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Diagnostiquer et annoncer une démence : quels risques, quels bénéfices ?

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F. J. Holzer F. Assal A. Laszlo

J.-M. Annoni

introduction

Vers l’âge de 70 ans, 70% des patients se plaignent d’un affai­

blissement de leur mémoire ou de leurs fonctions intellec­

tuelles. Bien que très peu spécifique, cette plainte est prise au sérieux par le médecin de premier recours ; en effet, les études épidémiolo­

giques ont montré que l’incidence des démences, dont le coût par personne dé­

passe CHF 50 000.–,1 progresse de 1% à 65 ans à 14% à 85 ans,2 et qu’une plainte mnésique est associée à un doublement du risque de développer une démence.3 Face à cette situation, le médecin doit choisir une attitude adéquate entre deux extrêmes : investiguer prématurément, avec une plus grande probabilité de se tromper, ou une expectative excessive qui risque de laisser passer le moment opportun pour l’annonce, soit celui où le patient dispose encore de son entière capacité de discernement, indispensable pour pouvoir valablement formuler des directives anticipées et prendre des mesures d’ordre juridique.

Le praticien dispose, en plus de son savoir clinique, de plusieurs outils sim­

ples, utilisables au cabinet, pour dépister et diagnostiquer la présence d’une dé­

mence : des critères diagnostiques (tableau 1), le Minimental state examination (MMSE, sensibilité de 85,1%, et spécificité de 85,5% en milieu communautaire),4 le test de la montre, l’évaluation des activités instrumentales de la vie quoti­

dienne (sensibilité 77,2 à 90%/spécificité 67,9 à 90% selon les cut-off) et l’anamnèse avec des proches du patient. Malgré la disponibilité de ces instruments, la dé­

mence n’est souvent pas diagnostiquée, surtout en début d’évolution. Selon cer­

tains auteurs, seuls 23% des démences et moins de 5% des troubles cognitifs lé­

gers (TCL) sont identifiés.5

De plus, le diagnostic différentiel étiologique s’est complexifié 6 et varie selon l’origine des cohortes étudiées (patients vivant dans la communauté ou référés à une consultation spécialisée). La plupart des recommandations préconisent donc un diagnostic précoce basé sur un plan d’investigations extensif (voir ci­après) et une information adéquate au patient.7,8 Pourtant, seuls 15 à 39% des patients Risk and benefits of disclosing a diagnosis

of dementia

While dementias represent an important pro­

blem of social health, they remained under­

diagnosed. Data from the literature suggests that only 30% of cognitive impairment are de­

tected and correctly evaluated, while most of the patient (up to 90%) and caregivers (up to 70­80%) ask for a precise diagnosis. Proper evaluation increase diagnostic accuracy from 30% to 80% but 20% of diagnoses remains inexact. Diagnostic disclosure seems to have a positive impact on patient’s affective symp­

toms but is associated to an increase of sui­

cide during the following 3 months, and thus must be a progressive and controlled pro­

cess. Accompanying a patient in this process necessitates complexes competencies from the primary care physician. Difficulties rela­

ted to this disclosure are counterbalanced by benefits for both patient and families.

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 1130-4

Alors que les démences représentent un enjeu majeur de santé publique, elles restent sous-diagnostiquées. Les données de la littérature suggèrent que : a) seul un tiers des troubles co- gnitifs sont reconnus et évalués selon les directives des ex- perts ; b) la plupart des patients (jusqu’à 90%) et l’entourage (jusqu’à 70-80%) souhaitent un diagnostic plus précis ; c) le bi- lan extensif permet d’améliorer la précision diagnostique de 30 à 80% environ, mais il reste 20% de diagnostics inexacts et d) l’annonce diagnostique semble avoir un impact positif sur l’intensité des troubles dépressifs des patients, mais est asso- ciée à une augmentation des suicides dans les trois mois. Celle- ci doit donc être un processus progressif et contrôlé. Accompa- gner un patient dans la démarche diagnostique d’une démence exige une disponibilité et des compétences complexes de la part du médecin de premier recours. Les difficultés liées à l’an- nonce du diagnostic sont contrebalancées par des bénéfices à long terme, tant pour les malades que pour leur entourage.

Diagnostiquer et annoncer une démence : quels risques,

quels bénéfices ?

mise au point

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connaissent leur diagnostic. Pour le reste des patients, il n’est soit pas posé, soit pas communiqué.

bilan étiologique

Recommandations des experts

La maladie d’Alzheimer (42% des autopsies dans une cohorte de patients), la démence vasculaire (23%) et les formes mixtes (21%) sont de très loin les causes les plus fréquentes de démence, environ 15% étant d’autres étiolo­

gies,9 à savoir la dégénérescence lobaire frontotemporale, la démence à corps de Lewy, la maladie à prions, l’hydro­

céphalie à pression normale, les pathologies inflamma­

toires, paranéoplasiques ou toxiques. Ce diagnostic diffé­

rentiel impose un bilan étiologique complet. Toutefois, les données montrent que ce bilan n’est effectué, en pratique courante, que chez la moitié des patients avec un diagnos­

tic de démence selon le DSM­IV. Des données de la litté­

rature suggèrent même que, chez les patients qui ne sont pas investigués de manière adéquate, le diagnostic correct n’est posé que dans 35% des cas.10

Selon les recommandations nationales 7 et internatio­

nales, le médecin traitant est amené à faire un dépistage à l’aide d’instruments validés 4 en cas de suspicion de trou­

bles cognitifs ou du comportement, de demande explicite du patient ou de ses proches. Il évalue également l’impact sur les activités de la vie quotidienne (activités de base et instrumentales), sans oublier l’aptitude à la conduite de véhicules motorisés. Si nécessaire, il initie une prise en charge interdisciplinaire comprenant une consultation neu­

rologique ou psychogériatrique et un examen neuropsy­

chologique. Les examens paracliniques sont à réaliser se­

lon les recommandations rapportées dans le tableau 2.

Ce bilan, même s’il est contraignant pour des patients âgés, voire très âgés et fragiles, ainsi que pour leur entou­

rage, doit permettre un diagnostic précis, une information et un suivi pertinents, du patient et des proches. Toutefois, comme déjà évoqué, il n’est pas réalisé dans un bon nom­

bre de cas. Selon Bamford,11 les raisons de ces comporte­

ments peuvent être résumées comme suit : a) structurelles

(manque d’habitude des bilans cognitifs, difficultés à orga­

niser un bilan complet) ; b) liées à une attitude négative face au bilan (peu de confiance dans son utilité) ; c) en rap­

port avec la relation avec le patient et l’entourage (difficultés à comprendre le diagnostic ou au contraire, état dépressif lié au diagnostic) ; d) liées à l’attitude face à la démence (stigmatisation sociale du patient, poids supplémentaire pour l’entourage) et e) en lien avec l’absence de bénéfice des traitements disponibles.

Efficacité diagnostique du bilan

Le diagnostic de démence de type Alzheimer (DTA) dans une consultation spécialisée, avec évaluation neuropsycho­

logique et bilan, a une précision d’environ 80­90%,12,13 ce qui signifie qu’environ 10 à 20% des patients sont diagnos­

tiqués DTA alors qu’ils ne le sont pas. La neuro­imagerie permet dans 10 à 15% des cas de modifier ou d’améliorer le diagnostic.14 Les praticiens peuvent donc se montrer ré­

A. Apparition de déficits cognitifs multiples, comme en témoigne à la fois : 1. Une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles et/ou à se rappeler les informations apprises antérieurement)

2. Une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes : a. Aphasie : perturbation du langage (difficulté à nommer des objets ou des personnes, un discours vague avec de longues circonvolu- tions et une utilisation excessive de mots imprécis comme «chose» et «ça»)

b. Apraxie : altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes (les sujets ne peuvent imiter des gestes comme de se coiffer ou exécuter correctement des gestes symboliques comme faire un au revoir de la main.

L’apraxie peut conduire à l’impossibilité de tâches d’autonomie essentielles, s’habiller, etc.)

c. Agnosie : impossibilité de reconnaître ou d’identifier des objets malgré des fonctions sensorielles intactes (des objets, des membres de leur famille ou encore leur propre image dans le miroir)

d. Perturbation des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite)

B. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 sont tous les deux à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonc- tionnement antérieur

C. Mise en évidence, d’après l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les examens complémentaires, que la perturbation est la consé- quence physiologique directe de l’une des affections médicales générales figurant sur la liste suivante : VIH, traumatisme cranio- cérébral, Parkinson, Huntington, Creutzfeldt Jakob, affection médicale générale, cause non spécifiée

D. Les déficits ne surviennent pas exclusivement au cours de l’évolution d’un delirium

Tableau 1. Critères du DSM-IV 40 pour un diagnostic de démence

• Mini mental state examination et test de la montre

• Questionnaire aux informants (proches du patient) sur le déclin cognitif (iq-code)

• Etablissement de la gravité de la démence

• Anamnèse effectuée auprès des proches

• Status clinique, y compris status psychologique et neurologique

• Examens psychiatrique et neuropsychologique

• Examens de laboratoire : vitesse de sédimentation, formule sanguine complète, fonctions hépatiques (ASAT, ALAT, gamma-gt, phosphatases alcalines), fonctions rénales (créatinine, urée) électrolytes (na, k, ca), glucose ou hémoglobine glyquée (HbA1c), vitamine B12, folates, TSH, sérologie syphilis (VDRL ou TPHA), sérologie VIH

• Imagerie : CT-scan et IRM : un CT-scan ou une IRM cérébrale ; si normale, le diagnostic précoce pourra être amélioré à l’avenir par le recours à des mesures de volumétrie hippocampique (IRM)

• Examens complémentaires dans des cas particuliers : liquide céphalorachidien (lcr). Electroencéphalogramme (EEG). Imagerie fonctionnelle par tomographie à émission de positons (PET) ou la tomographie computérisée à émission de simple photon (SPECT).

Analyses génétiques

Tableau 2. Démarche à suivre pour le bilan de dépistage et caractérisation de démence

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ticents à établir un diagnostic de maladie grave et lourd de conséquences, alors que la littérature spécialisée montre qu’ils peuvent se tromper. A noter cependant que ces faux positifs concernent surtout d’autres formes de démence également non curables (par exemple : démences mixtes ou frontales vs DTA). L’évaluation neuropsychologique per­

met de différencier avec de bonnes sensibilité et spécifi­

cité (96 et 100%) une maladie d’Alzheimer d’une dépres­

sion.15 A l’autre extrême, le risque de manquer le diagnostic d’une démence concerne surtout les formes peu sympto­

matiques ou un trouble cognitif léger (TLC). Le concept de TCL (MCI : mild cognitive impairment dans la littérature anglo­

saxonne) permet de définir un stade où les critères d’une démence ne sont pas remplis, mais les troubles sortent du cadre de déficits encore normaux pour l’âge. Le diagnostic d’une hydrocéphalie à pression normale (HPN) peut s’avé­

rer faux (faux négatif) en présence d’une DTA sous­jacente.

Une étude récente16 a vérifié à l’autopsie les diagnostics cliniques d’HPN, corrélée à la réponse au shunt. Les résul­

tats montrent qu’une majorité des patients chez qui la dé­

rivation était inefficace présentait en fait une DTA et qu’une évaluation clinique plus précise aurait permis souvent de prévoir le diagnostic. En résumé, le bilan extensif tel que proposé par le consensus suisse permet d’améliorer la pré­

cision diagnostique de 30 à 80% selon la population cible.7

Faut-il réaliser le bilan et communiquer le diagnostic en l’absence d’une demande explicite de la part du patient ?

La question est débattue, et récemment plusieurs voix expertes se sont élevées contre un diagnostic posé trop fa­

cilement ou contre une démarche diagnostique initiée sans l’accord du patient,17 cela d’autant plus que 25 à 75% des patients sont peu conscients de leurs difficultés.18 En éthi­

que clinique, le patient a le droit de connaître ou d’ignorer son diagnostic, et à une communication adaptée à ses ca­

pacités de compréhension. En cours d’évolution, les dé­

mences peuvent altérer la nosognosie du malade ; ainsi, les patients atteints d’une DTA sont conscients de leurs déficits au début de leur maladie, puis deviennent anoso­

gnosiques quand cette dernière progresse. Les patients atteints d’une démence frontotemporale (DFT), quant à eux, ne reconnaissent pas leurs troubles (cognitifs et sur­

tout comportementaux) déjà en début d’évolution. A relever que 92% des patients désirent connaître la cause de leurs symptômes.11 69% souhaitent un diagnostic précis, par exemple «maladie d’Alzheimer». Cependant, dans la re­

vue de Robinson,19 on note : «The majority of people with dementia wish to be told their diagnosis ; however the term

"Alzheimer’s disease" would appear to have more negative connotations than the term "dementia".» (La majorité des patients atteints de démence souhaitent connaître leur diag­

nostic, cependant le terme «maladie d’Alzheimer» sem ble avoir plus de connotations négatives que le terme «dé­

mence».)

Robinson et coll. répertorient trois études qui montrent que les proches, en charge de ces malades, souhaiteraient être informés s’ils venaient à développer à leur tour une démence. Curieusement, ces mêmes personnes ne sont pas aussi unanimes pour l’annonce du diagnostic au ma­

lade. Deux études de 2005 montrent un taux de 43%, res­

pectivement 76% des proches, en faveur de l’annonce. Une même tendance est retrouvée parmi les médecins. En l’ab­

sence d’une demande explicite du patient, deux situations sont possibles : dans la première, le patient est nosogno­

sique et a sa capacité de discernement ; s’il n’a pas explici­

tement demandé à savoir, son souhait doit être respecté.20 Dans la deuxième, le patient est anosognosique et sans ca­

pacité de discernement,21 des mesures de protection du patient et de son entourage s’imposent et ne peuvent être mises en place qu’une fois le diagnostic posé (par exemple : interdiction de conduire, tutelle, curatelle de soins, etc.).

annonce dudiagnostic

Effet négatif de l’annonce du diagnostic sur le patient : dépression et tentatives de suicide

Afin d’évaluer les conséquences psychiques dans les trois mois qui suivent l’annonce du diagnostic, Carpenter et coll. publient en 2008 une étude 22 portant sur 90 bi­

nômes (patient et proche) qui consultent pour une évalua­

tion des fonctions cognitives. Les participants ne sont pas mis au courant du stade, mais uniquement de la présence (31% des binômes) ou de l’absence de démence (69% des binômes). Les résultats montrent que les symptômes d’an­

goisse et de dépression restent stables, voire diminuent discrètement après l’annonce. Le degré de démence (très légère ou légère), l’âge, le sexe et l’éducation n’ont pas d’ef­

fet significatif. Les auteurs concluent que le médecin peut poser et annoncer le diagnostic de démence sans crainte de réactions émotionnelles délétères chez la plupart des personnes souffrant d’une démence à un stade précoce.

Toutefois, selon une étude épidémiologique danoise,23 la démence est associée de manière générale à un risque de suicide augmenté, en particulier chez les patients de moins de 70 ans (risque relatif de huit fois), et dans les trois mois qui suivent le diagnostic (20% des décès par sui­

cide ont lieu pendant cette période). Chez les patients de plus de 70 ans, le risque est toujours trois fois plus élevé même en contrôlant les troubles de l’humeur, en particulier chez les hommes. Une récente méta­analyse confirme ce risque,24 avec un odd ratio de 1,5 comparé à une popula­

tion de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou d’une insuffisance cardiaque.25

Ces données, à première vue inquiétantes, nécessitent une pondération. D’une part, chez 65% de ces patients le diagnostic a été posé durant une hospitalisation pour rai­

son psychiatrique, la question de l’importance des comor­

bidités psychiatriques reste ouverte. Le suivi après le diag­

nostic n’est pas connu non plus – il s’agit d’un registre.

Quelques travaux ont montré une augmentation relative de plaques séniles et dégénérescences neurofibrillaires chez des suicidés âgés, suggérant que la présence de marqueurs de la maladie puisse être un facteur de risque, indépen­

damment de l’annonce diagnostique.26 Cependant, il sem­

ble surtout que ce soit la période postdiagnostique qui soit à risque.27

Le risque de suicide nécessite un suivi régulier du pa­

tient et de son entourage afin de permettre au patient d’ex­

primer son désarroi et de dépister des signes d’alarme,

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d’autant plus que les indicateurs de suicide semblent moins fiables dans ces pathologies.28 Retarder l’annonce diagnos­

tique jusqu’à une phase avancée de la maladie simple­

ment pour éviter un passage à l’acte pourrait être considéré comme une forme de paternalisme médical ou un compor­

tement d’évitement de la part du médecin.

Effet négatif de l’annonce du diagnostic sur l’entourage personnel

Les difficultés que rencontrent les patients déments commencent bien avant le diagnostic et sont souvent à l’ori­

gine de conflits avec l’entourage ; elles peuvent être à l’ori­

gine d’isolement social et de dépression. De plus, lorsqu’il s’agit d’une forme de démence précoce (early onset demen- tia), l’effet néfaste des symptômes sur l’entourage semble encore plus prononcé en absence d’un diagnostic précis.29

Selon une étude de 2002,30 portant sur des proches de patients atteints de démence, 28,1% (16 sur 57) pensent qu’il ne faut pas annoncer le diagnostic et les symptômes à venir au malade car il sera trop affecté ou stressé (50%), ne comprendra pas (66,7%), ne se rappellera pas (66,7%), il n’y a pas de traitement curatif (25%). Mais la majorité (71,9%) était en faveur de l’annonce, entre autres pour permettre une planification précoce (64,3%), recevoir un traitement adéquat (37,7%) ou obtenir un deuxième avis (31%). Ces ré­

sultats ont été peu reproduits, mais reflètent l’opinion des centres spécialisés dans le diagnostic de démence, pour autant que l’annonce soit faite dans des conditions strictes de préparation, de confort, d’attention, et de propositions de suivi et de prise en charge.31 Par ailleurs, une prise en charge spécifique dans un centre mémoire est associée à une amélioration de la qualité de vie des proches.32

Annonce diagnostique : impact sur les traitements

Il n’existe à ce jour pas de traitement curatif pour les dé­

mences d’origine neurodégénérative, la plupart des traite­

ments reconnus étant essentiellement symptomatiques.

Les options thérapeutiques sont cependant nombreuses, qu’elles soient médicamenteuses, neuropsychologiques, comportementales, de soins ou psychosociales. Les prises en charge cognitives sont de plus en plus reconnues com­

me un outil potentiellement efficace.33 Concernant le trai­

tement par inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, même si l’effet est modéré (en moyenne gains de ­2,7 points sur une échelle de 70 points),34 les cliniciens rapportent sou­

vent une modeste amélioration cognitive et comportemen­

tale des malades,35 qui a un impact direct sur leur maintien à domicile, par exemple. Bien que les médecins soient cri­

tiques envers ces traitements, ils considèrent néanmoins ces approches comme utiles cliniquement, surtout si elles sont associées à un soutien au conjoint.36 L’adhérence au traitement pharmacologique d’une DTA est estimée à 58%.37 Les facteurs influençant cette adhérence sont l’âge, la prise d’autres traitements pour des maladies chroniques et l’ab­

sence d’effets secondaires. Les études comparant diffé­

rentes cliniques mémoires suggèrent que la manière d’an­

noncer le diagnostic n’a pas d’influence sur l’adhérence thérapeutique du patient,38 pour autant qu’elle soit faite selon des guidelines de bonne pratique clinique. Par ail­

leurs, il existe pour certaines formes de démence, moins fréquentes, un traitement curatif (HPN, carences, vasculites, etc.).

D’autre part, concernant la prise en charge d’une mala­

die neurodégénérative, plusieurs textes légaux internatio­

naux demandent que le patient, même avec une capacité de discernement diminuée, adhère au traitement – qu’il soit médicamenteux ou non –, donc qu’il soit informé sur les bénéfices et risques liés au traitement.39 Certaines lé­

gislations exigent même la mise au courant du diagnostic.20

conclusions

Il est incontestable que le diagnostic d’une démence et son annonce comportent des risques (dépression, risque suicidaire dans les trois mois, modifications légales, etc.).

Toutefois, les patients demandent souvent une vérité diag­

nostique et les bénéfices sont nombreux : indications mé­

dicamenteuses et thérapeutiques, prise en charge assécu­

rologique, amélioration de la qualité de vie du patient et de son entourage, mise en place de directives par le pa­

tient tant qu’il a sa capacité de discernement. Ces béné­

fices concernent tant les malades que leur entourage, et semblent dans l’ensemble largement contrebalancer les risques, à condition que la démarche s’adapte aux patients et s’inscrive dans un processus à long terme, qui vise en premier lieu le respect du malade, sa qualité de vie et dans la mesure du possible, son autodétermination – ob­

jectifs inatteignables si les malades et leurs entourages restent dans l’ignorance.

Implications pratiques

Discuter avec le patient les implications des investigations et d’un diagnostic précis, ou avec ses proches si le patient est anosognosique

Investiguer une plainte mnésique avec les outils de screening recommandés (test de la montre, Minimental score, question- naires à l’entourage). Rechercher une dépression (isolée ou associée à une démence)

Le bilan mémoire améliore la précision diagnostique jusqu’à 80%, y compris les étiologies traitables

En cas d’annonce d’un diagnostic de démence, évaluer le ris- que suicidaire dans les trois premiers mois, assurer un suivi rapproché

Mettre en place une prise en charge globale, qui vise la qua- lité de vie du patient et de son entourage. Les traitements ont une efficacité légère à modérée, qui peut améliorer cette qualité de vie

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Travail soutenu par le fonds 32­138497 du Fonds national suisse.

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Drs Franz Josef Holzer et Jean-Marie Annoni Unité de neurologie

Département de médecine

Université et Hôpital cantonal de Fribourg 1708 Fribourg

jean-marie.annoni@unifr.ch

Drs Franz Josef Holzer et Frédéric Assal Clinique de neurologie

HUG, 1211 Genève 14 Dr André Laszlo

Service de médecine et de réadaptation gériatrique HFR, Châtel-St-Denis

Place d’Armes 30, 1618 Châtel-Saint-Denis

Adresses

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* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Références

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