ETABLISSEMENT DE LA SPERMATOGENÈSE
CHEZ LE CAMPAGNOL DES CHAMPS (MICROTUS ARVALIS)
EN FONCTION DE LA DURÉE
QUOTIDIENNE D’ÉCLAIREMENT
Lise MARTINET
Monique MEUNIER Laboratoi
y
e de
Physiologie
de laRep y oduction,
Centre national de Recherches
zootechniques, Jouy-en-Josas (Seine-et-Oise)
SOMMAIRE
Le rôle de la durée d’éclairement sur l’établissement de la
spermatogenèse
est étudié chez leCampagnol
deschamps.
Les animaux ont été soumis à quatre
photopériodes
claires constantes de 5 h, 10h, i5 h et 20h par 24h, de la naissance à 70jours.
Les tests utilisés ont été le
poids
des testicules et des vésicules séminales, les réservesépididy-
maires et
l’histologie quantitative
de l’établissement de laspermatogenèse.
Dès le 20e
jour apparaît
une différencesignificative
entre les animaux des lots soumis auxphotopériodes
claireslongues
(15 h et 20 h) d’une part, et ceux soumis auxphotopériodes
clairescourtes
( 5
h et io h) d’autre part.Avec tous les critères utilisés, le
développement
esttoujours plus
faible pour les courtes durées d’éclairement et il n’existe pas derécupération
de la croissance testiculaire avec le temps.Le seuil de durée de la
photopériode
claire au-delà delaquelle
ledéveloppement
sexuel estmaximum se situe vraisemblablement
près
de 15 heures.La durée
quotidienne
d’éclairement est donc un des facteurs déterminant ducycle
saisonnierde
reproduction.
INTRODUCTION
Si dans certains cas, le
Campagnol
deschamps,
Microtus arvalis sereproduit
toute l’année
(en Allemagne,
STEIN r952, z953 ; en Russie MAXIMOV,1948),
ilprésente
en
général
uncycle
saisonnier dereproduction.
Pour les uns le facteur
principal
des variations saisonnières serait lephotopé-
riodisme
(D E L OST , 1955 )
pour les autres ce serait lebiotope (STE IN , z 95 2).
De même les résultats des
expériences
sur le rôle de la lumière sur les fonctions sexuelles ducampagnol
sont assez contradictoires.En faisant varier la durée
journalière
d’éclairement de 15 h à 9h,
BAx>~R etR
ANSON
( 1932 )
ontremarqué
une diminution considérable de lacapacité
de repro-duction de Microtus
ag y estis,
chez la femelle seulement.Cependant
C!,nxx!( 1957 ) reprenant
la mêmeexpérience,
observe que la réduction d’éclairement de 15 h à 6 hpendant
despériodes
de 30 à 72jours pertube
laspermatogenèse.
Aucontraire,
MARS H AL
L et WILKINSON
( 195 6)
n’ont constaté aucune modification de lareproduc-
tion chez Microtus orcadensis
après
une diminutionidentique
de la duréequoti-
dienne
d’éclairement,
si la nourriture est donnée en abondance.Devant ces résultats
contradictoires,
pourconnaître, parmi
les différents fac- teursqui
doivent intervenir dans le déterminisme descycles saisonniers,
l’influence exacte de lalumière,
nous avonsentrepris
une étude de l’influence de la duréequotidienne
d’éclairement sur l’établissement de laspermatogenèse
chez le cam-pagnol lorsque
les animaux sont nourris ad libitum.MATÉRIEL
ETMÉTHODES
A
partir
dejeunes
nés de parents ayant subi auparavant des éclairementsjournaliers
der
5 heures, quatre lots
expérimentaux
ont été constitués et soumisrespectivement
à 5 h, 10h, r5 h h et 20h d’éclairement, de la naissance à 70jours.
Dans chacun des lots
expérimentaux
les animaux ont été abattus àl’âge
de o, 10, 20, 30, 35, 44et 70jours.A
chaque
abattage, les animaux, leurs testicules et leurs vésicules séminales étaient pesés. Les testicules étaient fixés au Bouin Hollande et lesépididymes broyées
suivant latechnique
de Dounce(
1943
)
pour évaluer les réservesépididymaires.
Étude
histologique
Les testicules ont été
coupés
à 7 microns et colorés à l’acidepériodique Schiff-hématoxyline
suivant CLEx!toN’r
(i 957 ).
Les diamètres de toutes les sectionsorthogonales
des tubes séminifèresprésentes sur une coupe ont été mesurés à l’aide d’un micromètre oculaire.
Les numérations des différents types de cellules germinales ont été faites, sur deux ou trois coupes distantes d’au moins 50microns, dans toutes les sections
orthogonales
des tubes se trouvant à unstade donné du
cycle
del’épithélium
séminifère. Ce stade est caractérisé par laprésence
de spermato- gonies A, de spermatocytesprimaires
au stadeleptotène,
de spermatocytesprimaires
au stadepachytène
et despermatides
rondes(stade
IX de CLERMONT, 1957, stade 1 d’OxTnvarrT,r 95 8)·
Le nombre réel de cellules
germinales
est obtenu encorrigeant
le nombre de noyaux observés selon la formule d’ABERCROMBlE( 194 6).
Le nombre total d’une
catégorie
de cellulesgerminales présentes
dans le testicule a été déter-miné à
partir
d’une formule modifiée de celle d’AMnrrrr( 19 6 2 ).
Volume testiculaire X nbre d’une catégorie de cellules
germinales
par section de tube_
X p. 100 sections de tubes au stade étudié
n =
Surface section tubes X
épaisseur
sectionNous n’avons pas tenu compte de la rétraction
histologique,
admettantqu’elle
devait êtreidentique
pour tous les testicules ; nous comptons en fait un nombreproportionnel
au nombre exact ;ce calcul permet
uniquement
d’effectuer descomparaisons
entre traitements.Étude
statistique
Dans les différents lots la
comparaison
de la croissancepondérale
du testicule a été réalisée par desanalyses
de covariance.Des
analyses
de variances comportant unerégression
ontpermis
d’étudier les variations du nombre total de cellulesgerminales
en fonction de la durée d’éclairement et en fonction del’âge.
RÉSULTATS
La durée de la
photopériode
claire ne semble pas modifier la croissancegénérale
du
campagnol.
Parconséquent
les variations observées dans lesglandes génitales
ne sont pas dues à des modifications du
poids
du corps(tabl. i).
A)
Résultats concernant la croissancepondérale
des testicules de 0 à 70jours
Ceux-ci sont
consignés
dans le tableau i et legraphique
i.Si,
à 10jours,
aucunedifférence n’existe d’un lot à
l’autre,
àpartir
de 20jours
une différence hautementsignificative (P
<o,or) apparaît
entre les animauxdes 4 lots,
la croissance étantplus
lente enphotopériode
courtequ’en photopériode longue.
Entre le 3oe et le 35e
jour, exception
faite des animaux recevant 20 heures delumière
par our,
on observe un arrêt ou un ralentissement de la croissanceparticulière
ment net chez les animaux soumis à une
photopériode
clairede h ;
au contraireentre 35et
44 jours
seproduit
une intenserécupération
de la croissance chez ces mâles.En outre pour chacun des lots le niveau atteint à 44
jours, quelle
que soit laphotopériode,
ne subitpratiquement plus
de variationsjusqu’à
70jours.
Ainsi on obtient deux niveaux de
réponse :
les animaux soumis à desphotopé-
riodes
quotidiennes
claires de 15 h à 20 h ont une croissance testiculaireplus rapide
que ceux soumis à des
photopériodes
claires de 5 h et io h.B)
Croissance des vésicules séminalesElle subit les mêmes variations que celle des testicules
(tabl.
i,graph 2).
Chez lecampagnol
deschamps,
elle commence au 2!!’jour
environ.C)
Réservesépitlidymaires
Les résultats
rapportés
dans le tableau 2 montrent à 35jours
un retard dansl’apparition
desspermatozoïdes
dansl’épididyme
des animaux soumis à des courtesdurées d’éclairement : le
pourcentage
d’animauxpossédant
des réservesspermatiques
est
plus
faible pour lesphotopériodes
claires courtes que pour leslongues.
A 44 et7
o
jours
lesréserves,
chez les animaux des lots àphotopériodes
claires courtes( 5
het io
h),
sont très inférieures à celles des animaux des lots àphotopériodes
claireslongues ( 15
h et 20h).
Cependant
lesspermatozoïdes
de ces animaux sontqualitativement
fécondants : les mâles ont été testés paraccouplement
avec des femelles de fertilité connue(tabl. z) .
Les résultats concernant les réserves
spermatiques
sont donccomparables
àceux obtenus avec les
poids
des testicules mais sont décalés dans letemps. L’augmen-
tation
importante
de ces réserves entre qq. et 70jours,
alors que celle dupoids
testi-culaire est
faible, s’explique
par la durée desphénomènes spermatogénétiques
et dutransit
épididymaire.
D) Étude histologique
del’épithélium séminifère
Chez le
Campagnol,
lachronologie
de l’établissement de laspermatogenèse
estla suivante : vers 7
jours,
lesgonocytes migrent
contre la membrane du tube sémi-nifère ;
à iojours
lesgonocytes
ontdisparu,
on trouve desspermatogonies A ;
à12
jours apparaissent
desspermatocytes
au stadeleptotène
de laprophase
méïo-tique ;
à 16jours
deuxgénérations
despermatocytes
i sontvisibles ;
d’autrepart
les cellules de soutien ressemblent à des cellules de Sertoli. Vers 2o
jours
les sperma-tides apparaissent ; l’élongation des
noyauxspermatiques
se fait entre 25 et 30jours.
A 35
jours
on trouve lespremiers spermatozoïdes
dansl’épididyme.
Le
cycle
del’épithélium
séminifère a pu être divisé en huit stadesqui
corres-pondent
en gros à ceux décrits par OR1’AVANT. Le stade pourlequel
nous avons faitl’étude
quantitative
des différentescatégories
de cellulesgerminales représente y
,8
p. 100 de l’ensemble des huit stades(MARTINET).
L’étude
histologique
effectuée sur les animaux abattus à 0,20, 30, 35, 44 et 70jours
apermis d’analyser
les résultats obtenus sur lespoids
testiculaires et les réservesépididymaires (tabl. 3 ).
On constate en effet une diminution du nombre total de
chaque catégorie
decellules
germinales quand
on passe des lots àlongue
durée d’éclairement( 15
h et20
h)
aux lots à faible durée d’éclairement.Il existe en outre au cours de la
prophase méïotique
une décroissance de laproportion
desspermatocytes
au stadepachytène
parrapport
auxspermatocytes
au stade
leptotène quand
la durée d’éclairementquotidien
est courte( 5
h et ioh)
Nous retrouvons donc l’existence d’une
phase critique
au stadezygotène
de laprophase méotique déjà
observée par Ct,!RUtoNT er MoRG!N2Het,!ER(r955)
chezle rat
hypophysectomisé
et par ORTAVANT( 195 6)
chez le bélier soumis à delongues photopériodes
claires.Le nombre total de cellules
germinales
au stadeleptotène
de laprophase
méïo-tique, présentes
dans les tubes au stadeétudié,
a été calculé(tabl 4 ).
L’analyse statistique
de ces donnéespermet
de conclure que la variation de la durée d’éclairement de 5 h à 20h par 24hproduit
un effetsignificatif :
de 20à35
jours,
larégression
est linéaire en fonction del’augmentation
de lapériode
claire.A 44 et 70
jours,
il existe une différence trèssignificative
entre les lots soumis auxphotopériodes
claires courtes et auxphotopériodes
claireslongues,
mais laréponse
n’est
plus
linéaire.En outre, le nombre total de cellules
germinales
varie linéairement en fonction del’âge
de o à 44jours
et pour une même durée d’éclairement.Après
44jours
iln’y
a
plus d’augmentation
du nombre total de cellulesgerminales quel
que soit le niveau atteint sauf pour le lot recevant 15 h de lumière par 24 heures.DISCUSSION
Nos résultats nous
permettent
de conclure que :La durée d’éclairement a effectivement une action sur l’établissement de la
spermatogenèse
chez leCampagnol.
Eneffet,
aussi bien lespoids
testiculaires que les réservesspermatiques
et l’étudehistologique
del’épithélium
séminifère ont mon-tré que les courtes durées d’éclairement ont une action freinatrice sur la
spermato- genèse.
La durée de laphotopériode, qui permet
undéveloppement maximum,
semblese situer au
voisinage
de r5heures ;
iln’y
a pas d’amélioration au-dessus de r5 heures ni dedégradation supplémentaires
en dessous de ioheures,
dans les limites del’expé-
rience.
Cependant
même avec des duréesquotidiennes
d’éclairement aussi courtes que 5heures,
l’établissement de laspermatogenèse
n’est pascomplètement
aboli.Le nombre total de cellules
germinales
esttoujours plus
faible chez les animaux des lots soumis à desphotopériodes
claires de 5 h et io h que chez les animaux des lots z5 h et 20h,
au moinsjusqu’à
70jours.
D’autre
part,
il semble que le nombre delignées germinales
mises en route nesoit pas maximum dès le début. En effet on observe une
augmentation régulière
dunombre total de cellules
germinales
entre 20et 44jours.
Le nombre de
lignées germinales
serait définitivement influencé par la durée de laphotopériode
àlaquelle
l’animal est soumispendant
laphase
d’établissement de laspermatogenèse.
Enfin cette
expérience
nous apermis
de constater que l’effet défavorable desphotopériodes
courtes se manifestait à des stadescritiques déjà
observés par d’autres auteurs : l’étudehistologique
a en effet montré une diminution du nombre des cellulesgerminales
entre les stadesleptotène
etpachytène
de laprophase méiotique ;
l’arrêtde la croissance testiculaire entre 30 et 35
jours pourrait
être laconséquence
de ladifficulté d’établissement de la
phase d’allongement
desspermatides.
Le stade zygo- tène de laprophase méïotique
etl’allongement
desspermatides
étant des momentscritiques
chez l’animalhypophysectomisé,
l’influence de la durée d’éclairement doitse
produire
au niveau del’hypophyse.
Si la durée
quotidienne
d’éclairement n’est pas le seul facteur enjeu
dans ledéterminisme du
cycle
saisonnier chez lecampagnol
deschamps,
elle yjoue
cepen- dant un rôleimportant
pourrégler
l’établissement de laspermatogenèse.
Cette étude n’a
porté
que sur la duréequotidienne d’éclairement,
elle doit êtrecomplétée
par le rôle de l’intensité lumineuse sur laspermatogenèse.
D’autrepart
la lumière n’étant pas le seul facteurlimitant,
il fautenvisager
son interaction avecd’autres facteurs comme
l’alimentation,
ou le milieu.Reçu
pourpublicatiou
enseptembre
1963.SUMMARY
DEVELOPMENT OF SPERMATOGENESIS IN THE FIELD VOLE
(MICROTUS ARVALIS)
AS A FUNCTION OF THE DAILY LIGHT DURATION
The role of
light
duration in thedevelopment
ofspermatogenesis
has been studied on the fieldvole.
The animals were
subjected
to 4 illuminationsperiod of 5 hours,
10 hours, 15hours, and 20hours out of 24hours, from birth to 70
days.
The parameters used were the
weight
of the testicles and the seminal vesicles, theepididymous
reserves and the
quantitative histology
of thedevelopment
ofspermatogenesis.
From the 2oth
day
thereappeared
asignificant
difference between the animals of the groupssubjected
tolong
illuminationperiods ( 15
and 20hours)
and thosesubjected
to short illuminationperiods ( 5
and 10hours).
For all the parametersused, development
wasalways
weaker with shortlight
duration and there was no recovery of testiculargrowth
with time. The threshold of the dura- tion of illuminationperiod beyond
which sexualdevelopment
is maximum isprobably
situated near1
hours.
The
daily light
duration is therefore one of thelimiting
factors which determine the seasonalcycle
ofreproduction.
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