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La mémoire des lieux

AMPHOUX, Pascal, DUCRET, André Marie Omer

AMPHOUX, Pascal, DUCRET, André Marie Omer. La mémoire des lieux. Cahiers internationaux de sociologie , 1985, vol. 79, p. 197-202

Available at:

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LA MÉMOIRE DES LIEUX

Author(s): Pascal Amphoux and André Ducret

Source: Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 79 (Juillet-Décembre 1985), pp. 197-202

Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40690162 Accessed: 09-03-2015 16:40 UTC

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LE POUVOIR DES LIEUX

LA MÉMOIRE DES LIEUX*

par Pascal Amphoux et André Ducret

RÉSUMÉ

Quoique sociologique par excellence, le thème de la mémoire collective n'a suscité que fort peu d'observations empiriques jusqu'ici : à la suite, voire en s' éloi- gnant de Maurice Halbwachs, notre recherche vise à reformuler l'interrogation qui fut la sienne en termes à la fois contemporains et opératoires.

SUMMARY

Even though essentially a sociological problem, the subject of collective memory has only arisen so far a very few empirical comments ; after Maurice Halbwachs, and even going somewhat apart from him, our research survey aims at reformulating his previous query through using both contemporary and operative terms.

Développé par Maurice Halbwachs au fil d'une patiente explication avec la pensée d'Emile Durkheim, le thème de la mémoire collective a trouvé depuis un écho aussi bien dans la sociologie en profondeur d'un Georges Gurvitch que, plus récem- ment, dans certains textes de Jean Duvignaud ou Georges Balandier. Or on observe qu'à chaque confrontation avec Dur- kheim apparaissent des arguments qui forment désormais l'héri- tage problématique d'où reprendre l'interrogation. Le concept durkheimien de conscience collective, avec ce qu'il suppose de sociologisme latent, s'est ainsi vu tour à tour nuancé, critiqué ou

* Communication présentée au Colloque t Les Sociologies II », ceaq, Paris, Sorbonne, 28-30 mai 1984.

Cahiers internationaux de Sociologie, vol. LXXIX, 1985

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198 P. Amphoux et A. Ducret détourné par ces auteurs. En revanche, le thème que proposait Halbwachs sera, lui, laissé plus ou moins en friche pour ne sus- citer en fin de compte que fort peu d'observations empiriques, dans le domaine de la sociologie stricto sensu du moins1.

Eclipse passagère toutefois car, alors que les techniques de la société postindustrielle tendent, dit-on, à effacer l'étendue aussi bien que la durée, ce thème redevient d'usage courant, le plus souvent a-critique, dans le champ de la création artistique con- temporaine notamment. En un temps où la jeune architecture s'efforce de recueillir le « génie du lieu » afin non plus de faire le vide autour d'elle mais de se greffer dans le prolongement d'es- paces, de tissus chargés d'histoire, beaucoup parlent ainsi de mémoire collective. Mais de quoi parlent-ils ? Et, le cas échéant, comment dire les choses autrement, du point de vue du sociologue s'entend ? Ou encore : comment formuler la question en termes opératoires ?

A relire l'œuvre d'Halbwachs, il apparaît qu'à ses yeux, il faut qu'il y ait groupe social - au sens fort de Gemeinschaft affective - pour qu'on puisse légitimement parler de mémoire collective ; que, pour avoir des souvenirs - et non partager des croyances - , il faut avoir vécu les situations auxquelles ceux-ci renvoient une fois reconstruits au contact d'autrui (i.e. le passé comme « vécu » que le présent recompose) ; que des lieux, des objets ou un cadre spatial peuvent, en principe, servir de points de repère utiles à la précision desdits souvenirs et aider par conséquent au travail de la mémoire collective, à la condition de ne pas disparaître toutefois ; que, pour fonctionner comme tels, il ne suffît pas que ces traces matérielles subsistent, mais il faut encore que la collectivité elle-même reste stable, inscrite de façon durable dans « son » espace de vie (i.e. faible mobilité tant spatiale que sociale) ; qu'enfin, il existe autant de mémoires collectives (au pluriel) que de groupes d'appartenance, si bien qu'un même individu participe à la fois à la mémoire collective de sa famille, de son voisinage, de son milieu professionnel, etc.

Reprendre cette problématique telle quelle sur le terrain reviendrait à étudier comment, à l'intérieur d'une collectivité donnée, se transmet telle ou telle tradition et à interroger des témoins pour recueillir des récits, des histoires de vie qui consti- tueraient alors la matière d'une monographie peu ou prou exem- plaire. Pareille étude ne manque certes pas d'intérêt en tant que

1. Le présent article s'inscrit, précisément, à l'intérieur d'un projet de recherche qui vise à reformuler le thème jadis proposé par Halbwachs en vue d'une ou plusieurs enquêtes sur le terrain, projet préparé à l'Ecole d'Archi- tecture de l'Université de Genève, en collaboration avec MM. Giairo Daghini et Michel Bassand.

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La mémoire des lieux 199 contribution à une sociologie de la mémoire, mais elle suppose une situation d'enquête que nous ne rencontrons probablement plus qu'à l'état résiduel dans la métropole ou la région urbaine d'aujourd'hui. Travailler sur ce reste, certains sociologues l'ont fait déjà, non sans bonheur, qu'il s'agisse d'Henri Coing sur un îlot du quatorzième arrondissement parisien ou de Pierre Mayol, à propos du quartier de la Croix-Rousse à Lyon. Mais il faut bien reconnaître qu'ils avaient affaire à des situations exceptionnelles, d'où la nécessité de changer d'orientation.

L'objectif d'une recherche qui chercherait ainsi à vérifier/fal- sifier à l'épreuve des faits l'hypothèse selon laquelle il existe un lien entre mémoire collective, groupe social et lieu, culture maté- rielle, cadre bâti ne serait plus - compte tenu de ce qui pré- cède - d'analyser comment se conservent des souvenirs dont on puisse ensuite vérifier l'authenticité en recourant aux documents écrits, aux archives, à l'iconographie, etc., ou encore, de repro- duire une histoire vécue, d'éclairer la persistance d'une tradition.

Au contraire, on avancera l'hypothèse qu'ici la vérité des énoncés récoltés importe peu, l'essentiel étant de comprendre comment, à propos d'un lieu, de son devenir, travaille ce que Paul Veyne appelle l'imagination constituante ou ce qu'on peut nommer, par opposition à l'acception commune du terme « mémoire », la fabulation. Car s'il est exact que la fable se présente, selon l'étymologie, comme un récit, celui-ci n'en échappe pas moins - contrairement au souvenir - à la distinction du vrai et du faux, de l'authentique et du douteux. Pour mieux dire, il convient dans cette perspective d'admettre a priori que le sujet de l'en- quête à laquelle on se livrera n'a cure de l'exactitude de ce qu'il énonce sans pour autant mentir. Par suite, il s'avère superflu de vérifier la véracité de ses dires à l'aide des sources disponibles - ce qui serait par contre le cas si, au nom d'un hypothétique réalisme sociologique, l'on sollicitait ses souvenirs afin de savoir ce qui s'est « réellement » passé.

Ce nouvel objet de recherche, Anne Cauquelin le définit, de son côté, comme la « doxa urbaine », soit, écrit-elle, cette « approxi- mation de vérité dont les hommes ont coutume de se contenter quand ils ne cherchent pas à fond la connaissance »2. Mais, dès lors qu'elle englobe dans la catégorie du vraisemblable aussi bien ce qui est de l'ordre du mnémonique que ce qui relève de la légende, cette définition efface tout écart entre évocation et fabulation.

Le narrateur - dont, il est vrai, Walter Benjamin annonçait déjà la disparition dans les années trente - serait ainsi, par essence, fabulateur. Dommageable dans la mesure où, par contre-

2. Anne Cauquelin, Essai de philosophie urbaine, Paris, puf, 1982.

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200 P. Amphoux el A. Ducret coup, elle fait de la mémoire une notion indéfiniment extensible, l'assimilation opérée ici renforce néanmoins l'idée qu'une recherche fondée sur la reformulation opératoire de la thèse jadis développée par Halbwachs se doit d'affronter la question du fabuleux. Etant entendu qu'il ne s'agit pas de dénoncer un tissu d'illusions ou quelque aliénation mais bien d'étudier de près les contenus et les formes que prend la fabulation (littéralement : d'en faire l'idéo-logie), on cherchera moins, en définitive, à repérer des pratiques, à retracer une expérience biographique inscrite dans la (longue) durée, qu'à interpréter un discours, des énoncés où se mêlent en permanence passé, présent et à-venir, avec les obstacles méthodologiques qu'implique une telle démarche

* *

Au lieu d'exhumer une mémoire exclusivement composée de récits sur le passé d'une collectivité en situation singulière, on traquera donc une mémoire faite d'énoncés (ou fables) sur le devenir du lieu alors choisi. Reste le « collectif » de cette mémoire- là puisque aussi bien il est hors de question d'entreprendre une n-ième étude de communauté. Or, dès lors qu'il revient au dérou- lement même de la recherche de mettre en évidence qu'il y a du collectif, la solution ne serait-elle pas de suivre les réseaux de sociabilité qui, directement ou non, en tout ou en partie, mani- festent une convergence d'intérêts pour le devenir de la situation locale considérée ?

Par « réseau de sociabilité » on peut entendre le système de relations directes, de personne à personne, qui relie divers indi- vidus autour, dans ce cas, d'un devenir local sans toutefois que ces relations acquièrent nécessairement un caractère fusionnel, actif ou organisé. En d'autres termes, si le réseau de sociabilité met effectivement en communication divers relais, il ne constitue un groupe qu'à l'état latent, virtuel. De prime abord, ce réseau se laisse mal apercevoir, il n'est pas visible immédiatement. La difficulté est alors de le délimiter, de remonter la filière de ses interactions, de le cerner en fonction de l'information qui y circule - difficulté d'autant plus grande qu'on aura affaire à des situations d'enquête qui ne sont pas closes sur elles-mêmes mais ouvertes...

Toutefois, en ne s'intéressant qu'au champ de relations ayant pour forme des échanges, face-à-face, de bouche à oreille, et pour contenu le lieu et son devenir, il paraît a priori concevable d'isoler, en termes de réseaux de sociabilité donc d 'interconnais- sance, ces cadres de la mémoire sur lesquels Halbwachs insistait autrefois.

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La mémoire des lieux 201

*

Bien sûr, aux yeux de Maurice Halbwachs, c'est, on s'en souvient, l'espace qui, du fait de sa relative stabilité, « nous donne l'illusion de ne point changer avec le temps et de retrouver le passé dans le présent »3, lui donc qui amarre en quelque sorte la mémoire collective. Or, pour notre part, nous nous attacherons plutôt au rapport entre spatialité et mémoire collective. Par là, nous n'entendons pas nier l'importance de l'espace en tant que tel mais bien nous orienter dans une direction plus phénoméno- logique, en s'attachant plus au mouvement qui constitue l'espace qu'à l'espace lui-même.

Insistant sur sa stabilité, Halbwachs faisait de l'espace un référentiel immuable, support matériel et inerte du souvenir.

Pourtant, à la relecture, ce référentiel extérieur apparaît en maints endroits plus ambigu : si l'espace modèle le groupe, celui-ci, en retour, façonne l'espace ; le lieu ne délivre pas de signification en soi à ses utilisateurs mais n'a de sens, dans ses moindres détails, que pour et par les membres du groupe qui, à son tour, y inscrit les marques significatives de ce qu'il y a de plus stable en lui.

En mettant alors l'accent sur le caractère relatif et progressif de cette stabilité, nous ferons de la spatialité un mouvement autoréférent de connaturante entre espace et collectivité. Comme objet d'analyse, l'espace renvoie à la référence tandis que la spatialité, comme phénomène, pose la question de l'auto- référence. Du coup, la mémoire collective peut être approchée en tant que figure de cette autoréférence.

Interface entre univers des choses et monde social, la mémoire collective se présente comme le lieu de multiples passages qui s'ouvrent non seulement entre l'individuel et le collectif, mais aussi entre passé et présent, vécu et vivant, dit et non-dit, explicite et implicite, banlieue et quartier, intérieur et exté- rieur... Est-elle un être élémentaire ou une relation ? Plutôt : ce que Michel Serres nomme un quasi-objet soit, précisément, un être (ou une relation) dont on ne sait s'il s'agit d'un être ou d'une relation. Qu'une image circule entre les différents membres d'un réseau, elle tisse du collectif, et nous pouvons dire qu'elle appar- tient à la mémoire collective ; qu'elle s'arrête, elle désigne un individu et sort de ce champ. Intérieur et extérieur, mobile et immobile, tel est donc le statut paradoxal des images qui consti- tuent la mémoire collective - raison pour laquelle, sans doute, elle ne saurait être réduite à un objet d'analyse conventionnel.

3. Maurice Halbwachs, La mémoire collective, Paris, puf, 1950, p. 167.

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202 P. Amphoux et A. Ducrel II convient dès lors d'éviter un double écueil : d'une part, on ne peut ramener la mémoire collective à sa définition monovalente, canonique, dont seul l'usage correct serait garant de scientificité ; d'autre part, on ne peut pas non plus se contenter de récolter tous azimuts des images entre lesquelles il deviendrait impossible de trouver une force cohesive. C'est pourquoi il semble nécessaire de rechercher des isomorphismes dans la façon même dont ces images circulent entre les individus et s'agglomèrent les unes aux autres pour donner corps (connotatif et vivant) à la mémoire collective.

Gomment interpréter alors le corpus d'images ou d'énoncés ramassés sur le terrain ? En fait, par le repérage de tels isomor- phismes ou homologies. L'analyse de contenu du discours recueilli ne sera donc pas poursuivie en tant que telle mais bien dans la perspective d'une mise en forme ou, encore, d'une représentation

« formale » à donner de la mémoire collective. En ce sens, il s'avère sans nul doute pertinent de tirer parti de certains courants scientifiques qui, autour de la question de l' autoréférence et de l'émergence du sens, développent aujourd'hui une pensée formelle.

Bien entendu, il ne s'agit pas de transférer ou d'appliquer simplement le résultat de ces théories au domaine sociologique, mais plutôt d'en reprendre les principes afin d'établir un classe- ment non seulement thématique mais aussi formel des images recueillies.

A titre indicatif, on pourrait ainsi se pencher avec profit sur les théories de la crise mimétique (principe de la victime émissaire), de l' auto-organisation du vivant (principe de complexité par le bruit), de la métaphore vive (principes du dédoublement de la référence et de la redescription du réel par le détour de la fiction), de la poétique de la ville enfin (principe d'objectalité).

La recherche envisagée trouverait alors un support contem- porain qui permettrait, à l'aide des outils conceptuels d'aujour- d'hui, de reformuler certaines questions paradoxales (vécu des situations, stabilité temporelle) laissées en suspens par Maurice Halbwachs.

E AU G, 9, bd Helvétique 1205 Genève (Suisse).

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