MANDEMENT
DE M. L’ARCHEVÊQUE DE BESANCON,
Au sujet de la nouvelle conspiration tramée par
lesennemis de la France
,contre les
jours du premier Consul
.Claude LECOZ, par
laGrâce de Dieu
et l’autorité du Saint Siège apostolique.
Archevêque de Besançon
,A tous
lesFidèles de notre Diocèse
,Salut
et Bénédiction.
ü coûtez mes
très-chers frères et frémissez d’hor- reur :ou
plutôt rendez de nouvelles actions de grâcesau Dieu
qui veille sur notre patrieî Samain
protec- trice vient encore de dévoilerun
crimeaffreux,d’arrêterUmARY
( 2 )
un complot
infernal : à quels dangers nous avons été exposés! à quels malheurs nous avons presque touché!Mais que
peuttoute la malicedeshommes
contre ceuxque vous
daignez, Seigneur, protéger? SiDe
us pro flobis, quis contrà nos( i
)/
Qu’il est vrai,
M. T.
C. F., mais aussi qu’il est effrayant cet oracledu
sage!Le
principe de toutpèche c'est L'orgueily quiconque s'y livre, sera rempli de malédictions, ettôt ou tard, ily
trouvera sa ruine(z
).Des hommes
nés sur le sol français, deshommes
à qui long-temps nouspayâmes un
tribut d’éloges et d’admiration, ontdonné
dans leurcœur
accèsau démon
de l’orgueil; et bientôt ils ont eu oublié leur dignité, leur réputation, leur gloirej ils se sont asso- ciés àdes brigands, à des meurtriers; ils se sontvendus
àune
nation parjure, en horreur, par ses crimes, à toute l’Europej ils sont descendus jusqu’au rôle infâmede
sicairesj ils ontconçu ou
adopté l’horrible pensée d’assassiner leur patrie , en assassinant son premier Magistrat, de livrer les Français, leurs concitoyens, leurs frères à toutes les horreurs de la guerre la plus impie et la plus désastreuse!O
aveuglement! ô crime!ô
opprobre!malheureux
! s’il et vrai, ceque
l’on a cru dans tous les temps, s’il est vrai qu’un grand crime a toujours été précédé de quelques autres crimes (3 ).Par quel forfait
donc
vous étiez-vous préparés à ce forfait exécrable?Quoi!
vous n’avezpu
être arrêtés ni par les cris de votre conscience , ni par les tonnerresde
votre religion, ni par le déluge de crimes et demaux
dont votre action atroce ne pouvoitmanquer
d’êtresuivie!
Vous
vouliezpoignarderle premier Consul!Eh!
quel motif,même
à vosyeux,
pouvoitvous
exciter( I ) Roman. 8-31.
( 1 ) Initium omnis peccati est superlia; qui tenuerit illam ,
adimp’.ebitur maledictis, et subvertet eum in finem, Ecclesi. x-l$.
( 3 )
Nemo
repentefitpessimus.( 3 )
àcetattentat,à ce sacrilège?
Votre
repos étoit-iltroublé par le bruit desarenommée
, par l’éclat de sa gloire?Un
tel sentiment fit jadis d’ua jeunegrec,non un
vilassassin, mais
un
héros sublime: votrebonheur
étoit-il
empoisonné
par lebonheur que
Bonaparte répand sur toutela France, je diroisvolontiers sur toute l’Europe?La
sagessePla
modération, lamagnanimité
dece héros législateur avoient-elles introduit dans voscœurs
les serpensdelajalousie,lesfureursd’une aveugle vengeance?O vous que
la ci-devant Bretagne s’honora long-temps d’avoirvu
naître dans son sein ; quelle honte , quel deuilvous
allez répandre sur des contréesoù
l’on croyoit à votre loyauté franche, à votre patriotisme incorrup- tibleRappelez-vous un
illustre compatriote:descendu
d’un poste brillant, soldat obscur,confondu
avec les bravesque
naguères il conduisoit à la victoire, avec quelle noble gaieté ilmarche
encore contreles ennemis de laRépublique
!O
premier grenadier desarmées
françaises
,
que
tonexemple
n’a-t-il été suivi parun
militaire dont le berceaqfutplacé
non
loindu
tien, parun
militaire àqui tu accordas ton estime etton amitié, parun
général à quinous
croyions l’aimable droiturede
toname
, et la sublime modestie de ton caractère?O mon Dieu
, nous seroh>il permis de douter encore de son crimeet de son déshonneut!Ah!
plûtau
Cielque
cet attentatque
luiimpute
l’autorité la plus respectable, etqui déjà le désigne au glaive de la loi^
ne fût qu’une de ces profondes de ces odieuses trames avec lesquelles la calomnie est quelquefois parvenue à tromper la religion
du
jugeleplusclairvoyant,du
magis-trat' le plus incorruptible!
Pardonnez, M. T.
C.F.,
cemouvement
de sensi- bilité: hélas, ne l’éprouvez-vous
pasvous-mêmes
?La
liste dés conspirateurs présente
un nom
qui appartient aussi à ces contrées,un nom
qui figura long-temps avec gloire parmi lesnoms
des premiers défenseursde notre patrieîComment
ce militaire a-t-ilpu
oublier9A %
C 4 )
et les témoignages d’estime
que
vousluiprodiguâtes, et le rangque
larenommée
luiassignoit parmi les héros de laRepublique
?Comment
a-t-ilpu
sacrifier sacons- cience et sonhonneur aux
insinuations perfides, à l’or corrupteur d’une nation signalée à toute l’Europepour
sa révoltante déloyauté ? Par quelle étrangemétamor-
phose, d’intrépide défenseur de ses frères, a-t-ilvoulu
endevenir l’horrible bourreau? Par quelle illusion, par quel aveuglementa-t-ilpu
consentir à ceque
sonnom,
jadissibeau,fûtaccolé à des
noms
debrigands,d’assassins, d’empoisonneursiO
orgueil! ô ambitionî voilàdonc
l’abîmeoù
vous conduisez ceux qui ont lemalheur
d’écouter vos conseils ! ô brillante, ô valeureuse jeunesse, quimarchez
dans la carrière qu’il parcourut d’un pas si rapide, quelle terrible leçon pourvous!
Ah
! gardez-vous de mépriser la voix d’une religion divine, qui peut seule bien diriger les sentimensdu
guerrier
comme
ceuxdu
solitaire ! d’unereligionquinous
crie à tous
que
notre patrie est notremère; que,
fût- elle unemère
ingrate, il nenous
estjamaispermis de de- venir des fils rebelles et dénaturés,*que
notre devoir estdelui sacrifier nos ressentimens,nos intérêts, notre vie, et de ne jamais la trahir.Permettez-moi
devous
rappelerl’exemple d’un digne élève deTurenne
et deCondé. Déchu
de son rang de générai par des intrigues criminelles, il ne semontra
^ue
plus grandaux yeux
de ceux quipenseient à l’op- primer : « Je tâche, disoit-il, d’oublierma
disgrâce,»
pour avoir l’esprit plus libre (4) dans l’exécution» des ordres
que mon nouveau
supérieurme donne
:» je
me
mettrai jusqu’aucou
pour l’aider: lesméchans
»
seroient outrés,s’ilssavoientjusqu’où vamon
intérieur»
àcesujet, o Glorieux défenseursdenotrepatrie,voilà des sentimens français; voilà des sentimens chrétiens; voilà le langagedu
véritable héros !(4)
Le Maréchal Catinat.C 5 )
Généreux
bretons, généreux comtois, le crime quinous
fait baisser lesyeux
et verser des larmes d’amer-tume
, vous impose àvous une
obligation nouvelle,
c’estdemarcher avec plus d’ardeur, avec plus d’intré- pidité contre
une
nation à qui seule nous devons imputer cettedéshonorante séduction,et lapremière pensée decette attentat horrible qui alloit replonger toute laFrance,
peut-être toute l’Europe,dans des malheursplus affreux encoreque
ceux dont l’admirable sagesse de Bonaparte les a délivrées. C’est ici lecomble
de la bassesse,de
la noirceur, de la scélératesse
du
Ministère anglais:souffler le poisonet l’assassinatcontrelechefd’unenation dontila
provoqué
lajuste vengeance;contreun homme
dont il doit
lui-même
admirer la prudence, l’activité, le zèlepour
le maintien de la paix générale, etpour
le
bonheur
de tous les peuples !O
lâcheté ! ô crimedont ne
nous
offrent point d’exemple les annalesmême
despeuples idolâtres,
même
des peupleslesplus barbares!Un
général d’Athènes parleau
peuple de cetteRé-
publique, d’unmoyen
qu’il aconçu pour
étoufferen un
instant la guerre qu’ils ont sur les bras, et anéantirpour
toujours, les ressources d’une puissanceennemie:
mais ce
moyen demande
le secret: avant de l’adopter les Athéniens veulent savoir de quelle nature il est; et ilsnomment
le plushomme
de bien d’entr’eux,pour
l’examiner et leurrendrecompte
: ils’agissoitde brûler la flottedesGrecs
qui étoitdansun
port voisin, etde
rendre par cemoyen Athènes
maîtresse de toute la Grèce.Après
avoir entendu ledéveloppement du
projet desmoyens
del’exécuter,Aristideretourne à l’assemblée, et lui déclareque
rien en effet se pouvoir être plus utileque
leprojetde Thémistocle, maisque
rien aussi n’étoit plus injuste.A
cemot,
toutlepeuple,d’unecommune
voix, repousse le projet, et défend à Thémistocle d’y jamais songer.Peuple
du
i9esiècle,peuple d’Angleterre, quivous
ditesmagnanime
, qui
vous
ditesmême
chré- tien, yoilàles sentimens d’un peupleancien, d’un peupleC6)
payen : il rejette avec
une
noble indignationune
ruse perfide, qui ne tendoit qu’à brûler les vaisseaux
de
ses ennemis; et vous, vous souffrez qu’en votrenom on
organiseun
systèmed’empoisonnement
et d’assassinat contrele chef auguste d’unenation,quine vous
demande que
la fidèleexécution d’un traitéque
vous avezs®len- nelîement juré d’observer! Sont-ce là vos
moyens
de prospérité et de domination? Est-cedonc
par les plus lâches, par les plus intamesforfaitsque
vous prétendez élever votre gloire nationale? rougissez, et tremblez!le
Dieu
qui jugeles crimesdes individus, juge aussi les crimes des peuples.La
justice, dit le sage, fait fleurir lesnations, maisl’iniquitélesplongedanslemalheur(5).
Ï1 approche ce
moment où
la toile fatale dont parle le Prophète, cette toile
que
le Seigneur a ourdie sur toutes les nations de la terre, disparoîtra de dessus votre île, et alors avec quelle horreurou
verra sur quel entasse-ment
denoirceurs,de pefidies, d’iniquités, devexations, de brigandages et de ruines portoit le colossede votre domination; alorsl’Angedu
Seigneur crieraaux
peuples étonnés : elle est tombée, elle est tombée cette grandeBabylone
, qui faisoic boire à toutes les nations le fiel
de son orgueil: alors vospleurs, vos
gémissemens,
votre désespoir vengeront les peuples de votre politique inhu-maine
, de tous ces abominablesmoyens que
vous in- ventâtes, pour les opprimer, pour les forcer de con- courir à l’édifice
monstrueux
de votre opulence'et de votre grandeur.Pour nous, M. T.
C.F.,
adorons, bénissons leDieu
de miséricorde, qui,tant defoiset d’une manière
si admirable, a déjoué les complots, a écarté les poignards dirigés contre
l'homme
de sa droite, et qui vient encore, dans ces jours, de manifester sur luiune
protection si spéciale et si paternelle.Que
ne nous (S) Justitia. elevatgentem\,miserasautemfacit populos peceatum.Proverb, 14
C 7 )
est-il
donné
de nous trouver entre lui et ceshommes
forcenés qui n’en veulent à ses jours
que
parce qu’ils en veulent à notrebonheur
îQui
de nous ne se juge- roit heureux de pouvoir, au prix de tout sonsang,
conserver à la France son bienfaisant , son illustre libérateur ?Du moins
par nos prières réunies et cons- tantes , formons autour de luiune
enceinte sacrée!conjurons le Seigneur de l’environner de ses anges protecteurs, de frapper d’aveuglement les impies qui oseraient attenter à sa personne auguste, d’éclairer son esprit, de diriger ses projets, de veiller sur sa santé,
de
maintenir ses forces, de lui conserver leshommes
sages et vertueux
que
la loi lui associe,ou
dont il s’estlui-même
entouré, de lui faire enfin goûterune
partie
du bonheur
qu’il ne cesse de répandre autourde
lui.Pour nous
perdre, les agens de l’Angleterre eussentVoulu nous
diviser.Que
n’ont-ils pas fait poury
par- venirJ Quellesmanœuvres
sur-tout n’ont-ils pasem-
ployéespour
faired’une religion de paixun
instrumentde
discorde? ôtons-leur jusqu’à leur dernière espérance, en étouffantau
milieu denous
jusqu’au derniergerme de
divisionreligieuse. Prêtresdu
Seigneur, c’estsur-tout àvous
d’opérer ce bien; et leGouvernement
l’attendde
vous;dans
cemoment
, c*estaux
ministres de la religion àéclairer les citoyenspar
leurs instructions,à
Lesanimerpar
leur pèle, à leurfaire sentir plusque jamais
cequ'ils doivent de reconnnoissance, d'attache-ment
etd'amour
àun Gouvernement
jestdurateur du.culte,protecteur de touslesgenres de bien
, etréparateur de tous les
maux
qui ont si long - temps affligé LaFrance
( 6 ).A
ces causes, le présentmandement
sera lu dans"toutes les églises de notre diocèse, le
dimanche
quien
suivra la réception, et ily
sera chantéun le Deum
(6) LettreduMinistre descultes du27pluviwse dernier.
C 8 )
pour
remercierDieu du nouveau
témoignage deprotec- tion particulière qu’il vient d’accorder au premierConsul
et à tout leGouvernement
de la République.Nous
invitons tous les prêtres et tous les fidèles à prier tous lesjours, spécialement pourle premierConsul
sur qui reposent en cemoment
, la tranquillité de l’église, lebonheur
de la France, et la paix de toute l’Europe.Donné! Besançon,
mercredi 2 ventôse anXII, [22
février 1804).