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Le nouveau Musée d'ethnographie, l'Université, la Cité et le Monde
GALLAY, Alain
GALLAY, Alain. Le nouveau Musée d'ethnographie, l'Université, la Cité et le Monde. Bulletin du Centre genevois d'anthropologie , 2003, no. 6, p. 111
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Il. POUR LE NOUVEAU MUSÉE D'ETHNOGRAPHIE DE GENÈVE
Le nouveau Musée d'ethnographie, l'Université, la Cité et le Monde
Au moment où les nouveaux moyens de communications et l'économie triomphante font tomber les dernières barrières de l'isolement, au moment où les peuples, saisis d'inquiétude et désorientés, se tournent vers leurs racines pour tenter de survivre, peut-être y a-t-il pour la Genève internationale une certaine urgence à poser cette question: pourquoi les diver- ses cultures sont-elles à la fois si différentes et si semblables, pourquoi communions et créations peuvent-elles se transformer si rapidement en affrontements et en destructions?
Le nouveau Musée d'ethnographie peut contribuer à cette réflexion. On a beaucoup parlé d'argent, de circulation auto- mobile, de parking. On a évoqué un coût exorbitant, alors que le financement de l'opération est amplement acquis. On a stig- matisé un projet tout à la fois trop grand et trop petit. Peut-être est-il temps d'aller au fond des choses.
Le nouveau Musée, conçu dans la concertation et largement approuvé par le Conseil municipal, sera un superbe instrument culturel. Ce dernier abritera également le Département d'anthropologie et d'écologie de l'Université. Ce pont lancé entre la recherche, l'enseignement et un organisme ouvert sur le monde n'a, dans les récents débats, guère fait l'objet d'attention.
Il est de notre devoir aujourd'hui de rappeler ce que l'on y fait.
Depuis de nombreuses années, les chercheurs et les ensei- gnants, au carrefour des sciences de la nature et des sciences de l'homme, réfléchissent sur les questions que nous évoquions, sur la diversité biologique de l'homme, mais aussi, au delà, sur ces pseudo catégories appelées 11races11, sur la fondamentale unité de ce bipède à la fois génial et terrifiant, surgi de la forêt il y a quelques millions d'années. Les scien- tifiques se sont donné aujourd'hui les moyens, en Europe et dans des continents comme l'Afrique, d'approcher les méca- nismes historiques de la diversité des cultures et des hommes. Ces dernières années, grâce à l'hospitalité offerte par le Muséum d'histoire naturelle et à sa collaboration, des expositions ont à plusieurs reprises prolongé ces travaux et rencontré de grands succès. Elles pourront connaître à l'ave- nir un nouvel essor.
L'heure est aux passerelles Sciences-Cité. L'universitaire doit sortir de sa tour d'ivoire et aller au devant du public afin de lui expliquer, à juste titre, pourquoi on le paie. Le nouveau Musée constitue un instrument exceptionnel pour une telle politique.
Genève peut-elle seulement se contenter de beaux discours et inviter scientifiques et professeurs à aller au devant de la Cité et à descendre dans la rue en leur refusant les instruments de dialogue et d'ouverture auxquels ils ont longuement travaillé?
Elle est aujourd'hui au pied du mur.
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BULLETIN DU CENTRE .-- GENEVOIS D'ANTHROPOLOGIE L;
Nous retrouverons dans ce nouveau bâtiment, à nouveau réunies, les diverses bibliothèques créées par le Professeur Eugène Pittard, fondateur des deux institutions municipale et univer- sitaire, disponibles pour un public élargi. La proximité des trois musées facilitera les collaborations qui, depuis longtemps, se sont nouées entre l'Université et le Musée d'Art et d'Histoire pour la préhistoire et l'archéologie, entre l'Université et le Muséum pour l'étude de l'environnement naturel, passé et présent. Les salles d'expositions et de conférences du nouveau Musée pour- ront offrir à l'Université, qui contribue financièrement à l'opération, une vitrine exceptionnelle.
Personne, parmi les opposants du projet, n'a jamais osé contes- ter l'importance humaniste du projet. Et pourtant ... En cherchant à saborder par tous les moyens le nouveau musée, ces derniers se font les alliés objectifs du repli sur soi, de l'obscurantisme, d'un manque consternant d'audace et de vision à long terme. Certains membres des partis officiellement opposés au projet ne s'y sont pas trompés. L'unanimité est, en leur sein, loin d'être acquise.
Les habitants de Genève auront donc à se positionner. L'alternative est simple: soutenir la réalisation d'un magnifique outil de réflexion et d'ouverture ou bien ... rien. Rien; cette médiocrité est insou- tenable. On attend mieux de Genève.
Alain Gallay
Directeur du Dpt d'anthropologie et d'écologie de l'Université (La Tribune de Genève, 5-6 mai 2001)