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Aurais-je l’envie et la vigueur ?

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Aurais-je l'envie et la vigueur ?

LUTHY, Christophe

LUTHY, Christophe. Aurais-je l'envie et la vigueur ? Revue médicale suisse , 2016, vol. 12, no.

514, p. 763

PMID : 27263154

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:89217

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ActuAlité

www.revmed.ch

13 avril 2016

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l’enregistrement par l’officier d’état civil) n’est imposée que dans un décret du 28 mars 1960, soit presque 200 ans après le vote de l’article 77 du Code civil en 1792 qui fixait le rôle de l’officier d’état civil. Au Royaume- Uni, le Collège royal de mé de cine, en 1976, définira la mort officielle par celle du tronc cérébral. Puis c’est le con cept de « mort encéphalique » qui sera entériné de fait par une loi du 22 décembre 1976, dite loi Cail- lavet, qui établissait la base légale des pré- lèvements d’organes. Définition qui ne sera toutefois confirmée que vingt ans plus tard par un décret du 2 décembre 1996.

Il faut lire l’article, passionnant, de La

1 venter Jc, Hutchinson cA, chuang rY, et al. design and synthesis of a minimal bacterial genome.science 2016;351 : aad6253.

2 tenaillon A. Quand est-on mort ? : toujours des débats ! rev Prat 2016;66:259-64.

3 mollaret P, Goulon m. le coma dépassé. mémoire préliminaire. rev neurol (Paris) 1959;101:3-15.

4 Bichat x. recherches physiologiques sur la vie et sur la mort. Paris : fortin, 1844.

Revue du praticien pour prendre la mesure de l’hétérogénéité des dispositions en vigueur selon les périodes et les pays.

Prendre la mesure, aussi, de la persistance dans l’opinion du doute né du caractère invisible de la mort « qui, chez ces sujets au teint rose et respirant grâce au respira- teur, ne peut être affirmée que par un spé- cialiste et en recourant à des moyens tech- niques, dont aucun ne fait figure de procédé unique, simple et fiable ». « L’enjeu n’est plus celui de l’inhumation prématurée comme au XIXe siècle, écrit Alain Tenaillon. Il est celui d’un arrêt prématuré des soins et donc d’une perte de chance, voire d’un prélève-

ment d’organes abusif. »

« La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort » a écrit le grand Marie François Xavier Bichat (1771-1802).4 Bichat est mort à 30 ans d’une fièvre ty- phoïde. Que sera la mort quand l’homme aura créé la vie ?

aurais-Je L’envie et La vigueur ?

C’était une grande femme maigre et osseuse de cinquante ans. Elle était vêtue de la chemise de l’hôpital. Le long de ses bras nus ponctués d’hématomes ruisselaient des veines épaisses. Elle avait des doigts noueux aux ongles sales.

Ses cheveux noirs dessinaient une tache sur l’oreiller bleu pâle. Elle avait un regard noir et brillant qu’elle biaisait immanquablement lorsque je m’approchais d’elle. Elle ne s’adressait jamais à quiconque sans cacher ses mains sous les draps ou sous ses cuisses. Tout en elle évoquait la solitude et les tourments qu’elle endurait. Les années de misère de son existence et l’alcool en excès étaient ainsi parvenus à effacer la substance vitale de son corps.

Elle était hospitalisée car elle pré- sentait une dépendance à l’alcool et la récidive d’une hépatite alcoo- lique sévère. Son problème princi- pal pouvait se résumer par le fait qu’elle était porteuse d’un foie qui ne supportait plus l’alcool et qu’elle ne savait pas retenir son envie de

boire parce qu’elle ne supportait pas sa vie. Qu’aurait-elle eu à gagner en s’arrêtant de boire ? Une meilleure santé contre la joie de vivre ? Certainement pas. Le fait qu’on lui parle de sa santé ne contribuait d’ailleurs peut-être qu’à redoubler son envie d’alcool car elle buvait pour oublier, pour ne plus avoir peur, pour se sentir plus forte et moins seule.

C’est parce qu’elle ne tenait plus debout qu’elle a été adressée à l’hôpital. Elle ne mangeait plus depuis des semaines, elle buvait.

En acceptant son admission, elle avait donc également accepté d’interrompre ses intoxications.

Dans le service, on a pris en charge son hépatite. On lui a permis de s’alimenter. On s’est assuré de la réussite du sevrage de l’alcool.

C’était une malade docile. Elle se laissait faire. Elle acceptait toutes les propositions de l’équipe.

Certains malades se plaignent que les médecins ne disent rien. Elle, elle ne demandait rien même lorsqu’on l’interrogeait. Elle laissait les soignants dans le confort de leurs pratiques. L’évolution était favorable après quelques jours.

Le fait qu’il s’agissait de la quatrième hospitalisation pour les mêmes motifs indiquait bien la spirale destructrice dans laquelle cette malade était prise. Aucun soutien extérieur ne parvenait à influencer ses prises de boisson. A l’hôpital en particulier, nombreux étaient ceux qui lui rappelaient qu’elle risquait de mourir rapidement si elle continuait ainsi. De son côté, passivement, elle affirmait qu’elle avait compris cette fois-ci, qu’elle voulait guérir, qu’elle souhaitait reprendre un travail et récupérer

sa fille. Elle prétendait en particulier que tout irait mieux si ces deux dernières conditions étaient réalisées car c’est parce qu’elle se sentait abandonnée qu’elle buvait.

Evidemment, l’hôpital était en mesure de s’occuper de ses cellules hépatiques et de peupler transitoi- rement son désert affectif mais il se révélait à chaque fois incapable de soigner son être et de modifier les conditions de sa vie.

Puisque chacun sait qu’on ne peut se permettre de rater un diagnostic à l’hôpital, divers hépatologues et des psychiatres ont été consultés.

Le réseau de soins ambulatoires a renouvelé ses services. L’équipe sociale a œuvré pour assurer la pé- rennité des prestations financières.

Toutefois, depuis ces années où elle était au bénéfice d’aides diverses, le minimum que ces appuis lui procuraient contribuait aussi à sa passivité et à son isolement car tout changement de sa situation risquait de lui faire perdre le peu qu’elle avait. Les thérapeutes ne pouvaient eux aussi que ressentir de l’impuissance face à cette évolution.

Comment s’occuper d’une telle malade de façon pertinente à

l’hôpital ? L’accueillir ; la nourrir ; lui proposer des médicaments ; lui accorder un temps de répit ; s’intéresser à son passé et aux conditions de sa vie actuelle ; l’aider à repérer ses ambivalences, ses rêves chimériques et les inten- tions qui ne dépassent pas le stade des bonnes résolutions ; aborder inlassablement les sujets des appuis psychosociaux et de la coordination avec le réseau de soins ; accepter d’organiser une sortie de l’hôpital ou de laisser la malade s’éloigner tout en sachant qu’il s’agira bientôt de l’accueillir à nouveau. En plus de cette liste, j’insiste sur l’importance de par- venir à se faire aider en tant que thérapeute. Ceci afin de conserver son énergie et de bonnes disposi- tions pour prévenir le rejet. Se préoccuper de la vie de ceux qui n’ont plus les ressources pour la modifier nécessite des qualités particulières. Dans mon expérience, la conscience de l’importance des forces de vie du thérapeute et de l’entretien actif de ces forces de vie constitue des contrepoids indispensables pour investir ces situations.

Carte blanChe

Dr Christophe Luthy

Département de médecine interne, réhabilitation et gériatrie HUG, 1211 Genève 14

christophe.luthy@hcuge.ch

D.R.

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