) et de nouvelles fonctionnalités (avec les mon- tées de versions futures) et comprendre les interactions qui les lient avec les applica- tions des autres fonctions de l’entreprise.

Ainsi présentées, de telles situations deviennent très vite complexes et difficiles à gérer car « il est impossible d’anticiper les interactions à l’intérieur du système technique (outils, données, procédures), à l’intérieur du système social (individu, groupe métier, entité) et entre les deux sys- tèmes » (Bouillot, 1999, p. 102). Elles rendent surtout plus difficiles le processus d’intégration managériale et cognitive sur lequel se fonde la transversalité.

Hypothèse 4. Un mode de déploiement plus rapide favorise une vision plus trans- versale de l’entreprise.

4. Transversalité et développements spécifiques

L’émergence de l’organisation transver- sale trouve ses prémisses dans le dévelop- pement de l’intégration informatique (Bidan, 2005) dont l’objectif recherché consiste à intégrer les différentes fonctions de l’entreprise. L’enjeu de cette d’intégra-

tion est d’accomplir ce que les méca- nismes de coordination traditionnels ne sont pas parvenus à réaliser : le décloison- nement de l’organisation. Cependant, il convient de souligner que le type d’inté- gration choisi par l’entreprise (par inter- face versus par base de données com- mune) influe sur deux dimensions organisationnelles : le décloisonnement et le gain d’autonomie de certaines fonc- tions ; le gain d’autonomie de ces fonc- tions s’opposant alors à la collaboration interfonctionnelle recherchée à travers l’intégration informatique (Alsène, op. cit.) Les développements spécifiques au même titre que les interfaces entre plusieurs applications permettent des intercon- nexions sans pour autant instaurer de vision transversale. Dans ces conditions ne constituent-ils pas une opportunité pour les acteurs de préserver leur espace d’au- tonomie à travers la revendication de la spécificité de leur activité et par là même une occasion manquée de transversalité ? Hypothèse 5. Les développements spéci- fiques ne favorisent pas une vision plus transversale de l’entreprise.

Modèle de recherche

Le cadre général de la recherche peut être résumé par le modèle de la figure 2.

Figure 2

MODÈLE DE RECHERCHE Définition d’une organisation cible

Réingénierie des processus

Couverture fonctionnelle élargie Vision plus transversale Mode de déploiement rapide

Absence de développements spécifiques

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III. – MÉTHODOLOGIE ET RÉSULTATS

Notre approche du cycle de vie s’appuie sur une méthode fondamentalement quanti- tative, même si par ailleurs, elle a été pré- cédée en 2001 par une phase qualitative portant sur huit monographies d’implémen- tation de PGI dans le contexte français (El Amrani et al., 2002). Le questionnaire, comprenant soixante deux items, a été adressé à une population de 223 PME et à 116 grandes entreprises membres de CIGREF4. Nous avons eu un retour de 177 réponses. 100 questionnaires, concer- nant 55 PME et 45 grandes entreprises, furent exploitables dans le cadre de cette enquête. Les réponses ont été recueillies auprès des responsables des projets PGI, des directeurs des systèmes d’information (DSI) et des responsables fonctionnels à partir du moment où les uns ou les autres étaient les mieux informés du déroulement et des conséquences du projet PGI dans leur entreprise.

1. La construction de la variable

« transversalité » à expliquer

Pour construire un indicateur de transversa- lité fiable, nous avons d’abord retenu cinq items du questionnaire utilisant une échelle d’attitude à cinq points, allant de « Tout à fait d’accord » à « Pas du tout d’accord ». Il s’agit de la modification des représentations des utilisateurs telle que le répondant la perçoit :

– item 50 « Selon vous, les utilisateurs de l’ERP ont une vision plus globale de leur service »,

– item 51 « Selon vous, les utilisateurs de l’ERP ont une vision plus globale de l’en- treprise »,

– item 52 « Selon vous, les utilisateurs de l’ERP sont davantage conscients de la logique transversale »,

– item 53 « Selon vous, les utilisateurs de l’ERP sont davantage conscients des impli- cations que pourraient avoir leurs actions sur le travail des autres »,

– item 54 « Selon vous, les utilisateurs de l’ERP pensent qu’ils ont un référentiel unique ».

Une analyse de fiabilité à travers le calcul du coefficient alpha de Cronbach a été alors réalisée sur les trois premiers items. Le résultat obtenu est de 0,9232. Les valeurs obtenues du coefficient alpha dans les dif- férentes autres combinaisons de ces items par regroupement de 3, 4 ou 5 sont de 0,40 à 0,80. Compte tenu du nombre d’items (3) et des échelles (5) utilisés, nous n’avons retenu que les items 49, 50 et 51 pour construire l’indicateur de transversalité (ITRANSVE). L’indicateur de transversa- lité cumule donc les valeurs (0 à 4) de chaque item et peut prendre des valeurs allant de « 0 » (niveau de transversalité faible) à « 12 » (niveau de transversalité important).

Pour les cent entreprises de notre échan- tillon la moyenne obtenue pour l’indicateur de transversalité (ITRANSVE) est de 6,99, avec un écart type de 2,94, un score mini- mum de « 0 » (une seule réponse) et un score maximal de « 12 » (neuf réponses).

Nous notons également une valeur modale de l’indicateur de 9 et une valeur médiane de 8.

4. Club informatique des grandes entreprises françaises.

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2. La construction des variables explicatives

Nous présentons à ce niveau les variables explicatives issues des résultats des tris à plat qui nous permettent de tester l’ampleur des changements dans les fonctions et le

degré de transversalité induit par l’intro- duction d’un PGI.

La réingénierie des processus (variable : REDE)

Item 16 « Avez-vous redéfini vos processus pour les adapter à ceux proposés par votre ERP ? »

Figure 3

DIAGRAMME DES FRÉQUENCES DE L’INDICATEUR ITRANSVE

Tableau 1

FRÉQUENCES DE LA VARIABLE REDE

REDE Complètement Largement Moyennement Faiblement Pas du tout Non-réponse Total

Fréquence 1 62 28 8 0 1 100

Tableau 2

FRÉQUENCES DE LA VARIABLE CIBL

CIBL Oui Non Total

Fréquence 61 39 100

Nous remarquons qu’environ les deux tiers des répondants ont déclaré qu’une large redéfinition des processus a été réalisée.

L’organisation cible (variable : CIBL) Item 11 « La mise en place de l’ERP était- elle précédée d’une vision d’organisation cible définie par la direction générale ? »

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Près des deux tiers des entreprises ont au préalable défini une vision organisation- nelle cible. Cette tâche était la principale préoccupation de la direction générale et elle s’est manifestée différemment d’un contexte à un autre : certaines entreprises ont fait le choix de la centralisation ou de la décentralisation de leurs structures organi-

sationnelles tout en pensant à harmoniser leurs processus.

La couverture fonctionnelle (variable : TOTMOD)

Item 2 « Quels sont les principaux modules ins- tallés? », à partir duquel nous avons calculé le nombre de modules installés (TOTMOD).

Tableau 3

FRÉQUENCES DE LA VARIABLE TOTMOD

TOTMOD 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Total

Fréquence 7 10 17 13 13 11 16 6 2 95

Au moment de l’enquête cinq entreprises n’avaient pas terminé le déploiement du PGI, ce qui explique la taille d’échantillon d’entreprises (95) testé sur cette variable (cf. tableau 4). Cette variable est distri- buée de manière relativement homogène

avec une moyenne de 4,62 modules ins- tallés.

Le mode de déploiement (variable : DEPL) Item 8 « Le déploiement de votre ERP s’est fait »

Les entreprises de notre échantillon ont opté à part égale pour l’un des deux modes de déploiement.

Les développements spécifiques (variable : DESP)

Item 37 « Pour répondre aux problèmes de gestion de votre entreprise, avez-vous opté pour des développements spécifiques ? » Tableau 4

FRÉQUENCES DE LA VARIABLE DEPL

DEPL Big-bang Progressivement Non-réponse Total

Fréquence 47 47 6 100

Tableau 5

FRÉQUENCES DE LA VARIABLE DESP

DESP Pas du tout Peu Quelques-uns Beaucoup Non-réponse Total

Fréquence 19 17 36 20 8 100

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Les entreprises ont eu globalement recours à des développements spécifiques. Cepen- dant, le degré d’utilisation de cette option est variable d’une entreprise à une autre.

3. Test des hypothèses et discussion Pour chacune des hypothèses nous avons examiné successivement :

– la liaison entre chaque variable explica- tive et la variable à expliquer ;

– les résultats obtenus sur une régression multiple ;

– les résultats obtenus sur ne régression pas à pas.

La présentation des tests statistiques vali- dant ou non les hypothèses sera illustrée par des exemples tirés des monographies que nous avons réalisées dans le cadre de notre projet de recherche DARES.

Le tableau 6 indique les corrélations entre les variables explicatives (REDE, TOT- MOD, DESP) et la variable à expliquer, l’indicateur de transversalité (ITRANSVE).

Les valeurs obtenues sont significatives à 0,01 (bilatéral). Le tableau 7 indique les résultats obtenus sur une analyse de la variance des variables explicatives (CIBL, DEPL) avec la variable à expliquer (ITRANSVE).

Tableau 6

CORRÉLATION (DE PEARSON) DE LA RÉINGÉNIERIE DES PROCESSUS, DE LA COUVERTURE FONCTIONNELLE ET DES DÉVELOPPEMENTS

SPÉCIFIQUES À L’INDICATEUR DE TRANSVERSALITÉ ITRANSVE

REDE 0,279**

TOTMOD 0,288**

DESP 0,270**

Tableau 7

ANALYSE DE LA VARIANCE DE LA VISION DE L’ORGANISATION CIBLE (CIBL) ET DU MODE DE DÉPLOIEMENT (DEPL)

AVEC L’INDICATEUR DE TRANSVERSALITÉ

Somme Moyenne

des carrés Ddl des carrés F Signification

ITRANSVE (CIBL)

Intergroupe 69,322 1 69,322 8,625 ,004

Intragroupe 787,668 98 8,037

Total 856,990 99

ITRANSVE (DEPL)

Intergroupe 58,225 1 58,225 7,245 ,008

Intragroupe 739,745 92 8,041

Total 798,000 93

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L’hypothèse H1 est validée : lorsque la direction générale définit une organisation cible, alors à travers cette définition globale de l’organisation les acteurs du projet acquièrent une vision plus transversale de l’entreprise. En effet, la direction générale décrit la vision organisationnelle cible.

Cette définition se concrétise à travers les opérations de paramétrage et c’est après, dans la phase d’exploitation du PGI, que les utilisateurs peuvent percevoir une plus grande transversalité. Le cas de l’entreprise Renault montre que l’absence d’une vision organisationnelle cible globale supportée par la direction générale a contribué à la dérive du projet et à l’absence d’une vision transversale auprès des utilisateurs du PGI.

Ce projet n’a pas constitué l’opportunité d’engager à côté de ce réingéniering infor- matique un véritable réingéniering organi- sationnel. Le PGI n’a pas été intégré dans les dispositifs d’une stratégie organisation- nelle portée par la direction générale. Ainsi, le PGI qui devait être à l’origine le SI glo- bal de l’entreprise, par l’intégration des processus comptable, achat, contrôle de gestion et RH autour d’une base de données unique, a fait l’objet d’une gestion par pro- gramme pluriannuelle dans laquelle les sous-projets ont été gérés par les respon- sables fonctionnels indépendamment des uns et des autres. Les innovations organisa- tionnelles dont le PGI est porteur à condi- tion que la direction générale se saisisse de cette opportunité, ont été sacrifiées au profit du maintien voire du renforcement du mode d’organisation hiérarchico-fonctionnelle de l’entreprise.

L’hypothèse H2 est validée : la réingénie- rie des processus favorise une vision trans- versale de l’entreprise.

Nos terrains montrent que ce qui est en jeu pour la transversalité, c’est autant le dispo- sitif d’intégration informatique la parti- cipation des différents acteurs concernés par les choix organisationnels ouverts. À titre d’exemple, l’enjeu du BPR pour une des PME étudiée était triple : restructurer ses processus, apporter de meilleures pra- tiques de fonctionnement (simplifier et optimiser) et converger vers une vision plus transversale du fonctionnement de l’entre- prise en termes d’interdépendances des actions et des flux de données. Nous sommes là plutôt en présence d’un exemple d’une stratégie d’optimisation de la gestion transversale des processus et donc des flux que d’un BPR défini comme « une tech- nique de rupture » selon Hammer et Champy (op. cit.).

Pour parvenir à ces objectifs, la composi- tion de l’équipe projet a été déterminante, le DSI a pris soin de sélectionner les membres de son équipe projet et continue encore aujourd’hui à s’appuyer sur eux pour garan- tir le bon fonctionnement du PGI et le faire évoluer. Les critères de sélection ont été : – leur bonne connaissance du métier de l’entreprise et leur expertise du domaine fonctionnel. Cela permet de s’assurer de la connaissance de l’implication des relations d’interdépendances entre les fonctions, – leur ancienneté garantit à la fois la bonne connaissance du fonctionnement de l’entre- prise et l’existence de relations person- nelles au sein de l’entreprise sur lesquelles les personnes pourront s’appuyer,

– leur aptitude à dialoguer avec d’autres fonctions et à partager l’information.

À souligner que la position hiérarchique n’a pas été un critère de sélection.

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Dans ce projet l’accent a été mis sur les échanges horizontaux à travers la distribu- tion des informations, saisies à un seul endroit, auprès des acteurs identifiés. Ce projet a constitué l’opportunité, d’une part, d’une mise à plat de l’organisation et des pratiques de gestion de l’entreprise et, d’autre part, de mettre de l’ordre dans les échanges entre les services. Nous pouvons observer qu’au niveau du bureau des études, aucun membre ne répondait à l’en- semble des critères si ce n’est l’ancienneté et le métier mais leur capacité à dialoguer avec d’autres fonctions, notamment les fonctions supports, était nulle. Par défaut, le responsable du BE a été néanmoins retenu comme représentant de cette fonction.

Cependant, l’appropriation de l’ERP et de sa logique transversale au niveau de cette fonction a posé par la suite d’importants problèmes qui ont été par la suite surmontés grâce au recrutement d’un ingénieur d’étude possédant une compétence PGI et donc sensibilisé à la logique d’interdépen- dance fonctionnelle.

L’hypothèse H3 est validée : plus le nombre de modules installés est important et plus la vision des utilisateurs est trans- versale.

Dans le cas des Salins du Midi, l’implanta- tion de la quasi-totalité des modules a per- mis aux utilisateurs, grâce à la mobilisation d’utilisateurs-clés et après un processus de formation des utilisateurs, d’avoir une meilleure vision des flux d’interdépendance véhiculés par le PGI (séquentielle, en pool et réciproque, Geffroy-Maronnat, 2002), favorisant in fineune vision plus transver- sale du flux d’activité. Par exemple, un uti- lisateur du module logistique consulte désormais facilement les états des stocks des produits dans le système SAP, sans faire

appel aux services de la production, pour savoir s’il est en mesure de répondre ou non aux commandes passées par les clients.

Cette opération transversale était impos- sible dans l’ancien système et mobilisait plus de deux personnes. Nous avons noté aussi, lors des différentes études de cas, que cette vision transversale se traduit par une vigilance accrue des utilisateurs renforcée par la traçabilité véhiculée par le PGI. L’ac- cessibilité et la traçabilité de l’information apportées par le PGI offrent l’opportunité aux utilisateurs, s’ils le veulent, d’ouvrir la boîte noire de l’organisation.

L’hypothèse H4 est validée : un mode de déploiement big-bang(rapide) favorise une vision plus transversale.

Ce constat est très clair quand on compare les changements produits chez Renault et les Salins du Midi. En optant pour un mode de déploiement big-bang, les Salins du Midi ont marqué, après 18 mois de projet, l’arrivée et l’officialisation de la nouvelle organisation.

En revanche, une mise place progressive de 3 modules de SAP par Renault, un projet qui a démarré depuis 1998, n’a pas produit les changements attendus et a eu comme effet une déstabilisation de l’organisation qui continue à ce jour de bricoler ses processus et structures locaux. Un choix de déploie- ment progressif pluriannuel peut dénaturer tout intérêt d’une intégration s’il n’y a pas un suivi global et une gestion en mode de pro- jet. Dans ce cas deux dangers coexistent, d’une part, un moindre effort, de la part de la direction générale, pour clarifier les objectifs poursuivis et, d’autre part, une mobilisation autour du projet n’offrant plus/ou pas un espace de discussion. Tout l’enjeu d’une stratégie de déploiement progressive réside dans l’épreuve du temps: comment faire évoluer le périmètre du projet, entretenir

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entre les acteurs des équipes projet la confrontation des points de vue et la coopé- ration. L’émergence de la transversalité ne peut se résumer à l’addition de contributions locales et fonctionnelles. Elle est le résultat de la mise en œuvre d’une logique transverse du projet. Cette problématique de la stratégie du déploiement se pose pour les grandes entreprises avec d’autant plus d’acuité qu’elles se trouvent engagées dans des pro- jets de mise en place de PGI pluriannuels. Or compte tenu de la taille des projets et des contraintes associées, elles ne peuvent pas prendre le risque d’un déploiement big-bang.

L’hypothèse H5 n’est pas validée : les développements spécifiques ne constituent pas un frein à une vision transversale.

Le sens positif de la corrélation entre la variable et l’indicateur de transversalité est inattendu et contraire à notre hypothèse de départ.

Deux explications de ce résultat inattendu peuvent être avancées. D’après les DSI et chefs de projet interviewés à l’occasion de la réalisation des monographies, les utilisa- teurs ne font pas de différence entre les applications spécifiques et les modules standards du PGI. Pour eux les développe- ments spécifiques sont « transparents » et font partie d’un système d’information commun. Ensuite, il se pourrait qu’une interprétation large du terme « développe- ments spécifiques » ait été faite par les répondants. Cette interprétation large com- prendrait alors tous les développements hors modules PGI : incluant à la fois des développements réellement spécifiques, mais aussi des interfaces avec les autres composantes du système d’information, autre que le PGI. Dans ce dernier cas, il y a amélioration de la transversalité informa-

tionnelle et donc une corrélation positive entre les développements spécifiques et ITRANSVE. Une corrélation significative de 0,277 entre la variable DESP et la variable modification de la répartition des tâches entre les services semble corroborer notre argumentation.

Les résultats précédents montrent que l’en- semble des hypothèses concernant la trans- versalité est validé à l’exception de celle relative aux développements spécifiques. À ce stade de l’analyse, il est intéressant d’identifier quels sont les principaux fac- teurs contribuant au changement des repré- sentations (ITRANSVE). Dans cette pers- pective, nous avons tout d’abord effectué une régression multiple en utilisant les variables TOTMOD (couverture fonction- nelle), DEPL (mode de déploiement), REDE (réingénierie des processus), et CIBL (vision d’une organisation cible). Nous avons obtenu R2ajusté de 0,163 (signification, 00).

Afin de prendre en compte les liaisons entres les différentes variables explicatives nous avons ensuite réalisé une régression pas à pas; les deux étapes du modèle ont conduit à l’exclusion de deux variables explicatives:

la réingénierie des processus (REDE) et le mode de déploiement (DEPL). Le R2ajusté

= 0,146 est significatif à, 001.

Ainsi, il apparaît que plus le nombre de modules installés est important, avec une définition de la vision de l’organisation cible par la direction générale, plus la vision transversale des utilisateurs est potentiellement importante.

Ce résultat doit conduire à sensibiliser les entreprises sur l’enjeu du périmètre fonc- tionnel couvert par leur PGI et la nécessité pour la direction générale de clarifier ses objectifs et ses choix organisationnels.

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CONCLUSION

Toutes nos hypothèses portant sur la trans- versalité sont validées sauf celle portant sur les développements spécifiques. Cepen- dant, lorsqu’on passe à une régression pas à pas, seules la couverture fonctionnelle et la définition d’une organisation cible contri- buent au développement d’une vision trans- versale de l’entreprise.

Ainsi, il ressort des tests que la couverture fonctionnelle et la définition de l’organisa- tion cible constituent des facteurs qui devraient être pris en compte dans les recherches en systèmes d’information et, en particulier, par celles qui cherchent à com- prendre le changement.

Un autre apport de cette recherche concerne l’exploration du concept et de la mesure de la transversalité. Du point de vue des mesures, la proximité des notions traitées dans le questionnaire pouvait induire de la part du répondant des réponses partielle- ment dépendantes voire auto-corrélées.

Pour palier ce type de distorsions, nous n’avons retenu, lors de la construction de l’indicateur de transversalité, que les items dont les coefficients alpha de Cronbach minimisaient ce type de biais (coefficients supérieurs à 0,9).

Ces contributions et ces résultats appellent, néanmoins, des approfondissements sur dif- férents points :

– L’objet des développements spécifiques devrait être investigué afin de ne pas être réduit à spéculer sur leurs finalités à partir des observations sur nos cas.

– La transversalité traitée dans cette recherche du point de vue d’un seul acteur mérite d’être approfondie à partir du point de vue de plusieurs acteurs dans une même

entreprise. En effet, la transversalité n’est pas une donnée qui s’impose aux utilisa- teurs avec l’implantation d’un ERP. Elle relève d’un processus d’émergence et de transformations des représentations au cours du projet (Marciniak, Rowe, 2005) qu’il convient d’analyser. À cet égard, nos résultats soulignent l’impact de certains facteurs liés au cycle de vie d’un projet PGI sur l’établissement d’une vision plus trans- versale de la gestion de l’activité. À partir de nos résultats, nous pouvons observer que la transversalité est liée à des choix décisifs pris en amont du projet. Il est donc perti- nent de tester la perception des acteurs-clés du projet puisqu’ils sont à la fois acteurs et potentiellement vecteurs de la diffusion d’une vision plus transversale.

– Enfin, ces résultats ouvrent surtout de nombreuses perspectives de recherche dans cette direction peu explorée jusqu’à pré- sent. Comme nous venons de le souligner la vision transversale n’est pas directement et automatiquement apportée par le PGI. Au- delà de l’identification des facteurs contri- buant à l’émergence d’une vision plus transversale des activités de l’organisation, il nous semble important d’examiner com- ment les actions et les modalités sont menées tout au long du projet afin que les utilisateurs s’approprient une vision trans- versale dans leur pratique de travail. Sur cet aspect, il nous semblerait intéressant d’ana- lyser deux vecteurs de la vision transver- sale : le capital social déployé dans les pro- jets PGI (composition des équipes projet, les réseaux sociaux) et les modalités d’ap- prentissage organisationnel (processus de formation, le rôle des centres de compé- tences, communication).

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