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L ÉPARGNERÀ TOUT HOMMELA HONTE

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Academic year: 2021

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Supplément à L’US n° 706 du 5 mars 2011

ÉPARGNER

À TOUT HOMME LA HONTE

L es peuples soulevés contre les tyrans qui les opprimaient et les pillaient, ont redonné à ce pré- cepte nietzschéen, quasi évangé- lique, une sacrée actualité, peut- être en anticipant un peu...

En 2012, ce sera le 50

e

anni- versaire de la fin de la guerre d’Algérie, qui marque encore les mémoires, celles de ses acteurs, de ses témoins que nous sommes ; quel retraité n’a pas de souvenirs, même d’enfant, de cette période ? L’une des conséquences de cette guerre ruineuse pour les finances comme pour la morale, car les hommes ne s’épargnent pas à eux- mêmes la honte, ce fut l’instaura- tion de la V

e

République qui a fait d’emblée de nos législateurs des godillots et, chemin faisant, de la souveraineté du peuple une super- cherie, dont une émission de TF1 a récemment donné l’image.

Dans ce supplément vous trou- verez des témoignages sur cette période, des commentaires, des informations, des motifs de mobilisation contre la politique actuelle ; comme d’habitude, direz-vous, mais cette fois avec la preuve qu’un peuple entier qui se fâche peut gagner.

D’ici 2012 comme syndicalistes, militants, citoyens nous avons tous ensemble à rendre possible une alternance réelle pour la société que nous voulons.

J.-P. BEAUQUIER secrétaire de catégorie

PORTRAIT LOISIRS/CULTURE

SANTÉ/SOCIÉTÉ ACTUALITÉ

© Toufik Amine Taleb

(2)

ACTUALITÉ

> C E N ’ E S T P A S L A F I N D E L ’ H I S T O I R E

Tout est à présent...

En Tunisie, Égypte, les peuples se sont levés pour la liberté et pour la justice sociale ; ils nous ouvrent peut-être la voie. En tout cas nos dirigeants

devraient méditer cette leçon d’histoire en direct.

« Hier ne finira que demain et demain a commencé il y a dix mille ans... » Cette phrase de Faulkner n’est pas si éloignée des sen- timents que peut faire naître l’observation des évé- nements récents de notre vie sociale ou de celle de nos voisins. Les systèmes de production ont beau avoir des mécanismes implacables, ils ne sont que des instruments au service d’hommes dont le pouvoir n’existe que tout autant qu’il est toléré.

Il n’est pas inintéressant d’apprendre, quasi dans un seul élan, de M. de Margerie, PDG de Total, que sa compagnie annonce 10,6 milliards de profits, loin de son record de 13,9 en 2008, qu’elle ne paiera pas d’impôt sur les sociétés en France et qu’il « ne faut pas prendre les patrons pour des brutes qui préfèrent les dictateurs ». La dernière affirmation reposant sur une opposition rhétorique entre « adversaires et partenaires » dans les affaires, on aura sur ce point plus de mal à la prendre pour argent comptant.

Que le CAC 40 repasse au-dessus des 4 000 points, indique une reprise de l’activité boursière, ce que les

bonus toujours scandaleusement élevés des ban- quiers et des traders avaient déjà dit, mais rien n’in- dique que l’activité économique soit partout à la hauteur des besoins de développement et d’amélio- ration des conditions de vie de nos contemporains.

La France a des atouts mais les bénéfices des indus- tries du luxe ne peuvent faire oublier 4 millions de chômeurs, 8 millions de mal-logés, la casse des ser- vices publics et de la protection sociale, la baisse du pouvoir d’achat.

Quand l’ineffable Parisot propose « un socle minimal de solidarité pour ceux qui sont en situation parti- culièrement défavorisée », elle répond à une question sur le financement de la dépendance des personnes âgées, mais elle songe à l’ensemble de la protection sociale ; la solidarité collective lui donne des boutons et son aval à une assurance privée obligatoire, comme le préconise le rapport Rosso-Debord, traduit le refus

S O M M A I R E

ÉDITORIAL p. 1

ACTUALITÉ

CE N’EST PAS LA FIN DE L’HISTOIRE

Tout est à présent...

p. 2

TUNISIE, ÉGYPTE ET LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE Le printemps des peuples

p. 3

POUVOIR D’ACHAT : LE TEMPS DE TOUS LES DANGERS Le compte n’y est pas

p. 4 INTERVIEW

ACTUALITÉS SYNDICALES

Questions à Roland Hubert p. 5 SANTÉ-SOCIÉTÉ

PERTE D’AUTONOMIE : PRIVATISATION RAMPANTE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ? Le grand chantier

est lancé

p. 6

FINANCEMENT DE LA RÉFORME Planning du chantier

p. 7

AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ

Dernières nouvelles

p. 8

Le privé à la rescousse de la prévention

p. 8 VIE SYNDICALE

REFUSER UN PROJET NÉFASTE L’avenir de la FGR, c’est aussi notre affaire

p. 9

RETOUR SUR UN CONFLIT QU’IL NE FAUT PAS OUBLIER Au cœur

des manifestations

p. 10

UN GRAND MOMENT DE LA VIE SYNDICALE Dijon les 9 et 10 février

p. 11

INTERVIEW DE

Christian Steenhoudt

p. 11 DOSSIER

LA GUERRE D’ALGÉRIE

Mémoire et histoire p. 12 LOISIRS CULTURE

VOYAGE EN INDE Entre clichés…

et développement

p. 19

LE CARNAVAL

DE DUNKERQUE

p. 20-21

QUI CONNAÎT

HANS BALDUNG GRIEN ? Hans Baldung (1485-1545) dit Grien pour sa prédilection pour la couleur verte

p. 22 REVUE DE PRESSE

JACKY BRENGOU

A LU POUR NOUS

p. 23 PORTRAIT

Gisèle Halimi p. 24

AG Dijon, une assemblée attentive aux sujets d’actualité

©Jean-Louis Viguier

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ACTUALITÉ

> T U N I S I E , É G Y P T E E T L A S O L I D A R I T É I N T E R N A T I O N A L E

Le printemps des peuples

14 janvier 2011 : Ben Ali est contraint de se réfugier en Arabie Saoudite devant la mobilisation populaire.

11 février : Moubarak démissionne ; les manifestants égyptiens l’ont emporté. Au Maghreb, comme au Moyen Orient, un printemps des peuples est en cours qui marque des points contre des pouvoirs

dictatoriaux et corrompus. Le mouvement syndical, celui auquel le SNES appartient, se doit d’être solidaire de ce mouvement d’émancipation que les peuples de cette région du monde portent aujourd’hui.

du Medef, et des « libéraux », de tout système collectif de protection sociale. Parisot, Palin même com- bat ! Parisot, Sarko, même combat aussi. L’opposition apparente sur l’idée d’une cinquième branche ne résistera pas au refus patronal d’ac- croître sa contribution au finance- ment social, alors que tant de dis- positions législatives lui donnent déjà la possibilité d’y échapper.

L’éviction de Ben Ali ou de Mou- barak a mis en évidence qu’un changement de politique passe par un changement radical d’individus et qu’un autre mode de gouverne- ment passe par d’autres équipes ; les conjonctions bizarres quelque-

fois observées en France sur la mise en place de réformes toutes régressives, y compris sur les retraites, la santé ou plus curieusement encore sur l’Éducation nationale, peuvent expliquer, au vu de ce

qui se passe là-bas, que nos politiciens aient du mal à s’enthousiasmer réelle- ment pour la démonstration qu’ils ne gouvernent que par délégation. L’un d’eux, jouant le tribun de la plèbe tout en aspirant au consulat, n’a-t-il pas écrit

« Qu’ils s’en aillent tous ». Cela pour- rait effectivement donner des idées, quoique nos institutions rendent la chose difficile.

Mais justement, sans que la gent poli- tique s’en offusque vraiment, nous avons en France un Président qui passe son temps à affaiblir les institutions répu- blicaines, le respect des autorités et des corps constitués, dans une atmosphère de corruption, de passe-droits et de populisme comme jamais vu dans notre pays à ce niveau de l’État. Peut-être est-il temps de se rappeler que le pouvoir est aux gouvernements pas aux gouvernants. ■

JEAN-PAUL BEAUQUIER

FONCTIONNAIRES OU COURTISANS ?

Primes pour les recteurs, pour les chefs d’établisse- ment... notre petit ministre Chatel rêve de se faire bien voir de son maître. L’exemple de cet ambassadeur qui voyait Ben Ali reprendre la main alors qu’il prenait la fuite devrait lui rappeler que la prime crée le courtisan.

Courtisan dont l’objectif n’est plus de servir l’État mais de plaire à son maître. Maître auquel le Conseil d’État, après la Cour de cassation, pourtant bas lieux de la révolte, vient enfin de rappeler que le bon plaisir ne figure pas parmi les prérogatives de sa charge.

Merci aux peuples tunisien et égyptien de nous redon- ner confiance dans un avenir débarrassé des castes et de leurs courtisans.

PIERRE TOUSSENEL

©Hab M’henni- Wikipédia

C’est le terme de révolution qui est employé, tant pour la Tunisie, que pour l’Égypte.

C’est celui utilisé par ce militant tunisien arrêté, tor- turé et qui témoigne à Lille le 6 février. Sa réfé- rence c’est 1789. Au-delà de la solidarité dont le SNES et la FSU ont toujours été partie prenante, face à d’intolérables atteintes aux droits de l’homme, comme aux libertés syndicales et politiques, il y a aussi une solidarité liée à la remise en cause d’un ordre régional, fondé sur l’injustice sociale. Un ordre fondé sur l’exploitation, la dépendance sous domi- nation des USA et de l’Europe, que nous dénon-

çons. La transformation sociale dont se réclame notre syndicalisme a un caractère internationaliste.

Plusieurs s’étonnent du « silence des intellectuels » à ce sujet. Il est temps de rompre avec l’acceptation d’un ordre du monde où la dignité des peuples est

À Tunis,

le 21 janvier 2011

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ACTUALITÉ

bafouée. Le chiffon rouge de l’islamisme doit être rangé au placard des vieilles idées : le regard critique est indispensable, mais il se doit de porter aussi sur l’injustice dont ces peuples sont victimes. Ils démon- trent qu’il n’y avait aucune fatalité à leur enferme- ment dans la dictature. Notre solidarité se doit d’être réactive à toute tentation de retour en arrière du côté des anciens tuteurs. Fillon, en voyage officiel, est sur le « Charles de Gaulle » en Méditerranée, et il se rend à la base militaire de Dubaï.

La liesse est générale, y compris en Palestine occu- pée, tant en Cisjordanie que dans la bande de Gaza où un million et demi d’habitants restent frappés par un blocus illégal de l’État israélien depuis près de quatre ans, après avoir subi un massacre fin 2008. Le blocus égyptien est même renforcé actuellement.

L’urgence humanitaire et politique est de le briser.

C’est l’objectif d’une flottille internationale dans laquelle prendra place un bateau français. Une mobi- lisation d’associations, formations politiques et orga-

nisations syndicales, dont la FSU, s’est constituée pour affréter le bateau français. En participant à cette mobilisation, le SNES et la FSU contribuent aussi à ce printemps des peuples arabes. ■

JEAN-FRANÇOIS LAROSIÈRE

Nous venons de recevoir notre pre- mier bulletin de pension pour l’année 2011. Il ne s’agit pas du relevé de revalorisation annuelle, mais de celui qui prend en compte l’aug- mentation de la cotisation mutualiste. Comme l’an dernier nous débutons donc l’année avec une ampu- tation de notre pension nette.

Toutes les informations nécessaires au calcul des pensions sont maintenant disponibles. Alors que l’inflation annuelle en glissement est de 1,8 %, la moyenne annuelle qui sert au calcul de la revalori- sation s’élève à 1,5 %, enfin le Projet de loi de Finance de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit une inflation de 1,5 % en 2011.

En respectant les règles de calcul de la revalorisa- tion, les pensions devraient progresser de 2,1 % en avril 2011 : 1,5 % d’inflation prévue + 0,6 % de retard en 2010 (0,9 d’augmentation pour une inflation à 1,5).

Cette progression sous-estime une fois de plus l’évo- lution réelle du coût de la vie. Malgré cela le gou- vernement rêve de n’appliquer que partiellement cette hausse, voire de faire l’impasse sur toute reva- lorisation, étendant ainsi le gel des salaires des fonc- tionnaires aux pensions de la fonction publique.

Nous devons soutenir la pétition pour des augmen- tations salariales lancées par les organisations syn- dicales et exiger une revalorisation des pensions à la hauteur des augmentations du coût de la vie ainsi qu’un rattrapage des pertes accumulées ces der-

nières années. ■

J.-C. LANDAIS

> P O U V O I R D ’ A C H A T : L E T E M P S D E T O U S L E S D A N G E R S

Le compte n’y est pas

Quand on traite du pouvoir d’achat, on a l’impression de radoter : depuis des années notre pouvoir d’achat est en baisse ; seuls les chiffres varient, mais jamais dans le bon sens.

À Gizeh (Egypte), le 25 janvier 2011

Rendre leur dû aux salaires et aux pensions

©Ramy Raoof- Wikipédia

©Jean-Louis Viguier

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A C T U A L I T É S S Y N D I C A L E S

Questions à Roland Hubert

Comme prévu la rentrée scolaire 2011 se prépare dans des conditions catastrophiques, en particulier dans le second degré. Le 10 février a marqué le début d’une nouvelle mobilisation pour la défense du service public, mobilisation qui se poursuit localement et débouchera sur une manifestation nationale du second degré le 19 mars.

La rentrée 2011 est en cours de

préparation dans les établissements...

Elle se prépare dans des conditions très difficiles : suppressions de postes, mise en œuvre des réformes.

Tant sur le plan des conditions de travail que sur celui des contenus enseignés, les évolutions vont toutes dans le sens d’un abandon du second degré et d’une détérioration généralisée. Les personnels perdent leurs repères, le sentiment d’un travail empêché aug- mente... et, dans le même temps, l’accroissement des pouvoirs des chefs d’établissements couplé avec des formes de mise en concurrence des personnels, des disciplines et des établissements, génère des ten- sions et des frustrations supplémentaires.

Même si l’administration tente de cacher les consé- quences de la politique éducative, les personnels se mobilisent quand ils prennent conscience des trans- formations qui sont en marche. Ainsi la journée du 10 février, à l’appel de la FSU et de la CGT, a mon- tré qu’il existait une véritable détermination et un potentiel de mobilisation important. Toutes les orga- nisations syndicales ne font pas ce constat, même si des appels unitaires plus larges ont été construits dans plusieurs départements. Le SNES reste déter- miné à poursuivre l’action qu’il n’a pas hésité à commencer, seul, le 6 septembre.

Dans ce contexte, la journée nationale d’action du 19 mars revêt donc un enjeu important pour le SNES et la FSU.

Elle s’inscrit dans une dynamique unitaire qui réunit depuis des mois organisations syndicales, mouve- ments pédagogiques, parents et lycéens. Cepen- dant cette unité repose essentiellement sur le rejet de la politique budgétaire puisque plusieurs appe- lants à cette journée soutiennent la réforme du lycée et l’imposition du socle commun au collège. Cela crée des difficultés, en particulier lorsqu’il s’agit de définir les modalités d’action. Le SNES et la FSU ont pesé pour que cette journée du 19 mars ne soit pas une redite du 22 janvier, et qu’elle prenne la forme d’une manifestation nationale. Devant le

refus de nos partenaires, le SNES a décidé de main- tenir le mot d’ordre d’une manifestation du second degré à Paris. Il est indispensable d’assurer une visibilité particulière des collèges et des lycées qui sont plus particulièrement visés par les attaques gouvernementales.

Au-delà de l’Éducation nationale, n’est-ce pas toute la Fonction publique qui est mise en cause ?

Bien sûr, et la FSU poursuit son travail de mobili- sation sur l’avenir de la Fonction publique. Tous les projets gouvernementaux vont dans le même sens, et l’annonce du dépôt de projet de loi limitant le péri- mètre de la Fonction publique d’État aux missions régaliennes est très inquiétant. C’est toute la concep- tion d’une société solidaire qui est en jeu et cela concerne évidemment tous les citoyens. ■

>

INTERVIEW

Roland Hubert cosecrétaire général

du SNES

© Thierry Nectoux

Paris, 19 mars 2011 : à l’appel du SNES, manifestation nationale du second degré

© Clément Martin

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SANTÉ SOCIÉTÉ

> P E R T E D ’ A U T O N O M I E : P R I V A T I S A T I O N R A M P A N T E D E L A S É C U R I T É S O C I A L E ?

Le grand chantier est lancé

Après la réforme des retraites, Nicolas Sarkozy fait de la « dépendance » des personnes âgées le thème du prochain grand chantier gouvernemental, entérinant ainsi la discrimination par l’âge face à la perte d’autonomie.

« Je souhaite la création (...) d’un nouveau risque, d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale : le cinquième risque. » Mais après ces pro- pos rassurants le chef de l’État ajoute, sous forme de questions : « Faut-il faire un système assurantiel ? Obliger les gens à s’assurer ? Faut-il augmenter la CSG ? Faut-il avoir recours à la succession quand les enfants n’ont pas la volonté ou les moyens ? » poser ces questions n’est-ce pas déjà répondre ? Roselyne Bachelot en charge du dossier enfonce le clou « Des mesures législatives doivent être prises à l’automne 2011 (...). Mais nous ne partons pas de rien ! Plusieurs rapports, dont le dernier, celui de Valérie Rosso-Debord, posent les enjeux et les solu-

tions qui peuvent être envisagées ». Ces proposi- tions seront au cœur des débats mais déjà les tenants du libéralisme en font les seules solutions accep- tables étant donné l’état des finances publiques.

Premier coup de boutoir contre l’État providence

L’objectif à long terme est de mettre fin à la prise en charge collective de la perte d’autonomie des per- sonnes âgées ; le lobby des sociétés d’assurance ne ménage pas sa peine pour cela, le marché est juteux.

Le rapport Rosso-Debord qui fait un plaidoyer enflammé en faveur du recours à l’assurance privée cite dans une note en bas de page : « La Fédération française des sociétés d’assurance comptait 2 007 600 assurés versant 387,6 millions d’ de cotisations (...) et versait 112,4 millions d’ de rente en 2008. En 2009, 2 024 200 assurés versaient 403,1 millions de cotisations tandis que 127,7 mil- lions d’ de rente étaient servis ».

Ce premier essai de transfert vers l’assurance privée d’un pan de la protection sociale solidaire prépare selon Laurent Mauduit « un véritable big bang de la Sécurité sociale ».

Et pourtant d’autres solutions sont possibles, l’exemple allemand qui est sans arrêt mis en avant mérite réflexion. Ce doit être notre combat. ■

JACKY BRENGOU

L’Allemagne un exemple à suivre en ce qui concerne le « cinquième risque »

« On pouvait notamment imaginer que toutes les personnes en situation de perte d’autonomie seraient couvertes pour ce risque, quel que soit leur âge.

(...) C’est le scénario qui a été mis en place en Alle- magne, notamment, où l’assurance dépendance, créée en 1995, est obligatoire, financée par une coti- sation partagée entre employeurs et salariés. Le montant de la prestation peut aller jusqu’à 1 918 par mois en cas de dépendance lourde et peut être attribué quel que soit l’âge de la personne. Le dispositif prévoit également une indemnisation des aidants familiaux. »

• Alternatives économiques, hors-série n° 85

PREMIÈRES PISTES SOUMISES À ROSELYNE BACHELOT POUR « LA DÉPENDANCE »

• « Personne ne veut de privatisation » : mais la plupart des acteurs consultés à ce jour (CFDT, FO ou CFE-CGC incluses) sauf la CGT admet- tent l’idée d’une « complémentaire dépendance, avec recours aux assureurs privés ou mutualistes ».

• Pas de 5ebranche mais un 5erisque.

• Le MEDEF met en avant un impératif : ne pas alourdir les charges des entreprises et le coût du travail !

Sources : Newsletter réalisée par Gérard Bieth – © www.annuaire-secu.com et Internet : portail ARS

NS2012 : un virus de destruction de la protection sociale solidaire

© Sebastian Kalitzki/Fotollia.fr

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SANTÉ SOCIÉTÉ

> F I N A N C E M E N T D E L A R É F O R M E

Planning du chantier

La réforme de « la dépendance des personnes âgées » est entrée dans une phase active. Le président de la République veut aller vite...

Fin décembre a été mis en place un comité interministériel sur la dépendance des per- sonnes âgées dont le rapporteur est Axel Rahola, ancien collaborateur d’Eric Woerth. Sans com- mentaires...

Pour « s’adapter aux réalités », Roselyne Bachelot a mis en place quatre groupes de travail. Le premier, pré- sidé par Bertrand Fragonard, président du Haut conseil de la famille, se consacre au financement. Le deuxième, présidé par Jean-Michel Charpin, ancien directeur de l’INSEE, prévoit l’évolution des dépenses.

Le troisième, présidé par Évelyne Ratte, ancienne préfète du Limousin, étudie les différents types de prises en charge. Le quatrième, mené par Annick Morel, inspectrice générale des affaires sociales, réflé- chit à la place du vieillissement dans notre société.

Voici des experts à la hauteur des enjeux !

Comme pour la réforme des retraites, de grandes concertations sont lancées avec les représentants syn- dicaux, les associations et même un site internet sera mis en ligne pour que « le public » contribue au débat ! Les départements, en tant que gestionnaires et finan- ceurs de l’APA, donneront aussi leur avis. Les

Agences régionales de santé (ARS) « mènent une réflexion prospective, discutent de toutes les pistes possibles de financement et font des propositions au gouverne- ment ».

Prenons le pari que tout ne sera pas bouclé avant la présidentielle 2012 ! Mais le président de la République a été clair : « des mesures seront contenues dans la loi de financement de la Sécurité Sociale 2012 ».

Suffisamment perverses pour constituer une nou- velle étape du démembrement idéologique tant attendu et déjà anticipé par les acteurs du marché assurantiel de la Sécurité sociale.

Selon Valérie Rosso-Debord : « L’effort public lié à la dépendance des personnes âgées représente près de 22 milliards d’euros, ce qui équivaut à plus de 1,1 % du produit intérieur brut ».

Propos confirmés par les chiffres pour 2010 du CNSA : « D’ici 2025, les dépenses en faveur de l’autonomie des personnes dépendantes pourraient passer de 1,1 à 1,5 % du PIB ».

Inutile de dramatiser ! ■

FRANÇOISE EIDEN

Aujourd’hui, la dépense publique pour les personnes âgées dépendantes est de 20 milliards d’euros, soit 1 % du PIB Financement actuel

de la dépendance

Sécurité sociale 60 %

CNSA 15 %

Département 25 %

DES SIGLES ET DES DÉFINITIONS (suite)

Pour se retrouver dans le maquis des sigles

• AGGIR: Autonomie gérontologie groupe iso-ressources.

• AGIRC: Association générale des insti- tutions de retraite des cadres.

• ARRCO: Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés.

• CADES: Caisse d’amortissement de la dette sociale.

• CCAM: Classification commune des actes médicaux. Liste limitative des actes médicaux et paramédicaux dont la Sécurité sociale assure le rem- boursement.

• CESE Comité économique et social européen.

• CMU: Couverture maladie universelle.

Dispositif permettant à toute personne résidant en France, de façon stable et

régulière, de bénéficier de la prise en charge de ses dépenses de santé par l’assurance, s’il n’est pas assuré social par ailleurs. Ce dispositif offre égale- ment une couverture maladie complé- mentaire gratuite aux personnes dont les revenus sont faibles.

• CNRPA: Comité national des retraités et personnes âgées.

• CODERPA: Comité départemental des retraités et personnes âgées.

• CPO: Conseil des prélèvements obli- gatoires.

• CSS: Code de la Sécurité sociale.

• CURATELLE : Mesure de protection prononcée par le juge des tutelles à l’égard de certains majeurs en raison de l’altération de leurs facultés mentales ou

physiques. La curatelle permet d’assis- ter le majeur à l’occasion d’un acte par- ticulier ou de façon continue.

• GIR (grille) : Outil d’évaluation de la perte d’autonomie d’une personne âgée à tra- vers l’observation des activités qu’elle effectue. On distingue six niveaux allant de un pour les plus dépendants à six pour les moins dépendants.

• IRCANTEC: Institution de retraite com- plémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques.

• MSA: Mutualité sociale agricole.

• ORGANIC: Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et décès des non-salariés de l’industrie et du commerce.

• PREFON: Caisse nationale de pré- voyance de la fonction publique.

(8)

SANTÉ SOCIÉTÉ

> A G E N C E S R É G I O N A L E S D E S A N T É

Dernières nouvelles

Les Agences régionales de santé (ARS) sont entrées dans une phase opérationnelle ; on perçoit mieux maintenant l’étendue de leur champ d’activité mais aussi les limites budgétaires auxquelles elles sont confrontées.

Début janvier les ARS ont enfin reçu une petite partie du budget consacré au programme

« Hôpital 2012 ». La dépêche de TIC Santé du 13 janvier 2011 annonce le versement aux ARS de plus de 140 mil- lions d’euros pour l’hôpital ; cette somme est le déblo- cage d’une première tranche annoncée... en mars 2010 ! Quant à la deuxième tranche de ce programme annoncé dès 2006, de l’ordre du milliard d’euros pour les seuls systèmes d’information hospitaliers, soit plus des deux- tiers de l’enveloppe initialement prévue, elle semble s’être purement et simplement volatilisée... Quelle décep- tion pour les acteurs concernés !

Les ARS ont arrêté leurs territoires de santé et effectué un premier état des lieux. Ces territoires, prévus par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », concernent l’ensemble des activités des ARS. Ils constituent l’es- pace de référence pour l’analyse des besoins de santé de la population et l’organisation des moyens dédiés à la santé. Ces territoires ont été déterminés avec le souci de les délimiter en fonction de la répartition et des pratiques spatiales de la population, du maintien d’une distance d’accès à l’offre de services acceptable, ou encore de l’intégration de l’offre de soins et de services.

Les découpages ont très majoritairement évolué par rap- port aux anciens territoires. Le nombre des territoires de santé est passé de 159 lors de l’élaboration des

schémas régionaux à 107 territoires de santé ARS, soit une diminution d’environ 33 %. Ce sont donc de plus grands territoires dont la superficie posera un problème d’accès aux soins pour certains et ne répondra pas au critère choisi d’une distance d’accès aux soins accep- table ! Nous pouvons craindre également, vu la politique de rigueur actuelle, des suppressions ou des redistri- butions de postes de personnels, d’hôpitaux de proxi- mité et de centre de santé.

L’état des lieux du système de santé des Régions a établi un diagnostic de l’état de santé de la popu- lation et des offres du système de santé régional (prévention, prise en charge sanitaire et accompa- gnement médico-social). C’est une des composantes qui permettra d’élaborer le futur Projet régional de santé (PRS). Il est soumis à la concertation et au débat public. Les responsables des ARS demandent d’établir des priorités pour la prise en charge de cer- taines maladies et également de privilégier la prise en charge de certaines populations. Il est inadmissible de devoir choisir entre « la peste et le choléra » et de réduire l’offre de soins à un type de population.

Le droit à la santé est un droit fondamental et universel qui concerne chaque individu quel que soit son état de santé.

FRANÇOISE EIDEN

> Le privé à la rescousse de la prévention...

La prévention est le parent pauvre de notre sys- tème de santé. Les dépenses affectées à ce domaine sont de l’ordre de 2 à 7 % du budget global selon les sources. Et pourtant, il serait essentiel que la prévention soit un des axes stratégiques de notre système de santé. Ces actes de prévention (éducation à la santé, diminution des facteurs de risque, dépistage) doivent être proposés tout au long de la vie, intégrés dans le service public et pris en charge à 100 %.

Et pourtant les assurances privées moyennant finances prennent en charge ce secteur. En voici un exemple : les ARS doivent déve- lopper l’éducation à la santé et la prévention ; pour la promotion de la santé et l’éducation à la santé, trois domaines doivent être déve- loppés : les impacts sanitaires de l’environnement, la santé scolaire et la santé au travail. Ce qui suppose un budget important, des créations de postes et du matériel adapté. Le tout dans l’indépen- dance la plus complète avec la hiérarchie. Pour la prévention médi-

calisée, la vaccination, le dépistage de certaines maladies et l’édu- cation thérapeutique doivent être prises en charges par des équipes spécialisées et financés à 100 % par la Sécurité sociale.

« Depuis juillet 2009, la loi HPST permet aux pharmaciens d’of- ficine de mettre en place des campagnes de dépistage et de pré- vention à l’officine. Mais le gouvernement tarde à publier leurs décrets de mise en route, et à fixer leur prix, souligne Le Figaro (21/01). Allianz et huit laboratoires ont proposé leur partenariat au Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) pour dépister les risques cardiovasculaires dans les pharmacies... Ce nouvel acte pharmaceutique, dont le prix conseillé est de 18 euros, se réalise en 20 minutes et permet d’obtenir des résultats immédiats dans plus de 500 officines, depuis le 18 janvier.

Il sera pris en charge par Allianz pour ses clients en fonction des garanties souscrites ! »

Sources : Sénioractu.com du 19 janvier 2011 ■ L’accès aux soins

de proximité menacé

© DR

(9)

VIE

SYNDICALE

> R E F U S E R U N P R O J E T N É F A S T E

L’avenir de la FGR, c’est aussi notre affaire

La Fédération générale des retraités de la fonction publique (FGR-FP) va fêter son soixante-quinzième anniversaire. Elle a su maintenir son unité dans des périodes difficiles. Reconnue par les Unions confédérales de retraités (UCR), elle se porte assez bien ; les syndicats de la FSU y trouvent de mieux en mieux leur place et pourtant certains lui verraient bien subir une cure d’amaigrissement !

Créée en 1936, la FGR-FP est une organi- sation qui compte ; elle fait partie de l’inter-UCR, regroupant la quasi-unanimité des grandes confédé- rations dans laquelle doit entrer la FSU. Elle est pré- sente au CNRPA (le Comité national des retraités et personnes âgées) ainsi que dans les CODERPA au niveau départemental.

J. Maurice, alors secrétaire général, se félicita pour le 70

e

anniversaire « qu’elle ait réussi à préserver son unité malgré quelques secousses à plusieurs moments de son histoire ».

(1)

Les syndiqués du SNES n’ont pas oublié ces moments : notre éviction de la FEN et la création de la FSU ! Notre FGR-FP, car c’est bien de cela dont il s’agit, a résisté, conservé son pluralisme syndical aux côtés des adhérents directs. Nous avons su, tous ensemble, la faire évoluer, intégrer des syndicats nouveaux, don- ner leur place à des camarades de la FSU dans les dif- férentes instances, y compris au niveau national même si existent encore quelques départements figés dans une logique ancienne. Cette activité s’est concrétisée par le vote de motions unanimes dans les congrès.

Rendre les adhérents à leurs syndicats ?

En juin 2010, le congrès unanime se conclut par un appel à l’action : la fonction publique et la protection sociale voient leurs bases ébranlées... les salariés mani- festent contre les mesures annoncées sur les retraites.

Une voix discordante s’élève, celle de J. Maurice, qui s’interroge sur l’utilité du « maintien des adhérents syndiqués à la FGR-FP » proposant de « les rendre à leurs fédérations syndicales » et de garder la FGR-FP avec ses adhérents directs, ouverte à des associations.

L’ex-SG de la FGR-FP justifie ses propos par la baisse des effectifs, notamment ceux des adhérents directs, l’évolution du paysage syndical, la loi sur la représentativité, l’existence d’organisations de retraités, autant de faits dont aucun n’amène à sa conclusion.

La FSU unanime, le SNUI, des élus et délégués régio- naux s’opposent au sabordage, ils appellent au ren- forcement de la FGR, à son ouverture ; l’UNSA-

Retraités, rencontrée récemment, s’orienterait vers une double possibilité pour ses retraités fonction publique via, d’une part la création d’une fédération des retraités de la FP et d’autre part le maintien de leur adhésion à la FGR sous une autre forme

(2)

.

Faire entendre notre point de vue La baisse des effectifs est réelle, des syndicats (FO entre autres) quittent la FGR-FP ; seuls, les effectifs de la FSU et du SNUI (Solidaires) pro- gressent (+12,7 % entre 2006 et 2009 pour la FSU) ; la création des SFR y contribue et l’équilibre UNSA- FSU évolue du côté de la FSU. Le regroupement uni- taire de la FGR est unique ; il doit être renforcé, développé, s’ouvrir aux associations dont les objec- tifs sont proches des nôtres à commencer par le pôle des retraités de la FP... Réaffirmée au congrès FSU de Lille, la volonté de construire un nouvel outil syndical avec tous ceux qui le souhaitent prend forme : il ne s’oppose en rien à la FGR-FP qui, avec l’inter UCR, exprime l’unité des retraités.

Lancé par la commission exécutive de la FGR, méconnu des adhérents puisqu’aucune publication de la FGR ne l’évoque, un débat doit se dérouler dans les dépar- tements sur l’avenir de la FGR jusqu’à fin mars. Une commission nationale en fera la synthèse en présence de deux « experts » : J. Maurice et J. Meyronnenc (FO). C’est le congrès de 2012 qui tranchera.

Annie, Françoise, Jacky membres de la CE de la FGR

©Jean-Louis Viguier

LES JOURNÉES D’AUTOMNE

DE LA SFR-FSU

Les Journées d’autom- ne, c’est le rendez-vous national annuel des re- traités de la FSU, tous syndicats et toutes sec- tions départementales confondues. Les 8 et 9 décembre elles ont réuni une centaine de militants pour des ex- posés et des débats sur les thèmes qui in- téressent les retraités : analyse du mouvement social et ses suites, campagne de la FSU sur les services publics, défense du statut de la fonction publique, san- té et perte d’autonomie, syndicalisme et retrai- tés, activité des re- traités, FGR-FP. Le numéro de mars de Syndicalisme et retrai- tés (supplément à Pour, le mensuel de notre fédération) doit s’en faire l’écho ; nous reviendrons plus lon- guement sur ces jour- nées dans notre numé- ro de juin avec des communications sur

« le chantier : activité des retraités » et sur les résultats de l’en- quête SFR de 2010.

(10)

VIE SYNDICALE

Le SNES doit être présent et actif dans ce débat et bien sûr dans le collège d’experts – s’il doit y en avoir un – qui accompagnera la réflexion. Celui-ci ne sau- rait se réduire à deux partisans des thèses de Jacques Maurice, dont lui-même ; il doit inclure ceux proposés par les syndicats de la FSU et le SNUI.

Au plan local il convient de se mobiliser pour faire entendre le point de vue du SNES, de la FSU dans les CE et les AG, de rechercher toutes les alliances pour mettre en échec le projet et de poursuivre le travail

engagé : la construction des mobilisations qu’im- pose la casse organisée de la fonction publique et de la protection sociale.

Le mouvement syndical ne peut se priver de l’outil qu’est la FGR-FP. ■

ANNIE EVENO, 14 FÉVRIER 2011 (1) In revue spéciale 70eanniversaire.

(2) Demande d’affiliation en cours de l’ARENCT (Associa- tion des retraités de l’EN et des collectivités territoriales) créée par des retraités du SNAEN dissous au printemps dernier.

« Moi dit Léo (lycéen en Terminale S), je n’en peux plus de cette société-là, des injustices, des scandales, de la répression ». Deux lycéennes d’un lycée de Bron expliquent : « Nous sommes en lycée, nous allons pas- ser notre bac l’an prochain. Et après ? Aurons-nous des diplômes, et même, qu’en ferons-nous ? »

« Les jeunes sont dans les petits boulots sans rapport avec leurs études. Quand pourrons-nous vivre libres, autonomes ? » « Alors oui, la retraite, cette réforme, je la combats car c’est une injustice de plus », ren- chérit le premier. « Mais si on ne se bat pas, l’ave- nir c’est plutôt “no future” : du chômage, des petits boulots, un emploi qu’on n’a pas forcément choisi, des licenciements, et au bout du bout, exténués, une retraite de misère, la galère, toujours la galère. » Les événements de la place Bellecour à Lyon sont

encore dans les esprits : 200 personnes bouclées pen- dant six heures. En témoigne une jeune étudiante à Normale Sup en master de sociologie. « Nous étions parqués comme des animaux, parfois rabattus d’un côté ou l’autre de la place par des groupes armés mobiles.

Je n’ai insulté personne, ni levé la main sur qui- conque […]. Nous étions sans cesse mis sous pression et les armes déployées démesurées face à la population retenue. Je me rendais simplement […] à une mani- festation déclarée et autorisée par la préfecture. » Oui, on a raison de parler d’un mouvement excep- tionnel notamment parce que, comme l’écrivent les sociologues Sophie Béroud et Karel Yon « le monde du travail n’est plus un horizon flou pour les jeunes […] soit parce que ces jeunes travaillent déjà et connaissent l’état des conditions de travail, soit parce qu’ils savent qu’il est devenu irréaliste d’échap- per […] à la précarité, aux bas salaires, à l’ennui, grâce aux études ». ■

MARYLÈNE CAHOUET

> R E T O U R S U R U N C O N F L I T Q U ’ I L N E F A U T P A S O U B L I E R

Au cœur des manifestations

Pourquoi les jeunes se sont mobilisés sur la question des retraites

Une des caractéristiques du mouvement a été l’entrée des jeunes dans l’action. Et dans les cortèges ils ont fait preuve d’une grande lucidité sur leur avenir. Le taux de chômage des jeunes en France est un des plus importants d’Europe. La durée des études s’allonge, l’entrée dans l’emploi stable recule (27 ans actuellement). Repousser de deux ans l’âge de départ à la retraite c’est retirer des emplois pour l’accès au marché. Réflexions glanées au cœur des manifestations...

AGENDA

2 mars : réunion du groupe de travail perte d’autonomie à la FSU.

19 mars : manifestation nationale à Paris pour l’éducation.

Fin mars : dernier délai pour l’envoi des contributions des sections départementales sur l’avenir de la FGR-FP.

1eravril : revalorisation (ou blocage ?) des pensions.

En avril : réunion de la commission nationale sur l’avenir de la FGR-FP.

1ersemestre : groupes de travail thématiques, débats dans les départe- ments et les Régions sur la perte d’autonomie.

Et pendant tout ce temps la campagne de la FSU « le service public, on l’aime, on le défend » continue.

©DR

(11)

VIE

SYNDICALE

Nos trésoriers nationaux et sur place Claude Béziers avec son équipe d’accueil ont assuré avec succès l’organisation de cette AG, la qualité des intervenants faisant le reste. Donc un grand coup de chapeau à Gérard, Hubert, Claude et ses Dijonnais, à Jean-Paul, Françoise, Jacky, Chris- tian, Daniel, Annie et Odile, et à tous ceux qui ont contribué à enrichir le débat.

Pour commencer, un brillant tour d’horizon de la situation balayant l’international et notamment la Tunisie et l’Égypte, l’Europe en crise poursuivant sa politique libérale, la France, son président de la République qui provoque une grève de la Justice, ses ministres canailles où, devant la carence du politique il faudrait que le mouvement social prenne la relève, où la lutte contre les déficits publics sert de prétexte à des attaques inadmissibles contre les services publics et leurs personnels, notamment dans le second degré de l’EN.

Puis place à la santé, aux ARS et à la perte d’auto- nomie, avec un diaporama qui mérite d’être mis sur le site du SNES. On brasse de nombreuses ques- tions : les ARS qui se mêlent de tout, avec un fonc- tionnement tout sauf démocratique, où la parole syn- dicale est absente ; la difficulté pour la FSU d’entrer en tant que telle dans les débats officiels ; la pré- vention ; la situation de l’hôpital public et la néces- sité d’avoir des contacts avec les associations qui le défendent ; la journée d’action du 2 avril pour un sys- tème de santé public solidaire partout pour tous et contre la politique mise en place par les ARS ; l’ur- gence d’approfondir nos mandats sur le financement de la perte d’autonomie ; la MGEN et la dépen- dance ; l’apparition des « praticiens intermédiaires » qui pourraient prendre en charge certaines catégories dont les personnes âgées... On demande une réflexion sur le bénévolat. Toute initiative de débat public est

la bienvenue. ■

BÉNÉDICTE VRAIN

Lors des journées de Dijon, tu as fait des proposi- tions pour le financement de la perte d’autonomie ; peux-tu nous les résumer en quelques mots ? Pour la dépendance, la solidarité nationale doit s’exer- cer par une cotisation progressive et universelle, sur la totalité des revenus y compris ceux du patrimoine (biens immobiliers et capitaux mobiliers), et par une taxation des patrimoines les plus importants. 10 % des Français les plus riches détiennent plus de 50 % du patrimoine total des ménages.

Sur la fiscalité en général, le SNUI avance des propositions...

Notre métier [...] nous donne une connaissance assez précise des richesses produites, des patri- moines, des revenus, de qui paye quoi, de qui par- ticipe au déficit budgétaire en « optimisant » l’éva- sion fiscale ou en fraudant. La fiscalité est révélatrice

de choix de société. Elle doit être un outil de redis- tribution des richesses produites. Justice fiscale, justice sociale est le plus vieux slogan, toujours d’actualité de notre syndicat.

Tu es, pour la deuxième fois en très peu de temps, l’invité d’honneur des journées des retraités du SNES ; c’est de la collusion ?

Effectivement c’est beaucoup d’honneur mais aussi beaucoup de plaisir de vivre ces moments avec des militants syndicaux avec lesquels nous partageons des valeurs, un corpus idéologique et des pratiques syndicales unitaires. Notre appartenance commune à la FGR-FP per- met de renforcer, avec l’ensemble des militants de toutes ses composantes, nos analyses, nos propositions, nos revendications et ce très souvent, en bonne entente, en bonne intelligence. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-PIERRE BILLOT

> U N G R A N D M O M E N T D E L A V I E S Y N D I C A L E

Dijon les 9 et 10 février

La Bourgogne a été la terre d’accueil de l’assemblée générale annuelle des retraités du SNES : une journée et demie d’exposés et de débats, des séquences gastronomiques, pour certains une visite du vieux Dijon avec un guide aussi passionné qu’érudit.

> I N T E R V I E W D E :

Christian Steenhoudt

Président du comité de liaison des retraités du SNUI, membre de la CE de la FGR.

©Jean-Louis Viguier

©Jean-Louis Viguier

10 février, des retraités à la manifestation de Dijon

L’ensemble de l’interview ainsi que le compte-rendu complet de l’AG sont disponibles

dans leur version intégrale sur le site

SNES-Retraités

(12)

DOSSIER

Syndicats très représentatifs de la profession, y compris dans les départements algé- riens, le SNES et le SNET devaient tenir compte de l’opinion générale des enseignants, longtemps partagés entre attachement aux idéaux pacifistes et humanistes, condamnation du colonialisme et défense d’une Algé- rie faisant partie intégrante d’une France démocratique.

Dirigés par une majorité « autonome », ils essayaient d’aboutir à des positions unanimes entre les diverses ten- dances et les clivages politiques, tout en composant avec la majorité fédérale où la direction du SNI faisait la loi, de sorte que les motions de congrès, largement votées, furent souvent des compromis a minima.

Ainsi y eut-il toujours accord pour condamner

« toutes les violences d’où qu’elles viennent » (1955), l’utilisation de la torture (1957-1958), le « coup de

L E S N E S E T L E S N E T E T L A G U E R

Du côté de notre

La guerre d’Algérie a incontestablement jo d’enseignant(e)s qui eut 20 ans dans les a avant-gardistes au cours de cette guerre q

>

L A G U E R R E D ’ A L G É R I E

Mémoire et histoire

Il y a cinquante ans,

le 8 janvier 1961, les Français se prononçaient à 75 %

pour le droit à l’autodétermination du peuple algérien ;

le 20 février, Georges Pompidou rencontrait en Suisse

les représentants du FLN...

Une page de l’histoire se tournait.

>

Dossier réalisé par Marylène Cahouet, Françoise Eiden, Jean-Pierre Billot, Jean-Louis Viguier

Yves Eveno avait initié ce dossier ; la maladie ne lui a pas laissé le temps de le réaliser avec nous.

(13)

DOSSIER DOSSIER

force » d’Alger du 13 mai 1958, le putsch des géné- raux factieux (1961) et l’OAS. En revanche, il y eut longtemps désaccord sur la façon d’envisager la négociation pour une solution politique. La majorité resta attachée à la formule de la « table ronde », alors que les tendances B (UA) et EE souhaitaient la négociation « avec ceux qui se battent ».

Pourtant l’accord se fit en 1961 dans le SNES et le SNET – plus tôt que dans la FEN – pour la négo- ciation avec le seul GPRA : il faut dire que les négo- ciations avec lui avaient déjà commencé. Ce débat en recouvrait un autre, celui de l’avenir de l’Algérie. La reconnaissance du « fait national algérien » défendue par la tendance B obtint 44 % des voix au référendum du SNES de 1956, puis il fallut attendre 1958 pour que l’accord se fasse sur le droit à l’autodétermina-

tion, application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et enfin sur l’indépendance.

On retiendra aussi que le « drame algérien » mit en lumière un clivage entre générations. Les jeunes furent les premiers à dénoncer l’envoi du contingent : « La guerre que nous ne voulons pas faire » (L’US du 23 avril 1956), et à réclamer des « négociations avec les chefs militaires de la rébellion » (lettre ouverte des élèves des ENS du 15 mai 1956). Nombre d’entre eux (elles) refusèrent aussi d’être affecté(e)s en Algé- rie à l’issue de la réussite à leur concours, ce qui leur en fit perdre le bénéfice, mais il fallut attendre 1959 pour que les directions syndicales condamnent de telles affectations d’office. ■

A. DALANÇON IRHSES (INSTITUT DE RECHERCHE SUR LHISTOIRE DU SYNDICALISME DES ENSEIGNEMENTS DU SECOND DEGRÉ)

R R E D ’ A L G É R I E

e mémoire collective

oué un rôle déterminant dans l’engagement militant de toute une génération

années 1950-1960. Cela ne signifie pas que le SNES et le SNET prirent des positions qui mit du temps à dire son nom.

Setif, haut lieu de révolte et de répression

© Jean-Lambs

(14)

DOSSIER

Témoignage de Jean-Marie Dupuy, militant SNES

T É M O I G N A G E S D E L ’ É P O Q U E D E L A G U E R R E D ’ A L G É R I E

Le putsch des généraux

>

Apprentissage politique pendant la guerre

>

Jusqu’au « putsch des généraux » (fin avril 1961) ma conscience politique est à peu près nulle. De la Toussaint 1954 (j’étais en Première M au lycée de Haguenau), je n’ai retenu que la mort du jeune instituteur dans les Aurès. Ni l’envoi du contin- gent (Guy Mollet, 1956) ni le 13 mai 1958, ni le slo- gan « L’Algérie, c’est la France » ne m’ébranlent. Mes seuls intérêts : mes études (histoire-géographie de 1956 à 1959) et le sport (volley-ball). Certes la pratique

de la torture, les propos racistes et fascisants de certains cadres mili- taires, peu nombreux, il faut le dire, entendus pendant ma Prépa- ration militaire supérieure (PMS), me choquent.

En 1958, mon père décède. Il devient urgent pour moi de gagner ma vie. Après un an passé comme Research Assistant à l’University College London, je suis AE au lycée Fustel de Coulanges. J’y ren- contre des militants du SNES, et surtout mon collègue et bientôt ami Jean Baudry, membre du PCF. Intellectuellement, j’évolue (lentement), mais mes soucis personnels dominent tout : surtout ne pas perdre mon « sursis pour études », d’où la PMS, d’où mon

application méthodique à rater le CAPES ! J’ai des amis algériens auxquels je rends des « services » (héber- gement « d’amis ») sans poser de questions, et plus par amitié que par conscience politique, qui me valent un certain intérêt des RG. Le « putsch des généraux » m’ouvre enfin les yeux. Une nuit, vers 2 ou 3 heures du matin (22 ou 23 avril 1961), un ami de l’UNEF me réveille, me fait écouter la radio (« appel » de Michel Debré), me demande d’aller chercher des armes dans les casernes pour contrer un éventuel débarquement des parachu- tistes. Je l’envoie promener, tant cela me semble loufoque. Mais j’ai compris. Il faut se « mouiller » et accepter l’indépendance de l’Algérie pour mettre fin à la guerre. Ma vie de militant commence.

Aussi est-ce tout naturellement qu’en 1964, je résilie mon sursis, démissionne de la PMS et des EOR (plus facile à dire qu’à faire !) et pars en coopération technique en Algérie, au LTI de Dellys (Grande-Kabylie). Ce que j’ai vu et vécu là-bas jusqu’en 1966 m’amène à penser que pour plagier René Dumont « l’Algérie est mal partie ». ■

Témoignage de Michel Muller, journaliste

En 1956, j’étais étudiant à la fac de Strasbourg. Mes sou- venirs d’enfance de la guerre de 40 m’avaient profondément mar- qué et j’étais convaincu que la guerre, quelle qu’elle soit, était l’hor- reur absolue. J’étais engagé à l’UNEF, nous étions contre la guerre d’Algérie et cela nous semblait naturel de tirer les tracts pour l’UGEMA (Union générale des étudiants musulmans algériens).

Parmi la population étudiante, quatre groupes sont entrés en résis- tance contre la guerre d’Algérie : les communistes, les radicaux de gauche, les anarchistes et les catholiques de gauche.

En 1957, je me trouvais en contradiction avec la réalité de la guerre d’Algérie au vu des préceptes chrétiens qui m’avaient été donnés par mon « dressage catholique ».

Scandalisé par les actes de torture, je rentrais en contact avec mes amis algériens et le réseau Jeanson, je leur trouvais des boîtes aux lettres, des piaules, je les aidais à « porter » des fonds en Allemagne grâce à ma connaissance de l’allemand.

Mes souvenirs de la guerre 1940-1945 m’ont naturellement amené à refuser l’alternative : être tué ou tuer. J’étais donc prêt à m’in- soumettre. À la chute du réseau Jeanson à Paris et sous l’influence d’Henri Curiel

(1)

, je prends conscience de la nécessité de mener le combat politique en France, mon pays ; on ne fait pas la révolution à la place des autres.

Il y avait une grande incompréhension entre les différents groupes dont les points communs étaient pourtant la haine de la guerre colo- niale et la volonté de faire se réaliser l’indépendance du peuple algé- rien ; mais les moyens pour y arriver étaient différents : il y avait ceux qui prônaient le refus de faire la guerre et la désertion de l’ar- mée française, et ceux qui exigeaient le soutien au FLN ou encore ceux qui privilégiaient le combat pour convaincre le peuple fran- çais d’agir pour la fin de la guerre et le droit à l’autodétermination des Algériens.

À l’indépendance, je voulais partir en coopération en Algérie.

Bien que mon dossier de candidature à la coopération ait été

« oublié » à Paris (enquête diligentée sur mon compte des services de sécurité français, sans doute), j’ai obtenu un poste à l’ambassade de France à Alger.

Ce fut le premier et plus important apprentissage politique de ma vie. À mon retour en France, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans les services de coopération des Affaires étrangères. Je suis actuellement journaliste à L’Humanité, en retraite. ■

(1) Henri Curiel, né au Caire dans une famille juive, militant communiste et anticolonialiste, militant de la cause palestinienne, assassiné à Paris le 4 mai 1978.

(15)

DOSSIER DOSSIER

Tu étais un très jeune lycéen au moment de la guerre d’Algérie et tu étais très proche à la fois géographiquement et affectivement de ce qu’on appelait alors officiellement « les événements » ; quels souvenirs gardes-tu de la période ?

Il faudrait distinguer l’avant 1960, date de mon « retour » en France, où ma sensibilité n’était guère différente de celle de la majo- rité des Français d’Afrique du Nord, et l’après 1960 où, élève au lycée Fustel de Coulanges à Strasbourg, j’ai pris conscience de l’iné- luctabilité et de la légitimité de l’indépendance des peuples colo- nisés. Le point nodal de ce retournement a été le putsch des géné- raux en avril 1961.

Est-ce le creuset de ta vocation d’historien ?

Peut-être inconsciemment. Il se serait agi alors de rompre avec la nostalgie du pays natal et d’insérer mes souvenirs dans une com-

préhension globale ? Ce vécu a probablement eu sa part dans mes choix. Mais, d’une façon plus générale, je crois que j’aspirais à tenter de comprendre la société dans laquelle je vivais. D’où, étu- diant, c’est là que mon orientation s’est faite simultanément, une politisation croissante et le choix de l’histoire, ce qui me semblait aller de pair.

Tu as enseigné cette période ; as-tu constaté un hiatus entre mémoire et histoire ?

Bien sûr ! La mémoire, par le souvenir ou l’oubli, c’est ce qui aide à vivre du fait de la construction d’une image qui soit acceptable par l’individu ou le groupe. D’où la multiplicité des mémoires selon les appartenances. L’histoire s’efforce quant à elle d’accéder, au-delà des interprétations qui peuvent diverger, à une connaissance qui peut parfois entrer en conflit avec les mémoires... ■

Trois questions à...

> Jean-Paul Bruckert, professeur (retraité) d’histoire en classe préparatoire, né à Tunis

> I N T E R V I E W

Jean-Marie Boëglin, un artiste engagé

Né en 1928, il est l’un des créateurs du Théâtre de la Cité à Villeurbanne. Il a participé à un réseau clandestin de soutien au FLN, dans la région Rhône-Alpes. Condamné par contumace en avril 1961 par le Tribunal militaire de Lyon à la peine maximum prévue, soit dix ans de prison, il vivra en exil en Algérie et ne rentrera en France qu’en 1981.

Metteur en scène, formateur, comédien. Il participe actuellement, au « Troisième Bureau » à Grenoble, collectif artistique pluridisciplinaire sur les écritures théâtrales contemporaines.

Aujourd’hui, ce qui nous intéresse dans votre parcours, c’est votre engagement dans le conflit algérien. D’où vient votre implication ? Je dis que j’ai été embarqué. La première fois que j’ai entendu parler de l’Algérie, c’est par la radio. Je me souviens que, travaillant dans un journal à Chalons, je faisais un reportage ; au transistor j’entends

« détournement d’avion : on a arrêté deux dangereux terroristes ». Ben Bella et Mostéfa Lacheraf. Ça m’étonne, je me dis « Tiens », j’avais le souvenir pour le second d’une personne très gentille, très calme et voici qu’elle devient un dangereux terroriste (il fai- sait partie de l’équipe des « Temps Modernes »). Là je me suis posé un certain nombre de questions : on doit forcément nous mentir quelque part.

De quand date votre engagement actif ? À Villeurbanne, aux débuts du Théâtre de la Cité, j’al- lais faire de l’agitation à l’université. Parmi les

jeunes, il y avait quelques étudiants algériens dont un garçon qui s’intéressait beaucoup au théâtre, Khader.

Nous nous sommes liés d’amitié et un jour, j’arrive, et les étudiants algériens me disent « Il a disparu ».

Il avait été arrêté et torturé à Lyon parce qu’il faisait partie d’une organisation pour l’indépendance de l’Algérie. Alors très spontanément j’ai dit « si je peux vous rendre un service quelconque, je suis à votre disposition. Je voyage pas mal... je peux rendre des services ». J’ai eu ainsi quelques missions à effectuer... quelques mois après, en 1957-1958 on m’a demandé de constituer un réseau à Lyon. L’engre- nage : j’étais mûr parce que j’ai été initié à la vie clandestine par mon père FTP.

Quel était votre rôle ?

J’étais responsable du réseau de soutien au FLN et nous centralisions toutes les finances. Le Théâtre de la Cité

était en difficulté et le FLN prêtait de l’argent, sans inté-

« Fous pas ton pied dans cette merde,

C’est une vraie histoire de fou

Pas ton pied dans cette merde,

Ou bien t’y passeras jusqu’au cou »

(Refrain d’une chanson du film)

(16)

DOSSIER

E N S E I G N E R

L’histoire de la guerre d’Algérie en France

>

rêt. Nous nous réunissions dans un bistrot, avec le tré- sorier du théâtre et je lui apportais un ou deux millions de francs et il faisait une reconnaissance de dette. Il remboursait parce que les Algériens, de ce côté-là étaient impitoyables. Pour 500 francs il y en a qui ris- quaient de se retrouver au fond du canal de Jonage.

Vous avez été trahi ?

Nous avons été trahis par un homme admirable : celui qui dirigeait la région de Marseille. Mais ce qu’on igno- rait, c’est qu’il avait été arrêté, torturé et retourné par les services français. C’était un des responsables algé- riens. Et c’est ainsi que les réseaux de Lyon sont tom- bés et moi avec. C’est une histoire très douloureuse parce qu’au moment du cessez-le-feu des camarades algériens sortis de prison ont demandé des explications.

Nous nous sommes tous retrouvés en Suisse avec cet homme. Il savait qu’il était condamné...

Et ce fut l’exil...

Je suis donc allé en Suisse (grâce à Malraux), en Alle- magne puis au Maroc.

Mon errance a duré de novembre 1960 à juillet-août 1962. Je ne pouvais pas aller en Algérie, même pen-

dant le cessez-le-feu. J’aurais été arrêté à tout de suite. Je suis resté un an au Maroc...

Vous vous êtes engagé par choix politique ? Je ne suis pas un vrai politique. J’ai fait de la politique pour pouvoir pratiquer le théâtre, en pensant que la politique allait changer la vie et qu’en changeant la vie, on allait trouver des moyens nouveaux pour le théâtre. Je suis resté ensuite en Algérie où j’ai créé le TNA (Théâtre national algérien). Je ne suis rentré en France qu’en 1981.

Alors, Alger dans les années soixante ?

C’était une époque extraordinaire, il y avait là tous les mouvements africains de libération. Après, les

« Historiques » se sont entre-tués.

Je n’ai jamais pris la nationalité algérienne alors que je suis probablement, parmi « les pieds rouges », celui qui est resté le plus longtemps mais il ne m’est jamais venu à l’esprit de changer de natio- nalité d’autant que j’avais été privé de mes droits civiques. J’ai toujours revendiqué d’être cosmo- polite et athée, ce qui n’était pas très bien vu en Algérie. ■

L’enseignement de l’histoire de la guerre d’Algérie est depuis toujours problé- matique, mais pas pour les mêmes raisons. En effet, les enseignants d’histoire ont connu la période où

« l’Algérie était la France », celle de la guerre d’indé- pendance, celle, depuis 1962, d’une Algérie indé- pendante et la période de l’accueil tour à tour des

« rapatriés », de harkis, et d’immigrés économiques.

Leurs élèves ont aussi

changé : enfants puis petits enfants de ceux qui l’avaient vécu, Français pour la plupart, ils ont une mémoire nourrie de ce passé ou en sont ignorants.

Dans le même temps, les programmes scolaires ont évolué. Les manuels, plus nombreux, aux auteurs plus souvent issus de l’enseignement secondaire, ont accordé une place croissante aux documents.

En lycée, à partir des années 1960, les programmes (dits « Braudel ») prévoient l’étude « des » civili- sations dont la civilisation arabe, c’est alors le seul chapitre des manuels où, dans le meilleur des cas c'est-à-dire très rarement, une allusion est faite à la guerre d’Algérie : la question est trop chaude pour être traitée de front, les archives sont inaccessibles, fort peu d’historiens s’emparent du sujet, la popu- lation est divisée. À partir de 1977 en collège et de 1984 en lycée, les programmes intègrent la séquence algérienne et certaines questions auparavant tues (surexploitation coloniale, torture, par exemple).

Les manuels, pour refroidir le sujet, usent de techniques diverses : dissémination de son traite-

Une transmission encore difficile

L'enseignement de l'histoire dans les anciennes colonies françaises a toujours suscité des polémiques ;

la guerre d’Algérie n’échappe pas à la règle.

(17)

DOSSIER DOSSIER

T É M O I G N A G E S

Djiga, kabyle d’origine, se souvient...

>

ment, point de vue occidental prédominant, approche

« déshistoricisée » – par les Droits de l’Homme puis par la morale et la compassion–, dévolution aux documents des questions les plus sensibles, occulta- tion de certains aspects (la dimension guerre civile, les camps de regroupement, la justice d’exception, les harkis, etc.). Les manuels récents ont une approche plus critique et distanciée que ceux des années 1960 ; ils abordent nombre d’aspects alors celés, mais pas encore tous et l’empreinte de cette histoire sur le pays n’est guère analysée.

Dans les années 1960, certains enseignants contour- naient l’obstacle de l’absence de la question au pro- gramme, en utilisant le cours de géographie sur le

« sous-développement » pour étudier les caractéris- tiques de la colonisation. À leurs risques et périls par- fois. Ainsi, peu de temps après la guerre d’Algérie, un enseignant fait-il l’objet d’une plainte de la part d’une famille fraîchement arrivée d’Algérie en Ardèche, qui trouvait que le professeur développait

un peu trop l’esprit critique de ses élèves. L’inspec- teur d’académie saisi sut faire la part des choses.

Ce ne fut pas toujours le cas. Ailleurs des ensei- gnants furent sanctionnés pour avoir abordé la guerre d’Algérie (à Grenoble, par exemple). Actuellement, nos enquêtes montrent que les enseignants ont à cœur d’enseigner cet épisode de l’histoire nationale, mais le manque de formation initiale et continue sur le sujet fait que certains ne l’abordent qu’avec pru- dence et parcimonie par manque de ressources pour répondre aux questions et remarques des élèves, et aux controverses politiques ou scientifiques. ■

FRANÇOISE LANTHEAUME LABORATOIREÉDUCATION, CULTURE, POLITIQUES. UNIVERSITÉ DELYON

Pour mémoire : Fr. Lantheaume « Les difficultés de la transmission scolaire : le lien Algérie-France dans les programmes d’histoire et les manuels en France au XXe

siècle » In La France et l’Algérie : leçons d’histoire. De l’école en situation coloniale à l’enseignement du fait colonial, Lyon, ENS-Inrp.

Je me souviens de mon enfance et de mon adolescence au village de Tizi-Ougeni en Grande-Kabylie, pendant la guerre d’Algérie.

Je me souviens du village incendié au-dessus du mien dans la montagne, des maisons rasées, des exé- cutions terribles... de la terreur de ma mère (« opé- ration Jumelles », juillet 1959).

Je me souviens des femmes qui partaient dans la forêt et la montagne avec des grands plats de coucous sur leur tête vers le maquis pour ravitailler « nos pères, nos oncles, nos cousins » : les fellagas. Je me souviens de ces hommes armés qui venaient le soir dans les mai- sons : nous soutenions le FLN. Je me souviens du jour de 1959 où un jeune couple idéaliste d’instructeurs est arrivé pour créer une école française.

Je me souviens de ces militaires qui nous traînaient à l’école à coup de cravache ; j’en éprouvais du res- sentiment pour ces jeunes instructeurs français venus

« nous instruire ». Ils étaient jeunes, sympathiques ; ils étaient pour l’indépendance de l’Algérie par des voies pacifiques... mais ils étaient Français, protégés par une « Harka » commandée par un officier fran- çais. Ce qu’ils ne savaient pas c’est qu’ils étaient aussi protégés par le groupe FLN de chez nous qui les appréciaient pour leur humanisme ; ils les proté- geaient de la méfiance d’autres groupes FLN...

Je me souviens du jour où ma mère demanda à ces Français de me prendre comme « nounou » chez eux pour apprendre le français. J’ai fini par les aimer comme une deuxième famille, je suis partie avec eux en France en 1962 ; je me suis mariée avec un Français. Je suis Française maintenant.

Mais je n’ai pas oublié mon pays d’origine... ■ Les femmes kabyles ont joué un rôle important

© B.Yelles, Scéne de campagne

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