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Domestic violence during pregnancy [Violence conjugale chez les femmes enceintes]

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ARTICLE ORIGINAL

Violence conjugale chez les femmes enceintes

Domestic violence during pregnancy

H. Boufettal

a,

* , F. Majdi

a,b

, A. Belhouss

b

, S. Mahdaoui

a

, M. Noun

b

, S. Hermas

a

, N. Samouh

a

aService de gyne´ cologie-obste´ trique « C », centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, faculte´ de me´ decine et de pharmacie, universite´ Aı¨n Chok, Casablanca, Maroc

bService de me´ decine le´ gale, centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, faculte´ de me´ decine et de pharmacie, universite´ Aı¨n Chok, Casablanca, Maroc

MOTS CLÉS Violence conjugale ; Grossesse ;

Morbidité maternelle ; Morbidité fœtale

Résumé La violence conjugale représente un grave problème de société et un enjeu de santé périnatale. Cet article présente les résultats d’une enquête réalisée au centre hospitalier Ibn Rochd de Casablanca sur une période d’une année dans le but de déterminer leur fréquence, leurs facteurs de risque, les pathologies maternelles et les complications obstétricales. Les résultats de notre enquête retrouvent une fréquence des sévices physique durant la grossesse de 18,3 % (125 cas). La moyenne d’âge de ces femmes est de 22,3 ans. Soixante et onze pour cent des parturientes sont illettrées. Soixante et un pour cent des femmes sont issues d’un niveau socioéconomique défavorisé et 47 % sont d’origine rurale. La moitié des maltraitées sont des multipares avec une moyenne de parité de 4,2 enfants vivants. Trente-cinq pour cent des grossesses sont non planifiées. Trente-sept pour cent des partenaires des parturientes sont sans emploi et 86 % ont des habitudes toxiques. Les complications obstétricales sont assez fréquentes et les répercussions mentales sont non négligeables avec trois tentatives de suicide. Une identification précoce des mauvais traitements subis par les femmes enceintes et la prise de mesures visant à les prévenir pourraient réduire la survenue de ces effets indésirables.

#2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Domestic violence;

Pregnancy;

Maternal morbidity;

Fetal morbidity

Summary Domestic violence is a serious social problem and an issue of perinatal health. This article presents the results of a survey conducted at the CHU Ibn Rochd of Casablanca over a period of one year in order to determine their frequency, risk factors, maternal diseases and obstetric complications. The results of our survey found that women who reported physical abuse have a frequency of 18.3% (125 cases). The average age of these women is 22.3 years.

Seventy-one percent of parturients are illiterate, 61% from a disadvantaged socioeconomic status, 47% originated from a rural, half of the abused are multiparous with an average of 4.2 living children, 35% unplanned pregnancies. 37% of pregnant partners are unemployed and 86%

have toxic habits. Obstetric complications are fairly frequent and mental effects are not negligible with three attempted suicides.

* Auteur correspondant. Résidence Al Mokhtar, 29, Lotissement Abdelmoumen, 20100 Casablanca, Maroc.

Adresse e-mail :mohcineb@yahoo.fr(H. Boufettal).

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

1878-6529/$—see front matter#2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

doi:10.1016/j.medleg.2012.03.001

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Conclusion.— Early identification of abuse suffered by pregnant women and taking measures to prevent them could reduce the occurrence of these adverse effects.

#2012 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction

La violence conjugale s’inscrit dans un processus au cours duquel, pour instaurer et maintenir une supériorité, le par- tenaire recourt à la force, à la menace, à la contrainte ou à tout autre moyen de pression ou de maltraitance. L’autre est traité comme un objet et non comme un sujet de droits. Dans de nombreux pays, la violence conjugale reste essentielle- ment perçue comme une question pénale ou de droits humains

[1,2]. Cependant, elle représente un grave pro-

blème de société et un enjeu de santé périnatale

[3,4]. Ce

lien est généralement mal pris en compte au niveau des services de soins de santé périnatale, pourtant ce comporte- ment donne souvent lieu à de nombreuses conséquences en termes de santé mentale maternelle et de complications obstétricales

[5].

Pour une meilleure compréhension de l’épidémiologie de la violence conjugale durant la grossesse nous avons mené une enquête dans notre établissement dans le but de déter- miner leur fréquence, leurs facteurs de risque, les patholo- gies maternelles et les complications obstétricales qui pourraient avoir des répercussions importantes sur la pra- tique clinique et la santé publique. Une identification précoce des mauvais traitements subis par les femmes enceintes et la prise de mesures visant à les prévenir pour- raient réduire la survenue de ces effets indésirables.

Patientes et méthodes

Une enquête transversale continue était menée au centre hospitalier universitaire Ibn Rochd de Casablanca sur une période d’une année de 2009. L’étude incluait des partu- rientes hospitalisées pour accouchement, pour prise en charge d’une grossesse à haut risque ou pour une simple consultation obstétricale de routine. L’étude était basée sur un questionnaire utilisant le test d’évaluation des mauvais traitements (abuse assessment screen [AAS]), auquel les parturientes répondaient à des questions directes au cours de l’anamnèse après consentement de ces dernières.

Durant la période d’étude, 787 parturientes étaient inter- rogées. Parmi lesquelles 105 parturientes avaient refusé de répondre à notre questionnaire. De ce fait, l’étude avait concerné 682 cas. Le groupe de femmes qui avaient déclaré être victime d’une violence conjugale durant la grossesse (G1) comportait 125 cas et le groupe de femmes qui avaient déclaré ne pas être victime d’une violence conjugale durant la grossesse (G2) comportait 557 cas.

Parmi les parturientes enquêtées, 340 parturientes étaient hospitalisées pour accouchement, 128 étaient hos- pitalisées pour prise en charge d’une grossesse à haut risque et 214 étaient vues dans le cadre d’une consultation obsté- tricale de routine (Tableau 1).

Une femme était considérée comme ayant subi une vio- lence conjugale si elle avait répondu affirmativement, aux questions qui demandaient si son partenaire l’avait insulté, poussé, frappé avec la main, frappé avec un objet dur, mordue, s’il lui avait donné des coups de pied ou s’il l’avait traîné, attaqué avec un couteau ou s’il avait essayé de l’étrangler ou de la brûler. Une femme était considérée comme ayant subi un sévices sexuel si elle avait déclaré que son partenaire l’avait forcé à avoir des rapports sexuels durant la grossesse.

Les variables démographiques comportant l’âge, le statut marital, la résidence urbaine ou rurale et le niveau d’ins- truction étaient analysés. Pour les caractéristiques liées à la fécondité, nous avions pris en compte la parité, le nombre d’enfants vivants, les antécédents de grossesse interrompue avant terme, l’usage des moyens de contraception modernes et la discussion du planning familial avec le partenaire. Par ailleurs les antécédents familiaux de violence étaient aussi notés ainsi que les types et la fréquence des violences, les facteurs de risque, les complications obstétricales et les éventuelles répercussions sur la santé mentale de la mère.

Le test Chi

2

a été utilisé pour comparer les résultats.

Résultats

Durant la période d’étude, 682 (87 %) avaient répondu à notre questionnaire. Ces dernières comportaient 128 patientes

Tableau 1 Répartition de la population étudiée selon la période d’exposition au moment de la grossesse.

Période d’exposition Nombre et pourcentage des parturientes victimes de violence conjugale (%)

Nombre et pourcentage des parturientes non victimes de violence conjugale (%)

Incidence de violence conjugale selon la période d’exposition (%)

p

Grossesse à risque (n= 128)

52 (42) 76 (14) 42 <0,0005

Suivi de grossesse (n= 214)

38 (30) 176 (31) 17 ns

Accouchement (n= 340)

35 (28) 305 (55) 10 <0,0005

Total 125 (100) 557 (100) 18,30 <0,0005

ns : non significatif.

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hospitalisées pour grossesse à haut risque, 214 interrogées durant leurs suivis de grossesse et 340 parturientes venues pour accouchement normal. La répartition de la population étudiée selon la période d’exposition au moment de la gros- sesse est résumée dans le

Tableau 1. Les femmes qui avaient

déclaré être victime d’une violence conjugale verbale, phy- sique, ou sexuelle représentaient 125 cas (18 %). L’incidence des sévices physiques parmi le groupe de femmes qui avaient une grossesse à haut risque était de 42 % (52/125), de 17 % (38/

214) chez les femmes suivies pour grossesse et de 9 % (35/340) pour les femmes venues pour accouchement (Tableau 1).

La violence physique revêtait les formes de gifles, coups de poing, coups de pied, agressions armées, etc. La violence sexuelle associée comportaient les attouchements sexuels non désirés, les rapports sexuels forcés et ou la participation forcée à des actes sexuels dégradants (Tableau 2).

Le premier épisode de violence conjugale était la gros- sesse en cours chez 51 patientes (41 %). Cette violence était rapportée avant la grossesse chez 74 femmes enceintes (59 %) ; parmi lesquelles 25 patientes (34 %) signalaient une augmentation de la violence durant la grossesse actuelle.

Les régions du corps les plus souvent blessées étaient dans 51 % le visage, 12 % la tête, 12 % la région abdominale et 10 % les fesses et les membres. Quinze pour cent des femmes avaient reçu des coups sur plus d’une partie du corps. La moyenne d’âge de l’agresseur était de 39,8 ans. Ce dernier était sans profession dans 37 % des cas. Il avait des habitudes toxiques dans 86 % des cas.

La moyenne d’âge des femmes victimes de sévices phy- siques durant la grossesse était de 22,3 ans (16 à 44 ans), celle des patientes témoins était de 24,2 ans (18 à 41 ans).

Les parturientes illettrées représentaient 89 cas (71 %),

celles issues d’un niveau socioéconomique défavorisé repré- sentaient 76 cas (61 %), celles issues d’un milieu rural étaient 59 cas (47 %). Les multipares représentaient la moitié des cas avec une moyenne de parité de 4,2 enfants vivants (Tableau 3). Les femmes soumises à la violence de leur partenaire intime en cours de grossesse avaient qualifié cette grossesse comme non planifiée dans 35 % des cas (oubli de contraceptif) versus 8 % chez les parturientes non victi- mes de violences conjugales (

p<

0,0005). Elles rappor- taient des sentiments négatifs à son égard dans 25 % des cas.

Dix-neuf parturientes (15 %) de notre série étaient retour- nées chez elles à la suite des sévices physiques. Elles étaient chassées du domicile du partenaire.

Les conséquences directes ou indirectes des sévices physiques durant la grossesse sur la santé de la femme et de son fœtus étaient, dans notre série, plus fréquentes chez les parturientes victimes de violences, comparées aux par- turientes non victimes aux violences, notamment le risque de survenue d’une menace d’avortement ou d’une menace d’accouchement prématuré (

p<

0,0005) (Tableau 4). Les répercussions sur la santé mentale sont aussi plus observées chez les parturientes qui avaient subit ces sévices. Ainsi, une dépression était rapportée chez 44 cas (35 %), les troubles de sommeil chez 36 cas (29 %) (

p<

0,0005). Trois tentatives de suicide étaient rapportées (p

<

0,002) (Tableau 5).

Discussion

La violence conjugale se taille la part de lion des violences que subissent les femmes au Maroc, elle représente environ 74 % des cas, indique un rapport sur la violence basée sur le

Tableau 2 Répartition des différentes formes de violence conjugale durant la grossesse chez les femmes de notre série.

Type de violence conjugale Fréquence

en %

Fréquence de violence moins de 2 fois en %

Fréquence de violence plus de 2 fois en %

Poussée 43 63 27

Frappée avec la main 28 53 47

Mordue 11 71 29

Frappée à coups de pied ou traînée 13 51 49

Attaquée avec un couteau 0,2 100 0

Tentative d’étranglement ou de brûlure 0,1 100 0

Sévices sexuels 9 73 27

Tableau 3 Caractéristiques sociodémographiques des parturientes victime de violence conjugale comparé aux parturientes non victimes.

Caractéristiques sociodémographiques Parturientes victimes de violence conjugale (n= 125)

Parturientes non victimes de violence conjugale (n= 557)

p

Moyenne d’âge (ans) 22,3 24,25 —

Multiparité 62,5 (50 %) 212 (38 %) <0,0005

Niveau socioéconomique bas 76 (61 %) 236 (42 %) <0,0005

Milieu rural 59 (47 %) 115 (21 %) <0,0005

Illettrées 89 (71 %) 128 (23 %) <0,0005

Planification de la grossesse actuelle 81 (65 %) 512 (92 %) <0,0005

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genre, qui a porté sur la période entre septembre 2005 et octobre 2006 établi par le réseau national des centres d’écoute des femmes victimes de violence au Maroc

« Anaruz » dont 30,5 % sont représentés par des violences physiques. Certaines études révèlent que les femmes encein- tes ont plus de risques d’être victimes de violence conjugale et que les femmes déjà victimes de violence subissent des niveaux plus élevés de violence quand elles sont enceintes

[2,6—8]. D’autres études montrent que la fréquence des

sévices régresse avec la grossesse

[9,10]

(Tableau 6).

Les estimations de la prévalence de violence conjugale durant la grossesse varie selon les pays et les méthodes

utilisées (Tableau 7). Au Maroc, la nature privée des mauvais traitements infligés par un partenaire a rendu difficile la mesure de leur prévalence estimée dans notre étude à 12,3 %

[11,12].

Le dépistage des violences conjugales est de difficulté très variable

[12]. La grossesse constitue un moment privilégié du

fait de la fréquence des consultations prénatales et le lien de confiance qui s’établit le plus souvent entre le personnel médical et les patientes

[2,3]. Certains cliniciens préfèrent

poser, pendant l’anamnèse, des questions directes sur la violence comme c’est le cas dans notre étude, alors que d’autres préfèrent avoir recours à des outils normalisés

[4].

Tableau 4 Répartition des complications obstétricales dans notre série.

Complications obstétricales Nombres et pourcentages des parturientes victimes de violence conjugale (n= 125) (%)

Nombres et pourcentages des parturientes non

victimes de violence conjugale (n= 557)

p

Avortement 55 (44) 32 (6) <0,0005

Décollement trophoblastique 26 (21) 30 (5) <0,0005

Menace d’accouchement prématuré 23(18) 167 (30) <0,001

Rupture prématuré des membranes 30 (24) 148 (26) ns

Hématome rétroplacentaire 1 (1) 19 (3) ns

Mort fœtal in utero 3 (2) 25 (4) ns

ns : non significatif.

Tableau 5 Répartition des complications non obstétricales.

Complications non obstétricales Nombres et pourcentages des parturientes victimes de violence conjugale (n= 125) (%)

Nombres et pourcentages des parturientes non victimes de violence conjugale (n= 557) (%)

p

Troubles de sommeil 36 (29) 61 (11) <0,0005

Dépression 44 (35) 91 (16) <0,0005

Tentative de suicide 3 (2) 0 <0,002

Tentative d’homicide 1 (1) 0 ns

Tableau 6 Histoire de la violence conjugale durant la grossesse.

Auteurs 1eracte de violence au

cours de la grossesse (%)

Antécédents de violence (%)

Arrêt de Violence avec la grossesse (%)

Violence non arrêtée avec la grossesse (%)

Helton et al. (1987)[28] 12,5 87,5 52,3 47,7

Stewart et Cecutti (1993)[29] 13,9 86,1 — —

Martin et al. (2001)[30] 29,0 71,0 45,8 54,2

Valladares et al. (2002)[31] 40,0 60,0 — —

Saltzman et al. (2003)[32] 26,8 73,2 55,6 44,4

Bohn et al. (2004)[33] 3,8 96,2 68,7 31,3

Dunn et Oths (2004)[34] 18,8 81,2 40,9 59,1

Guo et al. (2004)[35] 23,0 77,0 67,4 32,6

Janssen et al. (2003)[36] — — 30,8 69,2

Renker et Tonkin (2006)[37] 30,8 69,2 39,4 60,6

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La société des obstétriciens et gynécologues du Canada, le collège américain des gynécologues-obstétriciens et l’asso- ciation médicale américaine recommandent que le dépistage des mauvais traitements durant la grossesse fasse systémati- quement partie des soins prénatals

[4,5,7]. L’outil de dépis-

tage

The woman abuse screening tool

(WAST) est fiable et valide au Canada. Il a démontré son efficacité pour identifier les mauvais traitements chez les patientes adultes qui consul- tent leur médecin de famille régulièrement pour des soins prénataux, des examens médicaux périodiques ou l’évaluation de problèmes de santé particuliers

[13—16]. Il a été incorporé

au formulaire

antenatal psychosocial health assessment

(ALPHA)

[8]. Un outil de dépistage fondé sur des preuves

qui peut être utilisé comme liste de vérification pour le questionnaire psychosocial. Il existe d’autres outils de dépistage : l’indice de violence conjugale (index of spousal

abuse

[ISA])

[16], le test d’évaluation des mauvais traitements

(AAS)

[17], l’outil de dépistage des mauvais traitements chez

les femmes (WAST)

[7]. Le WAST a été intégré au formulaire

d’évaluation prénatale de la santé psychosociale (ALPHA)

[8,9,17], le dépistage de la violence conjugale (partner vio- lence screen

[PVS])

[9], etc. Au Maroc, nous ne disposons pas

d’un outil de dépistage standard et les modèles représentés sont peu nombreuses dont la majorité est réalisée par des sociologues et non par les prestataires de santé.

Les violences conjugales peuvent intéresser toutes les catégories sociales. Toutefois, les femmes jeunes (20 à 24 ans), dont le revenu du ménage est plus faible, dont le partenaire est chômeur ou ayant un emploi précaire, consommateur de stupéfiant ou ayant été témoin d’actes de violence contre sa mère durant son enfance, sont deux fois plus touchées

[10,18], ce qui a été confirmé dans notre

étude.

L’indice d’occupation du logement constitue aussi un indicateur de la situation sociale des femmes et décrit des conditions matérielles d’existence. Habiter un logement sur- occupé est associé au risque de violences et le demeure de façon indépendante, après la prise en compte des autres facteurs sociodémographiques. Gazmararian et al.

[18]

observent une différence de même amplitude, avec le même indicateur (logement de moins d’une pièce par per- sonne) dans cinq états d’Amérique du nord

[19,20]. Cet

indice n’a pas été mesuré dans notre enquête.

Outre ces facteurs de risque, les études ont lié la violence aux grossesses non désirées, surtout parmi les adolescentes

[19—21]. La grossesse peut être la cause de la violence du fait

que la grossesse n’a pas été planifiée comme elle peut être la conséquence d’un viol conjugal, avoir été décidée par le

couple dans une période d’accalmie ou être la conséquence de l’impossibilité pour la femme de suivre une contraception vue les répercussions psychologiques de la violence

[22].

Les violences conjugales comprennent entre autres les actes de sévices mineurs suivants : frapper du pied, pousser, renverser, jeter à terre, agripper et des actes de violence majeurs à savoir mordre, étrangler, gifler, donner des coups de poing et frapper

[22,23]. Ils englobent également l’uti-

lisation d’une arme ou d’un autre objet pour menacer ou blesser une autre personne, et ils peuvent entraîner le décès

[23]. Dans une étude auprès de 400 villages à Pune, en Inde,

16 % de tous les décès survenus en cours de grossesse se sont avéré le résultat de la violence du partenaire

[23,24].

L’homicide par le partenaire a également été identifié comme cause importante de décès maternel au Bangladesh comme aux États-Unis

[21]. Malgré la rareté des données

disponibles en Afrique, la violence par le partenaire intime a été enregistrée comme quatrième cause de décès maternel à l’hôpital Maputo Central au Mozambique

[24]. Ces gestes de

violence sont parfois volontairement cachés par les partu- rientes. Cependant, un examen entier des patientes peut révéler des lésions différentes : contusions, ecchymoses, hématomes, brûlures, morsures, plaies, traces de strangula- tion qui selon Henrion

[8]

ont trois caractéristiques : le siège au niveau de la face antérieure du corps, la multiplicité et l’âge différent des lésions témoignant de la répétitivité des actes violents.

Les violences conjugales peuvent avoir des répercussions graves sur la grossesse. Une méta-analyse

[25]

conclut à un excès de risque de faible poids de naissance lié aux violences pendant la grossesse. Par ailleurs, un excès d’avortements spontanés, de faible poids de naissance, de souffrance fœtale ou de mortinatalité, ainsi que des taux plus élevés de chorio-amniotites, d’infections maternelles et d’hémor- ragies ont été rapportés

[24—26]. Dans notre étude, on notait

une fréquence significativement plus élevée des avorte- ments et des menaces d’accouchement prématuré (

p<

0,0005).

La violence peut aussi exercer un effet indirect sur le résultat de la grossesse en amenant plus souvent les femmes à avoir des comportements qui nuisent à leur santé. C’est le cas du tabagisme, de l’abus d’alcool et de drogues qui ont tous été liés à un faible poids à la naissance

[26—28]. À côté

des répercussions physiques, la violence conjugale dépasse la capacité psychique de la femme à les surmonter

[27,28].

Elle finit par être dans un état d’anxiété intense avec un sentiment d’humiliation, de dévalorisation personnelle, voire de culpabilité. Elle souffre de troubles du sommeil

Tableau 7 Prévalence de la violence conjugale au cours de la grossesse selon la littérature.

Auteurs Pays Échantillon Fréquence (%)

Wijma et al.[1] Royaume-Uni 920 26

Leithner et al.[11] Autriche 424 25,2

Chibber et al.[15] Arabie saoudite 7105 21

Charlotte et Susannah[12] Éthiopie — 77

Akça et al.[27] Turquie 212 13,4

Notre série Maroc 682 18,3

(6)

(insomnie, cauchemars, réveils nocturnes), de troubles de l’alimentation (boulimie plus qu’anorexie), de troubles cognitifs (difficulté de concentration, d’attention et trou- bles de la mémoire), enfin de dépression que l’on retrouve dans plus de 50 % des cas, conduisant parfois à des tentatives de suicide ou des suicides. Notre étude a retrouvé, chez les parturientes ayant subit une violence un risque important de troubles de sommeil et de dépression (

p<

0,0005), de même que le risque de tentative de suicide (

p<

0,002). Certes, notre analyse présentée est uniquement bi-variée. De ce fait, d’autres facteurs (antécédent psychologique des patientes, niveau social plus bas. . .) peuvent interférer.

Ainsi, seule une analyse multi-variée permettrait de répon- dre clairement à cette question. Leithner et al.

[11]

ont étudié les répercussions psychologiques de la violence au cours de la grossesse chez 424 cas dont 29,6 % ont eu une dépression grave. Goodman et al.

[25]

et Weiss et al.

[26]

rapportent dans leur étude une fréquence de la dépression entre 21 à 30 %.

Les prestataires de la santé reproductive sont de plus en plus reconnus comme jouant un rôle actif dans l’identifica- tion, le soutien et l’orientation des victimes de la violence d’un partenaire intime

[29,30]. Ce rôle peut être très impor-

tant, car de nombreuses femmes victimes de cette violence ne s’adressent ni à la police, ni aux organismes de soutien

[29—32].

Dans le monde industrialisé, plusieurs organismes médi- caux professionnels ont orienté les prestataires de santé sur la violence par un partenaire intime

[30—33]. Toutefois, en

Afrique subsaharienne, la discussion du rôle potentiel des prestataires de santé reproductive est à ce jour limitée

[34,35].

Au Maroc, jusqu’à 95 % des femmes bénéficient d’une forme de soins prénatals ou de planning familial

[32—34]. Ce

contact avec les prestataires de santé offre un important créneau d’identification et de soutien des victimes de la violence, d’autant plus que l’implication des prestataires de la santé reproductive peut être particulièrement appro- priée, étant donné les conséquences reproductives de la violence

[34,35].

Malgré les possibilités claires d’intervention des pres- tataires de santé, certaines contraintes, soulevées lors de notre enquête, sont difficiles à confronter dont l’approche privée et confidentielle, indispensable au traitement des femmes victimes de la violence

[36,37]. Les femmes ne

divulgueront vraisemblablement pas leurs expériences si elles ne sont pas sûres que la confidentialité de leurs révélations soit assurée. Les contraintes de temps posent un autre défi. Les prestataires peuvent rarement consacrer beaucoup de temps à une patiente particulière

[38,39].

Il en résulte que, même si une femme divulgue la violence subie, son prestataire n’a pas nécessairement suffisam- ment de temps pour lui apporter une réponse adéquate

[40—42].

Conclusion

Au Maroc, les sévices physiques par le partenaire intime est répandue et s’accompagne de sérieuses complications pour la santé reproductive des femmes. Les prestataires de services de santé reproductive doivent être formés à

l’assistance aux femmes victimes de violences ; des messa- ges clés sur la non acceptabilité de la violence doivent être communiqués aux femmes. Ces dernières doivent recevoir des soins appropriés et être informées des formes de soutien qui leur sont disponibles si elles désirent aller plus loin. Ces prestataires doivent disposer de plus de temps et de res- sources pour pouvoir devenir plus actifs au niveau du conseil, du soutien continu et du dépistage de routine de la violence.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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