• Aucun résultat trouvé

«Poumon du jacuzzi» : un exemple de pneumopathie d’hypersensibilité ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "«Poumon du jacuzzi» : un exemple de pneumopathie d’hypersensibilité ?"

Copied!
2
0
0

Texte intégral

(1)

0 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 24 août 2011 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 juin 2012 1293 Une jeune femme en excellente con di­

tion physique, sans antécédent aller­

gique, a fumé 20 cigarettes/jour jus­

qu’en 2005 (16 UPA). Depuis 2005, elle effectue des travaux administratifs dans une menuiserie. Le bureau est attenant à l’atelier.

A la fin de l’automne 2007, elle consulte pour la première fois pour une dyspnée à l’effort, déclarant qu’elle n’arrive plus à mon­

ter un étage sans être essoufflée. Son état général est excellent, elle pèse 52,5 kg pour 154,5 cm (IMC 22 kg/m2), la TA est de 130/90 mmHg et le pouls régulier à 68/

min. L’expirium est fortement prolongé.

Les fonctions respiratoires sont patholo­

giques, avec une capacité vitale forcée (CVF) à 2,29 litres (76% de la valeur prédite), un volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) à 202 l/min (78%). Après adminis­

tration de Ventolin, seul le peak-flow s’amé­

liore de 289 l/min à 382 l/min. Un trai te­

ment de Seretide est prescrit mais la situa­

tion ne s’améliore pas. La patiente devient de plus en plus dyspnéique et est incapable de travailler à plus de 50%.

Au début 2008, la dyspnée s’aggrave et est accompagnée d’une toux irritative. L’exa­

men clinique est inchangé, pas de fièvre, peak-flow à 400 l/min, galop présystolique à l’auscultation cardiaque. La radiographie du thorax montre une image dépolie, grani­

tée sur les deux tiers de la plage pulmonaire gauche, posant le diagnostic différentiel en­

tre une alvéolite allergique, une histiocytose et une pneumonie atypique. Un traitement de Zithromax n’améliore pas la situation. Une hypertension pulmonaire est exclue par écho­

cardiographie. La formule sanguine est nor­

male sans éosinophilie, l’AllergyScreen re­

vient négatif pour les acariens, les pollens, les squames d’animaux et les moisissures.

La patiente est adressée à un pneumolo­

gue en février 2008. A l’anamnèse, il relève une exposition d’une heure/jour à la pous­

sière de bois, l’utilisation d’un humidificateur à air froid durant les mois d’hiver, remisé dans le grenier depuis le 30 janvier 2008, et enfin l’emploi régulier d’un jacuzzi, stoppé depuis la mi­janvier 2008 sur les conseils d’une voisine qui aurait souffert d’une pneu­

mopathie secondaire à son utilisation.

Les fonctions pulmonaires sont caracté­

risées par un trouble de la diffusion modéré et par une mécanique respiratoire conser­

vée.

L’enzyme de conversion de l’angiotensine est augmentée à 88 U/l (norme : 10 à 55), elle se normalisera les mois suivants, le reste du bilan immunologique est négatif. Le Man­

toux 2UTU est positif (22/16 mm) et le Test T­Spot TB est négatif.

Un CT thoracique permet de documenter un infiltrat interstitiel diffus micronodulaire et en verre dépoli. Une bronchoscopie est réalisée avec au lavage bronchoalvéolaire 81% de lymphocytes (norme : l 12). Aux biop sies transbronchiques, mise en éviden­

ce de granulomes mal formés.

Il n’y a pas de mycobactérie à la culture du liquide de lavage bronchoalvéolaire (LBA) et de l’as pirat bronchique, la culture de l’eau du jacuzzi révèle la présence d’un Myco- bacterium avium.

Au terme de ce bilan, un diagnostic de pneumopathie d’hypersensibilité (= alvéolite allergique) est retenu avec, comme diag­

nostic différentiel, une sarcoïdose. On re­

commande à la patiente de ne plus utiliser son jacuzzi, de remiser définitivement son humidificateur, et d’éviter de se rendre dans l’atelier de menuiserie ou seulement avec un masque à haut pouvoir filtrant.

Au printemps 2008, une corticothérapie est introduite et finalement stoppée en au­

tomne 2008, sans nette amélioration clini­

que, fonctionnelle ou radiologique, alors que la patiente affirme prendre toutes les me­

sures d’éviction recommandées.

Fin 2008, la patiente est adressée dans le service de pneumologie du CHUV où l’on retient le diagnostic de pneumopathie d’hy­

persensibilité à antigène coupable non iden­

tifié.

Un autre avis est demandé en France voi­

sine où l’on évoque également le diagnostic de pneumopathie d’hypersensibilité ou d’au­

tres pneumopathies interstitielles avec alvéo­

lite lymphocytaire.

Devant l’absence d’amélioration, des biop­

sies pulmonaires par thoracoscopie sont réa­

lisées en septembre 2009. Le diagnostic anatomopathologique retenu est celui de pneumopathie interstitielle granulomateuse avec une image histologique qui évoque en premier lieu une pneumopathie interstitielle diffuse associée aux mycobactéries (hot tub lung). La polymerase chain reaction (PCR) à large spectre pour l’ADN mycobactérien et les cultures des prélèvements réalisés lors de la thoracoscopie s’avèrent négatives.

De nouveaux prélèvements réalisés sur l’eau de la douche et l’eau de la baignoire permettent de retrouver un Mycobacterium avium, et également un Mycobacterium gordonae. Lors d’un nouvel interrogatoire serré durant l’automne 2009, la patiente in­

dique prendre des bains au minimum 1 x/

jour et également des douches, et avoir uti­

lisé son jacuzzi «une semaine en avril 2009».

En réduisant l’emploi de la douche au strict nécessaire et en arrêtant toute autre activité aquatique au domicile, l’évolution est pro­

gressivement favorable avec normalisation des fonctions pulmonaires en automne 2010.

Ainsi, le diagnostic de pneumopathie d’hyper­

sensibilité est confirmé, avec une issue favo­

rable dès que des mesures d’éviction strictes ont été adoptées.

questions au spécialiste Quelle est la prévalence des pneumo­

pathies d’hypersensibilité (PHS) dans la population générale ?

Les pneumopathies d’hypersensibilité sont des maladies rares qui représentent environ 2% des pneumopathies interstitielles dont l’incidence est d’environ 30 pour 100 000.

La prévalence des PHS dépend beaucoup de la population étudiée, celle du poumon du fermier par exemple se situe aux alen­

tours de 0,5 à 3% dans cette population.

«Poumon du jacuzzi» :

un exemple de pneumopathie d’hypersensibilité ?

court-circuit

G. Abetel

L. Vollenweider

Dr Gilbert Abetel FMH médecine interne Place du Marché 6 1350 Orbe

Dr Laurent Vollenweider

FMH pneumologie, médecine interne Rue des Remparts 11

1400 Yverdon-les-Bains

Coordination rédactionnelle Dr Pierre-Alain Plan

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 1293-4

37_38_35875.indd 1 07.06.12 10:27

(2)

1294 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 juin 2012 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 24 août 2011 0

Bibliographie

• www.OJRD.com/content/1/1/25

• Hanak V, Golbin JM, Ryu JH. Causes and presenting features in 85 consecutive patients with hypersensiti- vity pneumonitis. Mayo Clin Proc 2007;82:812-6.

• Lacasse Y, Selman M, Costabel U, et al ; HP Study Group. Clinical diagnosis of hypersensitivity pneumo- nitis. Am J Respir Crit Care Med 2003;168:952-8.

• Waninger KN, Young JF. «Hot tub» lung : Is it on your list of respiratory ailments ? J Fam Pract 2006;55:

694-6.

Y a­t­il une relation entre asthme al­

lergique et PHS ?

Il n’y a pas de relation entre asthme aller­

gique et PHS, à première vue. L’asthme al­

lergique est une réaction d’hypersensibilité de type I alors que la pneumopathie d’hy­

persensibilité est une réaction de type III.

Quand faut­il penser à une PHS ? L’anamnèse joue un rôle déterminant. En présence d’un tableau clinique et radiolo­

gique de pneumopathie interstitielle, le diag­

nostic de PHS doit être suspecté lors d’ex­

position à des oiseaux, à un jacuzzi, chez les agriculteurs, lors d’exposition à des moi­

sissures au domicile, etc.

Quel est le traitement des PHS ? La prise en charge des PHS repose sur les mesures d’éviction. La corticothérapie améliore le tableau clinique et fonctionnel mais ne modifie pas le pronostic à long terme. Dans le cas présent, l’éviction insuf­

fisante pendant dix­huit mois de l’allergène responsable a brouillé les pistes, fait remet­

tre en cause les hypothèses diagnostiques initiales et conduit à des investigations lour­

des.

Les mycobactéries impliquées dans ce cas expliquent­elles le test de Man­

toux positif ?

Le test de Mantoux positif peut s’expli­

quer par les mycobactéries atypiques im­

pliquées dans ce cas. Le T­Spot est resté négatif car il est spécifique pour M. tuber- culosis, jamais documenté dans le cas pré­

sent.

Le «poumon du jacuzzi» est­il tou­

jours dû à des mycobactéries ? Si non, quelles sont les autres bactéries rencontrées ?

L’emploi d’un jacuzzi peut occasionner différentes affections, particulièrement si son entretien est inadéquat. Sont rapportés des cas de pneumonie nécrosante ou d’oti te externe sur une infection à Pseudomonas aeruginosa, d’infection à herpès simplex dans des spas, etc. Une exposition à des aérosols de mycobactéries peut, com me dans le cas présent, provoquer des pneu­

mopathies d’hypersensibilité, mais éga le­

ment des infections nécessitant un traite­

ment antibiotique, particulièrement chez des sujets susceptibles en raison d’une immuno­

suppression locale ou générale.

Où trouve­t­on des mycobactéries non tuberculeuses ?

Les mycobactéries non tuberculeuses sont ubiquitaires et présentes dans les sols, l’eau, y compris le réseau d’eau potable, les bains publics, des endoscopes si la désin­

fection est insuffisante, etc. Elles peuvent constituer des biofilms dans les réseaux d’adduction d’eau et dans les filtres de cer­

tains jacuzzis, qui représentent des sanc­

tuaires d’où elles sont très difficiles à éradi­

quer.

Soumettez un cas

Interrogez le spécialiste de votre choix. Posez­lui des questions directement en lien avec un problème de médecine de premier recours auquel vous avez été confronté.

Des informations complémentaires concernant la rubrique sont disponibles sur le site de la Revue Médicale Suisse (http://rms.medhyg.ch/court­circuit.pdf) Envoi des textes à : redac@revmed.ch (avec mention «rubrique court­circuit»)

Comité de lecture : Dr Gilbert Abetel, Orbe ; Dr Patrick Bovier, Lausanne ; Dr Vincent Guggi, Payerne ; Dr Philippe Hungerbühler, Yverdon­les­Bains ; Dr Ivan Nemitz, Estavayer­le­Lac ; Dr Pierre­Alain Plan, Grandson

37_38_35875.indd 2 07.06.12 10:27

Références

Documents relatifs

service de pédiatrie du CHU Gabriel Touré durant la période 2012 à 2013 et dont l'objectif principal était de déterminer les principales bactéries isolées à des hémocultures

Au scanner thoracique, il existait d’importantes opacités diffuses en verre dépoli, prédominant aux bases, un épanchement pleural droit minime (fig.. Les examens

The complex relationship between private business, labour movements and state administration in Germany across the nineteenth and twentieth centuries is one of the

Another special kind of unlikely intersection occurs when we intersect the variety with a finitely generated group, an area often associated with the names Mordell–Lang.. This has

•  Diagnostic différentiel : œdème interstitiel cardiogénique localisé ou asymétrique (comblement alvéolaire sous forme d'opacités en verre dépoli, épaississement des

observer la coexistence d’une PINS ou d’une PIC(UIP) avec une pneumopathie organisée (COP) dans la dermatomyosite et dans la polyarthrite rhumatoïde. Pneumopathies interstitielles et

aureus est un agent pathogène isolé dans 2 à 5 % des pneumopathies communautaires, plus fréquemment rencon- tré chez le sujet âgé avec des comorbidités, dans un contexte

Parmi les pneumopathies hyperéosinophiliques, il est primordial de distinguer en urgence les pneumopathies aiguës idiopathi- ques ou toxiques avec un tableau de détresse